Déroulement des réunions

Comptes-rendus et synthèses des réunions publiques

Les comptes-rendus des réunions publiques font état de l’intégralité des propos échangés par l’ensemble des acteurs du débat. Un compte-rendu synthétique des réunions publiques sera, lui aussi, accessible au fur et à mesure du débat.

Compte-rendu intégral de la réunion publique de Toulouse

Continuer la recherche, c'est apprendre. Comment peut-on proposer un moratoire sur la connaissance ? C'est justement quand on propose un moratoire sur la connaissance (c'est-à-dire qu'on empêche les gens de savoir) que l'on ouvre des portes à toutes les dérives que vous décriez, et vous avez raison de le faire. C'est justement en acquérant cette connaissance de ce que c'est exactement, qu'ensuite on pourra débattre de l'utilisation et qu'il y ait un moratoire sur l'utilisation (pourquoi pas) mais sûrement pas sur la recherche.


M. VIEU.- Je trouve votre propos extrêmement violent pour la même raison que mon collègue. Refuser la connaissance, c'est ouvrir les portes à l'ignorance, à toutes les dérives et manipulations possibles derrière. Quand vous dites qu'on va en balancer partout, d'où tirez-vous cette information ? Qui vous a dit cela ?


Mme FRAYSSINET.- Des pneus avec des tubes de carbone, leur usure fait que… Vous avez déjà des nanoparticules sur les murs ou sur les ciments. Je ne fais que lire ce qui est écrit…


M. VIEU.- La matière sous forme nanoparticulaire est utilisée depuis plusieurs siècles, autour de vous.


Mme FRAYSSINET.- Le problème c'est qu'on va le faire à une échelle telle ...


M. VIEU.- On vous explique que l'on va mieux comprendre de quoi est faite cette matière et quels seront ses effets. Vous refusez cette compréhension-là. C'est étrange comme position.


Mme FRAYSSINET.- Sur la recherche, ce qui me gêne le plus c'est que les projets de recherche sont pratiquement tous sur de la recherche appliquée. Ce n'est pas de la recherche fondamentale, pas beaucoup. C'est surtout pour de l'industrialisation directe derrière. C'est ce qui me gêne.

 

Mme JARRY.- Je voudrais qu'on ait le temps d'aborder encore quelques questions.


INTERVENANTE.- Je suis une simple citoyenne. Je suis très gênée d'être photographiée, filmée et d'être devant la caméra. Je voudrais simplement poser ma question. Je ne pensais pas venir à ce débat ce soir, j'avais quelque chose de prévu. J'avais été rassurée par quelqu'un de ma famille qui travaille avec les nanotechnologies et les polymères et qui m'avait dit de ne pas m'inquiéter : « On emploie les nanoproduits depuis plusieurs années, tu en as déjà dans tes produits de beauté, dans ton alimentation, dans les produits d'usage courant, etc. » Donc je n'avais pas prévu de venir ce soir. Cet après-midi à la radio nationale, j'ai entendu dire que l'on venait de trouver que des ouvrières dans une entreprise de peinture avaient eu des malaises et avaient été emmenées à l'hôpital.
 
Certaines étaient mortes et les recherches sur leurs corps avaient montré qu'elles avaient utilisé des peintures qui contenaient des nanoparticules et des nanomolécules de silice. Lorsque leurs poumons ont été examinés, on a trouvé des nanomolécules de silice. Il n'y a donc pas de barrière pour les nanoproduits qu'on utilise dans des peintures et qui se retrouvent ensuite dans les poumons. C'est très bien lorsqu'il s'agit de soigner, mais cela m'inquiète beaucoup. Je suis extrêmement inquiète et je demande comment on peut soigner les personnes qui sont déjà atteintes par les nanomolécules de silice dans les peintures utilisées dans leur entreprise.


Mme JARRY.- Est-ce que quelqu'un peut répondre à cette question parmi ceux qui sont là ?


INTERVENANT.- J'ai constaté qu'on nous a distribué une liste où il y a environ 100 produits contenant des nanotechnologies, si on veut résumer. Or, on sait qu'il en existe actuellement un millier. Aucun n'a été analysé du point de vue nocivité. Je constate que parmi ces 100 produits, qui parlent des pneus, des raquettes, des cosmétiques, on trouve seulement deux produits, noyés dans la masse, deux additifs alimentaires. On ne nous précise pas dans quel type d'aliments ils se trouvent. Ils sont constitués d'oxyde de silicium, exactement de ce que la dame vient de parler et qui a dit qu'il y avait eu des problèmes, au niveau de la peinture. Quels sont ces additifs alimentaires ? Y en a-t-il d'autres ? Est-ce que ces produits ont été choisis parmi les 1 000 qui existent ? Comment se fait-il qu'il y a déjà dans la nature 1 000 produits sans aucune évaluation. Et ce n'est que maintenant que l'on se réveille et qu'on fait un pseudo débat en faisant semblant de dire vous avez la parole. Mais va-t-on me répondre ? Où sont ces additifs alimentaires qui sont dans la liste ? À quoi servent-ils ? Sont-ils dans des soupes, dans les aliments de consommation courante, etc. ? Je voudrais qu'on me réponde. Surtout que je viens d'entendre qu'il y a eu des problèmes au niveau de ces oxydes de silicium, qui sont justement dans ces additifs alimentaires.


