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Avis n°219

La Saône-et-Loire sans Center parcs

Ajouté par Lapuce71 (Le Rousset), le
[Origine : Site internet]

Le débat public organisé par la CNDP a permis de porter à la connaissance du public une documentation importante sur ce projet. A l’issue de ce débat, et sur la base de cette documentation, des arguments en défaveur du projet de Center Parcs sont exprimés.

Les vacances dans les années à venir

A l’avenir, les vacances seront de plus en plus un moment où l’on cherche à se cultiver et où l’on va découvrir l’authenticité de la nature, de la vie locale, des chefs d’œuvres historiques. Le concept de loisir en vase clos proposé par Pierre et Vacance, dont la baignade géante en milieu tropicalisé, n’est plus d’actualité. Ce concept est du passé, la transition vers une économie moins énergivore et productrice de CO2 qui se produit actuellement s’amplifiera dans les années à venir.

2 – La Bourgogne

Le nom de notre région est connu dans le monde entier. Il est synonyme d’authenticité, de savoir vivre, de chaleureux, de vins renommés, de nature encore préservée et de richesse patrimoniale historique et artistique. Ce serait dévaloriser la région et ses habitants que d’associer son nom à celui d’une industrie touristique telle que Center Parcs et de prétendre modifier le mode de vie local, en évoquant une soit disant complémentarité avec le tourisme existant.

3 – Le choix du site

Pierre et Vacances se réfère au Center Parcs d’Hattigny en Moselle. C’est un cas atypique de par sa situation géographique aux portes de La Grande Région qui regroupe des territoires de 4 pays de l’Europe Rhénane : l’Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg. Cette Grande Région est une zone à forte densité de population et elle constitue le poumon économique de l’Europe. La situation atypique d’Hattigny est signalée dans un rapport touristique d’Atout France et il y a lieu d’en tenir compte. A moins de 100km d’Hattigny il y a l’Alsace et une multitude de grandes agglomérations.

En Bourgogne, les 6924 habitants de la communauté de commune entre Grosne et Mont St Vincent dont certains sont à 36km du Rousset n’ont rien de comparable avec la situation d’Hattigny. La région lyonnaise située entre 120km et 150km comprend seulement 3 millions d’habitants et elle est située au pied des Alpes qui attirent énormément les Lyonnais.

Le site du Rousset, de par sa situation, de par son accès difficile et de par son identité géographique n’est pas adéquat pour un lieu de tourisme de masse. Cette caractéristique défavorable a été signalée lors de la revue des sites potentiels par Pierre et Vacances en 2011 dans la synthèse des sites non retenus. Le revirement de point de vue est une incohérence qui interroge.

4 – L’autonomie locale

Dans les zones rurales de notre département, de nombreux artisans, artistes et résidences secondaires se sont installés au fil du temps et ils ont contribué à l’économie locale. Vouloir développer le territoire en attirant d’autres personnes est un vœu honorable, mais à condition que la population et le territoire restent maîtres de leur développement local. Aujourd’hui, le groupe Pierre et Vacances essaie de séduire les élus et Chambres Consulaires afin d’avoir la main mise sur eux puis sur notre territoire et la population. Ceci est inadmissible et inacceptable, il est temps que les représentants locaux se tournent vers la société civile et dialoguent avec la population plutôt que de la mépriser. De nombreux citoyens sont porteurs d’idées et de solutions créatrices d’emplois qui nécessitent d’être exprimées et entendues. Ceci se rencontre dans d’autres départements et communes.

5 – L’argent des contribuables

L’argent public est destiné à être utilisé pour les besoins de la population. Aujourd’hui les finances publiques se réduisent et il faut que les collectivités locales participent à la transition économique et écologique en accompagnant les installations dont la population a besoin pour créer, vivre et développer des activités durables à consommation énergétique réduite. Ainsi, les collectivités permettraient à des citoyens de s’installer dans les zones rurales plutôt que de les fuir. Les zones rurales attirent de nombreux jeunes et retiennent les adultes de tous âges à condition qu’elles soient équipées des infrastructures dont les habitants ont besoin. Ce projet de Center Parcs ne  répond à aucun besoin de la population, c’est un projet privé de concept dépassé qui siphonnera de l’argent public : il ne doit pas à être financé ainsi, tant pour les équipements internes au site que les équipements externes comme la centrale d’épuration qui devrait être financée par le promoteur du projet et devrait être dissociée de l’assainissement des habitations. En comparaison, les habitants de la commune du Rousset n’ont reçu aucune aide publique pour les travaux d’assainissement non collectif. Cet argent public, siphonné par Pierre et Vacances ne sera pas disponible pour les besoins de la population et la transition économique serait repoussée d’au moins 10 ans. Chaque année de plus verra la population diminuer en zone rurale si la transition économique, peu consommatrice d’énergie, n’est pas mise en place maintenant ; dans 5 ans il sera trop tard.

