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centrale nucléaire EPR Flamanville

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  Document : Chapitre « Electricité »


Rubrique : Global Chance
Quelle urgence pour l’EPR ?

Aujourd’hui la France dispose d’un parc de centrales capable d’une production annuelle de l’ordre de 550 TWh : environ 420 TWh de nucléaire, 80 TWh d’hydraulique, 50 TWh de thermique (charbon, fuel et gaz) pour une consommation d’électricité de l’ordre de 400 TWh. Le solde se répartit entre consommations internes et pertes du secteur électrique (80 TWh dont 15 pour faire fonctionner l’usine de séparation de l’uranium Eurodif et 24 de consommation des auxiliaires), 6 TWh pour le pompage et 70 TWh d’exportation.

Les nouveaux besoins éventuels de centrales en France dépendent à la fois de l’évolution de la consommation d’électricité au cours des décennies qui viennent (en quantité annuelle et en répartition dans l’année), de la politique d’exportation d’électricité et de la durée de vie des centrales existantes, en particulier nucléaires. En se réfèrant aux 4 visions de l’évolution de la demande intérieure d’électricité centralisée sur le réseau jusqu’en 2050 (270 TWh, 430 TWh, 650 TWh, 900 TWh)1, on peut anticiper la date où il deviendrait nécessaire de renouveler le parc de centrales nucléaires actuelles par des centrales nucléaires (ou autres, par exemple à gaz) pour répondre aux besoins nationaux, dans différentes hypothèses de fonctionnement :

- Un fonctionnement « en base », quasiment continu (plus de 8 000 heures par an) pour lequel le nucléaire est le mieux adapté pour des raisons techniques et économiques. La demande électrique correspondante est de l’ordre de 50 % de la demande intérieure totale d’électricité.

- Un fonctionnement en semi-base où les centrales sont sollicitées en moyenne pour des durées inférieures, de 6 000 heures (62 % de la demande totale) ce qui augmente le coût moyen du kWh nucléaire de 30 % environ ou de 5 000 heures (75 % de la demande et surcoût de 55 %).

La date de mise en route de nouvelles centrales dépend aussi de la durée de vie des centrales existantes. Actuellement une durée de vie de 32 ans figure dans les documents remis à l’autorité de sûreté dans le cas d’une utilisation à pleine puissance des centrales, soit 40 ans pour un taux d’utilisation de 80 %, supérieur à celui constaté sur le parc actuel . Les auteurs du rapport Charpin-Dessus-Pellat2, compte tenu de l’avis des experts, avaient retenu une durée de vie moyenne de 45 ans pour le parc actuel (5 % fermés à 35 ans, 20 % à 40 ans, 45 % à 45 ans, 30 % à 50 ans). Les auteurs du rapport de l’OPESCT3 ont confirmé plus récemment cette expertise en évoquant des durées de vie moyenne du parc de 50 ans et plus.

Le graphique ci dessous illustre la démarche retenue pour un scénario 900 TWh en 2050, un fonctionnement en base du nucléaire et une durée de vie du parc de 45 ans, en tenant compte de l’apport de l’hydraulique aux besoins d’électricité de base (plus de 30 TWh) et de l’arrêt de l’usine Eurodif avant 2020.

Dans cette analyse on n’a pas pris en compte la part de fonctionnement en base ou de plus de 6 000 et 5 000 heures d’un éventuel parc renouvelable (éolien, centrales thermiques, etc.) alimentant le réseau, s’il était engagé. Malgré cette hypothèse conservatrice, on constate que si l’on utilise le nucléaire en base, les dates de nouvelles mises en service s’étalent de 2029 à 2037 pour 45 ans de durée de vie et de 2026 à 2032 pour une durée de vie de 41 ans, ceci quelque soit le scénario. Il faut cumuler un scénario à très forte consommation d’électricité (900 TWh en 2050 sur le réseau gravitaire), une faible durée de vie (41 ans) et un recours au nucléaire très loin de la base, autour de 5 000 heures, et par conséquent dans des conditions économiques fortement dégradées (un surcoût de plus de 50 %), pour justifier de mises en route de nouvelles centrales de taille importante (supérieures à 1 000 MWe) en 2020. Le rapport déjà cité de l’OPECST confirme d’ailleurs implicitement cette analyse quand il dit : « l’hypothèse commune aux scénarios étudiés par EDF est que la puissance en centrales thermiques en base, actuellement de 60 GW devrait passer à 75 GW en 2050 (dont 5 GW pour l’hydraulique de base) » ce qui implique une consommation totale de l’ordre de 1 200 TWh à cette époque.

Dans le scénario le plus consommateur d’électricité d’ailleurs, le solde d’électricité à produire, de l’ordre d’au moins 200 TWh, reposerait en grande partie sur des énergies fossiles, indispensables, en complément des renouvelables (en particulier l’hydraulique de barrage), pour assurer les pointes de consommation. Malgré ce recours massif au nucléaire, le contenu en gaz carbonique de ce scénario pourrait se révéler nettement supérieur à celui des autres scénarios.

L’échéance raisonnable de l’apparition de besoins d’électricité en base ou semi-base se situe donc dans la fourchette 2026-2033 et non pas 2015-2020 comme l’annoncent le Ministère de l’industrie et EDF.

L’anticipation de 10 à 15 ans proposée présente plusieurs inconvénients majeurs :

- La collectivité détourne de l’ordre de 3 milliards d’euros d’autres objectifs énergétiques plus urgents comme le développement de la maîtrise de la demande d’énergie ou les renouvelables.

- La mise en route de l’EPR tête de série en 2012-2015 dans un parc encore surdimensionné à cette époque par rapport aux besoins d’électricité de base contribue à la baisse de ses performances économiques.

- Enfin, en affirmant la nécessité d’un renouvellement du parc dès 2020, les partisans du projet tentent d’accréditer la thèse de la nécessité d’une génération intermédiaire de réacteurs entre le parc actuel et les réacteurs de la génération IV, présentés comme des éléments majeurs de progrès dans plusieurs domaines (accidents majeurs, rendement, déchets). Comme plusieurs de ces réacteurs pourraient atteindre, de l’avis même des experts, leur maturité industrielle vers 2025-2030 (voire beaucoup plus tôt pour le réacteur HTR), on pourrait envisager d’attendre l’émergence de ces réacteurs pour renouveler le parc. L’introduction anticipée d’EPR par rapport aux besoins réels d’électricité risque donc, vu la durée de vie de ces réacteurs (60 ans), de figer la situation jusqu’en 2080 ou 2100 et provoquer un effet d’éviction pour des solutions plus innovantes (nucléaires ou non) en termes d’offre et de demande.

La décision de construire à court terme un EPR tête de série ne se justifie pas, ni sur le plan énergétique ni sur le plan de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, ni sur le plan économique. Cette décision d’anticipation d’une dizaine d’années au moins présente d’autre part des risques forts d’irréversibilité et d’éviction vis-à-vis de l’émergence de solutions technologiques alternatives (renouvelables, piles à combustible, nouvelles technologies nucléaires, etc.) et de la mise en place de politiques de maîtrise de la demande d’électricité.

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