Documents du débat

Cahiers d'acteurs

Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.

UNSA

Nanotechnologies : définir tous les enjeux pour mieux répondre aux attentes et aux risques éventuels


L’UNSA prône et pratique un syndicalisme réaliste, pragmatique, réformiste.

L’UNSA respecte l’identité de ses composantes, dans leur gestion interne, dans leur démarche syndicale, dans leur expression publique.

L’UNSA est une force syndicale interprofessionnelle qui syndique les salariés du secteur privé et du public.

L’UNSA se donne comme mission de développer en France, en Europe et dans le monde un mouvement syndical réformiste, fort et uni, dans le respect des grands principes suivants : attachement à la laïcité de la République, à la démocratie, aux libertés, à la justice sociale, à la solidarité, à la défense du Service public, au droit à l’emploi, à la fraternité et la tolérance, dans la fidélité au principe de l’indépendance syndicale.

 

Après le nucléaire ou les OGM, un nouveau terme déclenche passions et craintes : les nanotechnologies ! Derrière ce vocable, des enjeux technologiques et économiques majeurs, mais aussi des questions fondamentales qui concernent la santé ou l’évolution de nos sociétés. Grâce au débat public sur les nanotechnologies, la France a l’occasion de ne pas répéter les erreurs passées.

 Débattre pour mieux comprendre

 

En l’absence de débat, l’énergie nucléaire a été imposée par l’Etat, parfois par la manière forte (souvenons-nous des grandes manifestations anti-nucléaires des années 70). Il a fallu changer de siècle pour que le débat sorte du manichéisme (les pour et les contre) et évolue vers une meilleure appréhension des avantages et inconvénients de ce mode d’énergie, et du choix fait par la France de le privilégier.

Faute d’information conséquente, et parce que le sujet est éminemment plus complexe que ce que pro- et anti- (et les medias) nous en disent, le débat sur les OGM se limite toujours à des invectives et des simplifications abusives. Dans le même temps, certains utilisent déjà des produits d’OGM pour leur plus grand bien (à l’instar de l’insuline humaine produite par des bactéries), alors que l’on peut légitimement s’inquiéter de l’impact à moyen terme de plantes résistant aux herbicides.

C’est parce que l’on ne peut pas se limiter à condamner sans savoir, ni demander aux citoyens de faire aveuglément confiance aux avancées scientifiques alors que celles-ci pourraient s’avérer mal maîtrisées (chacun se souvient encore de l’affaire du sang contaminé) que débattre est essentiel. Ce débat doit permettre de :

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définir les vrais enjeux des nanotechnologies, sans se limiter aux milliards de chiffre d’affaire promis ;

> faire le tri entre craintes justifiées et fantasmes, afin de définir quels seront les systèmes de régulation à mettre en œuvre pour que l’ère annoncée des nanotechnologies ne soit pas celle du Docteur Folamour.

 Les « nanos », c’est pas nouveau

Catalyse chimique, physique, électronique, biologie des virus, clonage de gènes…, les nanotechnologies sont là depuis de nombreuses années. Dès les années 50, des scientifiques les avaient repérées tel l’américain Richard Feynman. Mais ce n’est que depuis quelques années que le terme « nanotechnologies » a été consacré pour dénommer tout ce qui est inférieur au micromètre (millième de millimètre).

 

Ce terme regroupe toutes les applications des nanosciences, sciences de l’infiniment petit : un nanomètre, c’est un millionième de millimètre. Il recouvre des notions de physique, de chimie, de biologie (les virus sont des nanoparticules, puisque de taille inférieure au micromètre).

 

Si l’on a fait le choix de s’intéresser à des objets aussi petits – on parle d’échelle nanoscopique –, ce n’est pas uniquement pour miniaturiser encore plus ce qui l’est déjà (aujourd’hui, un téléphone portable contient des technologies qui, il y a 40 ans, remplissaient une pièce entière !). C’est parce que la matière a des propriétés particulières – optiques, électroniques, magnétiques, mécaniques, thermiques – quand on arrive à l’échelle de l’atome : utiliser des nano-outils ou fabriquer des nano-matériaux est le seul moyen d’accéder ces propriétés.

 

Et si l’on peut aujourd’hui développer ces nanotechnologies, c’est parce que des outils ont été récemment mis au point, qui permettent de déplacer et manipuler des atomes, de les assembler…

 Nano-objets et nanomatériaux

 

On peut globalement séparer les nanotechnologies en deux domaines : nano-objets et nanomatériaux.

