Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Compte-rendu intégral de la réunion publique de Strasbourg

Depuis, nous avons continué ces mêmes recherches au sein de notre laboratoire à Photon & Polymers à Utterbach et les applications que nous menons pour de très grands comptes dans le luxe - je ne peux pas les citer - et d'autres au Japon et aux  Etats-Unis; nous sous-traitons en fin de compte la recherche pour d'autres grands groupes.


Concrètement, vous pourrez en trouver les applications parfois dans votre passeport : on va mettre des nanoparticules, des traceurs photoniques, de telle façon à identifier que votre passeport n'est pas faux. Ce sont des éléments transparents dans lesquels on va mettre des nanoparticules.
Pour le mot « nano », il faut préciser deux choses : il y a des nanomètres entre zéro et 100 nanomètres ; au-delà de 100 nanomètres, ils ne sont pas très nocifs pour la santé d’après l’AFSSAPS.


D’autre part, nous travaillons sur des encres à base de nanotubes de carbone ou d'autres nanoparticules d'argent par exemple pour faire des circuits flexibles. Ce sont des journaux, des livres que vous allez trouver demain, ce sont des écrans très flexibles que vous pouvez emmener dans la salle de bain pour lire quelque chose.


Autres applications : les revêtements antimicrobiens pour les salles de bain, pour de nombreuses applications, les encres Inkjet photoréticulables ; des encres pour personnaliser un sac à main, du parquet, etc. Ce sont des applications que nous avons actuellement.
Quelques mots sur la santé. Nous avons été tout de suite préoccupés par l’approche et le fait que nos collaborateurs soient en contact avec la nanoparticule. Nous avons tout de suite faire en sorte que nos collaborateurs ne soient jamais en contact direct avec la nanoparticule. Celle-ci est créée in situ dans un milieu confiné, c'est-à-dire dans la résine. On part d’une particule micrométrique pour la rendre nanométrique quand elle est dans la résine, quand elle est confinée.
Le deuxième secteur dans lequel nous travaillons est le domaine médical. Nous sommes impliqués dans l’insuline orale avec une équipe du CNRS à Strasbourg et le centre du diabète. Ces nanoparticules, qui font 200 nanomètres, contiennent de l’insuline orale et peuvent traverser en toute sécurité la paroi gastrique, la barrière gastrique et traverser la partie intestinale.

 

M. LE PRESIDENT.- Merci. Des questions ? Non.
C’est spectaculaire. Combien êtes-vous ?


M. ZAHOUILY.- Sept personnes.


M. LE PRESIDENT.- A sept, vous manipulez toute cette gamme de nanoparticules et toutes ses applications !


M. ZAHOUILY.- On n’a pas toute la science infuse, mais nous travaillons très étroitement avec des chercheurs de Strasbourg, du Japon, d’un peu partout. Nous avons un réseau d’experts un peu partout dans le monde qui nous donne l'écume de leurs savoirs rapidement.


M. LE PRESIDENT. – Marc Drillon, un mot pour conclure ?


M. DRILLON. – Je crois que l’on a vu différents exemples d'application des nanomatériaux. Il y a beaucoup d'autres domaines. On peut dire que les nanos sont véritablement pluridisciplinaires : ils touchent la physique, la biologie, la santé comme on l’a vu. Il y a donc des challenges fantastiques pour les années à venir. Les chercheurs ont beaucoup de travail dans ce domaine pour les vingt à trente prochaines années. Ils ne seront pas au chômage !


M. LE PRESIDENT. – La question qui me vient immédiatement est : Et l'homme dans tout cela ? Heureusement, la Ligue des droits de l'homme est là pour s'en préoccuper.


Mme MARCHAL. - Bonsoir à tous et à toutes. Je remercie M. le président Bergougnoux de m'avoir donné la parole pour annoncer un colloque qui suivra le débat de ce soir, et le complètera je pense. Il est organisé par le comité régional d'Alsace de la Ligue des droits de l'homme et il aura lieu après-demain, samedi 17, de 9 h 30 à 17 h 30  à l'institut d'études politiques de Strasbourg. Il s'intitule : « Une ère nouvelle, une révolution pour notre société, pour le meilleur ou pour le pire ? »


En effet, nos contemporains sont peu renseignés sur les nouvelles technologies. Or, nous sommes à un tournant de notre société. Après les révolutions industrielles, mécaniques et informatiques des deux derniers siècles, nous abordons une révolution bien plus prodigieuse : celle des nanotechnologies.

