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Documents du débat
Cahiers d'acteurs
Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.
FORCE OUVRIERE
FO et les nanotechnologies
Maîtriser les risques pour les salariés, la population et l’environnement
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Confédération Générale du Travail FORCE OUVRIERE / Organisation syndicale
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Souvent
à notre insu, les nanotechnologies (NT) font d’ores et déjà partie de
notre environnement et sont largement utilisées. Elles concernent la
production basée sur l’utilisation de nanoparticules (NP) d’une taille
inférieure au milliardième de mètre, soit 10-9 m.
S’il
paraît difficile de prendre en compte le domaine militaire couvert par
le secret et le domaine médical soumis à une réglementation spécifique,
il est indispensable de s’intéresser aux NT produites (même non
intentionnellement, comme dans les rejets), car elles ont un impact
potentiel sur les salariés concernés, les populations et
l’environnement.
L’incertitude dans laquelle se trouvent
aujourd’hui les scientifiques pour évaluer les impacts réels des
nanotechnologies sur notre vie, notre santé et sur notre environnement
interroge et inquiète.
À la fois sources potentielles de
progrès et de risques, les NT doivent donc être soumises à une
surveillance rapprochée, sous l’égide d’une autorité indépendante et
avec le concours de tous les acteurs concernés. Il convient de
s’assurer que les salariés, la population et l’environnement soient
préservés.
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Appréhender l’incertitude
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Des craintes légitimes
Les NT peuvent à la fois :
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provoquer des cancers ou les soigner,
purifier l’eau ou la polluer,
faire rayonner économiquement et scientifiquement un pays, une
économie, ou lui imposer l’import de produits protégés par des brevets.
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Elles sont caractérisées par :
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la jeunesse de la plupart des réalisations, car elles sont liées en
grande partie aux découvertes récentes de la physique quantique, dont
les transferts technologiques sont en pleine expansion ; |
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des impacts sur tous les domaines de la science et de la technique :
physique, chimie, électricité, électronique, médecine, écologie, etc,
et sur tous les secteurs de l’économie : bâtiment, chauffage, textile,
alimentation, automobile, énergie, traitement de l’eau, de l’air…
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Elles
sont porteuses d’espoir dans des domaines : eau, énergie, informatique,
systèmes portables et miniaturisés, médecine. Mais elles génèrent des
craintes légitimes à hauteur de leur développement fulgurant et quasi
incontrôlé, faisant suite aux dérives constatées avec l’amiante, les
OGM, les ondes électromagnétiques.
Leur caractéristique de
petite taille leur permet de franchir la barrière cellulaire. Ce risque
particulier et récent n’a pas encore été pris en compte par la
législation.
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Des enjeux économiques importants
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On
compare le potentiel de développement des NT à celui de l’informatique
dans les années 1970. Les perspectives d’emploi dans ce nouveau domaine
sont donc importantes.
Sur ce terrain, la France et l’Europe
ont laissé les premières places à plusieurs pays : les États-Unis, le
Japon, la Corée du Sud. Seule l’Allemagne s’en sort mieux, se plaçant
en 3ème position en terme d’investissements. La Chine, la Russie et
l’Inde veulent rattraper le retard, tandis que la Grande-Bretagne se
place en leader de la normalisation.
La France manque
d’investissement en capital risque et dépose peu de brevets (seuls 2 %
des brevets mondiaux sont français). L’investissement industriel dans
les nanotechnologies en Europe ne représente que la moitié de celui des
États-Unis et du Japon (source CES).
De plus, les projets dans le domaine de « l’impact et la régulation » sont peu nombreux : seulement 5 sur 239 en France en 2008.
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Les problèmes de normalisation et d’identification des risques
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Les
experts ne sont pas toujours d’accord entre eux pour quantifier les
types d’une même molécule. En revanche, tous semblent d’accord pour
distinguer les NP solubles et les NP non solubles.
Les
premières seraient évacuées par l’organisme, tandis que les secondes
s’accumuleraient dans les tissus et y occasionneraient des dommages.
Par
conséquent, la normalisation des types de NP ayant des propriétés
différentes, doit être définie. La population ne peut se fier aux dires
des seuls fournisseurs pour se faire une opinion. Et les salariés
concernés sont potentiellement exposés à un risque majeur.
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Tendre vers le risque zéro
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Dans
le cas des NT, leur présence est inconnue. Et même si cette présence
était connue, le risque pour la population et pour l’environnement
reste inconnu.
La question est donc de connaître et de
maîtriser le risque, notamment en connaissant les effets des NP sur
l’individu et sur l’environnement.
