Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Compte-rendu de la réunion publique de Besançon

M. CHAUSSADE.- Merci. Vous m’avez dit que je vous brimais avec un exposé de cinq minutes alors que vous auriez volontiers parlé une heure. Vous êtes tout à fait passionnant. N’hésitez pas à mettre votre intervention complète sur le site Internet comme contribution de façon à ce que ceux qui veulent en savoir plus sur ce domaine puissent avoir votre intervention complète.

Je m’adresse maintenant à Michel de LABACHELERIE. Vous étiez la vedette ce soir sur France 3 Région. Vous intervenez au sein de FEMTO. J’aimerais que vous en parliez, mais que vous parliez surtout de ses applications, et notamment de vos relations avec l’hôpital de Dijon sur lequel il y avait un reportage.

M. DE LABACHELERIE.- Je représente un laboratoire régional multidisciplinaire qui travaille dans un certain nombre de domaines, dont une partie dans les nanotechnologies.

Je voudrais d’abord dire que les nanotechnologies recouvrent une réalité très variable. Ce qui vient d’être présenté est un type de nanotechnologies, d’objets fabriqués à base de poudre.

Nous ne faisons pas trop ce genre de choses. Je vais vous expliquer ce qu’il y a derrière les nanotechnologies que nous expérimentons.

Concernant la question posée sur l’activité en nano-biotechnologie, nous réalisons des composants qui comportent des couches moléculaires ultraminces, réalisées par des techniques relevant de la chimie douce : on trempe un objet dans une solution et des molécules viennent se déposer à la surface, ce qui fait une couche extrêmement fine de dimension nanométrique. On appelle cela des nanotechnologies, mais cela n’a rien à voir avec ce qui vient d’être présenté. Ce sont des technologies complètement différentes.

Ces molécules déposées sur les surfaces peuvent servir de composant, de reconnaissance moléculaire ; elles peuvent servir à construire des systèmes d’analyse biomédicale.

Nous les développons actuellement en partenariat avec nos collègues de Dijon, pour mettre en place une plate-forme qui permettra à terme de faire des analyses biomédicales beaucoup plus rapidement qu’aujourd’hui et de faire des choses extrêmement nouvelles de par la sensibilité et la spécificité que l’on peut en attendre. Cela permettra aussi éventuellement de pouvoir diagnostiquer des maladies, des troubles, de manière extrêmement précoce.

Concrètement, l’impact sur la société est de pouvoir diagnostiquer un cancer par exemple, des mois voire des années avant ce que l’on est capable de faire aujourd’hui. Cela peut être très important à terme.

Nous travaillons aussi un peu sur des matériaux nouveaux qui ont des propriétés et des performances meilleures que ce qui se fait aujourd’hui, notamment pour des couches de protection. Elles seront beaucoup plus dures que ce que l’on est capable de faire aujourd’hui. Dans le film, on vous a parlé de couches de protection impossibles à rayer, etc. Nous avons effectivement des activités là-dessus. Vous avez vu aussi des composites qui sont des enrobages de fils très fins, qui ont des dimensions nanométriques par leur diamètre, qui peuvent être très longs et qui peuvent renforcer de manière très importante un certain nombre de matériaux pour les rendre plus solides, notamment des matériaux plastiques à la fois légers et très résistants. L’impact dans la vie quotidienne vous a été montré, mais c’est aussi ce qui ne l’a pas été : les voitures, les avions, etc. en bénéficieront aussi dans le futur.

L’activité la plus importante que nous ayons en nanotechnologies est un troisième type d’activité : c’est tout ce qui concerne les composants électroniques ou optoélectroniques. C’est le fait de dire que nous pourrons faire des transistors plus petits, et ce faisant, nous ferons des mémoires qui seront 1 000 fois plus grosses, qui permettront un stockage d’une capacité 1 000 fois supérieure avec le même volume extérieure. Cela aura évidemment un impact. Vous savez tous qu’il y a une course à la mémoire et que quotidiennement le manque de mémoire de nos ordinateurs pose quelques problèmes. Cela donnera lieu à des produits nouveaux.