 Ce soir, nous sommes ici, non seulement pour être informés, mais aussi et surtout, pour nous engager dans une réflexion collective. Car il est primordial que ces problèmes de société soient abordés au grand jour et médités. En effet, nous sommes tous responsables de nos choix. Encore faut-il que ce soit en connaissance de cause !


C'est dans ce but que la délégation régionale d'Alsace de la Ligue des Droits de l'Homme organise le colloque dont je vous ai parlé. Il portera également sur le thème des nanos mais en l’élargissant à d'autres technologies. En quelque sorte, il sera un corollaire de cette soirée.
Y seront abordés quatre thèmes :


Les RFID, c'est-à-dire l’identification par radiofréquence. Ce sont ce que l'on appelle communément les puces. Peut-on parler à leur encontre de googlelisation, entre simplification de la vie quotidienne et espionnage de la vie privée ?

Suivront les nanotechnologies. Dans un premier temps, nous serons présentées les propriétés des nanomatériaux structurés dans des domaines très variés comme vous avez déjà pu le voir. Dans un deuxième temps, il s'agira de l'impact des nanotubes de carbone sur la santé et dans la nature. - Enfin, le président de l'association européenne de nano-médecine nous expliquera l'utilisation de la science à l'échelle des nanos, au bénéfice du patient.

Le troisième thème portera sur la vidéosurveillance ou vidéoprotection - cela dépend du plan sur lequel on se place - : acceptation ou rejet de ce dispositif - première réflexion - puis cette question : vidéosurveillance ou télé réalité ?
 - Le quatrième sujet concernera la biométrie pour en connaître ses techniques et ses limites.

 

Face à cette formidable marche en avant de la science, plutôt que d'être pris de vertige, il faudra lucidité garder. C'est donc un membre du comité d’éthique du CNRS, physicien et chercheur, qui nous aidera à porter un regard éthique sur la science et la technologie. Nous clôturons cette rencontre par un débat avec le public.
Vous pourrez retrouver avec plaisir à ce colloque certains intervenants présents ici ce soir. Je vous souhaite une très belle soirée, riche, tant par la présentation des chercheurs industriels, spécialistes et élus présents ici, que par votre participation à ce débat collégial, gage de démocratie.
(Applaudissements.)


M. LE PRESIDENT. – Merci, madame. Nous souhaitons pleine réussite à votre colloque. Si vous faites une note de synthèse, cela nous plairait beaucoup que vous la versiez au débat.
Il nous reste à vous remercier, madame et messieurs, pour ces exposés tout à fait passionnants et le panorama que vous avez su brosser en peu de temps.


M. TROY DAVIS. – Bonjour. J'ai une question pour le dernier intervenant qui m'a vraiment impressionné. C’est la première fois que j’entends toutes ces applications d'une entreprise installée en Alsace. Je voulais savoir en général quel est le marché, quels sont les concurrents de cette entreprise en France, en Europe et dans le monde. Y a-t-il beaucoup d'entreprises de ce type ? Quelle est la taille du marché ? Cela semble assez extraordinaire. J'ai l'impression qu'on n'en entend pas assez parler. Quel est votre niveau en termes de pointe du marché ? Des entreprises sont-elles plus avancées que vous ? Etes-vous à la pointe au plan mondial ou pas ?


M. ZAHOUILY.- C'est une très bonne question. Tout d'abord, quand j'ai quitté le CNRS pour créer cette société, il n’en existait aucune en Europe. Je croise encore les doigts : il n'y a pas encore en Europe une telle entreprise privée.
Il existe de très grands groupes, tels que BASF ou DUPONT, qui intègrent ces technologies. Le seul souci est que l’on sort des sentiers battus, avec des cahiers de charge très poussés. Je ne vous cache pas que nous travaillons avec de très grandes marques de luxe à Paris et Genève. Ces gens viennent chercher des choses pointues, pas spécialement du nano, mais je pense que le marché est tellement colossal et immense qu’il y a de la place pour pas mal de monde dans ce domaine.


