Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Note de synthèse de la réunion publique de Rennes

Note de synthèse du débat public Nanotechnologies de Rennes

jeudi 7 janvier 2010

 

Les nanotechnologies et l’alimentation
Panélistes : Ronan Lefort (chercheur, Université de Rennes 1), Denis Morineau (chercheur, Institut de Physique de Rennes, coordinateur C’Nano Grand Ouest), Saïd Bouhallab (INRA de Rennes), Marie-Christine Favrot (Direction de l'évaluation des risques nutritionnels et sanitaires, Agence française de Sécurité Sanitaire des Aliments), Patricia Foucher (juriste, Institut National de la Consommation), Camille Helmer (chargée de mission, Association nationale des Industries Alimentaires)
 
Animatrice : Isabelle Jarry, membre de la CPDP
Isabelle Jarry, membre de la commission particulière du débat public ouvre le débat en rappelant qu’il a été organisé pour répondre à la demande des associations, à l’issue du Grenelle de l’environnement, sur le développement et la régulation des nanotechnologies. Le ministère de l’Ecologie, auquel se sont associés 7 autres ministères, en est le maître d’ouvrage. Les 17 réunions organisées doivent permettre de recueillir questions et avis. De nombreux cahiers d’acteurs, apportant contributions et positions, ont été transmis.

 

La commission du débat public, indépendante, ne prend pas parti. Elle facilite le dialogue entre public et maître d’ouvrage. A l’issue des 17 réunions, elle rendra un rapport sur lequel le maître d’ouvrage se prononcera dans un délai de trois mois.
Ce débat sur les nanotechnologies est très spécifique : il n’intervient pas en amont puisque les nanotechnologies font déjà partie de notre vie, il est conduit sur le territoire national et touche de nombreuses disciplines.

 

Le thème de ce jour est l’alimentation. Les invités ont tous une compétence particulière dans ce domaine : ils représentent l’AFSSA, les industriels de l’agroalimentaire (ANIA), l’Institut National de la consommation (INC), l’association des Amis de la Terre qui a développé à l’échelon européen une expertise sur les nanotechnologies, notamment sur l’alimentation et enfin les scientifiques et chercheurs.
 

Le public est invité à s’exprimer.

 

Pour un jeune opposant au débat, participer, c’est entériner des décisions déjà prises, aucune marche arrière n’étant possible. Il interpelle la Commission, mettant en doute son indépendance, sa volonté réelle d’un large débat, tant la publicité sur cette réunion a été faible. Il s’interroge également sur le traitement qui sera réservé aux questions imprévues. Enfin, il dénonce un filtrage à l’entrée de la salle.
 

Il déplore qu’au fil des réunions et face aux oppositions grandissantes la CPDP n’ait pas revu ses modalités, préférant renforcer le dispositif de sécurité à l’extérieur, réunissant intervenants et public dans deux salles séparées, bref faisant de ce débat une farce démocratique.

Une partie de la salle manifeste bruyamment son adhésion à ces propos, criant, sifflant, tentant d’empêcher par le chahut la poursuite du débat.

 

Isabelle Jarry assure que les membres de la Commission sont indépendants. Ils ne sont pas fonctionnaires et ne sont pas rémunérés. Elle exhorte au calme et demande que l’on ne confisque pas la parole aux participants qui souhaitent aussi s’exprimer. Personne n’a été interdit d’entrée. Elle souhaite que tous les arguments soient entendus, y compris ceux des opposants à ce débat, afin qu’ils puissent être pris en compte dans le rapport. Enfin, toutes les questions posées recevront une réponse.
 
Lucie Lebrun, des Amis de la Terre, partage les arguments des opposants. Elle a cependant choisi de les exprimer dans le débat. Pour elle, la seule solution raisonnable est le moratoire sur la recherche appliquée et sur la commercialisation.
 
Dans un chahut généralisé, participants venus dans le but de s’informer et opposants au débat s’affrontent,  les premiers invitant à faire part des arguments contre, les seconds étant déterminés à empêcher par le bruit un débat qui, selon eux, ne sert qu’à justifier des décisions prises. Ils rejoignent les Amis de la Terre dans la demande d’un moratoire.
 

Isabelle Jarry réaffirme que rien n’est décidé, rappelant l’intitulé « développement et régulation ». La France est le seul pays d’Europe à organiser un débat public sur le sujet, que beaucoup d’industriels souhaiteraient ne pas voir.

 

Denis Morineau insiste sur la différence d’objectifs entre recherche publique et recherche privée. La connaissance est essentielle pour se mettre à l’abri des excès. Une société éclairée est beaucoup plus stable.


Arila Pochet, du ministère de la Santé, se dit persuadée de la nécessité de ce débat qui permet de poser les bonnes questions afin de rejeter des produits non contrôlés qui viendraient d’autres pays, en mettant des produits sécurisés sur le marché.

Un participant, convaincu que les nanotechnologies sont encore plus dangereuses que les OGM, ne voit pas le progrès que constituerait l’introduction des nano dans l’alimentation.

