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AVIS
Aqua Domitia et envirronnement
Ajouté par Geneviève FOURNIL, COMITE ECONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL DE L'AUDE (CARCASSONNE), 07/11/2011
COMITE ECONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL DE L’AUDE (CESE)

Objet : Avis sur le projet « AQUA DOMITIA »

La sécurisation des ressources en eau est un des enjeux majeurs des décennies à venir. Sous la double pression démographique et climatique elle impose à tous, responsables politiques ou professionnels d’envisager des moyens destinés à pérenniser son approvisionnement. Le pourtour méditerranéen, est, par sa faible pluviométrie, un des espaces déjà sensibilisé à cette problématique à laquelle n’échappe pas notre département surtout dans sa partie orientale.

Si la valeur moyenne des précipitations est d’environ 800 mm sur le département, les disparités sont importantes entre zones de montagne, plaine lauragaise et littoral. Ainsi sur les Corbières maritimes ce niveau chute parfois en dessous de 400 mm, dont une partie importante lors de violents orages. Ces paramètres doivent nous inciter à mettre en place des politiques de maîtrise rigoureuse pour la préservation de ce bien précieux.

La compagnie du Bas Rhône Languedoc, société d’économie mixte à majorité des collectivités régionales Languedoc-Roussillon et départementales du Gard, de l’Hérault et de l’Aude, se propose de relever ce défi. Le projet ambitieux, pour un montant initial de 140 millions € envisage d’amener l’eau du Rhône jusqu’aux espaces et communautés de notre territoire en danger de pénurie…

Le CESE réuni le 30 septembre 2011, souhaite soumettre dans le cadre du débat public quelques réflexions et propositions.

1/ Gestion attentive et parcimonieuse

L’évolution déjà évoquée, doit nous conduire à mettre en place tous les moyens destinés à éviter les utilisations inutiles, ainsi que les gaspillages. Le niveau des pertes en ligne est très important et se doit d’être réduit à son minimum possible, ce qui limitera d’autant le prélèvement. Les modifications comportementales en matière d’habitat qui ont déserté le cœur des villages pour des zones à constructions très dispersées, augmentent les longueurs des liaisons et ses aléas subséquents.
Afin de respecter la cohérence entre la politique de l’eau et la politique d’aménagement du territoire, il est nécessaire de se rapprocher des élus municipaux pour harmoniser les développements à venir, dans une vision économe de l’espace réduisant les risques accrus de pertes. Les besoins des nouvelles populations locales doivent s’infléchir vers des pratiques responsables de l’usage de l’eau et ne doivent pas favoriser des dérives somptuaires contestables telles la réalisation de golfs avides d’humidité.

En matière d’irrigation agricole, un bilan de l’utilisation de l’existant doit permettre de moduler de façon réaliste et utile l’implantation des bornes d’arrosage de façon à ne pas déséquilibrer l’économie actuelle. L’occasion sera donnée de développer des productions de proximité comme le maraîchage. Le retour à une agriculture respectueuse de l’environnement, en phase avec les biotopes méditerranéens est à privilégier, ce qui doit nous faire rejeter les implantations de variétés végétales trop gourmandes en eau, et favoriser l’agriculture biologique et les circuits courts. Les visions productivistes ne doivent pas se glisser opportunément dans le projet et replonger la viticulture dans les affres meurtrières de la surproduction.

Les dernières années ont démontré la vulnérabilité qualitative et quantitative de notre vignoble face à la sècheresse. La bonne gestion de l’eau et donc de l’irrigation est une des conditions de la pérennité des vignobles et donc de l’avenir économique de la viticulture audoise
La région et le département s’étaient orientés dans les années 80-90 vers des segments de production qualitatifs en installant un matériel végétal (clones et porte-greffes) moins productif et plus qualitatif quels que soient les segments : vins de table au profil aromatique, vins de pays avec leur spécificité aromatique correspondant aux attentes du consommateur ou AOC alliant concentration et expression des terroirs.
Pour garantir la plus grande rentabilité à ces productions dans le marché mondial, et afin d’être compétitif vis-à-vis des autres pays producteurs, il faut pouvoir garantir à notre production un même niveau de qualité et de rendement et assurer la stabilité de la production.
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La réflexion engagée vers l’usage maîtrisé d’une ressource en eau doit être adossée à une réflexion économique afin d’en assurer la rentabilité du fait des investissements sur les exploitations et de son coût d’utilisation.