M. LE PRESIDENT. – Très bien. Merci. Autre question à cette première séquence ?


M. Roland HATZENBERGER (Alternative Santé L’impatient) -. Je voudrais m'adresser au dernier intervenant qui a parlé de l'application à la santé, notamment de l’insuline qui traverse différentes barrières biologique.
La question que je me pose est : cette insuline, certainement bienfaisante à l'endroit où elle est nécessaire, ne peut-elle pas avoir d’effet ailleurs dans l'organisme où elle n'est pas attendue ? Quelles sont les précautions ?


M. LE PRESIDENT. – Savez-vous la piloter en quelque sorte ?


M. ZAHOUILY.- Concernant justement cette insuline orale, Photon & Polymers fait partie d’un consortium de deux laboratoires : un strasbourgeois (le Centre du diabète) et un très grand groupe (PFIZER).

Concernant votre question, cette insuline orale, on s’est rendu compte que lorsque vous preniez de l'insuline, quand elle passe dans la partie gastrique, elle est quasiment éliminée, elle n'a plus aucune réactivité ou activité par rapport au diabète.
Cette insuline était encapsulée et a fait l’objet d’un dépôt de brevet par une équipe de l’ICS, ici à Strasbourg. En fin de compte, il faut que cette nano-capsule ne dépasse pas 200 nanomètres pour qu’elle puisse passer dans la partie intestinale. Finalement, on a fait une grosse enveloppe qui fait l'épaisseur d'un petit grain, développé par le très grand groupe Pfizer, Capsujet* et la société colmarienne. Ce petit grain de riz contient des nano capsules d’insuline.
Pour répondre à votre question, tout est précaution. On en est encore au stade des essais sur des souris, etc., mais cela avance très rapidement. Les premiers essais montrent que l’insuline telle quelle était conçue, avec sa double enveloppe - d’abord le passage à l’étape gastrique et ensuite l’étape intestinale - multipliait par trois ou quatre la délivrance de l’insuline.
On attend avec une très grande impatience la partie des essais sur le porc qui vont débuter normalement prochainement.


M. LE PRESIDENT. – Merci. D'autres questions ?


Un INTERVENANT. – On parle beaucoup des pays émergents. J’aurais voulu savoir si de nombreux brevets étaient déposés par la Chine dans ce domaine ?


M. LE PRESIDENT. – Quelqu'un a-t-il des indications à donner sur les nanotechnologies en Chine et les brevets éventuels ? Peut-être à la table ronde suivante. On va en parler dans quelques minutes. On a noté votre question et on essaiera d'y apporter des éléments de réponse.
Autre question ? Non.
La parole est à Philippe Martin qui va nous présenter brièvement les grandes orientations européennes en matière de nanotechnologies.


Diaporama.


M. MARTIN. - Bonsoir. Pour moi, c'est un très grand honneur d’avoir été invité et de participer à ce premier débat public. Tout d'abord, puisqu'on parle de transparence dans le débat, il est essentiel que vous sachiez d'où je viens. Dans mon quotidien, je m'occupe du comité scientifique sur les risques émergents et nouvellement identifiés, qui examine des risques émergents potentiels, pas seulement les nano, mais aussi les ondes électromagnétique, les produits que l'on met dans les plastiques pour les rendre plus souples, la résistance aux antibiotiques, la résurgence de maladies telle que la malaria avec le changement climatique, etc.
Lors de leurs réunions, des experts indépendants de mon comité font une déclaration d'intérêt. J'ai deux intérêts principaux qui sont pertinents pour ce soir et qui sont donc mes biais : économiste et physicien de l'environnement de formation et de pratique. Je suis aussi européen. C'est un biais clair : je crois au projet européen de paix civile et à son exportation. Je crois aussi que l'Union européenne fait la force des états-membres de l’Europe. L'autre aspect est que je m'occupe de risques ; ce qui peut constituer un facteur qui biaise mes propos.
Revue rapide des axes : le premier message important est que l'Europe a défini une politique « intégrée et responsable » des nanotechnologies. » C'est cela l'objectif. L'intervention qui a été le prélude de cette soirée touche à une question de fond : le choix. Aujourd'hui, avec ce débat et dans d'autres enceintes, la question du choix doit être posée et on doit y répondre.
Deuxième point : la Commission européenne et les Etats-membres de l’Union européenne, dont la France, sont en train d'implémenter cette approche sur « intégrée et responsable ».
Troisième point, qui rejoint mon propos sur « l'Union européenne fait la force » : à l’âge de la mondialisation, il est essentiel d'avoir une position européenne pour avoir son mot à dire et établir des standards de sécurité au niveau international.
Les étapes :

