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QUESTION 1168 - En cas d'accident, qui serait responsable devant les régions et populations touchées ?
Posée par Grégory MENDOUSSE [L'organisme que vous représentez (option)], (CHAUMONT), le 15/12/2013

Personnellement je suis contre l’exploitation de l’énergie nucléaire, qui présente des risques innombrables et sans comparaison avec les autres secteurs industriels ; sans doute que le risque zéro n’existe pas, mais le moindre risque nucléaire est inacceptable étant donné le niveau de gravité des incidents et accidents potentiels et avérés. Ceci dit, je suis conscient que nous avons des déchets nucléaires et que nous en produisons encore : il nous faut donc bien les gérer. Il est ainsi important de se pencher sérieusement sur ce problème ; au passage, il est quand même aberrant que le monde se soit lancé dans cette industrie nucléaire sans avoir résolu par avance ce problème ; en tout cas, cela montre bien que les responsables de projets n’anticipent pas tout. Alors le projet Cigéo est-il aussi abouti que ses concepteurs veulent bien le dire ? Par le passé, d’autres sites de stockage ont été présentés comme absolument sûrs (Asse, en Allemagne, par exemple) pour se retrouver en situation critique après quelques années seulement. Une fois de plus : les concepteurs et décideurs n’anticipent pas tout. En fait, personne ne peut tout anticiper : il y a toujours des circonstances qui défient les prévisions. Combien d’autres exemples ces dernières années ? Alors que penser des prévisions de l’Andra dans ce projet ? Si l’on se réfère au cahier d’acteurs n°17 présenté par le CLIS, il y a diverses incohérences ou insuffisances : - dans le calendrier du projet : comment la loi fixant les conditions de réversibilité peut-elle être étudiée et votée après que l’Andra dépose sa demande d’autorisation ? L’Andra n’aurait donc pas à tenir compte du contenu de cette loi ? - manque d’expérimentations : de nombreuses expériences restent à mener et ce sur plusieurs années ; comment se prononcer sur le projet avant de connaître les résultats de ces expériences ? - de nombreuses questions subsistent quant aux risques d’incendie, aux risques d’explosion, à l’impact radiologique en surface… - l’inventaire des déchets stockés est parfois flou : comment concevoir un espace de stockage pour des déchets non identifiés précisément ? De plus, certains déchets seraient même à exclure d’après la CNE ; qu’en sera-t-il ? Si l’on se réfère au cahier d’acteurs n°57 présenté par l’ingénieur Serge Grünberg, beaucoup de décisions seraient prises uniquement pour minimiser des coûts (on espèrerait plutôt une attitude qui vise à maximiser la sécurité). Certaines méthodes de construction (plus avantageuses financièrement) ébranleraient même les couches de terrain : il semble logique de penser qu’un terrain perd certaines de ses qualités ou caractéristiques quand on vient le perturber par des constructions massives. Tout cela laisse penser que le projet n’est pas abouti. J’espère que les responsables politiques verront qu’il faut bien plus de temps pour se prononcer sérieusement sur le projet Cigéo, afin d’en corriger les aspects problématiques, de revoir si besoin les principes mêmes, le lieu et la conception du site de stockage, de mieux appréhender l’ensemble des risques et de mieux décider de la façon dont ils doivent être gérés, pour le bien de tous et des générations à venir. Les risques en jeu sont suffisamment graves pour que l'on ne précipite pas le processus décisionnel ; une mauvaise décision pourrait avoir des conséquences catastrophiques, et j'en arrive à ma question : en cas d'accident sur cet éventuel site de stockage, quelles personnes et quels organismes seraient responsables devant les régions et populations touchées ?

Réponse du 28/01/2014,

Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :
 
La question de la protection de l’homme et de l’environnement vis-à-vis de la dangerosité des déchets radioactifs se pose quel que soit le mode de gestion envisagé. Ces déchets ont été produits en France depuis une cinquantaine d’années par les premières installations nucléaires, aujourd’hui arrêtées, et par les installations nucléaires actuelles, dont le démantèlement produira également des déchets radioactifs. Notre génération est donc responsable de mettre en place des solutions de gestions sûres pour ces déchets et de ne pas reporter la charge de leur gestion sur les générations suivantes. Ces principes sont inscrits dans le code de l’environnement par la loi du 28 juin 2006.