Mme JARRY.- Il y a quelqu'un dans la salle qui peut répondre à votre question.


INTERVENANT.- Je ne peux pas répondre sur les additifs alimentaires, mais sur l'oxyde de silicium, sur la maladie dont parle madame. C'est une maladie très connue qui est la silicose du mineur. Que ce soient à l’état nano ou micro de silice, il ne faut pas respirer les particules. Il y a eu des erreurs. La silice particulaire ne doit pas être respirée, à cause d'une maladie qui s'appelle la silicose du mineur, qui était très connue des mineurs du charbon.


INTERVENANT.- Je voudrais poser une question un peu plus philosophique. Nos chercheurs ont très peu de concepts historiques.

 

INTERVENANTE.- Je veux bien répondre à madame, parce que j'ai lu le même article dont elle a parlé sur les personnes qui ont été empoisonnées dans cet atelier de peinture. Il s'agit d'une étude chinoise qui a été faite sur des femmes qui travaillaient dans un atelier de peinture dans des conditions exécrables. Il s'agissait d'une très petite salle qui n'était pas du tout ventilée. Les personnes ne portaient aucune protection. Il n'y avait aucune ventilation. Même s'il n'y avait aucune particule de silice, il est probable que les personnes auraient été rendues malades par les autres constituants chimiques de la peinture. C'est une des premières études cliniques qui montrent qu'il y a effectivement eu transfert des nanoparticules à l'intérieur du corps de ces personnes. Mais on ne peut pas dire que ce soit nécessairement ces particules qui aient rendu ces personnes malades. Il faudrait étudier des cas qui soient plus relevant que cette étude-là.


INTERVENANT.- J'ai une question philosophique, parce qu'apparemment cela manque un peu dans cette salle. Il semblerait que les scientifiques français nous aient enseigné il y a quelque temps que le nuage de Tchernobyl devait s'arrêter à la frontière. Il semblerait que personne n'ait été irradié quand on a fait des essais nucléaires en Algérie. Quelle confiance peut-on avoir en l'Etat français et en vous, messieurs les technocrates de la science, sur votre bicyclette en train de pédaler fort pour arriver à faire un progrès technologique, en nous indiquant que c'est de la connaissance ? La civilisation technologique a détruit la civilisation de la connaissance sans aucune vergogne, ici, notamment à Toulouse. Je suis curieux de savoir quelles sont vos connaissances en matière de sciences philosophiques ? En matière de savoir et société ? Je serais curieux de savoir ce que vous avez l'intention de laisser à nos enfants ? Merci de vos réponses.
(Applaudissements.)


Mme JARRY.- C'est une question qui s'adresse aux gens qui sont assis ?


M. TEILLAC.- Je veux bien répondre en faisant un parallèle, que j'ai déjà fait tout à l'heure. Je suis très heureux que mes prédécesseurs m'aient laissé l'exemple du laser, qui est pourtant un rayonnement très dangereux. Je serai très fier de laisser à mes enfants une technologie qui leur permettra de faire des traitements plus efficaces en fonction de la pathologie qu'ils auront.


INTERVENANT.- Je suis responsable d'une association de consommateur de l'Ariège. Je voudrais évoquer un rapport établi par le Parlement européen, en janvier 2009, et qui s'adresse à tous les parlements européens. Dans ce rapport, deux constats sont faits. Le premier, c'est qu'au niveau de la définition des nanomatériaux, il y a désaccord et les techniciens n'arrivent pas à se mettre d'accord sur une définition des nanomatériaux. Deuxième constat qui apparaît à travers ce rapport, c'est que les industriels refusent de signaler dans les étiquetages la présence de nanomatériaux.
 