La question des nano n'est pas nouvelle pour beaucoup de gens. En fait, déjà en 2004, l'Europe, sur proposition de la Commission européenne, qui a ensuite été discutée et ratifiée, tant par le Parlement européen - donc vos élus - que par le Conseil européen – les membres des gouvernements européens, que vous avez aussi élus – a élaboré une stratégie. Celle-ci a fait l'objet d'une consultation avec des réponses lourdes, réfléchies, documentées, d'associations qui se sont concertées pour apporter leurs vues, leurs critiques, leurs suggestions sur cette stratégie.


En 2005, il y a eu élaboration d'un plan d'action et, en 2008, la Commission européenne a publié une revue réglementaire. Ce sera le sujet de la troisième table ronde.


Enfin, je rappelle que 2008 est aussi l'année de la publication, par la Commission européenne, d'un code de conduite pour la Recherche & Développement, qui a aussi été accueilli et soutenu par le parlement et le conseil européen. Elle sera discutée certainement lors de la deuxième table ronde.
Enfin, en 2008, le Parlement européen a interpellé la Commission européenne, en produisant un rapport d'initiative. En gros, ils ont pointé un certain nombre de points qui leur semblaient très importants et l’ont interrogée : « Que faites vous ? » ou « Ceci devrait être fait différemment, mieux », etc.  

 Le plan d'action comprend un certain nombre de volets dont la recherche et le soutien au financement d'applications telles que celles qui ont été décrites. Par exemple, la médecine régénérative, le diagnostic médical, les médicaments ciblés, les applications aux maladies neuro-dégénératives telles que Alzheimer ou parkinson ; dans les domaines de l'environnement, de l'énergie, des matériaux, etc.
Il ne faut pas oublier que ce financement de la recherche touche aussi - c'est crucial – la recherche sur les risques et la sécurité. Jusqu'à présent dans le cadre du programme en cours sur la recherche communautaire, ont été dépensés de 2004 jusqu'à 2008, 500 M€, soit le double de ce qui est dépensé aux Etats-Unis.
Les infrastructures.
Il est très important de financer les moyens de la recherche et de l'innovation.
Les ressources humaines : il faut former des gens qui puissent être des chercheurs, des toxicologues qui vont évaluer ces innovations.


Evidemment, il y a un soutien à l'innovation.
La dimension sociétale, la gouvernance est un aspect crucial.
Enfin, la protection des travailleurs, qui sont en première ligne, du public, c'est-à-dire nous, et de l'environnement, fait l'objet du chapitre 6 qui est peut-être le plus détaillé.
Enfin, dernier élément du plan d'action : la coopération internationale puisqu’il est très important que l'Europe ait une position forte au niveau international.
(Applaudissements.)


M. CHAUSSADE. – J’appelle pour la deuxième séquence Philippe GALIAY, de la direction générale de la recherche de la Commission européenne, Raphaël PRENAT, du ministère de la recherche en France ; Robert PLANA, à l'Agence nationale pour la recherche (ANR) ; François TARDIF, du CEA, leader d'un programme européen Nanosafe 2 ; Jacques GRASSI, de l’INSERM ; et Jacques BORDE du comité d'éthique du CNRS.
On a une table ronde très complète pour traiter ce sujet qui touche à la recherche en Europe et en France. Avant d'aborder directement le sujet, merci à la salle de rédiger ses questions écrites.
Voici une première question posée : quels sont les pays les plus en pointe dans le domaine de la recherche et à partir des brevets déposés ? Qui a une vision globale de la recherche dans le monde ? Qui veut répondre ?