Les nano-objets se répartissent en trois grandes familles :

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les nanoparticules (poudres, suspensions, gels et solutés), produits manufacturés à destination industrielle, pour certains déjà connus et commercialisés depuis longtemps (silice, dioxyde de titane), et dont les applications peuvent toucher quasiment tous les domaines industriels, des transports à la pharmacie en passant par l’électronique, la chimie, l’énergie… ;
 > les nanofibres (voir encadré sur les nanofibres de carbone) ;
 > les nanorevêtements, souvent inspirés de structures issues du monde vivant (feuilles de végétaux, peaux et téguments), qui permettent d’envisager la fabrication de vitres auto-nettoyantes, revêtements anti-bactériens…

Ces nano-objets peuvent être utilisés tels quels. Ils peuvent aussi servir de base à la fabrication de matériaux composites de très petite taille, les nanomatériaux.

Ceux-ci peuvent être des matériaux composés d’une matrice organique ou minérale dans laquelle ont été incorporés des nano-objets : béton contenant des fumées de silice (plus fluide et plus résistants aux sollicitations mécaniques), peinture contenant des pigments colorés, crème solaire au dioxyde de titane (offrant une meilleure protection contre les UV)… Dans d’autres cas, les nano-objets recouvrent la surface du matériau, formant un revêtement doté de propriétés remarquables (résistance à l’érosion ou l’abrasion, hydrophilie ou hydrophobie) ou de fonctionnalités nouvelles (adhérence, aspect, dureté…).

 Quels enjeux ?

 

Des marchés potentiels estimés à plusieurs milliers de milliards d’euros à courte échéance – à l’image du boom de l’informatique et des technologies de l’information des années 80/90 – et des emplois par milliers : les « nanos » sont l’enjeu économique majeur de ce début de siècle ! à l’heure de la délocalisation croissante des activités qui ne requièrent pas de technologie et de savoirs avancés, mais aussi celle où la concurrence s’exerce aussi sur les activités à haute valeur ajoutée, notre pays n’a qu’une seule possibilité pour s’en sortir : développer industries et services de pointe. La France ne peut donc pas se permettre de prendre de retard dans le domaine des nanotechnologies, sous peine de mettre en danger son développement, et donc l’avenir des nouvelles générations…

 

Derrière ces notions économiques, c’est aussi la formation qui est en jeu. Comme pour toutes les technologies de pointe, le développement des « nanos » va nécessiter de former des cadres en grand nombre, mais aussi de faire évoluer la formation des ouvriers et des employés afin de leur permettre de travailler dans ce nouveau domaine. Une formation qui devra en particulier intégrer les évolutions des conditions de travail induites par ces nouvelles technologies (travail en salle blanche, gestion des risques…).

 

Enfin, à l’image d’objets apparus depuis des décennies, de la télévision aux lecteurs MP3 et téléphones portables, les objets utilisant des nanotechnologies seront amenés à modifier nos modes de vie, voire à changer les rapports sociaux en créant une nouvelle fracture technologique.

Tous ces enjeux sont à la fois porteurs d’espoir et d’inquiétudes : si nul ne sait ce que sera le monde des « nanos », nous devons pouvoir contrôler son essor afin de ne pas le laisser dériver en fonction des seuls intérêts des pouvoirs – politiques, financiers, technologiques.

 Quels risques ?

Les années 60 ont généré la première crise sanitaire liée à une nanofibre : l’utilisation de l’amiante dans les bâtiments. Nier la possible dangerosité de nano-objets ou nanomatériaux relèverait donc de l’imposture. Mais penser que tous ces nano-objets et nanomatériaux sont potentiellement dangereux relève soit de l’obscurantisme, soit de l’ignorance. Désormais qui peut nier l’utilité pour la santé de certaines molécules ? Des expertises incontestables doivent en fournir la preuve et balayer les idées fausses.

 

Parce qu’ils sont à l’échelle nanoscopique, et qu’ils peuvent donc pénétrer dans nos organismes et interagir avec nos cellules, les produits de nanotechnologies devront faire systématiquement l’objet d’études toxicologiques exhaustives. Parce qu’ils ont vocation à être utilisés sans confinement, ils devront également être évalués quant à leurs possibles impacts sur l’environnement.

 

Pour la première fois, des technologies doivent prendre en compte systématiquement des risques autrefois liés seulement à tel ou tel objet : tous le produits des nanotechnologies sont potentiellement à risque, ils ne peuvent être mis sur le marché qu’une fois les risques potentiels évacués, ou contrôlés.