Pour terminer, je vais reprendre quelques phrases qui sont dans ce rapport en conclusion : première phrase, c'est le Parlement européen qui parle : « renouvelle sa demande visant à étiqueter en conséquence les produits de consommation contenant des nanomatériaux ». Un peu plus loin, il est écrit ceci : « demande urgemment la mise au point de protocoles d'essais adéquats pour évaluer, sur la base d'une approche pluridisciplinaire, l'exposition aux nanomatériaux et les risques liés à ces derniers et ce, durant l'intégralité de leur vie ». En conclusion : le Parlement européen recommande ceci : « est d'avis qu'eu égard au nombre très élevé de décès imputables tous les ans à la pollution atmosphérique, une action réglementaire dans le domaine des nanomatériaux devrait également viser les sous-produits nanométriques fortuits des processus de combustion ». J'aimerais bien, puisque nous avons la chance d'avoir un député européen, qu'il nous donne son sentiment sur ce rapport sur lequel il a peut-être travaillé.


M. ROD.- C'est un excellent rapport, dont j'étais à l'origine quand j'étais au Parlement européen, qui a été repris par d'autres collègues ensuite. C'est pour rebondir à une série de questions sur les problèmes de la pollution chimique, liés à un certain nombre de pathologies et de maladies environnementales. La cause environnementale est souvent au niveau chimique. C'est pour cela qu'a été faite la directive REACH. On est étonné de lire qu’on met des nanoparticules dans les peintures, partout, etc. et personne ne le sait, oui c'est vrai, mais on savait aussi que n'importe quelle substance chimique était mise dans les peintures, dans les pneus, etc. sans aucune réglementation, sans savoir si cette substance avait une potentialité toxique ou pas. On ne regardait que l'efficacité, la rentabilité, le retour sur investissements des actionnaires, etc. Mais en aucune manière on évaluait, avant la mise sur le marché d’une substance chimique, sa potentialité toxicologique ou toxique. C'est pour cela qu'a été faite la directive REACH. Au niveau du Parlement européen, cette directive a été faite pour évaluer toutes les substances évidemment futures, mais y compris a posteriori, c'est-à-dire celles qui sont déjà sur le marché. Cela pose beaucoup de problèmes parce qu’on s'aperçoit qu'il y a toute une série de substances, dont on n’avait jamais mesuré la toxicologie, qui s'avèrent très toxiques. Ce n'est pas un hasard si nous avons tous dans notre sang 50 ou 60 substances chimiques différentes, qu'il y a des possibilités ou des évaluations au niveau de maladies. On peut citer les cancers, mais il y en a plein d’autres. C'est pour cela que la directive a été faite. Elle est positive, parce qu’enfin on évalue des substances chimiques qui peuvent être potentiellement toxiques. Le problème avec les nanoparticules, c'est que la directive REACH ne s'applique quasiment pas en pratique. Or, en plus de la chimie classique, parce que ce sont des nanoparticules, parce qu’elles peuvent passer les barrières intestinales, de la peau, etc., il peut y avoir justement un risque différent. Je ne dis pas plus important, on ne sait pas, puisqu'on ne sait rien. Mais puisqu’on ne sait rien, c'est un risque parce qu’elles peuvent pénétrer les barrières.

 

Effectivement, le problème des nanotubes de carbone qui pose le problème de réaction très proche de l'amiante, nous inquiète beaucoup. C'est pour cela que le projet du Parlement européen est excellent parce qu’il dit qu'il faut justement une application particulière aux nanoparticules, parce que les autres directives ne s'appliquent pas. C'est un élément extrêmement important dans le débat, dans l'avancée et dans la réflexion sur les nanoparticules et les nanotechnologies.


INTERVENANT.- Que pensez-vous alors de la position prise par le Conseil national de l'alimentation, au mois de juin dernier, qui recommande l'application du principe de précaution ?
M. ROD.- Je ne peux être que d'accord.


INTERVENANTE.- Bonsoir. Je suis étudiante à Paul Sabatier. Ma question est la suivante. Dans la course aux nouvelles technologies, les scientifiques ne se précipitent-ils pas trop vite dans l'application des nanotechnologies ? En médecine, l'espoir est de pouvoir détecter plus efficacement des cibles dans le corps humain, plus tôt en tout cas. Comment être sûr que nous saurons bien interpréter nos nouvelles observations ? Dans le cas des cancers, n’est-on pas capable de penser trouver des cancers, alors que ce sont des choses bénignes et du coup de lancer des thérapies qui auraient des effets secondaires assez importants ?