 

M. GALIAY. - Je peux donner quelques indications : parmi les pays les plus en pointe, si on considère les nanotechnologies au niveau des pays eux-mêmes, c'est probablement nos concurrents directs, Etats-Unis ou Japon. Cela dit, lorsque l'on considère l'Europe dans sa globalité, l'Europe est numéro 1 aujourd’hui en matière de recherche.


M. CHAUSSADE. - Les Etats-Unis ? Le Japon ? La Chine ?


M. GALIAY. -On a parlé de la Chine tout à l'heure ; on pourra en parler un peu plus à la troisième séquence. La Chine investit énormément sur les nanotechnologies et dépose un nombre considérable de brevets et produit énormément de publication.


M. CHAUSSADE. -Sur cette question, le maître d’ouvrage répondra directement à cette question en donnant des chiffres plus précis que la réponse, de façon à ce que la question soit complètement traitée ; elle figurera aussi sur le site internet.
Philippe Galiay, j'aimerais que vous nous fassiez un schéma de la gouvernance européenne. Vous êtes très marqué par le code de conduite et je crois que vous avez beaucoup participé à son élaboration. J'aimerais bien que vous fassiez cette présentation. Merci.


Diaporama.

 

 M. GALIAY. - Je vous remercie. Brièvement, je présenterai quatre vues et quatre messages.
Le premier message concerne la gouvernance européenne. C’est le sujet de ce soir, mais en fait, on n'a pas vraiment défini ce que c'était. Je voudrais me référer à une définition qui avait été donné en 2001 lorsqu'il y avait eu le grand débat au niveau européen sur la gouvernance européenne. On peut trouver cette définition dans le Livre blanc : « La notion de gouvernance désigne les règles, les processus et les comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau européen, particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la participation de la responsabilité, de l'efficacité et de la cohérence. »
Lorsque l'on parle de la gouvernance en Europe, on ne parle pas simplement des lois, des règles, des règlements et directives, etc., mais on parle aussi de choses plus utiles, par exemple, les comportements. Dans tout ce que l'on fait, par exemple cette réunion de ce soir, a une importance pour la gouvernance européenne. Même l'annonce faite en début de soirée par quelqu’un qui n’était pas forcément invité, fait aussi partie de ce grand système de la gouvernance européenne.


D'un point de vue de la recherche, Philippe Martin a donné quelques chiffres. Chaque année, ce sont près de 550 M€ sont donnés au niveau communautaire pour la recherche, dont quelque 5 % sont consacrés à l’analyse et à l'évaluation du risque des nanotechnologies.


Au plan communautaire, on ne se contente pas de donner cet argent pour abonder des projets de recherche ; on réfléchit aussi au système de gouvernance spécifiquement sur les nanotechnologies.
Si l’on regarde d'un point de vue sociétal les grandes questions qui se posent, les quatre questions affichées sont :

 

- le nanomonde. On en parle dans un des livres cités ici. Ce nanomonde est-il sûr ? Est-il éthique ? Les droits fondamentaux y sont-ils garantis ? Ces principales interrogations s’adressent au présent mais concernent aussi l’avenir. En sera-t-il de même dans le futur ou va-t-on sur un chemin qui peut être potentiellement dangereux ?
Au plan communautaire, on a donc résolu de faire un certain nombre de choses sur la question des risques, la réglementation, les directives, etc. mais on a été dans ce qu'on appelle la soft law ; c'est-à-dire quelque chose de non contraignant, qui a pris la forme d'une recommandation de la Commission aux Etats-membres pour un code de conduite.


En deux diapositives, je vous décris ce code de conduite. Vous trouverez à l'entrée un certain nombre de publications, dont la recommandation sur le code de conduite.

Celui-ci est structuré de façon extrêmement simple : fondé sur un certain nombre de principes de bonne gouvernance, il suggère un certain nombre d'actions qui pourraient être suivies par les Etats-membres, mais aussi par tous ceux qui sont intéressés par les nanotechnologies.
Parmi ces principes, certains sont très connus et classiques comme l'excellence pour la recherche, l'innovation, d'autres le sont moins, comme la précaution, la responsabilité, la durabilité ; d’autres encore, nouveaux, comme la signification ou l'inclusivité. Dans l’inclusivité, c'est-à-dire dans les processus de recherches, de génération de connaissance, on fait intervenir des gens qui ne sont pas forcément des chercheurs.


