Q45 • Eric BROUTA, EU, le 07/05/2010
Outils de production mal répartis
La plaquette de synthèse du maître d’ouvrage (Cie du Vent) indique que « 6000MW installées peuvent alimenter 8 millions de français ». A ce jour, dans la zone géographique concernée du Nord de la France à la Haute Normandie, il existe 12 tranches nucléaires qui produisent 13000MW, soit les besoins (règle de trois) de 17 millions de français… ; pourquoi donc vouloir absolument créer dans cette région de nouvelles sources de production, alors que la production actuelle est déjà excédentaire ? Le Sud Est de la France (région PACA) et la Bretagne ont, par contre, un besoin urgent de nouveaux moyens de production (risques de délestage) et aucun projet sérieux semble ne pouvoir aboutir. Au cas où ce projet serait autorisé, ne pourrions-nous pas être enclin à imaginer, de la part de l’Administration, le conclusion suivante : « Voilà 700MW d’installés, peu importe l’occurrence, pourvu que l’on réponde aux 6000MW sur lesquels la France s’est engagée ! ».
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La Compagnie du Vent, le 05/07/2010,
Bonjour,
Effectivement, comme nous l’indiquons dans notre document synthèse, la France s’est engagée à travers le Grenelle de l’Environnement à ce que 23% de notre production d’énergie en 2020 soit d’origine renouvelable. Cela représente 6 000 MW éolien en mer, soit un peu plus de 1 000 éoliennes qui devront être installées au large des côtes françaises. Elles produiront près de 18 TWh d’électricité chaque année, soit l’équivalent de la consommation domestique d’environ 8 millions de personnes.
Avec les centrales nucléaires que vous évoquez, les régions Nord Pas de Calais et Haute Normandie sont donc excédentaires en production d’électricité. Cependant, les régions frontalières comme la Picardie et l’Ile de France sont largement déficitaires en électricité et doivent donc importer massivement l’électricité.
Tableau comparatif de la production et de la consommation électrique dans cinq régions françaises en 2002
Source : SCHÉMA DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU PUBLIC DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ 2003 – 2013
Les compétences et infrastructures de ces deux régions sont donc grandes dans le domaine des énergies "conventionnelles" (pétrole, gaz, nucléaire…). En revanche, elles méritent d’être développées dans le domaine des « renouvelables », en particulier de l’éolien où ses atouts n’ont pas encore été suffisamment exploités, alors que les attentes sont nombreuses.
Ce rééquilibrage vers les « renouvelables » est l’une des ambitions de la région Haute-Normandie, plus précisément celle de la filière « Énergie Haute-Normandie » qui a été créée en 2009 pour faire de la Basse Seine et du littoral une plate-forme industrielle multi-énergies, connue et reconnue en France et à l’étranger, pour l’excellence de ses activités, de sa recherche et de sa formation, au service de l’emploi, de l’innovation et de l’environnement. Dans ce contexte, le projet des Deux Côtes est perçu comme une concrétisation possible de cette ambition ; il est complémentaire des autres grands projets régionaux (modernisation de la Raffinerie de Normandie, terminal méthanier d’Antifer, nouveau réacteur EPR de Penly) ; il est aussi le moyen de renforcer les coopérations entre la Haute-Normandie et la Picardie en anticipant les changements à venir, sur un champ entièrement nouveau : celui de l’éolien en mer.
Les effets de la construction des centrales nucléaires de Paluel et de Penly avaient été positifs pour les territoires, et on considère que le parc éolien des Deux Côtes peut devenir, à son tour, un vrai moteur de développement, à condition de savoir l’accueillir. Dans un contexte de crise, marqué par la fragilisation des bassins d’emplois littoraux, il s’agit là d’une opportunité dont l’intérêt va bien au-delà de la seule réalisation de l’investissement pour toucher aux dynamiques industrielles et environnementales.
De fait, le projet pourrait s’inscrire dans la réalisation de deux priorités régionales étroitement liées :
- la construction d’une filière industrielle d’excellence dans le domaine de l’énergie ;
- la préservation de l’environnement par la promotion de l’économie verte.
Sur ces priorités, les deux régions se rapprochent ; leurs démarches sont devenues convergentes et leurs actions interdépendantes et imbriquées. Pour elles, le projet des Deux Côtes peut être une signature – parmi d’autres – de leur virage vers l’économie verte, mais une signature importante puisque le projet, par ses caractéristiques et ses effets induits, sera certainement regardé comme une vitrine remarquable et remarquée.
Les régions PACA et Bretagne sont effectivement également des régions déficitaires en électricité notamment du fait d'un manque d'interconnexion avec les régions voisines et de par leur situation "en bout de ligne". Notons néanmoins qu'en dépit d’un morcellement des habitations qui restreint l’implantation de parcs éoliens conséquents, la Bretagne est actuellement la 4ème région éolienne de France en terme de puissance installée, la région PACA, quant à elle, est, avec le Languedoc-Roussillon, la première région « photovoltaïque » de France.
Le maillage du réseau de transport d’électricité du RTE de la région normande, permet d’acheminer rapidement et de façon stable, via ses diverses lignes HTB interconnectées, l’énergie produite dans cette région, sur le réseau d’énergie national et européen.
La connexion de 700 MW du projet des Deux Côtes au réseau électrique de Haute Normandie permettrait ainsi non seulement de répondre aux objectifs nationaux de 6 000 MW sur lesquels la France s’est engagée, mais également de répondre aux besoins nationaux d’électricité (et non uniquement régionaux). Pour rappel, dans sa version « Large », le projet des Deux Côtes permettrait de subvenir aux besoins électriques de 900 000 personnes, soit la moitié de la population picarde ou le double de la population de l’Agglomération de Rouen.
Cordialement