 L’UNSA et les nanotechnologies

L’UNSA est favorable au développement des nanotechnologies, outil majeur pour le progrès scientifique, technique et économique, qui portent en elles des possibilités indéniables de progrès sociaux. Cependant, l’UNSA estime indispensable de réguler un tel développement, en particulier de prendre le temps nécessaire pour effectuer toutes les indispensables études toxicologiques ou évaluer les impacts sur les individus, les écosystèmes et les sociétés. Aucune considération économique ou politique allant en sens contraire ne saurait être acceptée.

 

Nous demandons que, pour chaque projet de recherches en nanotechnologie, une part consistante des crédits soit systématiquement dédiée aux études destinées à en évaluer les éventuels effets sur la santé, l’environnement et – le cas échéant – les modes de vie.

 

Nous demandons la création d’une Haute Autorité Européenne des Nanotechnologies, indépendante des pouvoirs politiques et économiques et ouverte aux acteurs de la société civile, seule à même de garantir sur le long terme le développement harmonieux des « nanos ». Parmi ses missions, la publication annuelle d’un état des nanotechnologies européennes, qui fera le point sur les succès, les échecs et les incertitudes.

 Un exemple de nano-objet : les nanotubes de carbone

Les fumées produites par la combustion des composés contenant l’élément carbone (hydrocarbures, bois, charbon…) comportent des particules noires constituées pour l’essentiel par du carbone solide. à partir du milieu du vingtième siècle, l’observation au microscope électronique de ces particules et de certains sous-produits de la pétrochimie a mis en évidence la présence de « filaments », objets approximativement cylindriques de quelques dizaines ou centaines de micromètres de longueur et de moins d’un micromètre de diamètre.

 

Ces cylindres comportaient souvent une partie creuse autour de leur axe sur toute leur longueur : il s’agissait de tubes dont le diamètre était inférieur au micromètre. En 1990 apparaît le terme de « nanotubes de carbone », qui couronnait la première observation d’une forme « parfaite » : des tubes formés d’enroulements coaxiaux de couches cylindriques d’atomes de carbone. Avec les fullerènes (molécules en forme de ballon de football), ils constituent la troisième forme cristalline du carbone après le graphite et le diamant.

 

Si, avant 1990, seule une dizaine d’équipes dans le monde s’intéressaient aux filaments de carbone, elles sont actuellement une cinquantaine rien qu’en France à étudier les nanotubes, parmi lesquels des nanotubes d’autres compositions chimiques que le carbone. Des solides de dimensions nanoscopiques et d’autres géométries que tubulaires sont aussi élaborés et étudiés.

 

Les nanotubes de carbone possèdent des propriétés physiques, mécaniques et électriques exceptionnelles. Plus durs et meilleurs conducteurs thermiques que le diamant, dotés de propriétés électriques supérieures à tous les matériaux connus, capables d’encapsuler des molécules à l’échelle nanoscopique, les nanotubes de carbone sont susceptibles à l’avenir d’être utilisés dans de très nombreux domaines parmi lesquels électronique, aéronautique, plastiques, textiles, matériaux ultra-résistants, lubrifiants, piles à hydrogène…

 

 
 
SYNTHÈSE

L’UNSA en a pris toute leur mesure : les nanotechnologies représentent un potentiel d’applications extrêmement vaste : informatique et télécommunications, médecine et biologie, matériaux et chimie, énergie et environnement. Elles constituent ainsi un gisement d’activités et d’emplois considérable qui fait de leur maîtrise un enjeu stratégique.

 

C’est pourquoi l’UNSA a choisi de soutenir leur développement. Mais ce soutien n’est pas sans condition. La concurrence sera rude et la précipitation n’est pas exempte de dangers, dont celui de négliger les risques potentiels pour la santé et l’environnement.

 
La France a des atouts que bien sûr elle doit valoriser. C’est pourquoi, il importe de se prémunir dès maintenant contre des effets éventuellement nuisibles. Encore faut-il les repérer avec justesse.

 

L’UNSA réclame donc que la France se donne les moyens d’une expertise incontestable afin que les « vrais » dangers soient maîtrisés et les idées fausses éliminées. Un suivi et une évaluation doivent permettre de maintenir un niveau d’information élevé, qui soit reconnu comme tel par les populations. à ce titre, L’UNSA demande aussi la création d’une Haute autorité européenne indépendante.


COORDONNÉES

Siège national de l’UNSA :

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