Les actions à entreprendre suggérées aux Etats-membres : deux grands chapitres thématiques concernant d’abord une bonne gouvernance de la recherche, et ensuite, les opérations sur le respect de la précaution. Ensuite, c'est plus technique.
Je constate que je n'ai plus de temps maintenant. On pourra revenir sur certains de ses aspects lors des questions. Vous pourrez en retrouver le contenu dans la publication exposée à l’entrée. Je vous remercie.


M. CHAUSSADE. – Merci, Philippe GALIAY, d'avoir bien respecté le temps ; c'est important.
Je passe la parole à Raphaël Prenat, du ministère de la recherche. Ce serait bien de traiter d'abord les liens entre la recherche en France et le lien avec les programmes européens.


M. PRENAT. – Bonsoir. J’appartiens au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche où je travaille dans le service pour la stratégie, la recherche et l'innovation.


Je vous parlerai d'un sujet ciblé ; je vais vous parler précisément de comment mon ministère articule la politique et le suivi de la programmation européenne vis-à-vis de ses propres priorités nationales. Pour cela, il faut savoir que dans le cadre du septième programme-cadre de recherche – ce fut le cas dans les programmes-cadres précédents – ont été créés des comités de programmes. Ces comités sont présidés par la Commission européenne et au sein desquels les états-membres sont représentés. Pour la recherche, c'est le ministère de la recherche qui, seul ou avec d'autres représentants, représente l'Etat français.


Ce comité de programmes est en charge d'élaborer un programme annuel concernant les aspects nanos par exemple. Ce programme fait l'objet d'un appel à projets aux alentours du 31 juillet au cours duquel les consortia sont invités à répondre à des challenges, à des défis, à des questions scientifiques ou technologiques. Ce programme est élaboré en coopération avec les Etats-membres : la Commission fait des propositions et les Etats-membres font des contre-propositions et négocient les amendements.

Pour la France, nous ne décidons pas seuls. Il a été décidé par le ministère de la recherche que la position française serait élaborée d'une manière « collective », à l'aide d'un outil que nous appelons le Groupe thématique national. Ce groupe rassemble l'ensemble des ministères partie prenante et d’autres : le ministère de l'industrie, les ministères de la Défense et de la Santé, des représentants du milieu académique, c'est-à-dire des universitaires, des représentants d'organismes de recherche (CNRS, CEA, INSERM), des représentants du monde industriel ou des syndicats d’industriels, et parfois aussi des représentants du monde associatif.


Avec l'aide de ces représentants, nous définissons la position nationale pour répondre à cet appel à projet européen, les amendements que nous souhaitons voir inscrits dans cet appel à projet, de manière que les positions et les participants français soient le mieux positionnés et que nous puissions voir pris en compte, au niveau européen, des enjeux identifiés au niveau national. C'est par ce double processus de décision collective au niveau national, puis de négociations au niveau européen, que la France peut agir sur la programmation européenne.
M. CHAUSSADE. - Il m’a semblé entendre que les associations étaient impliquées dans cette réflexion. Est-ce bien cela ? 

 

M. PRENAT. – On a souhaité que des associations participent à plusieurs de ces réunions de groupe de thématiques nationales. Cela peut varier ; ils sont invités au cas par cas. Il serait probablement souhaitable que l’IGTN soit un tant soit peu élargi à des participants représentatifs qui viennent le plus souvent possible.


M. CHAUSSADE. – Merci. Nous passons à un exemple concret de ce travail entre l'Europe et la France dans le programme NANOSAFE 2, piloté au plan européen par le CEA.
La parole est à François Tardif qui nous en parle précisément.
Diaporama.