6 – L’imperméabilisation de zones naturelles

La loi sur l’eau et les règlementations d’urbanisme préconisent l’arrêt du bétonnage et de l’imperméabilisation de zones naturelles ; il est recommandé d’utiliser en priorité les friches industrielles et commerciales. Actuellement en France, la somme des surfaces des zones naturelles et agricoles qui disparaissent sous le béton est équivalente à la surface moyenne d’un département tous les 7 ans. Pierre et Vacances propose d’imperméabiliser 20 ha de zone naturelle qui en plus est une zone humide riche en biodiversité : c’est contraire à l’esprit de la loi. Ne laissons pas la forêt du Rousset et la zone humide disparaître au profit de l’empire immobilier et financier de Pierre et Vacances.

7 – La consommation d’énergies et d’eau

L’alimentation électrique est prévue pour une ville équivalente à 2500 habitants c’est-à-dire une alimentation principale de 3.5 MégaW et une alimentation de secours de 2 MégaW en provenance de St Vallier poste LUCY et une dérivation de 12 km. Il se trouve que la centrale LUCY est en cours de démantèlement, ce qui ne change pas la consommation prévisionnelle d’électricité mais modifiera la solution technique et le budget prévisionnel d’installation. La consommation de la chaufferie pour les équipements est estimée à 5000 stères de bois par an. La consommation journalière d’eau est estimée à 450 m3. Le bilan carbone estimé à 10533 tonnes équivalent CO2 est catastrophique.

Les maisonnettes sont prévues en catégorie (HQE) haute qualité environnementale. La HQE n’est pas une norme mais un concept commercial datant des années 1990. Les performances énergétiques des maisonnettes seront à minima à la phase livraison et les fuites d’air vont apparaitre au cours du temps. La bulle chauffée à 29° sera un gouffre de consommation énergétique et d’eau. Alors que nous connaissons une fois de plus une sécheresse et que l’évolution économique préconise l’orientation vers des programmes économes en énergie et en eau et vers une réduction de gaz à effet de serre, ce projet est à contre- courant du bon sens.

8 – Les emplois annoncés par PV

Ce projet prévoit 220 équivalents temps plein dont plus de la moitié à temps partiel seraient rémunéré 258€ net par mois pour 2 fois 4.5h par semaine. Les autres emplois sont compris entre le SMIC et SMIC + 20%. Une durée de 9h de travail par semaine est insuffisante pour avoir droit aux indemnités de sécurité sociale. Dans le Charolais, plus de 35% des femmes ont des postes à temps partiel, ce projet va ajouter de la précarité à la précarité et ce système est une bombe à retardement vis-à-vis des systèmes de protection sociale et de la retraite. En France, les cotisations ont déjà baissées de 10% en 10 ans, ce système de faibles revenus à temps partiel n’est plus tenable d’un point de vue économique et social.

La commune ne compte que 254 habitants. Ce seraient des personnes habitant à 20km ou plus qui se verraient proposer ces emplois. Habiter à 20km de son emploi c’est une charge d’environ 220€ par mois. Autant dire que les recruté(e)s ne resteraient pas longtemps en poste, donc aucun développement économique local n’est à prévoir à cause des faibles rémunérations et des distances travail-domicile trop longues.

9 – La part de financement des équipements par des collectivités

Les équipements de loisirs du site seront vendus 68M€ à une Société d’Economie Mixte (SEM), un partenariat public privé ; ils seront financés par un apport public initial de 15M€ et un apport privé de 3M€, plus un emprunt sur 20 ans d’environ 50 M€ dont environ 85% seraient imputables au Département et à la Région, actionnaires majoritaires de la SEM.

A cela il faut ajouter les financements des équipements hors site pour un montant estimatif de 10.069M€ selon la répartition suivante :

  • EDF : subvention CD 0.434M€ + à charge Le Rousset 0.108M€

  • Gaz : estimation 1.044M€ qui va payer ?