Cela se fait aussi par les communications par fibres optiques. Nous faisons des composants nouveaux avec des principes qui utilisent des structures avec de toutes petites dimensions. Ce sont, par exemple, des structures qui sont faites en perçant des trous dans une pièce massive. Là encore, il n’y a pas de poudre, mais simplement des trous percés dans la pièce de façon régulière, ordonnée et qui permettent d’obtenir des composants plus performants, plus rapides et plus compacts. Cela donnera lieu à des systèmes de télécommunication plus intégrés, avec des fonctions plus complexes et qui permettront d’améliorer notre environnement informatique et télécoms.

Ces nanotechnologies peuvent à la fois être les emplois de demain. Dans le cas que je viens de vous décrire des composants optiques pour les télécommunications, nous travaillons depuis un certain avec une start-up, une compagnie issue de notre laboratoire. Nous savons pertinemment que ces nanostructures permettront de créer une deuxième génération de composants, vendue par cette start-up qui augmentera énormément leurs performances. Nous nous sentons le devoir de développer ces composants pour assurer une pérennité et leur développement dans la région.

Ce ne sont pas les seules applications. Patrice MINOTTI, qui représente une autre start-up qui vient dans notre laboratoire, vous donnera quelques éléments sur ce qu’il fait dans le domaine des nanotechnologies.

M. CHAUSSADE.- Je passe la parole à Thierry BRUGVIN de ATTAC. Vous n’allez pas vous situer en tant que chercheur, mais d’un autre point de vue, et c’est celui qui m’intéresse.

M. BRUGVIN.- ATTAC ne connaît pas les questions réellement techniques. Nous voulons plus faire entendre un point de vue citoyen et poser des questions de démocratie.

Vous avez vu dans le film qu’il y avait environ 1 000 produits existants sur le marché. On estime qu’il y en a au moins une centaine en France, d’après une étude faite par les Amis de la Terre. Ils sont aussi bien dans les emballages alimentaires, les récipients de stockage, les microcapsules, le cosmétique, les vêtements, les pesticides. Ces produits nous côtoient et nous pouvons déjà être en contact avec eux.

Du coup, se pose un problème de santé publique : peut-on avoir vraiment une traçabilité de ces produits, à la fois dans l’environnement et au niveau du corps humain ? Nous avons les problèmes que posaient les OGM. Nous considérons que nous sommes dans le même genre de problématique. Une fois qu’ils sont dans l’environnement, ils vivent leur vie et il est difficile de revenir en arrière.

Il y a aussi des applications liées à la pharmacie. Si c’est absorbé, cela peut vous soigner, mais cela peut aussi rester dans le corps et on ne sait pas toujours quels effets peuvent être induits.

Nous savons qu’aujourd’hui seulement 0,4 % des dépenses sur la recherche nanos sont faites sur les questions de santé et nous aimerions qu’il y en ait plus.

Le troisième point est celui de la question de démocratie qui vient de se poser. Le principe que nous voulons mettre en avant est le principe de précaution, comme cela a été le cas pour les questions d’OGM et pour d’autres éléments.

Bien qu’il ne soit pas toujours évident de savoir à l’avance quels problèmes cela pose, dans l’idéal, avant de mettre ces différents produits sur le marché il aurait fallu faire des analyses sur la toxicité et sur les nuisances pour la santé de la population.

Il est bien qu’il y ait un débat maintenant. Nous ne pouvons pas être contre. En même temps, il vient un peu tard puisque c’est déjà sur le marché.

Les recommandations que nous pouvons faire sont d’une part que soit faites des études toxicologiques sur les faibles doses des nanotechnologies, d’autre part qu’il y ait une protection des travailleurs, des consommateurs et des techniciens qui travaillent sur ces questions et qu’il y ait un étiquetage obligatoire comme cela s’est fait sur les OGM. Dans un premier temps, il faut au minimum qu’un moratoire soit fait sur la vente de ces produits, car s’ils continuent à se disséminer sur le marché indéfiniment avant qu’une loi ne soit faite, peut-être nous rendrons-nous compte que c’est trop tard et qu’ils continuent leur petit chemin un peu partout. C’est peut-être d’ailleurs déjà trop tard.

