Documents du débat

Cahiers d'acteurs

Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.

AFOC

L’afoc et les nanotechnologies

Mieux vaut prévenir que guérir


 Créée en 1974 par la Confédération CGT-FO, ouverte à tous, l’Association Force Ouvrière Consommateurs (afoc), agit en amont auprès des pouvoirs publics et des professionnels par un partenariat économique et social porteur de progrès. En aval, elle défend ses adhérents au quotidien et dispense des informations au public. L’afoc est membre de la coordination ConsoFrance.

Largement à notre insu, les nanotechnologies font d’ores et déjà partie de notre environnement. Elles concernent la production basée sur l’utilisation de nanomatériaux ou de nanoparticules, d’une taille inférieure à un milliardième de mètre, soit 10-9.m

 

S’il paraît difficile d’intégrer dans le périmètre de réflexion de l’afoc le domaine militaire, couvert par le secret, et le champ médical, soumis à une réglementation spécifique, il paraît indispensable d’associer les nanoparticules produites même non intentionnellement, comme les rejets liés aux moteurs ou ceux liés au ponçage et à l’usure car elles ont un impact direct sur les populations et l’environnement.

 

La question centrale réside dans l’incertitude dans laquelle se trouvent aujourd’hui les scientifiques pour évaluer tous les impacts des nanotechnologies sur notre environnement et sur notre vie.

 

à la fois sources de progrès et de risques, les nanotechnologies doivent donc être soumises à une surveillance rapprochée, sous l’égide d’une autorité indépendante et avec le concours de tous les acteurs concernés : l’afoc, quant à elle, veillera à ce que les intérêts des consommateurs soient sauvegardés au mieux !

Appréhender l’incertitude avec pragmatisme pour préserver les consommateurs

Vers une pesée des enjeux nanos….

Les nanoparticules existent depuis toujours puisqu’elles existent à l’état naturel : les volcans en produisent ! Certains animaux utilisent des nanopropriétés, par exemple le geko, dont les pattes comportent des ventouses de taille nano qui lui permettent de se déplacer quelle que soit l’orientation de la surface (au plafond, sur les murs…).

 

Depuis une dizaine d’années les nanotechnologies font l’objet de développements fulgurants qui touchent les domaines de la production : bâtiment, automobile, informatique, énergie, cosmétique. La concurrence internationale est exacerbée. Les enjeux économiques s’avèrent énormes. On compare le potentiel de développement des nanotechnologies à celui de l’informatique dans les années 1970. Les perspectives d’emploi dans ce nouveau domaine se révèlent considérables.

 

Quels sont les principaux composants utilisés ?

Les métaux et le carbone à la taille nano sont les principaux composants. Ainsi le nano-argent est présent dans 50% des nanoproduits sur le marché. Les cosmétiques utilisent le bioxyde de titane. Les nanotubes de carbone sont utilisés notamment dans le domaine de l’énergie.

 

Comme la langue d’Esope ou plus récemment comme l’énergie nucléaire, les nanotechnologies peuvent être la meilleure ou la pire des choses, selon les précautions que l’on prendra pour les manier.

 

La meilleure des choses, car elles ouvrent des perspectives immenses dans des secteurs d’actualité :

> les économies d’énergie : des nanomatériaux peuvent être utilisés pour le transport d’électricité et permettre des gains de l’ordre de 20 %. Les batteries de voiture sont déjà équipées de nanocomposants.

> l’épuration des eaux : des nanoparticules permettent de filtrer les eaux usées à faible coût.

 

> l’informatique : la petite taille des nanomatériaux est parfaitement adaptée pour les nouveaux produits nomades de l’informatique.

> dans les cosmétiques, les nanomatériaux sont déjà utilisés pour la protection de la peau contre le soleil.


La pire des choses puisque l’incertitude règne sur les effets des nanoparticules sur l’homme et sur l’environnement :

> à cette taille, les nanoparticules ont la capacité de pénétrer dans les cellules et d’altérer leur fonctionnement ;

> des premiers tests ont été effectués sur des souris par injection directe de nanotubes de carbone au niveau du péritoine, qui ont produit des cancers. Des nanoparticules ont été ensuite retrouvées dans le cerveau de ces souris ;

 

> après avoir travaillé dans les stations d’épuration, les nanoparticules se répandent dans la nature, sans qu’il soit possible d’empêcher cette diffusion et sans connaître les conséquences sur l’environnement : plantes, animaux, hommes ;

> la toxicité des métaux à la taille macro est avérée, ainsi que celle de l’argent. Cette toxicité ne peut qu’accroître ses effets à la taille nano.

 

Tout irait mieux si le risque était maîtrisé. Plusieurs conditions sont préalables à la maîtrise du risque :

> il faudrait bien connaître les produits qui contiennent des nanomatériaux,

> il faudrait en avoir testé les effets sur l’homme et sur l’environnement.

 

Plusieurs facteurs empêchent cette maîtrise du risque :

> les industriels sont réticents à dévoiler leurs secrets de fabrication ;

> les gouvernements sont pris entre deux contraintes opposées : favoriser le développement économique et protéger les populations et l’environnement ;

 

> les scientifiques éprouvent des difficultés pour appréhender le risque ; les nanoparticules sont multiples, leurs effets dépendent de leur forme dans le temps et l’espace ;

> les tests sont longs et coûteux. Seuls les organismes internationaux peuvent les circonscrire ; ce qui pose les problèmes de coordination des politiques de tests et des sources de financement.