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Plusieurs facteurs empêchent la maîtrise du risque
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les industriels sont réticents à dévoiler leurs secrets de fabrication,
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les gouvernements sont pris entre deux contraintes opposées : favoriser
le développement économique et protéger les salariés, les populations
et l’environnement,
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les scientifiques éprouvent des
difficultés pour appréhender le risque : les nanoparticules sont
multiples, leurs effets dépendent de leur forme et de leur évolution
dans l’espace et dans le temps,
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les tests sont longs et
coûteux. Seuls les organismes internationaux peuvent les circonscrire ;
ce qui pose des problèmes de coordination des politiques de tests et
des sources de financement,
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l’horizon est encore lointain pour qu’un « nano-objet » soit considéré comme assurable.
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Que chacun puisse établir sa propre analyse
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Dans
le cas des NT appliquées en dehors du domaine médical, il s’agit de
produire puis de choisir de mettre sur le marché ou non des produits
dont on ignore aujourd’hui les risques, à destination des salariés les
produisant, des utilisateurs ou de l’environnement.
Faire
peser un danger sur ceux qui ne l’ont pas choisi et qui n’en sont pas
informés n’est pas admissible, a fortiori s’il s’agit de fabriquer des
produits dont l’intérêt reste parfois à démontrer.
Par conséquent, la première règle, c’est d’informer, afin que chacun choisisse en connaissance de cause.
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Quelques pistes :
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Rendre obligatoire l’étiquetage de la mention « nano » sur les produits contenant des NP
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Des
avancées récentes vont dans ce sens. Pour les produits cosmétiques, le
parlement européen a déjà voté une obligation d’indiquer sur
l’étiquette la présence de nanomatériaux. Le 24 avril 2009, les
eurodéputés ont émis une résolution visant à l’étiquetage systématique
de la présence de nanomatériaux dans les « substances, mélanges ou
articles » sur l’emballage du produit.
En Europe, les nanoparticules ne peuvent être ajoutées aux aliments, sauf exceptions nomenclaturées.
Pourtant,
des produits alimentaires contenant des NP sont proposés sans contrôle
sur internet. De plus, les NP sont beaucoup utilisées dans les
emballages d’aliments. Le transfert des nanostructures de l’emballage à
l’aliment n’a pas été étudié.
Il faut donc renforcer la
législation dans ce domaine et au moins rendre obligatoire l’étiquetage
des emballages utilisant les NT ; de même pour les textiles.
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Rendre obligatoire la déclaration des NP
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Le
Sénat a voté l’obligation pour les industriels de déclarer les NP
(projet de loi Grenelle 2). L’article L. 523-1 du code de
l’environnement prévoit même que la fabrication de matériaux rejetant
des NP devra être déclarée. Il convient également que tous rejets de NP
soient couverts par cette formule.
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Améliorer le principe de précaution
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En
octobre 2009, le Sénat a rédigé un rapport sur l’application du
principe de précaution 4 ans après sa constitutionnalisation. Ce
rapport relève que ce principe dépend de l’interprétation du juge, qui
peut l’interpréter strictement : dans l’ignorance des conséquences, il
faut interdire ; ou interpréter plus largement : pour appliquer le
principe, il faut que les effets néfastes soient avérés. La
jurisprudence récente fournit les deux interprétations.
Les
industriels et la population sont donc dans l’incertitude avant la
décision du juge, même si le principe de précaution n’a pas empêché la
mise sur le marché de nano produits non qualifiés.
Le Sénat
relève les inconvénients de cette situation : les acteurs économiques
doivent se justifier en permanence, la population n’est pas
nécessairement rassurée, le principe peut être un frein à l’innovation.
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Instaurer une autorité administrative indépendante
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Une
amélioration des outils de la décision politique est nécessaire, grâce
à une instruction par un responsable unique désigné par la puissance
publique. Cette autorité mettrait aussi à la disposition du public
gratuitement les définitions retenues pour les nanoparticules (NP), les
nanomatériaux (NM), les « nano-objets » (NO) et les matériaux
nanostructurés.
Ces définitions pourront évoluer en l’état
d’avancement des connaissances, ce qui permettra de définir le
périmètre d’intervention de l’autorité.
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Répondre aux questions de la toxicité et de l’écotoxicité des NT
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Les
études de toxicité et d’écotoxicité sont complexes du fait de la
diversité des NP, de leur changement de propriété en fonction de leur
forme, de leur changement de comportement quand elles sont intégrées
dans des « nano-objets », de leur interaction entre elles et de leur
évolution dans le temps.
C’est donc la toxicité de chaque «
nano-objet » qui devra être étudiée, en complément des études sur les
particules, les matériaux et les structures.