Pour conclure, par rapport à la forme du débat et à la question démocratique, nous espérons que la synthèse sera faite en montrant les différents points de vue. Nous pouvons encore faire confiance à la synthèse, mais j’ai plus d’inquiétudes sur la reprise par le gouvernement de ce genre de débat. Par exemple, ce n’était pas un membre du gouvernement, mais un membre du débat public sur Iter, par exemple, qui déclarait à la fin du débat : « Il n’y a pas d’opposition réellement aux questions d’Iter », alors que ce n’est pas le cas. Ce qui nous inquiète, même si nous sommes favorables au débat, c’est que nous espérons qu’il ne sera pas utilisé comme une caution en disant : « Ils sont venus, donc ils sont d’accord. » Nous espérons que ce ne sera pas le cas.

C’est plus au niveau du gouvernement qu’auprès de vous que l’inquiétude se pose.

M. CHAUSSADE.- J’ai plusieurs questions pour les différents ministères à travers ce que vous avez dit, mais je voudrais savoir si, du côté de la salle, il y a toute suite une question ou si je passe la parole aux différents ministères.

Je passe la parole.

Il y a plusieurs questions.

Un intervenant.- Bonsoir. Je suis membre de l’Adoc, l’Association des objecteurs de conscience.

Je vais vous lire une dépêche AFP qui date du 5 novembre : « Les nanoparticules utilisées en médecine endommagent à distance l’ADN des cellules humaines par-delà une barrière du type de celles protégeant de nombreux organes, selon une étude qui relance le débat sur les risques nanotechnologiques. C’est une étude qui a été conduite en Angleterre. Un groupe de chercheurs vient de publier ses travaux dans la revue Nature nanotechnologies et a testé l’effet à distance sur les tissus conjonctifs humains de nanoparticules de cobalt chrome qui servent notamment dans la fabrication des têtes de fémur pour les hanches artificielles. En contact direct avec les organes, ces nanoparticules d’un diamètre moyen de trente nanomètres sont connues pour pouvoir endommager l’ADN, provoquer des aberrations chromosomiques, voire la mort de cellules. »

Je vous passe les détails.

« Le mécanisme par lequel les tissus situés de l’autre côté de la barrière sont affectés reste en revanche mal expliqué. »

Cet article est publié en plein débat. De son côté, l’Office fédéral de l’environnement allemand a jugé le 21 octobre qu’en attendant d’en savoir plus sur les effets secondaires des nanoparticules, l’utilisation de produits contenant ou pouvant libérer des nanomatériaux doit être évitée autant que faire se peut, tant que les effets sur l’homme ne sont pas encore compris.

Cette étude a récemment été conduite. La dépêche est du 5 novembre.

M. CHAUSSADE.- Cela renforce les questions à poser au ministère de la Santé.

Je vais reprendre plusieurs questions qui ont été posées.

D’abord, une question concernait le pourcentage de la recherche consacré aux études de santé, notamment la toxicité. Quelqu’un a-t-il les éléments ?

Mme LARRIEU.- Actuellement, l’estimation du volume de dépenses publiques sur les recherches liées aux risques de manière large, c’est-à-dire risques sur la santé, sur l’environnement ou sur la toxicologie etc., est de l’ordre de 5 % des budgets publics sur la recherche nano.

M. CHAUSSADE.- Je reviens sur cette question : peut-être ce pourcentage est-il récent ? Peut-être ce n’était pas le cas il y a quelques années ?

Mme LARRIEU.- Tout à fait. Ce pourcentage est plutôt en augmentation. Il est actuellement un peu en retrait du pourcentage que nous avons sur les programmes européens, puisque les programmes européens de soutien à la recherche nano, en complémentarité avec les programmes des Etats ont depuis assez longtemps mis en plus forte place les questions d’étude des risques.

Cela dit, il est assez difficile de dire que la recherche française se serait plus désintéressée que la recherche européenne, puisque ce sont en fait les mêmes acteurs. Ce sont simplement les programmes de financement. La recherche sur les risques a été plus mutualisée au niveau européen. Elle a une plus forte part dans les volumes de financement européens ; mais de toute façon les acteurs sont bien les laboratoires nationaux qui travaillent soit sur programmes nationaux, soit sur programmes européens.

Il est donc difficile de distinguer. Ce sont tout de même les mêmes laboratoires qui travaillent sur ces sujets.

M. CHAUSSADE.- Le reproche qui a été fait est qu’un certain nombre de nanomatériaux sont sortis et les programmes de recherche sont venus après. Finalement, au stade d’aujourd’hui, que peut-on dire sur les produits qui sont sur le marché ?

