Le principe de précaution encore imparfait
Le
principe de précaution dépend de l’interprétation du juge. Celui-ci
peut l’interpréter strictement : dans l’ignorance des conséquences, il
faut interdire ; ou interpréter plus largement : pour appliquer le
principe, il faut que les effets néfastes soient avérés. La
jurisprudence récente fournit les deux interprétations.
Aussi,
le propos de l’afoc comportera-t-il essentiellement des recommandations
en vue d’une gouvernance sécurisée des nanoproduits diffusés dans le
grand public ou dans l’environnement.
Principes de gouvernance sécurisée des nanoproduits
L’afoc
se prononce pour une reconnaissance officielle de l’incertitude en
matière de nanotechnologies et préconise la constitution d’une autorité
administrative indépendante dédiée aux nano-technologies. Les
caractéristiques de cette autorité administrative s’inspireront
utilement de la définition qu’en donne le Conseil d’état, soit un
organisme qui agit au nom de l’Etat mais dispose d’un réel pouvoir,
sans pour autant relever de l’autorité du gouvernement. Une telle
autorité administrative indépendante offrirait des garanties renforcées
d’impartialité, de professionnalisme et d’efficacité avec, en arrière
plan, l’aspiration à une action publique plus attentive aux besoins de
médiation et de transparence.
Le mandat confié à une telle autorité administrative indépendante
Tout
d’abord il lui faudrait évacuer une fois pour toute la question de la
définition ou des définitions des nanotechnologies. Cet organisme
officiel reconnu de tous devrait mettre à la disposition du public
gratuitement les définitions retenues (nanoparticules, nanomatériaux,
nanoobjets, matériaux nanostructures). Cette définition pourra évoluer
en fonction de l’état d’avancement de la connaissance.
L’afoc suggère aussi de prendre dès à présent des mesures de précaution effectives :
a) renforcer les moyens de la recherche pluridisciplinaire en toxicité en mettant l’accent sur deux priorités
> les produits appliqués au corps humain
> les produits utilisés dans l’industrie et déjà présents (ou à venir) sur le marché
b)
développer une banque de données centralisée, exhaustive, normalisée
sous l’égide d’une expertise scientifique pluridisciplinaire.
Le contenu possible de la base de données engloberait :
>
la liste des nanoparticules, nanoobjets et nanomatériaux présents dans
le pays et dans les autres pays d’Europe et du monde,
> les dangers identifiés de ces éléments en fonction de la dose absorbée,
> les modes d’ingestion : voie buccale, dermique, nasale…
> la liste des produits contenant ces nanoéléments, nom des producteurs, importateurs, distributeurs.
c)
exiger une adaptation des textes communautaires dans le sens d’une
protection renforcée des consommateurs sur tout le territoire de
l’Union Européenne
Le règlement Reach qui est censé protéger
les populations européennes contre les dangers liés aux substances
contenues dans leurs produits doit être adapté, puisqu’il ne s’applique
qu’au-delà d’une tonne de matériaux utilisés. De même dans un tout
autre registre, les obligations nées de la réglementation européenne
faites aux fournisseurs et importateurs de produits cosmétiques
méritent d’être étendues à tous les produits de consommation.
d)
rendre obligatoire la mention « nano » sur les produits ayant recours
aux nanotechnologies au minimum dans les secteurs essentiels de la
consommation que représentent l’alimentation, les cosmétiques et
l’habillement.
L’étiquetage fait partie de l’information
de base à la disposition de la population. Il est indispensable dans un
domaine où plane l’incertitude et il est conforme au droit français de
la consommation qui fait peser l’obligation d’information sur le
professionnel.
La mention « sans nanoparticules » sera aussi acceptée.
e) Définir des modalités de contrôles et de sanctions
Un
partenariat de l’autorité administrative indépendante et de la
direction générale de la consommation, de la concurrence et de la
répression des fraudes (DGCCRF) devra être envisagé quant au contrôle
de l’application de la réglementation.
Enfin le contrôle
parlementaire sous la forme d’un rapport annuel sous égide de l’office
parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
devra être mené.
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