L’objectif du stockage profond est de protéger à très long terme l’homme et l’environnement de la dangerosité des déchets les plus radioactifs. La sûreté à très long terme du stockage doit être assurée de manière passive, sans dépendre d’actions humaines. Cela repose notamment sur le choix du milieu géologique et sur la conception du stockage. Cette solution reste sûre à long terme, même en cas d’oubli du site, contrairement à l’entreposage.

Les responsabilités pour atteindre cet objectif sont bien établies. Il appartient à l’Andra, maître d’ouvrage et futur exploitant de Cigéo s’il est autorisé, de mettre en œuvre les dispositions techniques et organisationnelles adaptées pour qu’il n’y ait pas de dispersion incontrôlée de radioactivité qui puisse présenter un risque pour l’homme ou l’environnement, que ce soit pendant l’exploitation du Centre ou après sa fermeture. L’Autorité de sûreté nucléaire et ses appuis techniques, l’IRSN et le groupe permanent d’experts sur les déchets, ainsi que la Commission nationale d’évaluation sont chargés de contrôler et d’évaluer les propositions de l’Andra. Les conditions de réversibilité seront définies par le Parlement avant que la création du stockage ne puisse être autorisée. La décision éventuelle de créer Cigéo reviendra au Gouvernement après un long processus qui durera plusieurs années et qui démarrera lorsque l’Andra aura déposé la demande de création de Cigéo.

Conformément au principe de défense en profondeur, l’Andra identifie en amont de la conception les dangers potentiels d’origine interne (chute, collision, incendie, perte d’alimentation…) et externe (foudre, séisme, inondation…) qui pourraient remettre en cause la sûreté de l’installation. Des mesures sont prises par l’Andra pour supprimer ces risques quand c’est possible, surveiller l’installation pendant toute son exploitation pour détecter très rapidement tout incident (surveillance radiologique, surveillance incendie…) et pour y remédier. Par précaution, l’Andra envisage cependant des scénarios accidentels et prévoit un ensemble de dispositions techniques complémentaires et redondantes pour prévenir toute dispersion de radioactivité et limiter les conséquences éventuelles de telles situations. L’évaluation réalisée par l’Andra, à ce stade de la conception, de l’impact des scénarios accidentels, que ce soit en exploitation ou après fermeture, montre que leurs conséquences sur l’environnement resteraient très limitées.

Enfin, si Cigéo est autorisé, de nombreuses mesures de surveillance seront mises en œuvre par l’Andra pour contrôler l’impact du Centre sur l’environnement. Conformément aux exigences réglementaires, l’Andra établira un plan de surveillance pour Cigéo, comme elle le fait déjà pour ses centres de surface, comportant un dispositif complet de mesures et de prélèvement dans l’environnement. L’Andra a d’ailleurs déjà initié, au travers de l’observatoire pérenne de l’environnement, la mise en place de cette surveillance de l’environnement. Grâce aux mesures qui permettent de détecter des niveaux extrêmement faibles de radioactivité, ce dispositif de surveillance permettra notamment de vérifier le très faible impact de Cigéo sur l’environnement. Les études de l’Andra montrent que l’impact de Cigéo restera bien inférieur aux normes réglementaires imposées par l’Autorité de sûreté nucléaire : une première évaluation, sur des hypothèses pessimistes, indique que l’impact radiologique du Centre serait de l’ordre de 0,01 millisievert (mSv) par an pendant son exploitation, soit très inférieur à la norme réglementaire (1 mSv par an) et à l’impact de la radioactivité naturelle (2,4 mSv par an en moyenne en France).

Cigéo sera également soumis en permanence au contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui mandate régulièrement des laboratoires indépendants pour réaliser des mesures sur les installations et dans l’environnement pour vérifier la fiabilité des mesures réalisées par l’exploitant. Conformément à la réglementation, les résultats de la surveillance effectuée par l’Andra feront l’objet d’un rapport annuel rendu public.

La surveillance du site contribuera également au maintien de la mémoire du stockage, aussi longtemps que les générations futures décideront de la poursuivre.