Mme BLANC.- Je suis Patricia BLANC et je travaille au ministère de l’Ecologie et du développement durable.

Le point que vous soulevez est effectivement très important. L’un des engagements du Grenelle de l’environnement est d’améliorer la connaissance des produits aujourd’hui sur le marché. Effectivement, une centaine de produits en France sont sur le marché et, aujourd’hui, les autorités publiques ne connaissent pas ces produits ni leurs usages ni leurs quantités.

Il nous a semblé que le plus urgent était de mettre en place une déclaration obligatoire pour tous les producteurs de nanomatériaux ou pour les personnes qui les mettent sur le marché. Cela couvre aussi les importations.

En France, il y a un projet de loi qui s’appelle Grenelle de l’environnement 2, portant sur l’engagement national pour l’environnement. Il a déjà été voté au Sénat et doit passer à l’Assemblée nationale début 2010. Il rend cette déclaration obligatoire, moyennant quelques mois pour mettre en œuvre les textes d’application et mettre en place la base d’application qui permettra le recensement des nanomatériaux aujourd’hui sur le marché, de leur caractérisation, des quantités et des usages pour lesquels ils sont mis sur le marché.

Ce sera une première en Europe. La France sera le premier pays européen et probablement mondial à rendre cette déclaration obligatoire.

Nous sommes très observés par les autres pays, notamment le Royaume-Uni et l’Allemagne. Monsieur a cité cette étude qui est récemment sortie au Royaume-Uni. Il a également cité les préoccupations qui émergent en Allemagne. Ces deux pays envisagent de faire la même chose que nous : mettre en place une déclaration obligatoire sur la mise sur le marché et la fabrication de nanomatériaux. L’objectif est d’étendre rapidement cette déclaration au champ européen car, si la France est toute seule à agir dans ce domaine, elle sera assez inefficace. Il est important d’avoir une réglementation au moins harmonisée au niveau européen.

La première étape est la connaissance. Pour cela, le Grenelle de l’environnement 2 prévoit une loi obligatoire.

En termes réglementaires, il y a beaucoup d’autres choses à faire. C’est pourquoi ce débat n’arrive pas forcément trop tard. Il y a toutes sortes de discussions au niveau européen sur la manière d’améliorer l’évaluation des risques associés aux nanomatériaux ; car, il ne suffit pas de connaître les quantités sur le marché, il faut aussi connaître les risques pour la santé et pour l’environnement. Ces discussions sont en cours dans différentes réglementations européennes. Les décisions ne sont pas encore prises et ce débat public peut aider à accélérer et à renforcer la prise de décision dans ce domaine.

M. CHAUSSADE.- Je voudrais compléter sur ce que notre intervenant a dit à propos de cette étude sur les effets sur l’ADN.

En France, quel organisme collecte toutes ces études faites dans le monde, en fait l’évaluation et prend position par rapport au système ? Quand on n’est pas un spécialiste de ces questions, il est très compliqué de savoir quel organisme collecte tout cela, en fait l’évaluation et dit : « Stop. Il y a danger, moratoire, arrêt de vente des produits » Comment cela se passe-t-il concrètement ?

Mme FONTAINE.- Je suis Mireille FONTAINE. Je suis à la Direction générale de la Santé. Différents organismes peuvent être saisis. Il y a en premier lieu les agences de sécurité sanitaire. Les agences sont pour le moment spécialisées. Il y a l’AFSSAPS, agence française de sécurité des produits de santé pour tout ce qui est médicaments, dispositifs médicaux et cosmétiques. Il y a l’agence française de sécurité de l’environnement et du travail pour tout ce qui est environnement général et substances utilisées au travail.

Au niveau de la Direction générale de la santé, quand des articles paraissent et mettent en évidence des inquiétudes sur des risques émergents, il est possible de saisir le Haut conseil de santé publique qui a constitué en son sein un groupe de veille sur les risques émergents.

Cela a par exemple été le cas pour les nanotubes de carbone. Plusieurs articles avaient fait état de risques, avaient parlé du comportement des nanotubes qui ressemblait un peu à celui des fibres d’amiante et qui suscitait beaucoup d’inquiétudes. Nous avons saisi le Haut conseil de santé publique dans lequel un certain nombre d’experts ont analysé les différentes publications pour être sûrs que nous pouvions faire confiance à ces publications. Une recommandation est donc sortie sur le confinement dans l’utilisation des nanotubes de carbone.