  • Fibre Optique : 0.23M€ subvention CD

  • Téléphonie mobile : 0.1M€ qui paie : CD ou opérateur ?

  • Réseau eau potable : 4.3M€ SIE Arconce 1.3M€ en subvention + emprunt SAE Charollais 2.97M€

  • Collecte eau usée : 2.7M€ emprunt communal 1.6M€ + 0.2M€ + subvention de 1.1M€

  • Voirie publique : 1.005M€ en charge du département.

La chaufferie et des équipements divers ne sont pas encore chiffrés, cette question reste en suspend. Les estimations des voiries et réseaux divers ont été établies à minima. Les publications relatives aux financements des réseaux externes des projets de CP de la Moselle et de la Vienne indiquent des dépassements de plusieurs millions d’euros et une augmentation des impôts à Hattigny suite à la construction du CP.

Ce projet va induire une augmentation des charges communales, départementales, et des usagers de l’eau due aux emprunts et subventions par les collectivités locales et organismes publics.

Aucun business plan sur 10, 20, 30 ans ou plus n’a été présenté.

10 – Les garanties du protocole d’accord

Le protocole d’accord signé en 2014 entre Pierre et Vacances, la région Bourgogne et le département de Saône-et-Loire prévoit le paiement d’un loyer pendant 12 ans dont PV est le seul garant. Il ne prévoit pas de garanties en cas de fréquentation inférieure aux prévisions, ni en cas de fermeture du site, ni en cas de cessation d’activité du groupe Pierre et Vacances. La population locale prend tous les risques à sa charge. Le loyer « triple net » évoqué en garantie de PV pendant 12 ans suscite des interrogations quant à sa pérennité. La répartition des charges entre gérants et propriétaire des équipements dans le cas de loyer triple net est en train de changer. A l’horizon 2017/2020 les normes changeront, quand les toitures seront à refaire, quand les dégradations d’usure vont apparaître, quand le parc aura vieilli et sera démodé il y a de fortes chances que le groupe Pierre et Vacances ne paiera pas. Le parc deviendra une friche, les contribuables locaux auront à charge le remboursement des emprunts en disant : si on avait dit non avant la construction, nous n’en serions pas là !

11 – Les retours sur investissement

La taxe foncière est partagée entre le département, la communauté de commune et la commune. La taxe de séjour sera répartie entre plusieurs identités. La taxe d’équipement est inférieure à la moitié du coût de la station d’épuration. Le loyer de la SEM va couvrir à peine le remboursement de l’emprunt, à condition que le taux d’intérêt soit faible sur toute la durée de l’emprunt. Les subventions des réseaux sont à déduire des produits du Conseil Départemental. Au bout de 20 ans, au mieux les emprunts seront remboursés et le parc aux équipements usés aura une valeur résiduelle quasi nulle. Aucun calcul d’amortissements des équipements collectifs extérieurs au site n’a été présenté au cours du débat.

Cette insouciance est inquiétante.

Si les collectivités comptent les recettes, il faudrait les comparer aux charges des emprunts et subventions, ainsi qu’aux charges des infrastructures externes et ajouter les pertes dues à l’absence d’investissement pour la population qui aura fuis faute d’actions dans la transition économique.

Le Master de 2 étudiants de l’université de Lyon II nous fournit à ce sujet des données intéressantes : au bout de 10 ans de fonctionnement, les taxes couvrent moins que l’investissement dans une transition économique. Autrement dit, il faut mieux investir maintenant dans la transition économique, nous gagnerons 10 ans plutôt que de les perdre en investissant dans ce projet inutile.

Ce projet est une opération financière rentable pour Pierre et Vacances au détriment de la population.

12 : Center Parcs dans le temps

Après avoir imperméabilisé 20 ha de zone naturelle et vendu toutes les constructions, Pierre et Vacances aura réalisé son bénéfice sur ce programme. Le concept de Center Parcs énergivore et vorace en argent public n’a pas d’avenir. Le chapitre 7 du DMO sur la réversibilité du site n’est qu’un texte pour faire bonne figure. La réversibilité des équipements n’est pas abordée, pour la simple raison, qu’une piscine géante énergivore n’a pas d’autre avenir que d’être démantelée. Le coup du démantèlement n’est pas chiffré, les travaux sont similaire à ceux de la construction mais en sens inverse et la biodiversité du site aura disparue. Dans le temps ce parc deviendra une friche touristique à charge de la commune. Au cours du débat, il a été reconnu l’impossibilité de reconversion de ce site.

