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QUESTION 357 -
Posée par Raymond CHAUSSIN, le 30/09/2013

Question posée lors du débat contradictoire du 18 septembre 2013 - Les solutions de gestion des déchets radioactifs :

Les aveux d'impuissance de tous ces spécialites ne les font pas évoluer! On ne sait pas quoi en faire mais on continue d'en produire!

Réponse du 06/01/2014,

Réponse apportée par l’Andra, maître d’ouvrage : 

A quels aveux d’impuissance faites-vous référence ? Le stockage profond est aujourd’hui reconnu en France et à l’étranger comme une solution robuste pour mettre en sécurité sur de très longues durées les déchets les plus radioactifs. Aux Etats-Unis, le stockage du WIPP (Waste isolation pilot plant) stocke depuis une dizaine d’années à 700 m de profondeur les déchets de moyenne activité à vie longue issus des activités de défense américaines. En Suède et en Finlande, les demandes d’autorisations de création de stockages en milieu granitique sont en cours d’instruction. Le Canada, la Chine, la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon ont également engagé des recherches sur le stockage géologique.

Même si la France arrêtait toute activité nucléaire, il serait nécessaire de mettre en œuvre une solution de gestion à long terme pour les déchets radioactifs produits par les installations nucléaires actuelles et anciennes. 60 % des déchets de moyenne activité à vie longue et 30 % des déchets de haute activité destinés à Cigéo sont déjà produits. En cas d’arrêt de la production électronucléaire et d’arrêt du traitement des combustibles nucléaires usés, ce seraient environ 3 500 m3 de déchets de haute activité, 59 000 m3 de déchets de moyenne activité à vie longue et 90 000 m3 de combustibles usés non traités qui seraient destinés au stockage.

La décision éventuelle de créer Cigéo reviendra à l’État après un long processus qui durera plusieurs années et qui démarrera lorsque l’Andra aura déposé la demande de création du stockage, après plus de 20 ans d’études et de recherches. Ce processus comprendra notamment l’évaluation de la sûreté par l’Autorité de sûreté nucléaire, l’évaluation des recherches scientifiques par la Commission nationale d’évaluation, l’avis des collectivités territoriales, le vote d’une nouvelle loi fixant les conditions de réversibilité et une enquête publique.

 

Réponse apportée par Bernard Laponche, polytechnicien, docteur ès sciences en physique des réacteurs nucléaires, docteur en économie de l'énergie, membre de l'association Global Chance (www.global-chance.org)  :

Effectivement, aucune solution satisfaisante n’a été jusqu’ici trouvée pour éliminer les déchets radioactifs ni même pour en réduire les risques qu’ils présentent, jusqu’à des centaines de milliers d’années pour certains d’entre eux.

C’est dès l’origine de la découverte de la possibilité d’utiliser l’énergie nucléaire par la fission des noyaux d’uranium 235 que l’impossibilité de traiter la question des déchets aurait dû amener à renoncer à cette technique. Il n’en a rien été. Au contraire : en 1974 déjà, les scientifiques savaient que le problème des déchets nucléaires deviendrait crucial. Mais certains d'entre eux estimaient que "avant que ce problème ne soit crucial, les scientifiques auront trouvé une solution" (Louis Leprince-Ringuet). C'était encore l'époque de la confiance absolue en la science…

Conscients de cette impasse, certains pays qui avaient développé cette utilisation y ont renoncé et notamment deux des quatre principaux pays de l’Union Européenne, l’Italie et l’Allemagne. La position de l’Allemagne a été clairement exposée par Wolfgang Renneberg, directeur général chargé de la sûreté nucléaire au ministère de l’environnement de l’Allemagne, de novembre 1998 à novembre 2009, dans un discours prononcé à Madrid, le 24 Mai 2001 :

« Comme vous le savez tous, le gouvernement de l'Allemagne a décidé d'éliminer progressivement l'utilisation commerciale de l'énergie nucléaire. Je vais préciser quelques-unes des raisons les plus pertinentes qui fondent cette décision.

La décision du gouvernement d’éliminer cette utilisation résulte d'une réévaluation des risques que présente cette technologie. Nous ne disons pas que les centrales électriques en Allemagne ne sont pas sûres au regard des standards internationaux. Cependant, le gouvernement allemand est d'avis que l'ampleur des effets des accidents nucléaires possibles est telle que cette technique ne peut être justifiée, même si la probabilité d'un tel accident est faible.

Une raison supplémentaire est qu’aucune solution pratique au problème de l'élimination finale des déchets hautement radioactifs n'a encore été trouvée. Les déchets radioactifs sont un fardeau pour les générations futures. L’arrêt définitif de la production d’électricité d’origine nucléaire supprime la production de nouveaux déchets.

Une autre raison est que les nombreuses mesures qui sont nécessaires pour réduire les risques d’une utilisation des matériaux fissiles à des fins destructrices au niveau national et international ne peuvent remplir leur fonction de protection, de sûreté et de contrôle que si les pays concernés jouissent de conditions sociales, économiques et politiques stables. La fin de l'utilisation commerciale de l'énergie nucléaire en Allemagne et l'arrêt du retraitement du combustible allemand réduit le stock de matériaux « proliférants ». À cet égard, ce choix contribue à réduire les risques de prolifération. »

Et cela était dit bien avant Fukushima.

La même décision serait possible en France.

A tout le moins, il est en tout cas indispensable de réduire la quantité de déchets radioactifs produits et cela de trois façons complémentaires :

- réduire les consommations d’électricité, notamment pour les usages qui lui sont spécifiques (électroménager, audiovisuel, bureautique et informatique dans les secteurs résidentiel et tertiaire représentent environ la moitié de la consommation totale d’électricité en France) ;

- ne pas exporter d’électricité d’origine nucléaire (actuellement la réduction d’environ dix unités de 900 MW de puissance électrique, dont on garde en France les déchets nucléaires qui en résultent) ;

- réduire la production d’origine nucléaire au profit de la production d’origine renouvelable (notamment éolien et photovoltaïque).

De plus, il est indispensable d’arrêter la production de plutonium par le retraitement des combustibles irradiés car c’est une industrie à haut risque et polluante, tant au niveau de l’usine de La Hague que de l’usine Melox de fabrication des combustibles MOX et des transports de plutonium. Sans parler du risque d’extension de la prolifération des armes nucléaires, l’une des raisons de la décision allemande.

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