Nous avons vu la publication dont on a parlé à l’instant au ministère de la Santé. Comme cela a été souligné, elle est très récente. Nous allons évidemment voir comment saisir les experts ou les agences et voir la suite qu’il convient de donner à cette publication ou à d’autres.

Il faut être très prudent dans ces publications, car nous sommes pour le moment sur des choses qui sont vraiment de la toxicologie expérimentale. On travaille sur des cellules, pas encore sur l’homme. Visiblement, ce qui fait la caractéristique des nanoparticules, c’est de trouver les bons modèles de toxicologie et d’adapter ce que l’on a actuellement comme moyens en toxicologie aux spécificités des nanoparticules.

Je répondrai à votre question si besoin est.

M. CHAUSSADE.- Merci. Monsieur, voulez-vous revenir ?

Cela vous convient ?

Il y a une prise en compte par la Direction générale de la santé qui saisit telle ou telle agence, l’AFSSET, l’AFSSA, l’AFSSAPS, tous ces organismes qui ne s’autosaisissent pas eux-mêmes ? Est-ce cela ?

Une intervenante.- Ils peuvent éventuellement s’autosaisir par ailleurs.

M. CHAUSSADE.- Eux-mêmes ont leur veille, suivent ces questions et peuvent s’autosaisir, s’ils estiment qu’il y a un risque.

Pour moi, les agences sont des organismes autonomes, dépendants de la Direction générale de la santé. Quelle est la relation entre une agence et la Direction générale de la santé ? Est-ce un organisme qui travaille indépendamment d’instructions venant des ministères ? Quel est le lien ?

Mme FONTAINE.- Les agences sont des organismes sous tutelle de l’Etat sur le plan administratif, mais ils ont une expertise indépendante.

Il faut peut-être redire la genèse de la création de toutes ces agences. C’est venu après les grands événements sanitaires, le problème du sang contaminé, la vache folle, le SRAS et autres événements qui sont apparus ces dernières années. En créant ces agences, on a souhaité faire la distinction entre l’expertise et avoir des experts indépendants de la gestion qui revient effectivement ensuite à l’État ou aux instances ad hoc.

Je voudrais aussi compléter que, dans le cadre de la présidence européenne, la France et la DGS ont été moteurs pour demander au niveau européen que des études de génotoxicité soient effectuées. En Europe, 11 pays se sont réparti le travail pour étudier la toxicologie des principales nanoparticules.

M. CHAUSSADE.- J’ai une question pour M. GAFFET et pour M. DE LABACHELERIE.

Vous avez entendu l’intervention de M. BRUGVIN régissant d’une façon générale et globale. En quoi son intervention vous concerne-t-elle dans vos activités ?

Considérez-vous que les questions de toxicité sont au sein de vos activités ou considérez-vous que vos activités ne sont pas concernées ?

M. GAFFET.- Par rapport à ce qui a été dit sur l’expertise de la problématique du risque nano, dans les groupes d’experts de l’AFSSET, de l’AFSSA, de l’AFSSAPS, un certain nombre de chercheurs ne sont pas tous des toxicologues, ni des écotoxicologues.

Pour les deux premières saisines de l’AFSSET « Nanomatériaux et effets sur la santé de l’homme et sur l’environnement », et le deuxième qui était « Nanomatériaux et sécurité au travail », il se trouve que j’ai présidé ces deux groupes d’experts. Je suis physico-chimiste. Par rapport à la problématique de l’expertise sur la mise en sécurité de ces produits, en tant que chercheur on fait partie de ces groupes d’experts.

La notion d’indépendance est réelle dans ces groupes d’experts. C’est surtout une expertise collective. Les avis travaillent sur la notion de consensus, mais avec une position éventuellement minoritaire. Il n’y a pas nécessairement unanimité, en particulier sur l’évaluation de certains travaux. On peut avoir des approches différentes en fonction de son expérience. Ces avis minoritaires sont reconnus et sont aussi valables que les avis majoritaires, autour d’une majorité d’experts. C’est très important en termes d’expertise indépendante.