Ces études
porteront prioritairement sur les particules inhalables, ingérables ou
au contact de la peau, et sur les produits déjà présents sur le marché.
Les résultats devront être rendus publics.
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Adapter les textes communautaires dans le sens d’une protection renforcée des consommateurs européens
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Le
règlement Reach qui est censé protéger les populations européennes
contre les dangers liés aux substances contenues dans les produits,
doit être adaptée, puisqu’il ne s’applique qu’au-delà d’une tonne par
an de matériaux utilisés.
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Créer et maintenir une base de
données centralisée, exhaustive, normalisée sous l’égide d’une
expertise scientifique pluridisciplinaire
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Cette base de
données fournirait la liste des nanoparticules présentes dans les
produits ou dans l’environnement en France, en Europe et dans le monde,
les dangers de ces éléments en fonction de la dose absorbée en
précisant les modes d’ingestion, la liste des produits contenant ces NP
(nom des producteurs, importateurs, distributeurs).
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Définir les modalités de contrôles et de sanctions
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Un
partenariat de l’autorité administrative indépendante et de la DGCCRF
doit être mis en place pour le contrôle de l’application de la
réglementation. Cette action doit être complétée par le contrôle
parlementaire sous forme d’un rapport annuel.
Les infractions à la réglementation devront être assorties de sanctions dissuadant de mettre en danger la vie d’autrui.
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Protéger les salariés pouvant être exposés à l’utilisation directe ou indirecte de NP
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En
2008, en France, quelques 3 000 opérateurs dans l’industrie et 7 000
dans les laboratoires travaillent dans des environnements contenant des
NP (rapport AFSSET de 2008). L’AFSSET assimile les nanomatériaux à des
substances dangereuses. Les mesures de sécurité à appliquer sont ad
minima celles données par le code du travail pour la prévention des
risques chimiques.
Les instituts de recherche et les
industriels prennent des précautions pour éviter ces risques en
appliquant le principe « STOP » : substitution, barrière technologique,
réduction des interactions avec le personnel, en dernier recours
protection.
Pourtant, une étude sur le cas de
travailleuses chinoises d’un atelier de peinture exposées à des NP, a
montré que 7 d’entre elles étaient atteintes d’affections pulmonaires
et 2 n’ont pas survécu. Cette étude a montré pour la première fois les
effets possibles de la pénétration des NP dans les cellules humaines.
En
France, les CHSCT sont compétents pour prendre en charge ces risques.
La veille sanitaire des salariés en contact avec les NM devra être
renforcée. Cette vielle et ces préventions doivent s’appliquer à tous
les salariés dans les petites structures, aux sous-traitants et aux
sites réunissant des salariés d’entreprises différentes, afin d’assurer
la protection de tous quel que soit leur contexte de travail.
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Vers une gouvernance mondiale des nanoproduits
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Indépendamment
des échanges mondiaux, les NP peuvent se répandre dans l’atmosphère, et
dans l’eau et ainsi franchir les frontières sans visa. La gouvernance
des précautions de production des produits NT doit donc être mondiale. |
SYNTHÈSE
Les
développements liés aux nanotechnologies sont logiquement freinés par
la crainte légitime des industriels, du gouvernement, des salariés et
de la population par rapport aux risques liés à ces technologies.
Ces
craintes proviennent notamment de la méconnaissance ou du manque
d’outils des experts eux-mêmes. Elles proviennent aussi des premiers
résultats montrant les dangers et les risques des nanoproduits pourtant
déjà répandus sur le marché.
Le développement des NT ne peut
se faire que dans une relation de confiance entre les fournisseurs et
les utilisateurs, devant se construire sur une évaluation objective des
risques pour les salariés, pour la population et pour l’environnement.
En attendant cette échéance lointaine, FO propose de compléter les mesures récentes :
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protéger les salariés concernés (information, formation, prévention,
limitation des expositions, suivis médicaux), dans tous les secteurs
utilisateurs de NT,
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> instituer une autorité administrative indépendante chargée des NT, comme reconnaissance officielle de l’incertitude,
>
donner des moyens accrus pour la recherche pluridisciplinaire afin de
qualifier les NP, créer les outils de mesure de présence et de toxicité
avec 2 priorités : les produits en contact avec le corps humain, et
ceux utilisés dans l’industrie, mesurer l’impact des NT et en favoriser
la régulation,
> informer les salariés et la population grâce à :
• une banque de donnée centralisée, exhaustive, normalisée, actualisée et accessible par le public,
• l’étiquetage « nano » de tous les produits qui en contiennent,
>
adapter les textes communautaires dans le sens d’une protection accrue
des travailleurs exposés, de la population et de l’environnement
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cgt-FO
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Tél. : 01 40 52 82 00
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