Nous le voyons, les enjeux économiques sont immenses : le marché mondial des nanotechnologies, estimé à 500 milliards de dollars en 2008, devrait doubler d’ici 2012. Cependant, l’Europe est marquée par la faiblesse de ses investissements dans la recherche et le développement. Le faible niveau des investissements productifs des entreprises françaises est encore plus marqué. La recherche industrielle représente autour de 30 % du total de la recherche autour des nanotechnologies en Europe contre près de 60 % aux Etats-Unis et plus de 65 % au Japon. Alors que celui de la France et de 38 % entre 2001 et 2005, celui des USA est de 133 %. Ces données sont révélatrices de l’insuffisance des modèles de financement adaptés à l’innovation, ainsi que le faible nombre d’entreprises françaises innovantes de taille moyenne. Les nanotechnologies : un double regard ?Les nanotechnologies soulèvent de grands espoirs et sont porteuses de progrès. Mais elles suscitent également des interrogations et des craintes. Quels peuvent être les risques issus du développement à l’échelle industrielle de nanoparticules et comment s’en prémunir ?
On peut se poser les mêmes questions concernant des dérives possibles dans l’utilisation des nanopuces au regard des libertés individuelles, voire des libertés fondamentales. Ces questions ne sont pas uniquement présentes vis-à-vis des nanotechnologies et de leur développement. Elles existent dans de multiples domaines de la haute technologie : que ce soient les biotechnologies avec les problèmes éthiques qu’elles posent, l’électronique avec les RFID, par exemple, l’énergie en liaison avec le réchauffement climatique ou l’épuisement des ressources naturelles, la chimie en lien avec les pollutions et les risques… Mais les nanotechnologies sont au cœur de la convergence de ces différentes technologies.
Le développement des nanotechnologies doit donc s’effectuer dans des conditions de transparence et de sécurité maximales pour la population, les consommateurs, les salariés et l’environnement. Les propositions d’INDECOSA-CGTC’est pourquoi INDECOSA-CGT avance une première série de propositions autour de cette conviction. La prévention des risques. Il est primordial de renforcer les recherches en toxicité, écotoxicité et métrologie. Cela nécessite de se doter, grâce à un effort de formation d’ampleur, du potentiel humain nécessaire, aujourd’hui très insuffisant.
Les priorités devraient porter sur : 1/ Les nanoparticules les plus utilisées industriellement, c’est-à-dire celles qui sont déjà présentes sur le marché ou qui vont l’être. 2/ Les nanoparticules appliquées au corps humain (en médecine et cosmétologie, par exemple). 3/ Les différentes étapes du cycle de vie des nanomatériaux, ou nano-objets. En effet, les nanoparticules intégrées dans un matériau, peuvent, en cas d’usure, de dégradation ou de destruction de celui-ci, être dispersées dans le milieu naturel. La vigilance s’impose tout particulièrement s’agissant des nanotubes de carbone.
En matière de réglementation, il nous faut appréhender le fait que les applications des nanotechnologies concernent des domaines extrêmement différents. Il nous paraît donc pertinent de raisonner par familles de produits afin de prendre en compte, avec plus d’efficacité, les caractéristiques des risques à prévenir. Il nous semble également important de s’appuyer sur les règles de protection déjà existantes dans les différentes activités productives, tout en les adaptant et en les complétant afin qu’elles couvrent l’ensemble du champ des nanotechnologies. C’est par exemple le cas du règlement REACH.
À court terme, adapter le règlement REACH aux nanotechnologies implique d’introduire une propriété physico-chimique dépendante de la taille de l’objet – pour le définir comme une substance nouvelle et évaluer sa toxicité – et, dans ce cas, adapter les valeurs de tonnage à la production des nanoparticules afin que les précautions prévues puissent s’appliquer. Quant à l’étiquetage des produits incluant des nanoparticules, il se justifie pleinement dans certains cas, notamment pour les produits alimentaires, cosmétiques, vêtements, etc. On peut être plus interrogatifs dans d’autres cas, par exemple pour les matériels électroniques, matériaux nanostructurés, etc.
Il nous paraît également opportun de mettre en place une procédure de déclaration par les producteurs et importateurs de substances à l’état nanoparticulaire sur le territoire français.
La protection des salariés doit être une préoccupation majeure. Nous sommes pour un droit d’ingérence des salariés dans les procès de production. Cela vaut pour l’ensemble des secteurs industriels concernant les substances et matériaux utilisés. En ce qui concerne plus particulièrement les nanoparticules, nous sommes pour un processus de veille sanitaire renforcé de l’ouvrier au chercheur travaillant sur ces produits. Dans les sites réunissant des salariés d’entreprises différentes, notamment en cas de sous-traitance, les compétences et l’organisation des CHSCT devraient être élargies, en s’inspirant des CHSCT de sites, pour que tous les salariés bénéficient des mesures de précaution et de prévention nécessaires.
Les enjeux de normalisation sont tout à fait essentiels. La normalisation détermine ce que doivent être les règles à respecter. De ce fait, elle conditionne, pour une part importante, la mise en œuvre de mesures de précaution et de prévention. Elle conditionne aussi notre capacité et celle de l’Europe à lutter contre toutes les pratiques de dumping, notamment sur le plan social et environnemental.
C’est pourquoi, nous appelons de tous nos vœux l’ensemble des acteurs concernés dans notre pays – pouvoirs publics, entreprises, organisations syndicales et associations de consommateurs – à se mobiliser pour participer pleinement au processus de normalisation en cours.
Un outil de contrôle et d’alerte Nous proposons la mise en place d’une agence indépendante adossée à l’AFSSA2 ayant une mission de service public, avec en son sein des chercheurs, des experts des nanoparticules, ainsi que des chercheurs en sciences humaines (philosophes, sociologues, économistes, etc.). Cela permettrait une meilleure coopération entre les équipes de recherche en sciences dures et humaines, les représentants des associations de consommateurs, les organisations syndicales et les industriels, afin de mieux intégrer les préoccupations éthiques si déterminantes pour le développement des nanotechnologies.
L’agence pourrait avoir la responsabilité de recenser les nanoparticules, les nanomatériaux et les matériaux nanostructurés en les intégrant dans une base de données en lien avec les structures européennes existantes travaillant sur la même exigence d’information.
1. Cette énumération pourrait être beaucoup plus longue. 2. Agence française de sécurité sanitaire des aliments
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