M de LA BACHELERIE.- Je trouve la préoccupation de mon voisin extrêmement légitime. Il est très important et la recherche doit se saisir de ce problème de savoir quels sont les risques réels que l’on encourt à travailler avec les nanomatériaux.

Concernant notre laboratoire, je pense que nous n’avons pas vraiment la compétence. Les gens qui travaillent sur les nanomatériaux chez nous n’ont pas la compétence qui permettrait d’attaquer ce problème de front, notamment dans les sciences du vivant.

Nous essayons de faire confiance aux laboratoires spécialistes, mais nous espérons surtout qu’ils parviendront à des conclusions claires pour que nous puissions nous appuyer dessus et pour que nous soyons absolument certains qu’il n’y aura pas de problèmes avec les matériaux que nous développons.

Le type de matériaux que nous développons au niveau nanotechnologies par essence ne paraît pas poser les problèmes les plus critiques. Mais nous ne sommes à l’abri de rien et nous sommes évidemment tout à fait à l’écoute de ce qui peut se faire sur ce type de sujets.

M. BRUGVIN.- J’aimerais répondre aux deux remarques qui ont été faites sur les différents éléments. Pour l’instant, il n’y a pas de réglementation européenne, mais il y a une réglementation concernant le programme REACH, mais les nanotechnologies y échappent, car elles sont apparemment trop petites.

Concernant les recommandations et les demandes faites par le gouvernement, nous en sommes pour l’instant à des déclarations obligatoires. Par rapport à ce que nous souhaitons, c’est nettement insuffisant. Nous ne souhaitons pas des déclarations obligatoires, mais un arrêt clair de la mise sur le marché de ces produits tant que la toxicité n’a pas pu être prouvée.

Sur la question des agences indépendantes, l’indépendance est toujours relative. Tout dépend de qui finance qui. Quand ce sont des experts qui travaillent pour des entreprises, elles sont un peu dépendantes des entreprises. Quand ce sont des experts qui travaillent avec financement de l’Etat, même si c’est secondaire, il y a toujours ce problème. Finalement, seules les associations pouvant être financées par elles-mêmes sont réellement indépendantes. Du coup, nous sommes aussi méfiants sur le pouvoir des experts. Même s’il est intéressant qu’ils donnent leur avis, nous considérons que ce qui vient contrebalancer la démocratie participative, c’est le pouvoir des citoyens et ce genre d’assemblée ce soir.

Une intervenante.- Je n’ai pas eu de réponse. J’ai dit à mes amis de revenir. Ils sont revenus et se sont fait refouler. Je vais donc partir. Je vais juste vous dire que tout le monde n’a pas eu ce papier que j’ai distribué à l’entrée, car je n’ai pas deux millions d’euros pour faire passer ma propagande. J’ai fait un nombre limité de copies, mais ce qui s’est dit à Clermont-Ferrand, je vous invite à le regarder sur le site officiel. Il est question d’une agence de communication I&E que vous avez embauchée. Je ne sais pas pourquoi vous avez besoin de spécialistes de la manipulation pour faire un simple débat public. En plus, c’est une agence qui, l’année dernière, cherchait des choses sur les opposants à la politique du gouvernement sur les réseaux d’influence et les leaders d’opinion. Je ne sais pas quelle est la neutralité politique de ce qui se passe ici. Je vais partir.

M. CHAUSSADE.- J’ai présidé un autre débat public en Aquitaine sur un projet ferroviaire. La commission particulière du débat public a besoin de travailler avec une agence de communication pour organiser les débats, retenir les salles, mettre toute la sonorisation, nous aider dans les contacts avec la presse. L’agence I&E a été sélectionnée après appel d’offres auprès d’une dizaine d’agences. Il y a une petite sélection. Trois agences ont été sélectionnées et, finalement, au vu de la présentation, nous avons retenu l’agence I&E.

C’est quelque chose de tout à fait normal. C’est la commission qui dirige le débat public. C’est nous qui prenons les contacts avec les intervenants, nous qui décidons des tables rondes et nous qui animons les débats. L’agence est simplement là pour nous y aider.

Je regrette que vous ne restiez pas pour débattre avec nous. Tout le monde est le bienvenu pour autant que l’on respecte bien les règles d’écoute et de respect des autres.