M. MASSET.- Vous vous placez sur un débat éthique. Il ne faut pas que la médecine devienne une dictature et un dictat. Cela pose aussi le problème avec le clonage, le décryptage génétique. Est-ce que des porteurs de gènes spécifiques ne peuvent pas être identifiés comme étant porteurs potentiels d'une maladie et à ce moment-là leur interdire un certain nombre d’accès ? C'est vrai que c'est un problème d'éthique qui dépasse le problème du risque sanitaire. C'est un risque qui est tout aussi grave. C'est certain. Ceci dit, ces avancées au niveau des cibles est quelque chose d’important pour avancer sur des nouvelles cibles, sur des nouvelles molécules, qui ne donneront pas forcément lieu à la mise sur le marché de nanoobjets. Je crois que quelqu'un a fait une remarque dans le débat. On parle actuellement de nanotechnologies, de nanotubes de carbone, ou de dioxyde de titane ou de silice. Or, les nanotechnologies c'est beaucoup d'autres choses. Il faut savoir, par exemple, dans les médicaments qui intègrent des nanoobjets mis sur le marché, que ces fameux transporteurs de molécules anti-cancéreuses ou autres sont des molécules biodégradables, c'est-à-dire que ce sont des vésicules lipidiques qui sont dégradées dans l'organisme. Il faut bien évidemment savoir en quoi elles sont dégradées et quels sont leurs effets, mais c'est le rôle du développement du médicament et c’est le rôle d’une agence comme la nôtre de s’assurer que l’on ait toutes les informations sur la sécurité avant d’en évaluer le bénéfice d'ailleurs et d'avoir toutes ces informations pour les premiers effets chez l'homme.
 
Certes, c’est une science qui évolue et qu'il faut faire évoluer, parce que loin de là la science évolue, donc loin de là de dire qu'on a tous les outils pour évaluer les risques. Tout à l'heure, on a évoqué le problème des maladies auto-immunes. C’est vrai que l’on n’a pas actuellement tous les outils réglementaires pour évaluer ce risque autoimmune qui est spécifique. C'est difficile à partir d'une étude de faire des généralités, c'est pour cela qu'il faut mettre en place des systèmes de vigilance.
Il faut savoir que cela ne va pas forcément donner lieu à des molécules, à des nanoobjets. Cela peut aussi bien être des nanotechnologies notamment dans la recherche. A mon avis, il ne faut pas arrêter la recherche. Il faut l’encadrer. Il faut qu’elle soit confinée et sécurisée. Mais ce genre de technologie va permettre de mettre en évidence de nouvelles cibles. Il faut savoir que dans l'organisme, environ un million de protéines constitue le corps humain, dont 3 000 que l’on connaît. Sur ces 3 000 protéines, il n'y a que 100 protéines qui sont des sites thérapeutiques. Actuellement, on n’est capable de soigner que sur 100 sites thérapeutiques, alors que s’ouvrent des portes incroyables pour soigner plus efficacement et avec moins d'effets. D'où l'intérêt de cette recherche au niveau des nanotechnologies pour ne pas forcément mettre en place des nanoobjets –je le répète– avec évidemment les risques qu'ils peuvent comporter. Chaque nanoobjet a sa propre toxicité qui sera spécifique du nano-objet (sa composition, sa forme, s’il fait des agrégats, sa persistance dans l’organisme, s’il est éliminé, son devenir dans l’environnement –à ne pas oublier–). Grâce aux lois européennes, l'évaluation du risque environnemental fait partie du dossier d’autorisation de mise sur le marché du médicament. C’est assez récent, il date de 2006. Cela ne va pas forcément aboutir qu’à des nano-objets.


INTERVENANT.- C'est paradoxal. Je n’ai pas peur du tout des nanotechnologies. Des molécules sont beaucoup plus dangereuses que les nanoparticules. Il y a des paradoxes. Cela peut nous permettre de capter le CO2. C’est important. Je me pose une question éthique. Certains industriels s’engouffrent directement dans les nanotechnologies, seulement dans un but lucratif et sans regarder les effets néfastes à l'échelle du long terme. C'est ce qui me fait peur. La recherche fondamentale ne me fait pas peur du tout, puisqu’il en faut. Mais j'ai peur que des industriels se soient déjà engouffrés dans les nanotechnologies, sans avoir pris la part du risque et sans avoir évalué des budgets assez conséquents par rapport à ce qui est investi dans la recherche. C'est ce qui me pose problème. Il faut savoir qu'il y a des molécules bien plus dangereuses que les nanotechnologies, et ce n’est qu'une histoire d'échelle. C'est surtout cela. Par contre, cela va sans doute révolutionner les mentalités. Il y a une molécule plus importante qui est le CO2 et peut-être que grâce aux nanotechnologies, ce que vous avez en fait dans les pots d'échappement pour capter divers gaz va jouer sur l'environnement directement.

 

Qui n’a pas de voiture ? On est tous, même moi, je suis fautif sur ce qui est fait. Je voulais faire la part des choses. Ce qui me gêne un peu plus, c'est l'aspect dont on n’entend pas parler, l'aspect financier.


Mme JARRY.- Est-ce une question ou un avis ?


INTERVENANT.- Quels sont les budgets consacrés à l'étude ?


Mme JARRY.- Je l'ai sous les yeux cette question. Ne faudrait-il pas investir d'abord dans la recherche concernant les risques avant cette application ? Non, ce n'est pas celle-là, mais elle ressemble. Quelqu'un veut-il répondre ?