M. TARDIF. - Bonsoir à tous. Le programme européen NANOSAFE a débuté il y a quatre ans et vient juste de se terminer. Il traitait en fait des risques potentiels des nanoparticules - la partie nanomatériaux et non pas nano-dispositifs - spécialement pour les salariés, qui sont les plus exposés au départ – avec trois grandes thématiques : la mesure des nanoparticules, la toxicologie et la sécurisation des personnels et des équipements.
Pour ce projet, il y avait vingt-quatre partenaires, composés à la fois – il est important de le noter - de chercheurs et d’industriels comme Arkema, BASF, des PME et un grand nombre de centres de recherche. Le budget annuel de l’Europe était de 6 M€ en investissement.
Il est intéressant de mettre en perspective ce chiffre par rapport à ce qui a été dépensé sur les projets européens qui traitent de la nano-sécurité à hauteur de 75 M€. Ce chiffre très intéressant est à comparer à la part des actions nano-sécurité dans les projets européens qui traitent des nanomatériaux et qui s'élève à 15 %. Ce taux est un peu différent de celui énoncé par mon collègue. Cette différence résulte du fait que la Commission européenne a regardé les actions ou programmes uniquement dédiés à la nano-sécurité mais également toutes les actions entrant dans tous les programmes. Finalement, on arrive à un total de 15 % ; ce qui illustre l'engagement de la Commission pour la nanosécurité.
Quelques résultats obtenus à titre d'exemple.


En termes de détection et de monitoring, des méthodes ont été mises au point pour mesurer les nanoparticules de façon spécifique pour ne pas être gêné par le bruit de fond des particules naturelles (10 000/cm3.) Pour avoir une meilleure sensibilité aux nanoparticules d’intérêt - celles que l'homme fabrique -, il faut agir, déterminer et mesurer des choses spécifiques aux nanoparticules.
Deuxièmement, faire des mesures, c’est bien, mais il est important aussi de mesurer, vérifier que les salariés ne soient pas exposés. C'est ce que l'on a fait avec un système de prélèvement individuel qui se porte comme un badge : on mesure les particules par la présence de leurs éléments à l'intérieur. Par exemple, pour mesurer des particules d’oxyde de titane, on va mesurer le titane en ultratraces.
Deuxième point : l'évaluation du danger. Dans les nanoparticules, il y a une espèce de zoologie incroyable avec une seule formule chimique on peut avoir une dizaine de formes de particules différentes. D'où la difficulté de faire des études toxicologiques. On a donc développé un système automatique de screening des effets des nanos sur la santé humaine.


Un problème concerne aussi l'explosion des nanoparticules, un peu comme dans les silos à grain ; c'est un risque réel. Bien sûr, quand elles sont en très grande concentration – ce ne sera jamais le cas pour le consommateur - au niveau de la production, il faut développer des technologies qui permettent de mesurer et de prévoir ces comportements pour diminuer le risque.
Le troisième volet concerne l'exposition.


On a vérifié la théorie de la filtration qui dit que, à la fois les masques, les gants, les tenues vestimentaires, sont encore plus efficace contre les nanoparticules que pour des particules plus grosse. C’est très positif. On a travaillé sur la sécurisation des équipements.
Dernier point : développer et avoir autant de données est très intéressant, mais c'est plus intéressant si l’on communique ces résultats.
 
On a donc communiqué ces résultats par plusieurs moyens : d'une part des rapports de dissémination en quatre pages pour le grand public avec des questions simples - par exemple, est-il facile de mesurer des nanoparticules au poste de travail ? Réponse : oui. On a développé un logiciel de formation Nanosmart, que je vous invite à consulter. On a aussi organisé une conférence en 2008, à Grenoble, pour restituer tous les travaux réalisés dans ce projet. On organise la même conférence en 2010 et je vous invite tous à cette conférence en novembre.


M. CHAUSSADE. - Merci beaucoup. A vous entendre le sujet de la protection des travailleurs semble traité presque complètement.
Ma question s'adresse à Christophe GOEPFERT de l'entreprise Cilas. Il va nous dire ce qu'est cette entreprise. Cette entreprise est pilote du programme européen SAFIR, qui ressemble à certains aspects de méthodologie de mesures. Qu'apporte SAFIR par rapport NANOSAFE ? Où en est-on puisque c’est un programme à venir ?