L’intervenante.- Pourquoi se fait-on refouler ? Qui est le bienvenu, là ?

M. VEDRINE.- Je suis allé aux nouvelles et je reviens vers vous. Mais, pour suivre le débat, j’aurais voulu intervenir dans l’autre séquence, mais je vais intervenir immédiatement, mademoiselle, puisque vous voulez partir.

Premier point, nous nous sommes vus, vous m’avez demandé si vous pouviez distribuer les tracts et je vous ai dit qu’il n’y avait aucun problème.

L’intervenante.- Heureusement.

M. VEDRINE.- C’est la philosophie de la commission.

Dans le cadre de Vigipirate auquel la commission doit se conformer, les agents de sécurité ont demandé que les personnes regardent ce qu’il y avait dans leur sac. Ils ont refusé. Vous commenterez après, je finis. Là-dessus, il y a eu une relation entre eux et les forces publiques. Il s’est avéré que ces personnes avaient été qualifiées de perturbateurs dans la manifestation de ce matin sur l’Education nationale qui a eu lieu à Besançon.

L’intervenante.- Quel est le rapport avec ce qui se passe ici ?

M. VEDRINE.- Il a été jugé que la sérénité de ces débats ne pouvait pas être... de la part de ces personnes qui avaient tout de même eu des comportements assez durs le matin. Il faut débattre de façon sereine dans une commission comme celle-ci. Il a été demandé à ces personnes de ne pas rentrer à la suite du contrôle Vigipirate.

L’intervenante.- Qui sait ce qu’ils avaient fait le matin ? Qui contrôle ?

M. VEDRINE.- Je vous l’ai dit. Nous avons des vigiles qui sont mis à notre disposition par le préfet…

L’intervenante.- Comment est-il possible qu’ils aient été dans une manifestation ce matin ?

M. VEDRINE.- C’est une réunion publique et, comme dans toute réunion publique, des forces de police regardent ce qui se passe, car il peut toujours se passer quelque chose.

L’intervenante.- C’est le travail des vigiles de suivre les manifestants pour dire ensuite…

M. VEDRINE.- Ce ne sont pas les vigiles, mais les forces de police.

L’intervenante.- Vous venez de dire que c’étaient les vigiles.

M. VEDRINE.- J’ai simplement dit que les vigiles avaient demandé aux forces de police des explications sur le fait que ces personnes ne voulaient pas ouvrir leur sac. C’est tout. J’ai été un peu technique, mais je suis allé aux nouvelles. Je vous rappelle que, dans tous les cas, cela aurait avec plaisir, s’ils avaient laissé la chose se mettre en place, que nous les aurions reçus.

M. CHAUSSADE.- Pardon pour ces incidents, mais nous sommes un peu sensibles sur les questions de liberté d’expression.

Sauf s’il y a une question dans la salle, je voudrais passer la parole à Serge PIRANDA qui représente une entreprise qui travaille dans ce secteur. Nous allons vous écouter nous dire ce que vous faites, votre motivation, les difficultés de votre entreprise, le développement. Comment cela se présente-t-il ?

M. PIRANDA.- Statice Santé est une petite entreprise bisontine issue de l’horlogerie. Elle sort des microtechniques et a cherché une diversification dans d’autres secteurs, en particulier dans le médical. Nous sommes confrontés à ces nanotechnologies, car ce sont des technologies nouvelles. Quand on est dans l’innovation comme nous le sommes, dans la création de dispositifs innovants, nouveaux, à la demande du public, du monde médical...

Une intervenante.- Excusez-moi, je vous interromps, mais ce n’est pas vrai. Ils n’ont même pas demandé à mes amis d’ouvrir leur sac. Ils sont arrivés et quelqu’un de votre commission a dit aux vigiles à l’entrée : « Ceux-là ne rentrent pas. » On ne leur a même pas demandé d’ouvrir leur sac.

Autre intervention hors micro.

M. CHAUSSADE.- M. VEDRINE va voir avec vous précisément. M. PIRANDA va suivre.

M. PIRANDA.- Dans notre activité microtechnique, c’est tout de même un peu la spécialité de la région de Franche-Comté, nous sommes amenés à travers l’innovation à nous intéresser à toute nouvelle technologie.