Mme FRAYSSINET.- C’est moi qui parle des chiffres, c'est un peu curieux. La part réservée pour les recherches toxicologiques est très faible. Elle est autour de 3 % sur l’ensemble des budgets. C'est très faible. Sur les 70 M€ par an qui ont été alloués au programme Nano Innove qui nous concerne puisque nous en avons une partie sur Toulouse, il y a zéro euros pour les études de risques sur cela. Ce qui nous a fait bondir bien entendu, puisqu'il n'y a pas assez de recherches là-dessus. On est vraiment dans une proportion d'échelle minable. Concernant ce que vous avez dit des industriels, ils se sont engouffrés sans même se rendre compte de ce qu'ils faisaient. Si vous lisez les attendus des nanoforums qui ont eu lieu, j'avais fait un petit florilège de ce que les industriels disaient. Ils disaient : « Ce n’est pas dangereux, mais chez nous, on travaille quand même en salle blanche ». Il ne savait pas trop. À la fin, ils disaient : « On ne sait pas trop, donc on va voir ». Par exemple, vous dites : on peut essayer de réduire la pollution atmosphérique. Il y a effectivement des ciments photocatalytiques qui sont prévus à cet effet. Ils détruisent une partie des dioxydes d'azote, mais cette dégradation entraîne des dérivés nocifs, peut-être encore plus dangereux que le dioxyde d'azote et que l'on va retrouver dans les eaux de ruissellements. Il faudra peut-être aussi traiter les eaux de ruissellements. Chaque fois, on fait quelque chose qui produit autre chose de plus dangereux. Ce sont des nanoparticules.


INTERVENANT.- Les nanoparticules datent de la nuit des temps. Lorsqu'on a fait les premiers freins de voitures, cela dégageait des nanoparticules. Ce qui me fait peur, c'est qu'on passe à une échelle…


Mme FRAYSSINET.- Les particules fines à faible échelle de diesel sont extrêmement toxiques et produisent des décès anticipés graves. Quand vous êtes en pollution atmosphériques haute, vous avez un nombre de morts, un nombre de problèmes respiratoires. On le sait déjà et c’est parce qu’on fait déjà ce genre de mesures que l’on sait qu'au niveau d’autres particules avec d’autres supports, on va avoir ce genre de risques. On les a déjà.
 
Mme JARRY.- Je vais donner la parole à Manuel Flahaut qui va intervenir sur les budgets de recherche. Il va compléter la réponse de Rose Frayssinet sur la part des budgets de recherches dans le domaine des risques. Nous prendrons ensuite une dernière question. Toutes vos questions écrites seront traitées et on y répondra. Si on n'a pas pu traiter vos questions maintenant, vous les laissez à la sortie de la salle, on les emporte avec nous et il y sera répondu. Elles seront mises en ligne sur le site avec la réponse qui correspond. Je suis désolée qu'on ait si peu de temps.


M. FLAHAUT.- Je suis chercheur au CNRS. Je voulais réagir par rapport au budget de recherche concernant la toxicité des nanomatériaux. Depuis 3 ans, je coordonne un programme de recherche, financé par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche), qui concerne l'effet sur la santé et l’impact environnemental des nanotubes de carbone. Il ne faut pas dire qu'il n’y a pas de recherche dans ce domaine. Les budgets alloués à ce type de recherches sont relativement faibles, mais ils existent et on essaie d'avancer dans ces domaines.


Mme JARRY.- Nous n’avons pas le temps de reprendre d'autres questions. Nous allons laisser la parole à Catherine LARRIEU.


Mme LARRIEU.- Catherine Larrieu du ministère du Développement durable. Il y a un certain nombre de sujets sur lesquels les ministères qui ont souhaité ce débat peuvent évidemment vous apporter des éléments de réponse. On va le faire par écrit. La CPDP va nous transmettre les questions orales et les autres. Je voulais juste apporter un complément d’informations par rapport à une intervention d’un monsieur qui a cité le rapport du Parlement européen, indiquant que les industriels n’informaient pas suffisamment les consommateurs sur les produits, sur les nanoparticules, les nanomatériaux, et les nanotechnologies utilisées. Je voulais apporter comme complément d'information, ce que la France a prévu de faire sur le sujet. Le Grenelle de l'environnement a permis de débattre de ces sujets, puisqu'il y a eu de nombreux travaux, notamment sur la question des risques émergeants. De ces concertations du Grenelle de l'environnement est sorti un engagement, qui a été validé par Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy, de demander aux industriels français de déclarer officiellement par une procédure administrative et également d'informer le consommateur, via l'étiquetage, de l'existence de nanoparticules ou de nanotechnologies pour les différents produits proposés aux consommateurs. C'est quelque chose de très important. Ce n'est pas encore voté. C'est actuellement en discussion au Parlement. Le Sénat a voté cette disposition ce mois-ci. Cela va passer à l'Assemblée nationale en février et ce sera applicable ensuite selon les délais que la loi prescrira. On a anticipé par rapport à la demande du Parlement européen et on espère bien que d'autres pays vont aller dans cette voie.