13 – les richesses touristiques locales

Depuis plusieurs décennies, le tourisme non marchand s’est installé dans les zones rurales de Saône-et-Loire, il constitue une base durable de l’économie touristique qui fait vivre les artisans locaux, le commerce, les sites touristiques, etc... Les structures marchandes telles que les gites et chambres d’hôtes sont présentes dans la région et sont appréciées des touristes à la recherche de nature, de calme, d’histoire, d’authenticité et de contacts humains. La création de structures de tailles moyennes réparties sur tout le territoire est d’ailleurs recommandée dans le rapport d’étude touristique de la Saône-et-Loire et dans le Rapport Sirius de 2013.

La région du Rousset a la chance de disposer de zones naturelles appréciées par les touristes. Elle dispose aussi de nombreux chemins ruraux qui traversent le boccage, plusieurs étangs ainsi que l’ancienne ligne du Tacot qui reliait Beaubery à Montceau-les-Mines en passant par la forêt du Rousset. Le patrimoine bâti comprend de nombreuses chapelles, églises, maisons anciennes, puits, moulins, châteaux, etc... Les villages aux alentours ont des maisons inhabitées à vendre ; ceci constitue une richesse locale qui peut être mise en valeur. Cette richesse naturelle et bâtie est favorable à un tourisme de structures petites ou moyennes qui peuvent être développées et gérées par des habitants. Ces structures adaptées à la taille des villages sont créatrices d’emplois locaux et de liens sociaux et peuvent évoluer en douceur dans le temps en fonction des besoins touristiques et de la population. Les témoignages de touristes indiquent que la présence d’un Center Parcs les ferait fuir.

14– L’avenir en zone rurale

En 2016-2017 tous les organismes tels que les banques, les assurances, les caisses de retraites et sécurité sociale, les centres de gestion, etc., ont obligation de dématérialiser les documents papiers au profit de fichiers informatiques. Comment feront les habitants dans les zones rurales sans ADSL ou avec un faible débit (< 2 méga), sans téléphone portable fonctionnel, sans informatique pour communiquer avec ces organismes ? L’internet et le téléphone portable fonctionnels en zone rurale sont une priorité absolue pour la population. De plus c’est un moyen professionnel indispensable. Quelqu’un voulant s’installer va dans un lieu où l’ADSL et le téléphone portable sont fonctionnels. Une zone rurale sans ADSL est une zone morte. Le département promet le haut débit en 2022 : c’est trop tard. Internet avec un débit minimum de 2 Mégas est une priorité absolue au plus tard en 2017. L’informatique et la communication par internet offre de nombreuses possibilité de travail à domicile, il faut saisir cette chance maintenant dans les zones rurales car dans 5 ans il sera trop tard. D’autres régions plus clairvoyantes auront pris les marchés disponibles.

Quand l’élevage intensif de bovins se réduira, l’agriculture s’orientera vers des produits multiples et transformés sur place, de viandes, de fromages, de légumes, de fleurs, de miel, etc... et ils seront vendus à proximité, ce qui réduira les importations. Ainsi le nombre de personnes vivant des productions agricoles augmentera et les zone rurales retrouveront la vitalité et un contact social avec la population.

La Saône-et-Loire compte 550 000 habitants, auquel s’ajoutent les touristes actuels : au total c’est bien plus que la capacité du projet Center Parcs. Dire que Center Parcs est une aubaine est faux ! Actuellement, une faible proportion d’habitants consomme des produits alimentaires locaux à cause de pénurie de la production. Les habitants du département sont, de loin en nombre et en fiabilité, les premiers clients intéressés par un développement de la vente de produits locaux agricoles transformés et vendus sur place. Donc, produire des articles de bonne qualité pour la population locale est un projet 200 fois plus porteur que Center Parcs !

Ces activités sont créatrices d’emplois locaux en rapport avec la nouvelle économie porteuse de développement durable.

CONCLUSION

A l'issu de ce débat, l'inutilité et les pièges de ce projet de Center Parcs au Rousset se confirment. La Saône-et-Loire sans Center Parcs est un programme réaliste, ambitieux et salutaire avec un avenir durable des zones rurales.

Commentaires

bravo et merci pour la clarté de votre contribution.