Un peu d’histoire
 
La question des déchets radioactifs a été abordée dès les années 1950 et les débuts de la production d’électricité d’origine nucléaire. C’est au cours des années 1960 et 1970 que le stockage a commencé à être considéré comme une possibilité de gestion au sein de la communauté scientifique internationale et notamment le stockage profond pour les déchets de haute activité et à vie longue. Dans les années 1980, des investigations étaient prévues pour rechercher des sites susceptibles d’accueillir des laboratoires souterrains. Mais les discussions sont restées limitées aux experts techniques et scientifiques et l’opinion publique s’est opposée aux projets. Le Parlement s’est alors saisi de la question des déchets radioactifs et a voté en 1991 une première loi qui a défini un programme de recherche pour les déchets de haute activité et à vie longue. Après 15 ans de recherche, leur évaluation et un débat public, une seconde loi a été votée en 2006. Elle a retenu le stockage profond comme solution de gestion à long terme de ces déchets pour protéger l’homme et l’environnement sur le très long terme et afin de limiter la charge de leur gestion sur les générations futures.
 
D’autres solutions ont été étudiées en France et à l’étranger depuis plus de 50 ans : envoi dans l’espace, au fond des océans, dans le magma, séparation-transmutation… Le stockage est aujourd’hui considéré dans tous les pays comme la meilleure solution pour mettre en sécurité de manière définitive les déchets les plus radioactifs sur le très long terme. La directive européenne du 19 juillet 2011 considère ainsi que le stockage géologique constitue actuellement la solution la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion des déchets de haute activité. 
 
Parallèle avec Asse
 
En aucun cas la mine de Asse en Allemagne ne peut être comparée au projet Cigéo. Le stockage à Asse a été réalisé au titre du droit minier et non des réglementations de la sûreté nucléaire telles qu’elles existent aujourd’hui. Il s’agit d’une ancienne mine de sel qui a été reconvertie en un stockage de déchets radioactifs en 1967. Lors du creusement de la mine, aucune précaution n’avait été prise pour préserver le confinement assuré par le milieu géologique. Le stockage n’avait pas non plus été conçu au départ pour être réversible. Les difficultés rencontrées aujourd’hui à Asse illustrent pleinement l’importance d’une démarche d’étude scientifique et d’évaluation préalablement à la décision de mettre en œuvre un projet de stockage. 
 
L’inventaire des déchets destinés à Cigéo

Cigéo est conçu pour être flexible afin de pouvoir s’adapter à d’éventuels changements de la politique énergétique. L’inventaire détaillé des déchets radioactifs pris en compte dans les études de conception de Cigéo est disponible sur le site du débat public (http://www.debatpublic-cigeo.org/docs/rapport-etude/dechets-pris-en-compte-dans-etudes-conception-cigeo.pdf).
 
La nature et les quantités de déchets autorisés pour un stockage dans Cigéo seront fixées par le décret d’autorisation de création du Centre. Toute évolution notable de cet inventaire devra faire l’objet d’un nouveau processus d’autorisation, comprenant notamment une enquête publique et un nouveau décret d’autorisation.
 
Optimisation des coûts / sûreté

L’Andra a le souci permanent d’optimiser le coût du stockage, mais sans réduire le niveau de sûreté qui reste notre priorité absolue. Les études de conception industrielle du projet Cigéo ont  démarré en 2012. L’Andra s’attache à identifier les risques techniques, qui pourraient augmenter le coût du projet, mais aussi les opportunités, qui peuvent être sources d’économies. Les essais réalisés au Laboratoire souterrain ont permis de réaliser des avancées significatives. Par exemple des essais ont permis de montrer la faisabilité d’alvéoles d’une centaine de mètres de longueur pour le stockage de déchets de haute activité. Cet allongement est favorable pour la sûreté à long terme et permet de réduire le nombre d’alvéoles.
 
Calendrier du projet et décision publique

La loi du 28 juin 2006 prévoit que l’Andra dépose un dossier support à l’instruction de la demande d’autorisation de création de Cigéo en 2015. Ce dossier devra contenir les résultats des études permettant de montrer la faisabilité et la sûreté de Cigéo pendant son exploitation et après sa fermeture. La décision éventuelle de créer Cigéo reviendra à l’État après un long processus qui durera plusieurs années. Ce processus comprendra notamment l’évaluation de la sûreté par l’Autorité de sûreté nucléaire, l’évaluation des recherches scientifiques par la Commission nationale d’évaluation l’avis des collectivités territoriales, le vote d’une nouvelle loi fixant les conditions de réversibilité, la mise à jour du dossier déposé par l’Andra suite à cette loi et une enquête publique. S’il s’avère que  les études sont insuffisantes pour autoriser le stockage, l’Etat demandera à l’Andra de compléter ses études.

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