 

M. LE PRESIDENT.- On va remercier chaleureusement les participants à cette séquence.


(Applaudissements.)


M. LE PRESIDENT.- Pour essayer de maintenir...


INTERVENANT.- Ce n’est pas sérieux. Vous avez convoqué une réunion où il est écrit nanotechnologie structurée...


M. LE PRESIDENT.- On va le faire maintenant. On vous a proposé un séquencement. Je pense que, compte tenu de la façon dont est partie la première séquence, il serait logique d'enchaîner sur la troisième. On verra après ce que l'on fait de la deuxième. J'appelle José Cambou, France nature environnement, Catherine Mir, Direction générale de la prévention des risques, Frédéric Schuster, qui est au CEA, mais qui est en partie un des responsables du programme Nanosafe européen, Pascal Guiraud, qui est Directeur de l’Observatoire des déchets industriels et qui travaille au laboratoire d’ingénierie des systèmes biologiques et des procédés. Je vais demander à José Cambou d'introduire cette séquence.


Mme CAMBOU.- Très concrètement, on parle maintenant de nanotechnologies et environnement. Les données disponibles sont aujourd'hui clairement insuffisantes pour évaluer les impacts potentiels sur l'environnement des nano. (Vous souhaitez que je ne parle pas ou vous souhaitez me faire répéter les phrases, on ne gagnera pas de temps). Vous pourrez remarquer que le dossier support du débat ne donne quasiment pas d'informations sur les impacts environnementaux puisque le chapitre qui parle d'environnement et de santé ne parle quasiment que de santé, à juste raison par ailleurs en termes de santé, mais l'environnement c’est important aussi. L'environnement c'est quoi ? C’est l’eau, l’air, les sols, les écosystèmes, c'est aussi la flore, la faune, bref le vivant. Certes au sein du vivant, il y a les humains, mais il y a tout le reste avant. Dans ce que je viens de vous donner, je vous propose de considérer que l'environnement est important et je me permets de vous rappeler qu'il y a un effet boomerang de l’environnement vers l'homme puisque nous respirons l'air, nous buvons de l'eau et nous avons aussi le problème de la chaîne alimentaire. Or les usages se multiplient de produits contenant des nanoparticules. Je pense que là, depuis le début, on l'a révisé. Or celles-ci peuvent se disséminer dans tous les milieux, tout au long du cycle de vie, c'est-à-dire depuis le stade de leur fabrication, la période d'usage et aussi celle de la fin de vie qu'on appelle souvent stade du déchet.
Dans le cadre de la période d'usage, on peut voir quelques exemples. On a cité tout à l'heure du dioxyde de titane dans les produits de construction, bâtiments et routes. On a déjà parlé des pneus. Mais, dans la réalité, si je prends l'exemple du nanoargent, les produits de consommation en contiennent plus de 50 %. Vous en trouvez par exemple dans les chaussettes. Quand on les lave, petit à petit, cela part dans les eaux usées, et donc vers la rivière. L'intérêt du nanoargent, c’est qu'il est bactéricide. L'inconvénient, c'est qu'il est bactéricide.
 
