Avis n° 65 / Le rugby : Grand stade ou corruption des esprits

Ajouté par Jacques CADELEC (PALAISEAU), le 31/01/2014 [Origine : Site Internet]

Associé à Cohérence des équipements sportifs et culturels; Coût, financement et fiscalité; Débat public

Ce texte est consécutif à ma participation au débat organisé à Massy le 19 décembre 2013, et je prie les lecteurs d’en excuser sa longueur.

Ce stade doit être nécessairement en Ile-de-France ''seule région capable de supporter le coût d’une infrastructure d’une telle envergure''. Les dés sont donc pipés dès le départ puisque tous les sites envisagés sont dans notre région. La Commission Nationale du Débat Public est devenue Régionale. Comment est justifié ce choix? Par les ''hospitalités'', un néologisme qui évite d’expliquer qu‘il s’agit de faire acheter par les riches entreprises de la région des places luxueuses et très chères pour leurs clients. Le ''business plan'' crédite ainsi les recettes prévisionnelles de 65 millions d’euros pour les loges et les ''VIP'' (14.000 personnes) et de 17 millions d’euros pour le public (68.000 personnes). Et on ne lésine pas. Le stade doit être couvert car il faut jouer même quand il gèle; ce qui entraîne la conception d’une pelouse sur roulettes. Le grand luxe pour les grands riches….et pendant ce temps là des pauvres dorment dans la rue. Est-ce vraiment, ce que nous voulons ? Cela paraît gêner un peu le Président de la Fédération Française de Rugby (FFR), mais il se justifie en insistant sur le rôle d’insertion sociale du rugby. Cela ne le gênerait pas de faire payer les riches pour permettre aux pauvres de payer moins cher et il ajoute que ce n’est pas de sa faute si la France est centralisée. Je comprends sa logique, mais ne la partage pas. Je ne me sens pas engagé par des politiques initiées par les rois de France et poursuivies depuis.

Quel est le rôle de nos institutions politiques et des élus qui les dirigent en mon nom ? Tout élu local ne peut que soutenir un projet qui va augmenter la visibilité de son territoire, les rentrées fiscales, son prestige et donc sa chance d’être réélu. Là aussi, je comprends sa logique, mais ne la partage pas. Je croyais mon pays engagé depuis 1981 dans une politique de régionalisation. Or trente ans plus tard, n’est-on pas en face d’une perversion du système illustré par l’affirmation ci-dessus ''seule région capable de supporter le coût d’une infrastructure d’une telle envergure''? On ne prête qu’aux riches, dit la sagesse populaire. Et que fait l’Etat, il soutient les projets du Grand Paris tel celui qui concentre grandes écoles, universités, recherche scientifique et technique sur le plateau de Saclay. Et tout le monde applaudit, alors que tout ceci ne peut que renforcer le poids économique d’une région métropole qui est déjà la première région économique d’Europe et redistribuerait ainsi environ 10% de son Produit Intérieur Brut au reste du pays (La crise qui vient –Laurent Davezies – La république des idées – octobre 2012). Ainsi petit à petit, l’immigration intérieure augmentera et la vie quotidienne en Ile-de-France continuera à se dégrader car la construction des infrastructures sera toujours en retard d’un métro, si j’ose plaisanter avec ce que vivent déjà les usagers du RER.

Je suis donc opposé à ce grand stade du rugby qui s’inscrit dans une politique de concentration en Ile-de-France. Mais, moi, citoyen, je n’ai que mon clavier face à des organisations qui ont tous les moyens nécessaires pour financer des agences de communication, dont les luxueuses brochures sont destinées à nous faire avaler des projets sans que nous ayons les moyens de les contredire. En effet, les promoteurs de ces projets ont derrière eux toute la puissance institutionnelle et économique nécessaire. Une délibération satisfaisante exige l’examen des raisons pour et contre une action donnée (Raisons politiques, Presses de Sciences Po,n° 42, mai 2011 - Démocratie délibérative). Par exemple, je ne vois pas pourquoi le rôle d’insertion sociale du rugby est invoqué pour justifier l’implantation d’un grand stade en Essonne. Ce rôle serait-il moins bien assuré si la Fédération Française de Rugby répartissait ses grands matches entre tous les grands stades de France tels que Lille, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et Paris, toutes villes joignables du monde entier ? De plus la FFR ne prendrait pas le risque de traîner le boulet financier que risque de devenir ce grand stade. Le Stade de France est il rentable ?

La Commission du Débat Public va dans le bon sens. Dans la réunion de Massy, elle a donné la parole à un point de vue critique. Encore un effort, remettez ce projet dans un cadre national et non plus régional. Il y a sans doute d’autres solutions possibles sans même construire ce grand stade ? Je compte sur vous.

Merci de votre attention.


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LES COMMENTAIRES

Réponse de la commission particulière du débat public

Ajouté par CPDP GRAND STADE DE RUGBY (PARIS), le 05/02/2014 [Origine : Site Internet]

Bonjour,
Nous avons pris connaissance de votre message et nous vous remercions pour votre participation au débat, à la fois en réunion publique et sur notre site internet.
Rappelons que la CNDP a fondé sa décision d'organiser un débat public notamment sur le fait que le projet de grand stade a ''un caractère d'intérêt national'' (décision n ° 2012/66/GSFFR/1). La commission particulière à qui elle a confié l'organisation du débat a d'ailleurs décidé d'organiser une réunion en province, à Toulouse le 23 janvier, et de la diffuser en direct sur internet ainsi que 3 autres réunions publiques, afin de ne pas circonscrire le débat en Ile-de-France. De même, notre site internet est ouvert à tous et nous nous félicitons de la diversité des origines de nos contributeurs.
Le débat public est un temps de dialogue et d'échanges, qui permet ensuite aux porteurs de projet de prendre une décision dans les suites qu'ils entendent donner à un projet, sa poursuite, sa modification ou son abandon. Il se poursuit jusqu'au 21 février 2014 et il est de notre ressort, à l'issue du débat, de restituer le plus fidèlement possible l'ensemble des questions et avis exprimés tout au long du débat.

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