Je suis très content de rencontrer des spécialistes des nanomatériaux, depuis la recherche fondamentale jusqu’à la recherche appliquée. Notre public, ce sont souvent des médecins ou des chirurgiens qui souhaitent toujours soigner en allant plus loin, avec plus de moyens et d’efficacité dans leur intervention. Ils nous poussent toujours à nous rapprocher des nouvelles technologies et à les intégrer dans nos développements.

Il est certain que nous n’y connaissons pas grand-chose en tant que micro mécaniciens ; néanmoins nous assimilons progressivement ces technologies pour les mettre dans des dispositifs de plus en plus innovants et efficaces pour le bien-être et la santé.

Je partage les inquiétudes d’ATTAC qui nous dit : « Soyez vigilants. » Dans la transformation des matériaux, des nanopoudres, on intégrait déjà toute cette vigilance. Avec la médecine du travail, on regarde quels sont les postes à organiser pour éviter que l’opérateur puisse inhaler des micropoudres, quelle est la toxicité de ces poudres dont on a parlé, quels environnements on doit maîtriser pour pouvoir utiliser ces matériaux, également l’utilisation que l’on en fait pour faire des dispositifs implantables.

Vous avez parlé de l’AFSSAPS. Ils sont contrôlés par des organismes notifiés qui sont là pour nous aider à dire : « Nous allons vérifier que le produit que vous avez mis sur le marché apporte un plus pour le patient et n’a pas d’effet secondaire négatif. » On a effectivement raison de rester vigilant sur l’utilisation de ces nanomatériaux, car il y a l’effet court terme et des effets plus long terme. Il faut parfois des années pour se rendre compte des conséquences dans l’utilisation de ces matériaux.

Il n’empêche que, du point de vue économique, en tant que petite entreprise comme toutes celles qu’il y a dans la région, nous sommes condamnés à toujours proposer des solutions innovantes et technologiques pour maintenir nos emplois et en créer. Si nous sommes très sensibles aux nouvelles technologies, nous sommes dans le domaine l’innovation et nous arrivons à recréer un tissu industriel qui nous permet de nous mettre en avance sur le monde économique, sur la mondialisation. Il nous reste heureusement ces nouvelles technologies pour trouver des sorties et participer à la création d’emplois local puisque, grâce à ce savoir-faire, nous anticipons l’avenir.

J’ai souvent l’habitude de dire que nous mourrons tous en bonne santé car, avec les progrès de la science, on arrive à soigner, à réparer l’homme jusqu’à un âge ultime. Grâce à ces nouveaux matériaux, micro- et nanostructures, on arrive à faire des choses que l’on n’imaginait pas. Aujourd’hui, nous sommes beaucoup plus sensibles sur la pollution car nous savons la mesurer, alors que nous n’en parlions pas il y a 50 ans, car nous étions incapables de mesurer les pollutions que l’on créait.

Nous devons à la fois être vigilants ; mais nous devons aussi utiliser ces nouvelles sciences, car c’est l’avenir de l’homme. Vous n’empêcherez pas l’homme de réfléchir et d’inventer. C’est dans ses gènes de toujours continuer à se développer. Nous sommes obligés de faire avec. Soyons tous ensemble à réfléchir sur ce que nous ferons dans cette utilisation et puis écoutons les philosophes, les gens qui ont quelque chose à dire sur l’éthique, les personnes spécialisées dans le contrôle et les effets secondaires pour orienter nos recherches.

Nous dépasserons inévitablement ces risques, car nous devons les maîtriser. S’il faut mettre des barrières, dites-nous lesquelles nous devons construire pour canaliser ces nouvelles technologies. De toute façon, nous y allons et nous continuerons à développer le monde par l’innovation.

Une intervenante.- Comme nous sommes dans une faculté de médecine et que je suis moi-même médecin, d’ailleurs y a-t-il des médecins dans la salle ? Oui ? J’aurais bien voulu en voir un aux tribunes. Après tout ce que j’ai entendu et qui est fort intéressant, j’aimerais être sûre que nous ne retrouverons pas un problème de type amiante dans quelques années et que nous ne jouons pas aux apprentis sorciers. Pouvez-vous m’en donner l’assurance ce soir ? Oui ? Je rêve ! Nous sommes en plein rêve. Le monde est merveilleux ! Il est plein d’inventeurs !