Cela signifie que l'on va avoir des effets a priori dans le milieu aquatique, qu'on peut avoir des effets aussi sans doute dans l'air. Il y a un ensemble de gens, notamment aux Etats-Unis, qui depuis 2003, et peut-être même avant, se préoccupent des effets du nanoargent, y compris sur les sols, où ils s'inquiètent de ce qu'ils appellent l’effet terre brûlée avec des possibilités d'écroulement, qu'ils disent même possibles, dramatiques, dans les capacités métaboliques et la diversité du sol des populations microbiennes, et c'est une citation.
Très concrètement face à tout cela, (pouvez-vous mettre le deuxième transparent ?), qu'est-ce que nous proposons ? Nous proposons une politique publique de précaution. Ce qui veut dire agir dans un domaine d'incertitude. Alors, cela ne veut pas dire faire une chose et puis d'autres quelques années où beaucoup d'années après, mais c'est faire en même temps. C'est développer des connaissances, on voit bien qu'il y a plein de choses qu'on ne connaît pas. C'est réglementer des rejets, le plus rapidement possible, donc générer du droit spécifique et adapté. Je vous assure que de mon point de vue, le droit n'est pas vraiment adapté. Il faut faire de la surveillance. Mais pour faire de la surveillance des milieux, il faut des outils pour faire de la mesure, de la métrologie. Et il faut des protocoles de tests adaptés et, là aussi, du calage est certainement à faire. Bien évidemment, il faut mettre de l'information disponible tout le temps, que ce soit produire des connaissances, avec la surveillance, etc. C'est pourquoi vous voyez sur le diaporama un ensemble de flèches. Et puis en parallèle, il faut mettre de la concertation dans la durée, et je fais partie des gens, ainsi que ma fédération, qui soutiennent l'importance d'un débat public. Il aurait peut-être pu avoir lieu plus tôt, il a enfin eu lieu et il est important de se l'approprier. Très concrètement, parce qu'on nous avait demandé de faire très court, je vais essayer de m’y plier, je reviendrai, si vous le souhaitez, sur les aspects que j'ai cités : effet terre brûlée ou autres.
Très concrètement, pour conclure en cet instant, est-il raisonnable et éthique de maintenir un pareil déséquilibre entre des connaissances lacunaires sur les risques et les impacts des nanotechnologies sur l’environnement et la production d'application, notamment grand public ? Eh bien moi, en mon âme et conscience, je réponds non. On est dans un système beaucoup trop déséquilibré. Nous avons commis au sein de ma fédération un cahier d'acteurs qui est à votre disposition à l’entrée. Il est centré surtout sur les problèmes sanitaires. Vous verrez que nous demandons un moratoire, mais que ce moratoire est partiel ; c'est ce que nous soutenons depuis l'époque du Grenelle car c'est dans ce cadre que nous l'avons présenté. Nous demandons un moratoire sur les produits grand public, qui dans leur usage au quotidien et pour des usages non médicamenteux sont en contact avec le corps, c'est-à-dire habillement, produit alimentaires, cosmétiques, etc. Avec la méconnaissance que nous avons à la fois sur l'environnement et sur la santé humaine, il est urgent d'attendre, en tout cas pour certains types d'usages. Merci.
(Applaudissements)

 

M. LE PRESIDENT.- Merci, madame Cambou. Peut-être y a-t-il instantanément des interventions sur ce qui vient d'être dit ? Sur la manière dont le problème est posé ? On reviendra bien entendu sur tout cela. On va peut-être demander à Frédéric Schuster qui travaille dans le produit Nanosafe de nous dire un peu si, sur les points évoqués par madame Cambou, il y a des connaissances lacunaires, ou pas de connaissance du tout. Comment voyez-vous les choses ?