M. GOEPFERT. - Bonsoir. Je suis directeur de développement de Cilas, filiale d’EADS, et j'ai plaisir de coordonner, avec le CEA parce que c’est un vaste projet, le projet SAFIR, acronyme que je ne vous traduirai pas de l’anglais, mais qui signifie la production sécurisée de nanoparticules et leur recyclage.
Ce projet fait suite à NANOSAFE dans la mesure où l’on essaie de décliner, dans l’industrie, les conclusions apportées par le projet NANOSAFE. Cela veut dire que l'on va essayer de mettre en oeuvre des équipements industriels de manière à assurer une production et à sécuriser, puisque le risque n'est pas nul dans la production de particules. L'idée est d'automatiser les machines de manière à éviter au maximum toute intervention de l'homme dans la manipulation de ces nanoparticules en automatisant ces équipements et en apportant des moyens de réaction très rapide dans le cas de dérive de ces productions.
Parallèlement à cela, on essaie aussi, dans ce projet vaste qui regroupe une vingtaine de partenaires, avec un budget de 16 M€, et avec ces partenaires, de mettre en évidence les propriétés nouvelles apportées par ces nanomatériaux. Il faut en effet vérifier que ces nanomatériaux, dans des applications comme les surfaces nanostructurées, pour le recyclage de l'air, les énergies nouvelles ou les applications dans l'automobile pour les traitements anti-frottement, ou l'aéronautique pour créer des pièces massiques plus résistantes que les pièces ordinaires, apportent des performances nouvelles.
Voilà l'objet du projet SAFIR. Mon temps de parole est terminé. J’en aurais beaucoup plus à dire, mais je suis prêt à répondre à vos questions. En tout cas, je passerai avec plaisir quelques plans lors du débat qui se tiendra Orléans.
 
M. CHAUSSADE. – Merci beaucoup. Je prends une question qui nous a été envoyée et je m'adresse à Philippe Galiay et à Raphaël Prenat : « Quelles sont les perspectives d'emploi dans la recherche en France et en Europe dans le domaine des nanomatériaux et nanotechnologies. »
En termes d'emplois qu'est-ce que cela représente ? A-t-on des ordres de grandeur ?

 

M. GALIAY. - Je vais consulter mes tablettes car je ne peux pas vous répondre pour l'Europe. Je ne sais pas si M. Prenat peut répondre pour ce qui est de la France au moins…


M. PRENAT. – Sans botter en touche, c’est une très bonne question mais assez compliquée. En emplois directs ou indirects pour des chercheurs uniquement ou dans le secteur industriel, ce n'est pas évident. Par contre, on pourra donner la réponse très vite. Dès demain, je pense avoir la réponse que vous pourrez mettre sur le site internet.


M. GRASSI. - Je n'ai pas les statistiques sur l’emploi, mais j'ai des données sur le suivi du programme de recherche soutenu par l’ANR sur les résultats de 2005. Les programmes 2005 sont terminés, sur lesquels on avait financé 250 emplois sur ces projets. On a pu identifier qu'on en avait uniquement 13 % qui étaient aujourd'hui en recherche d'emploi et près de 30 % qui avaient trouvé des CDI.
Le sujet important est que l’on a identifié très peu de ces emplois, plutôt ultra-qualifiés pour des projets de recherche très innovants avec des taux de sélection autour de 20 %. En fait, on s'aperçoit que ces gens extrêmement qualifiés diffusent très faiblement dans le tissu industriel, en particulier dans les PME et les TPE.
A cet égard, je crois que, collectivement, il y a un vrai sujet à attraper : on a une espèce de terroir scientifique et intellectuel très fort qui, aujourd'hui, ne profite pas du tout à notre entreprise et à notre compétitivité économique.
Voilà ce que je souhaitais amener au débat.


M. CHAUSSADE. - On va redonner la parole à Raphaël Prenat pour qu'il nous parle de la stratégie nationale en matière de recherche. Ce sera une bonne continuation au regard de cette question. Ensuite, je vous repasserai la parole sur la programmation des programmes de recherche.
Vous aurez aussi une question de d’un étudiant en physique, qui dit, dans l'un des points : « Il serait bien de mettre en avant financement public / financement privé. Quelle est la logique de marché par rapport à la santé ? »
Je vous redonnerai la parole sur ces sujets.


M. PRENAT. - Je vous parlerai donc de l'aspect stratégique.