De plus, il est indispensable d’accorder attention à la possibilité de fournir l’eau sur les zones des Corbières et du Minervois, car face a l’arrachage intempestif des vignobles de ces contrées va se poser très rapidement la question d’une agriculture alternative qui nécessitera surement la présence et l’utilisation de bornes d’arrosage à proximité. L’exploitation des ressources locales dans les importantes réserves souterraines du karst devra être étudiée et réalisée.

Le CESE s’inquiète d’une éventuelle utilisation de l’eau pour l’extraction des gaz de schistes par fracturation hydraulique.

2/ Qualité de l’eau brute

La ressource en eau disponible actuellement sur notre département, que ce soit pour la consommation humaine comme celle des espaces de pêches ou agricoles, est de qualité acceptable et, à l’exception de problèmes ponctuels sans gravité, sans risque pour la santé et l’environnement. La présence de PCB dans le Rhône, bien au-delà des seuils admissibles, ne peut que nous interroger et inquiéter, même si BRL se veut rassurant. Avec sa durée de vie de plus de 2000 ans, ces perturbateurs endocriniens sont bioaccumulables dans les tissus graisseux, et sont potentiellement cancérigènes. Face à ce risque, il est indispensable d’exiger une garantie sur la qualité constante de l’eau, dès le lieu de prélèvement, ou en tout cas avant toute distribution conformément aux dispositifs mis en place par BRL, et doublé de contrôles d’organismes extérieurs. Nous insisterons sur le fait que les PCB ne se dépolluent pas, et qu’il faut donc exiger des mesures pour éviter qu’ils ne se retrouvent dans les eaux à distribuer ; même si le ministère de l’agriculture considère que le risque est minime pour l’agriculture irriguée, nous demandons la reprise du plan de surveillance sur les végétaux issus des sols irrigués ou inondables, qui avait été abandonné en 2010 au vu des résultats conformes.

La présence en amont du canal de dérivation de centrales nucléaires, utilisant l’eau du Rhône comme réfrigérant ne peut qu’inquiéter en l’absence de tout moyen de protection et nous interpelle sur les moyens de détection de la radioactivité..

Pour rappel il est intéressant de noter que la population de pécheurs en Languedoc Roussillon n’est pas négligeable et se répartit comme suit :
Pèche de loisirs maritimes : 750 000 pratiquants (dont 10% d’autochtones)
Pèche en eau douce : 35 000 sur 4 départements
Pèche professionnelle maritime :2000 professionnels

Ce projet ne doit pas impacter la vie quotidienne du consommateur par une augmentation du prix du m3 qui a terme pourrait financer les infrastructures du projet, si les ventes prévues par BRL se révélaient inférieures aux prévisions .De même, la politique d’incitation a ne pas gaspiller l’eau ne doit pas être un prétexte pour augmenter le prix de l’eau.

Et après ?

Ce projet devrait prévoir comment la gestion de l’eau sera faite au terminal, car il faudra mettre en place une distribution rigoureuse qui n’a de sens que si elle correspond aux attentes des utilisateurs potentiels :
-Quels seront les opérateurs (privés, publics)
-comment et avec quelle priorité sera distribué l’eau ? au prorata de la population ?, de la qualité des utilisateurs ?
-qui sera l’organe décisionnel ? Qui va décider ?
-quelle sera la charge d’investissement et de fonctionnement ? et comment se répartira l’investissement entre les bénéficiaires et les opérateurs ?
-Comment sera organisé le schéma des réseaux de distribution de l’eau, et par qui ?
Autant de questions qui se posent, qui ne relèvent pas de BRL pour le moment mais qu’il faudra bien aborder ensuite.


Pour conclure, nous voyons ce projet AQUA DOMITIA comme n’ayant pas vocation a couvrir l’ensemble des besoins identifiés en priorité, mais à compléter les ressources existantes une fois les économies d’eau possibles réalisées.

A l’heure où les problèmes de qualité environnementale, liée aux contractions budgétaires deviennent prégnants, le projet « Aqua Domitia » doit veiller à renforcer l’existant des ressources en eau, sans perturber les délicats équilibres entre développement, respect des milieux naturels et de la santé des populations.



Le COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL DE L’AUDE

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