 

Le principe de précaution encore imparfait

Le principe de précaution dépend de l’interprétation du juge. Celui-ci peut l’interpréter strictement : dans l’ignorance des conséquences, il faut interdire ; ou interpréter plus largement : pour appliquer le principe, il faut que les effets néfastes soient avérés. La jurisprudence récente fournit les deux interprétations.

 

Aussi, le propos de l’afoc comportera-t-il essentiellement des recommandations en vue d’une gouvernance sécurisée des nanoproduits diffusés dans le grand public ou dans l’environnement.

 

Principes de gouvernance sécurisée des nanoproduits

L’afoc se prononce pour une reconnaissance officielle de l’incertitude en matière de nanotechnologies et préconise la constitution d’une autorité administrative indépendante dédiée aux nano-technologies. Les caractéristiques de cette autorité administrative s’inspireront utilement de la définition qu’en donne le Conseil d’état, soit un organisme qui agit au nom de l’Etat mais dispose d’un réel pouvoir, sans pour autant relever de l’autorité du gouvernement. Une telle autorité administrative indépendante offrirait des garanties renforcées d’impartialité, de professionnalisme et d’efficacité avec, en arrière plan, l’aspiration à une action publique plus attentive aux besoins de médiation et de transparence.

 

Le mandat confié à une telle autorité administrative indépendante

Tout d’abord il lui faudrait évacuer une fois pour toute la question de la définition ou des définitions des nanotechnologies. Cet organisme officiel reconnu de tous devrait mettre à la disposition du public gratuitement les définitions retenues (nanoparticules, nanomatériaux, nanoobjets, matériaux nanostructures). Cette définition pourra évoluer en fonction de l’état d’avancement de la connaissance.

 

L’afoc suggère aussi de prendre dès à présent des mesures de précaution effectives :

 

a) renforcer les moyens de la recherche pluridisciplinaire en toxicité en mettant l’accent sur deux priorités

> les produits appliqués au corps humain

> les produits utilisés dans l’industrie et déjà présents (ou à venir) sur le marché

 

b) développer une banque de données centralisée, exhaustive, normalisée sous l’égide d’une expertise scientifique pluridisciplinaire.

Le contenu possible de la base de données engloberait :

> la liste des nanoparticules, nanoobjets et nanomatériaux présents dans le pays et dans les autres pays d’Europe et du monde,

> les dangers identifiés de ces éléments en fonction de la dose absorbée,

> les modes d’ingestion : voie buccale, dermique, nasale…

> la liste des produits contenant ces nanoéléments, nom des producteurs, importateurs, distributeurs.

 

c) exiger une adaptation des textes communautaires dans le sens d’une protection renforcée des consommateurs sur tout le territoire de l’Union Européenne

Le règlement Reach qui est censé protéger les populations européennes contre les dangers liés aux substances contenues dans leurs produits doit être adapté, puisqu’il ne s’applique qu’au-delà d’une tonne de matériaux utilisés. De même dans un tout autre registre, les obligations nées de la réglementation européenne faites aux fournisseurs et importateurs de produits cosmétiques méritent d’être étendues à tous les produits de consommation.

 

d) rendre obligatoire la mention « nano » sur les produits ayant recours aux nanotechnologies au minimum dans les secteurs essentiels de la consommation que représentent l’alimentation, les cosmétiques et l’habillement.

L’étiquetage fait partie de l’information de base à la disposition de la population. Il est indispensable dans un domaine où plane l’incertitude et il est conforme au droit français de la consommation qui fait peser l’obligation d’information sur le professionnel.

La mention « sans nanoparticules » sera aussi acceptée.

 

e) Définir des modalités de contrôles et de sanctions

Un partenariat de l’autorité administrative indépendante et de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) devra être envisagé quant au contrôle de l’application de la réglementation.

Enfin le contrôle parlementaire sous la forme d’un rapport annuel sous égide de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques devra être mené.

 


SYNTHÈSE

Les besoins pour la population et la préservation de l’environnement au regard de la présence des nanoparticules ou des nanoproduits peuvent être résumés en quelques verbes tournés vers l’action :

> évaluer et prévenir les risques,

> informer et développer la recherche en toxicité,

> contrôler et sanctionner les défaillances,

> préparer la parade aux dégâts et anticiper pour ne pas avoir à corriger les conséquences néfastes comme dans le cas de l’amiante, des marées noires, de Tchernobyl.

Les propositions de l’afoc :

> institution d’une autorité administrative indépendante chargée des nanotechnologies et reconnaissance officielle de l’incertitude

 

> instaurer des mesures de précaution effectives par :

 

a) des moyens accrus à la recherche pluridisciplinaire en toxicité avec deux priorités, les produits appliqués au corps humain et ceux utilisés dans l’industrie ;

b) une banque de données centralisée, exhaustive, normalisée ;

c) l’adaptation des textes communautaires dans le sens d’une protection renforcée des consommateurs ;

d) un étiquetage « nano » obligatoire sur tous les produits qui en sont dotés au moins dans les secteurs alimentaires, cosmétiques et habillement ;

e) des contrôles et sanctions.

 

COORDONNÉES

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