Réunions

< RETOUR

QUESTION 617 -
Posée par Danielle BILLY, le 03/12/2013

Question posée dans le cahier d'acteurs de Mme Danielle BILLY : Combien de m3 pourront pénétrer dans le stockage quand il y aura 4 puits d’accès, les cheminées de ventilation et les deux descenderies ? Qu’est-ce qui garantira alors la sûreté du stockage ? Pouvez-vous garantir que ce milieu géologique aura la capacité à lui tout seul de maintenir la quantité phénoménale de radioactivité qui sera stockée ? En quoi l’argilite peut-elle être considérée comme un matériau idéal pour constituer un « coffre-fort géologique » ? Quelle est la capacité de l’argilite à confiner cette radioactivité ? Que devient l’argilite poreuse si de l’eau pénètre dans les galeries et les alvéoles ? Comment ne pas avoir peur des séismes ? Comment zapper ces séismes, si proches dans le temps ? Comment faire davantage confiance en la géologie qu’en l’Homme ? Qui sont les géologues qui pensent qu’on peut enfouir ? Il existe bien un principe de précaution qui est écrit dans la constitution, pourquoi ne pas l’appliquer ? Comment est-on assuré qu’aucun séisme, aucune fracturation géologique ne pourrait survenir, quoiqu’en dise l’Andra, qui briserait la barrière de protection ? Qui peut prédire que l’eau souterraine ne s’infiltrera pas, disséminant les radionucléides migrant dans la roche, le long des failles terrestres ?

Réponse du 28/01/2014,

Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage : 
 
Concernant l’arrivée d’eau dans Cigéo 
 
Si le stockage est autorisé, des puits et des descenderies seront nécessaires pour relier les installations de surface et l’installation souterraine (flux de personnel, transfert des hottes de protection contenant les colis de déchets, ventilation, flux liés aux travaux…). De nombreuses mesures seront prises pour limiter les arrivées d’eau dans l’installation souterraine par ces liaisons. Les têtes de puits et de descenderies seront protégées contre les intempéries. Les puits et les descenderies seront étanchés au niveau des couches de roche aquifères traversées au-dessus de la couche d’argilite. Les eaux issues des couches de roche supérieures seront drainées et pompées jusqu’à la surface. Compte tenu de la faible productivité de ces roches, les débits collectés seront très faibles par comparaison à certains sites miniers. A titre indicatif, le débit drainé par chacun des puits du Laboratoire souterrain est de l’ordre de 10 mètres cubes par jour en moyenne.
 
Concernant la possibilité de construire un stockage sûr dans l’argilite de Meuse Haute-Marne
 
Les recherches menées depuis 1994 sur le site étudié en Meuse/Haute-Marne ont permis aux scientifiques de reconstituer de manière détaillée son histoire géologique, depuis plus de 150 millions d’années. Le site étudié se situe dans la partie Est du bassin de Paris qui constitue un domaine géologiquement simple, avec une succession de couches de calcaires, de marnes et de roches argileuses qui se sont déposées dans d’anciens océans. Les couches de terrain ont une géométrie simple et régulière. Cette zone géologique est stable et caractérisée par une très faible sismicité. La couche argileuse étudiée pour l’implantation éventuelle du stockage, qui s’est déposée il y a environ 155 millions d’années, est homogène sur une grande surface et son épaisseur est importante (plus de 130 mètres).
Aucune faille affectant cette couche n’a été mise en évidence sur la zone étudiée.
 
Cette analyse s’appuie sur des investigations géologiques approfondies : plus de 40 forages profonds ont été réalisés, complétés par l’analyse de plus de 300 kilomètres de géophysique 2D et de 35 km² de géophysique 3D. Environ 50 000 échantillons de roche ont été prélevés.
 
La roche argileuse a une perméabilité très faible, ce qui limite fortement les circulations d’eau à travers la couche et s’oppose au transport éventuel des radionucléides par convection (c’est-à-dire par l’entraînement de l’eau en mouvement). Cette très faible perméabilité s’explique par la nature argileuse, la finesse et le très petit rayon des pores de la roche (inférieur à 1/10 de micron). L’observation de la distribution dans la couche d’argile des éléments les plus mobiles comme le chlore ou l’hélium confirme qu’ils se déplacent majoritairement par diffusion et non par convection. Cette « expérimentation », à l’œuvre depuis des millions d’années, confirme que le transport des éléments chimiques se fait très lentement (plusieurs centaines de milliers d’années pour traverser la couche). Les études menées par l’Andra ont montré que l’impact du stockage serait nettement inférieur à celui de la radioactivité naturelle à l’échelle du million d’années.
 
L’ensemble de ces travaux font l’objet de publications dans des revues à comités de lecture (50 à 70 publications scientifiques internationales par an depuis 10 ans) et sont évalués par des instances indépendantes, en particulier la Commission nationale d’évaluation, mise en place par le Parlement, et l’Autorité de sûreté nucléaire qui s’appuie sur l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Les grands dossiers scientifiques et techniques que l’Andra remet dans le cadre de la loi font l’objet, à la demande de l’Etat, de revues internationales sous l’égide de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE. L’Andra a également été évaluée en 2012 par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). Enfin, des expertises sont régulièrement commandées par le Comité local d’information et de suivi du Laboratoire souterrain sur les grands dossiers de l’Andra ou sur des sujets plus ciblés.
 
