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QUESTION 322 -
Posée par Raymond CHAUSSIN, le 14/11/2013

Question posée lors du débat contradictoire du 23 octobre 2013 : Les transports de déchets :

N'y aura-t-il pas des entreposages "temporaires" avec les déchets refusés par Cigéo?

Réponse du 09/12/2013,

Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage :

Les colis reçus sur Cigéo devront respecter les critères d’acceptation définis par l’Andra. Avant expédition des colis, l’Andra s’assurera du respect de ces critères, au moyen de contrôles réalisés par les producteurs aux différentes étapes de production, d’entreposage, et de désentreposage des colis, et au moyen d’une surveillance exercée par l’Andra chez les producteurs. Ces mesures doivent permettre d’apporter le maximum de garanties sur la conformité des colis avant leur expédition vers Cigéo. L’Andra effectuera par précaution de nouveaux contrôles à la réception des colis, à titre de vérification et de traçabilité. En cas de colis non conforme, celui–ci fera l’objet si nécessaire d’un reconditionnement et/ou d’un renvoi chez le producteur le cas échéant.

 

Réponse apportée par Guillaume Blavette, association Haute Normandie Nature Environnement :

Le rapport de l'Office parlementaire sur les choix scientifiques et technologiques de janvier 2011, sur les déchets, s'intitulait "Déchets nucléaires : se méfier du paradoxe de la tranquillité". Ses auteurs faisaient alors valoir un certain nombre de réserves sur le projet d'enfouissement proposé par l'ANDRA reconnaissant l'existence de nombreuses incertitudes.

L'une des principales questions concerne les installations de surface. En effet Cigéo n'est pas seulement un dédale de galeries et alvéoles creusé 500 m sous terre. C'est un site industriel qui nécessite des installations pour l'accueil, le contrôle, le tri et l'entreposage temporaire des substances radioactives acheminées (sans parler des installations spécifiques à la phase de chantier). Le maitre d'ouvrage est peu disert à ce sujet. Seules 2 pages sont consacrées aux installations de surface dans le dossier du maitre d'ouvrage (page 44-45). Page 50, un court paragraphe traite de l'acceptation des colis de déchets dans Cigéo. Mais au final, nous ne disposons à l'occasion de ce débat public que de bien peu d'informations.

Le maitre d'ouvrage sait il comment seront aménagées et comment fonctionneront les installations de surface ? Tout porte à croire qu'il ne le sait pas exactement lui-même. L'avis de la commission nationale d'évaluation du 7 mars 2013 montre que les propositions de l'ANDRA sont loin d'être finalisées.

Par ailleurs, le dossier du maitre d'ouvrage ne donne aucune information sur la sureté des installations de surface (le chapitre 5 ne concerne que les installations souterraines).

Pourtant ce problème est loin d'être négligeable. A en croire l'ANDRA, la sureté de Cigéo admet la possibilité pour l'exploitant de refuser des colis qui ne présenteraient pas des garanties de sureté suffisantes. Les colis déficients seraient alors rendus à leur propriétaire, c'est-à-rire renvoyés.

Tout cela est intéressant mais contient des zones d'ombres inquiétantes en matière de risque et de sureté. La gestion logistique des déchets et autres colis n'est pas décrite par le maitre d'ouvrage. On ne connait ni les modalités de contrôle, ni les dispositifs qui seront mis en œuvre et encore moins les capacités des installations où auront lieu le traitement des déchets acheminés.

Nous ne pouvons à ce jour que rappeler un certain nombre de faits observés ailleurs et envisager les problèmes posés par le traitement sur site des colis :

  1. L'ANDRA nous explique qu'avant que les déchets soient descendus, ils seront conditionnés pour assurer l'intégrité du confinement. L'expression "surfutage" est employée pour désigner cette méthode. De telles opérations sont banales dans l'industrie nucléaire. Mais elles se font dans des installations classées qui doivent garantir la protection de l'environnement et des travailleurs. C'est à dire qu'en surface à Bure seront édifiés des installations nucléaires de base dont l'activité occasionnera des rejets quelques soient les précautions prises par l'exploitant. L'expérience prouve que l'objectif "zéro rejet" ne peut malheureusement pas être tenu...
  2. Si un colis voire un lot de colis ne satisfait pas les critères définis par l'ANDRA, rien ne garantit qu'ils soient renvoyés à l'expéditeur. Bien au contraire, la plus élémentaire prudence imposerait de reprendre sur site ces déchets afin d'éviter un transport dont le potentiel de risque est non négligeable. Ainsi donc les opérations qui pourraient avoir lieu dans les installations de surface deviennent très importantes. L'ANDRA compenserait les défauts du confinement réalisés par les exploitants. D'aucuns dès lors peuvent reconnaître que le coût économique et environnemental de cette nécessité ne sera pas négligeable.
  3. Puisque ces opérations de "re-confinement" sont très techniques pour ne pas dire dangereuses, on peut imaginer qu'elles soient faites progressivement. En d'autres termes, on peut admettre que des colis non conformes soient entreposés en surface à Bure en attente de traitement avant d'être descendus. Tout au long de l'exploitation du site, des déchets arriveront... certains seront descendus et beaucoup seront entreposés en surface sans que l'on puisse présager à ce jour de la proportion de déchets conformes aux attentes de l'ANDRA. Pendant plus d'un siècle des déchets resteront en surface...

Il y a aura donc bien à Bure un site d'entreposage en plus des installations de stockage en couche géologique profonde quoi qu'en dise aujourd'hui l'ANDRA. Il conviendrait dès lors que le maitre d'ouvrage précise très clairement quels dispositifs et autres équipements il compte mettre en œuvre pour garantir la sureté de cet entreposage. Il ne saurait être question de simples hangars. Le potentiel de risque des déchets HA, MA voire FA-VL destinés à Cigéo implique que les installations de surface soient conçues de la manière la plus sérieuse, que les modalités de leur exploitation soient précisées, que le traitement des déchets "de déchets" qu'elles généreront soit prévu...

Finalement, ce problème spécifique de l'entreposage temporaire des déchets refusés donne à voir les écueils du stockage en couche géologique profonde. Les précautions à prendre sont telles que Cigéo impliquerait des installations en surface très importantes, très sensibles et très onéreuses. Si seulement 10 % des colis acheminés nécessitent une reprise avant leur stockage, chacun doit prendre la mesure des quantités de matières qui devront être contrôlées, traitées et entreposées. Cigéo ne garantit nullement un stockage immédiat mais introduit une étape de plus dans une chaine du combustible qui est loin d'être maitrisée par les exploitants et l'ANDRA.

En tout cas une chose est sûre le confinement des déchets est loin d'être assuré en France. Plutôt que se lancer dans une aventure périlleuse, il conviendrait que l'ANDRA s'emploie dès aujourd'hui à sécuriser les sites existants et à garantir le confinement des déchets accumulés. Il sera alors possible de travailler plus précisément à un stockage sans succomber aux mirages de l'enfouissement, stratégie que personne ne maitrise aujourd'hui.

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