M. SCHUSTER.- Je voudrais juste faire une petite remarque par rapport à l'intervention de la table ronde précédente. Dans le budget de Nano Innove, il y a quand même 2,5 M€ dédiés aux aspects sécurité. Il y aura même une centaine de sites qui seront expertisés, dans lesquels on va faire des mesures de nanoparticules en particulier.
Pour revenir au sujet de Nanosafe, je voulais juste dire qu'au Commissariat à l'Energie Atomique, on travaille sur l’énergie et sur les technologies de l’information de la santé. Les nanomatériaux sont quelque chose d'important pour innover en rupture, mais en parallèle effectivement on essaie de développer l'ensemble des moyens de maîtrise de ce cycle de vie des nanomatériaux et donc le programme Nanosafe qu'on a lancé en 2002, puis le gros du programme qui a démarré en 2005. On peut peut-être passer sur le slide d'après. Là j'ai essayé de résumer sur ce transparent les avancées faites dans le cadre du programme Nanosafe, qui est un programme européen, financé par la Commission européenne, et 24 partenaires, dont des grands industriels comme BASF, ARKEMA, des grands centres de recherches comme l'INSERM, l’INERIS ; je ne vais pas citer tous les participants. On a fait un certain nombre d'avancées dans un certain nombre de domaines clés pour la maîtrise du cycle de vie des nanomatériaux. La première avancée est dans le domaine de la détection et du monitoring des nanoparticules dans l'environnement, en particulier dans les environnements de travail puisque vous savez que nous sommes tous environnés par des particules. Dans cette pièce, il y en a environ 10 000 par cm3. Je ne vais pas en faire la liste, le problème, en fait, est que quand on fabrique des nanoparticules par un procédé, il faut développer des technologies pour être capable de les détecter et détecter spécifiquement les particules que l'on fabrique. On a développé, dans le cadre du projet Nanosafe, des technologies à base de laser qui permettent de donner des informations chimiques sur les nanoparticules que l’on aurait fabriquées par un procédé. On est donc capable maintenant de différencier entre des particules environnantes et des particules qu'on a fabriquées.
Il y a une deuxième avancée qui est le développement d'un badge individuel. L’idée est d'être capable de disposer de systèmes qui permettent de donner une indication sur l'exposition individuelle des gens qui vont travailler dans le domaine de la synthèse de nanomatériaux.
On a également développé un certain nombre d'outils pour évaluer le danger. Ce sont les Suisses du centre suisse de microtechnologie qui ont développé un système pour faire du toxicity screening Avec un certain nombre de petits systèmes, l’idée est d'être capable de savoir assez rapidement si une nouvelle nanoparticule qu'on aurait produite présenterait des risques de passer les barrières biologiques.
On a également développé des outils, des bandes tests pour mesurer l’explosivité des nanoparticules. C'est intéressant de savoir, dans le cycle de vie des nanoparticules, si les nano sont plus explosives que les micros. On a parfois des surprises. On a également développé un certain nombre d'outils pour sécuriser les procédés. J'entendais tout à l'heure que les gants, les masques n’étaient pas efficaces. Dans le cadre du projet Nanosafe, on a développé des bandes tests pour tester l'efficacité des gants et de toutes les protections individuelles, des filtres, et les résultats montrent que c'est très efficace.
On a également développé des procédés pour collecter de façon sécurisée les nanoparticules, suite à une synthèse en phase vapeur de nanopoudre par exemple, on a développé des systèmes qui permettent de connecter en continu et de récupérer les nanoparticules sous forme de suspension et d'éviter les problèmes d'envolement. On a travaillé sur les systèmes de containers pour les transporter de façon sécurisée.
On s’est aussi intéressé au problème du relarguage. On a développé des bandes tests pour voir si les matériaux qui contiennent des nanoparticules étaient susceptibles de relarguer en cours d'usage ces nanoparticules. Il ne faut pas faire l'amalgame entre matériaux nanostructurés, nanomatériaux et nanoparticules. C'est un jargon compliqué, mais il faut être précis.
On a testé et on a acheté des chaussettes anti-bactériennes. On a testé un certain nombre de produits pour voir si on était capable de mesurer le relarguage de ces nanoparticules.
On a aussi une action assez forte dans le domaine de la communication. Il y a un site web du projet Nanosafe sur lequel vous pouvez trouver un certain nombre de rapports de dissémination. Vous avez 8 rapports qui sont déjà téléchargeables. On a mis en place aussi un logiciel e-learning que l’on essaie d’alimenter avec les nouvelles découvertes. On organise aussi des conférences. Une conférence sera organisée en 2010 sur ce cycle de vie des nanomatériaux.


M. LE PRESIDENT.- Merci. Cela prouve qu'il se passe des choses, sans doute au-dessous de ce que l’on pourrait souhaiter à certains égards. Une chose est intéressante : le programme est européen.
 
Ceci me semble assez clair, parce que cela doit déboucher ultérieurement sur des dispositions réglementaires. Et il serait intéressant qu'il y ait une réflexion européenne sur ces dispositions réglementaires. Sur ce qui vient d'être dit, y a-t-il des questions instantanément ?


INTERVENANT.- Une toute petite question. Vous avez essayé de voir si vous pouviez détecter les relarguages de particules. Avez-vous réussi ?


M. SCHUSTER.- C’est une très bonne question. Nous avons monté une bande test. C’est très difficile de mesurer dans un bruit de fond élevé, le relarguage de très petites quantités. On n’a pas mesuré grand chose.


M. LE PRESIDENT.- Le test auquel vous faites allusion, plus précisément, vous avez fait quoi ?


M. SCHUSTER.- On a usé.


M. LE PRESIDENT.- C'est un tissu ?


M. SCHUSTER.- On a fait évoluer un test, qui s’appelle le test de Taber. C’est un test normalisé. On est en train de l'adapter pour la mesure de relarguage de nanoparticules. C'est une des contributions à la normalisation qu'on va faire. Dans le cas du projet Nanosafe, il y a eu environ une quinzaine de résultats qui vont être des contributions à des potentiels standards.


M. LE PRESIDENT.- Tout d'abord, madame Cambou a cité l'exemple des pneumatiques. Avez-vous des choses en cours là-dessus ?


M. SCHUSTER.- Actuellement, on n'a pas d'étude sur l'usure des pneumatiques.


M. LE PRESIDENT.- Je ne sais pas exactement ce qu’on relargue, mais on relargue des choses.


M. SCHUSTER.- Le noir de carbone dans les pneumatiques, c’est 1911.


M. LE PRESIDENT.- Cela ne veut pas dire qu'il faut le respirer. L'argument sur le fait qu'il y a des choses connues depuis très longtemps, moi je ne mets pas mon nez dans ma cheminée pour respirer même si c'est de la suie. Il ne faut peut-être pas non plus conclure définitivement, parce que c’est très vieux,  qu’il n’y a pas de problème. Il y avait une question au fond.