Concernant les séismes
 
Même si les tremblements de terre ne sont pas prévisibles, les zones sismiques ou les zones à risque sont parfaitement connues. Les séismes ne se produisent pas n’importe où. Ils se produisent soit à la surface entre deux plaques de la croûte terrestre (exemple du séisme survenu au Japon) soit au niveau d’une faille existante (cas des séismes enregistrés en France).
 
En ce qui concerne le site étudié en Meuse/Haute-Marne, sa très faible sismicité est confirmée par les scientifiques qui ont travaillé sur ce site depuis plus de 20 ans. Le site de Meuse/Haute-Marne appartient à un domaine géologique stable, le bassin de Paris (voir carte), particulièrement favorable pour l’installation d’un stockage. L’activité sismique est en effet extrêmement faible à l’échelle du millénaire, comme le prouvent les enregistrements de sismicité instrumentale (écoute sismique depuis 1961 à l’échelle de la France) qui sont capables de détecter des microséismes, et les chroniques historiques (séismes ayant été ressentis et/ou ayant occasionné des dégâts au cours des derniers 1 000 ans).
 
Toutefois, des séismes sans précédent historique peuvent se produire sur une très longue durée, un million d’année dans le cas de Cigéo, compte tenu des faibles vitesses de déplacement de la croûte terrestre dans cette région. Ils se produiraient sur les failles les plus profondes existantes, c’est-à-dire le long de la vallée de la Marne, même si elles n’ont pas eu d’activité apparente dans le dernier million d’années.
 
Dans la conception de Cigéo, l’Andra prend donc en compte la possibilité qu’un ou plusieurs séismes puissent éventuellement survenir, après la fermeture du stockage, au niveau de ces failles. Par précaution, on évalue l’énergie maximale physiquement possible qui serait libérée par un séisme (c’est-à-dire la magnitude) compte tenu de la géométrie de ces failles. La magnitude maximale serait d’environ 6. Cigéo est conçu pour que plusieurs séismes de ce type n’altèrent pas sa capacité à confiner la radioactivité contenue dans les déchets stockés.

Zonage sismique de la France

Concernant le choix du stockage géologique et l’application du principe de précaution

Plus de 40 000 mètres cubes de déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue sont déjà produits et entreposés sur différents sites en France. Ces déchets génèrent un risque potentiel pour la santé des générations futures et pour l’environnement. En effet, les installations d’entreposage dans lesquelles ils se trouvent actuellement ont une durée de vie limitée (typiquement 50 à 100 ans), au terme de laquelle les déchets doivent en être ressortis puis replacés dans une nouvelle installation, faute de quoi la sûreté ne serait plus assurée. Tant que l’on utilise des installations d’entreposage, la sûreté de la gestion de ces déchets repose sur la capacité technique et financière des générations futures à renouveler les installations. En application du principe de précaution, le Parlement a mis en place en 1991 un programme de recherches pour étudier différentes solutions pour la gestion à long terme de ces déchets, un dispositif d’évaluation et de concertation et un processus de décision.

Après plus de 20 années de recherches, seul le stockage profond est aujourd’hui reconnu en France et à l’étranger comme une solution robuste pour mettre en sécurité définitive les déchets les plus radioactifs. La décision éventuelle de créer Cigéo reviendra à l’État après un long processus qui durera plusieurs années et qui démarrera lorsque l’Andra aura déposé la demande de création du stockage. Ce processus comprendra notamment l’évaluation de la sûreté par l’Autorité de sûreté nucléaire, l’évaluation des recherches scientifiques par la Commission nationale d’évaluation, l’avis des collectivités territoriales, le vote d’une loi fixant les conditions de réversibilité et une enquête publique.

Si Cigéo est autorisé, notre génération aura mis à la disposition des générations suivantes une solution opérationnelle pour protéger l’homme et l’environnement sur de très longues durées de la dangerosité de ces déchets. Grâce à la réversibilité, ces générations garderont la possibilité de faire évoluer cette solution. L’Andra propose ainsi que des rendez-vous réguliers soient programmés pendant une centaine d’années pour faire le point sur l’exploitation du stockage et préparer les étapes suivantes. Ces rendez-vous seront notamment alimentés par les résultats des recherches qui continueront à être menées sur la gestion des déchets radioactifs et les avancées technologiques.

Le débat public de 2005/2006 s’était conclu sur la question : faut-il faire confiance à la géologie ou à la société ? La conviction de l’Andra est qu’il faut faire confiance à la géologie ET à la société. C’est notre définition du stockage réversible.

Commentez




Le débat s'est terminé le 15 décembre 2013, cette fonctionnalité n'est plus active







J'ai pris connaissance de la charte de modération
Je souhaite recevoir par e-mail la lettre d'information du débat