Isabelle Jarry regrette l’empêchement du débat. Elle donne rendez-vous au public sur Internet pour le poursuivre sereinement. La représentante des Amis de la Terre refuse de débattre hors de la présence du public.

(après 20 minutes d’interromption, le débat reprend, dans une autre salle, retransmis en direct sur Internet, avec le public en ligne)
 
Animatrices : Galiène Cohu, Marie Pittet, Isabelle Jarry, membres de la CPDP
La réunion se poursuit, par le biais d’internet, et les intervenants présentent leur expérience et répondent aux questions des internautes. M. Saïd Bouhallab travaille sur le fractionnement des protéines entières, Ronan Lefort fait des recherches sur la thématique des nanosciences et enseigne à l’université, Denis Morineau est chercheur physicien dans un réseau de compétences des nanosciences. Camille Helmer, de l’ANIA, représente les industries alimentaires. Enfin, l’expertise de Patricia Fouchet, juriste à l’INC, s’exerce dans la défense des consommateurs, tandis que Marie-Christine Favrot, qui dirige l’évaluation à l’AFSSA, est concernée par les nanotechnologies dans le domaine médical à usage vétérinaire, dans l’alimentation humaine et animale, l’emballage et les procédés de traitement des eaux. De plus, des représentants de plusieurs administrations sont prêts à donner leur point de vue ou des précisions sur les points abordés.

Dans un premier temps, Ronan Lefort donne quelques définitions. Les nanosciences sont l’ensemble des connaissances et les nanotechnologies sont l’ensemble des procédés et des savoir-faire, dans le domaine de la matière à l’échelle du nanomètre. C’est un domaine extrêmement vaste et pluridisciplinaire qui englobe la physique, la chimie et la biologie. Les nanoparticules peuvent revêtir des formes très variées, la seule chose qui peut les caractériser étant leur dimension.

Saïd Bouhallab, qui travaille sur le lait, aborde le thème de l’alimentation, une des activités importantes de la Bretagne. Les aliments contiennent naturellement des nanoobjets. L’homme ou l’animal ingère et assimile depuis toujours des molécules de taille nano (protéines, lipides, sucres). Tout aliment est constitué de ces éléments de base, dont l’assemblage augmente la taille jusqu’à l’échelle des micro.  

Bon nombre de questions des internautes portent sur l’existence de nanotechnologies ou de nanoparticules dans l’alimentation et sur leur incidence sur la santé. La réponse de l’ANIA, confirmée par l’AFSSA, est clairement négative : il n’existe pas de nanotechnologies dans les aliments en France ni en Europe. Camille Helmer précise que trois produits ont été évalués au niveau européen, l’hydrosol d’argent dans les compléments alimentaires, qui a été refusé, le glycotel(?), dont la nature nano est discutée car l’élément de base est aggloméré en grains micrométriques, et la silice, autour de laquelle plusieurs groupes travaillent.

Marie-Christine Favrot ajoute qu’on peut trouver sur internet des produits intégrant des nanoparticules ne faisant l’objet d’aucun contrôle et qui peuvent expliquer l’existence d’une littérature sur les nanotechnologies dans l’alimentation. Par ailleurs, le dioxyde de silice, qui est utilisé depuis quarante ans dans l’alimentation comme antiagglomérant, peut répondre à la qualification de nanostructure, mais son innocuité est plutôt établie. Le problème, c’est qu’on ne connaît pas leur toxicité, en particulier par voie orale.

Quelles perspectives à l’avenir pour l’alimentation ? Camille Helmer répond qu’on ne sait pas encore ce qui peut être trouvé. Elle signale parmi les pistes qui pourraient être intéressantes des réponses au problème de l’obésité. Pour Marie-Christine Favrot, une alimentation équilibrée ne nécessite pas d’apports complémentaires de vitamines ou de minéraux ; la lutte contre l’obésité passe d’abord la pratique du sport et l’équilibre alimentaire. En revanche, pour lutter contre la raréfaction de l’eau, dont on sait qu’elle menace, les nanotechnologies peuvent offrir des applications particulièrement intéressantes, si tant est que l’on puisse faire la preuve de leur innocuité. Pour Saïd Bouhallab, les nano dans l’alimentation ne sont pas pour demain. Il évoque néanmoins quelques applications envisageables : par exemple ajouter des nanoparticules manufacturées sur des molécules d’origine naturelle ou des nanotubes pour véhiculer certaines molécules et les rendre plus digestes ou pour supprimer certaines flaveurs désagréables dans la bouche.

À la question sur l’utilisation du nanotitane pour le blanchiment du chocolat posée dans plusieurs villes au cours du débat public, Camille Helmer répond que, d’une part, il n’est pas concerné par la thématique puisqu’il n’a pas la taille nano. D’autre part, il a été évalué et autorisé. Enfin, il n’est pas utilisé pour blanchir le chocolat.