Documents du débat

Cahiers d'acteurs

Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.

INC

Nanotechnologies : pour une information transparente des consommateurs

 Etablissement public placé sous la tutelle du ministre chargé de la consommation, l’Institut national de la consommation (INC) assure des missions de service public.

Centre de ressources et d’expertises, l’INC réalise des essais comparatifs de produits et de services, élabore des études juridiques et économiques, conduit des actions de formation auprès des associations de consommateurs agréées et développe un fonds documentaire spécialisé. Au titre de ses missions d’information et d’éducation, l’INC mène des campagnes de sensibilisation sur les questions de consommation et réalise des études et des outils pédagogiques.

 

L’usage des nanotechnologies est une source importante d’innovation pour les consommateurs : il permet de fabriquer des matériaux plus légers et plus solides, d’augmenter la durabilité des produits, d’apporter des améliorations thérapeutiques… Les produits intégrant ces nanotechnologies sont chaque jour plus nombreux : cosmétiques, vêtements, articles de sport, matériaux de construction, emballages alimentaires...

 

Il règne une grande confusion sur ce que recouvrent les notions de nanotechnologies, de nanosciences et de nanomatériaux. Le manque d’information et l’absence de communication risquent de provoquer un rejet de la part de nos concitoyens. Cette peur irrationnelle de la nouveauté pourrait être préjudiciable au progrès et freiner le développement économique attendu des nanotechnologies. En effet, il n’est pas exclu qu’une fraction de la population boycotte les produits issus ou contenant des nanotechnologies.

 

Dans le cadre de sa mission d’expertise, l’Institut national de la consommation suit depuis plusieurs années le sujet des nanomatériaux et des nanotechnologies, notamment la question de leur emploi dans les produits de grande consommation et leur impact dans la vie quotidienne des consommateurs*. Il a notamment participé au groupe de travail sur les nanotechnologies du Conseil national de la consommation, organisme paritaire consultatif placé auprès du Ministre chargé de la consommation (http://www.minefi.gouv.fr/conseilnationalconsommation/docs/mandat_nanotechnologies.pdf).

L’INC formule plusieurs recommandations relatives notamment à l’évaluation des nanotechnologies et à la communication à engager auprès des associations de consommateurs et souhaite que le dispositif soit porté au niveau communautaire.

 

* « Les nanotechnologies s’imposent dans notre quotidien », 60 Millions de consommateurs – octobre 2009 : http://www.60millions-mag.com/actualites/actualites_du_mois/les_nanotechnologies_en_debat

Un développement responsable

L’état actuel des connaissances sur les effets des particules nanométriques fait craindre des incidences sur la santé. Cependant, peu de données sont disponibles : il convient donc de caractériser l’introduction de ces nouveaux produits pour en mesurer et en contrôler les conséquences tant sociétales, qu’environnementales et sanitaires. Les efforts de recherche sur les risques se doivent d’être proportionnés à ceux réalisés sur le développement.

Le développement responsable des nanotechnologies est d’autant plus indispensable qu’il s’agit d’un secteur à très fort potentiel économique (un des poids lourds du marché mondial en 2015 que certaines estimations évaluent supérieur au secteur de l’électronique ou des médicaments) : les fruits de la croissance doivent respecter les impératifs de sécurité sanitaire et environnementale.

  Dans un contexte d’incertitude sur les risques, une information transparente, de qualité et impartiale est de nature à contribuer à la sécurité, sans nuire à l’innovation. Cette information, dont il est primordial que l’émetteur soit crédible, devra être faite au moment le plus propice afin, d’une part, de prévenir certains risques, et, d’autre part, de ne pas encourager un climat d’opposition systématique aux nanotechnologies. La parole publique doit être organisée différemment que lors de crises précédentes pour atteindre cette crédibilité.

Définir et recenser pour mieux repérer

Avant toute chose, il convient de clarifier les définitions des nanotechnologies, qui font aujourd’hui encore l’objet de débats au niveau de l’Organisation internationale de normalisation (ISO).

 

Compte tenu des incertitudes sur l’éventuelle toxicité de ces particules infinitésimales, l’INC préconise l’application du principe de précaution, l’objectif étant de favoriser une mise responsable sur le marché et non pas d’interdire toute mise sur le marché tant que l’innocuité du produit n’a pas été démontrée.

 

Le recensement des produits de consommation contenant des nanomatériaux, et plus généralement des nanotechnologies, s’impose. Les produits faisant l’objet d’une autorisation de mise sur le marché doivent inclure le volet « nanotechnologies » ; ceux qui ne font pas l’objet d’une autorisation de mise sur le marché doivent faire, pour le moins, l’objet d’une déclaration. Il est nécessaire que ces autorisations de mise sur le marché et ces déclarations se fassent auprès d’un organisme centralisateur, lui-même en réseau avec ses homologues européens.

 

Un système de traçabilité des nanotechnologies doit accompagner ce dispositif. Il faut intervenir en amont et en aval : présence de résidus de nanotechnologies lors de la fabrication, dans le cadre de l’utilisation du produit, lors de sa destruction…

 

Il faut évaluer les risques des produits contenant des nanomatériaux, et pour le moins s’assurer du respect de l’obligation générale de sécurité énoncée par le code de la consommation pour tous les produits de consommation courante proposés aux consommateurs à titre gratuit ou onéreux, et ceci quel que soit le moyen de distribution, y compris par Internet.

 

Plus globalement, pour une bonne gouvernance des nanotechnologies, le rapport bénéfice/risque doit être évalué par des structures rassemblant des experts indépendants et des représentants de consommateurs. Cette évaluation ne doit pas se limiter à la période préalable à la mise sur le marché ; une réévaluation périodique doit être prévue pour prendre en compte l’actualisation des connaissances sur les nanotechnologies.

 

Une fois le rapport bénéfice/risque établi, une structure de concertation devrait juger de l’utilité sociale et/ou sanitaire de l’innovation, et là encore, pour une bonne gouvernance, experts indépendants et représentants de consommateurs participeront au même titre que les industriels.

 

Il s’agit également d’organiser la veille et la surveillance de l’impact des nanotechnologies sur la santé humaine, sans oublier l’environnement, en développant le concept de « nano-vigilance ».

Modalités d’information des consommateurs

Il faut prévoir un étiquetage circonstancié. Que la liste des composants soit actuellement obligatoire ou non, il faut s’assurer que la forme « nano » de l’ingrédient est bien mentionnée. En revanche, l’INC ne préconise pas l’inscription d’un signe d’alerte ou de mise en garde tel que « contient un nanomatériau », qui serait trop anxiogène. De même, l’INC recommande de proscrire des allégations telles que « sans nanotechnologie », ceci aussi bien dans le cadre de l’étiquetage que pour tous les supports de communication.

 

L’information du consommateur doit s’organiser autour de quatre fondamentaux :

 

> obligation pour les responsables de la mise sur le marché de produits contenant des nanomatériaux de fournir l’information à un organisme référent,

 

> mise en place d’une procédure systématique d’information transparente du consommateur sur le produit et son rapport bénéfice/risque,

 

> réalisation de banques de données accessibles au grand public d’information sur les produits concernés,

 

> création d’une structure ayant pour mission de traiter les réclamations portant sur la non-communication de l’information ou de l’insuffisance de celle-ci par rapport aux dispositifs d’information définis conjointement par les acteurs. Cette structure paritaire serait composée de représentants des consommateurs, des fabricants et des distributeurs de produits contenant des nanomatériaux. Pour faciliter l’accès des consommateurs à cette structure, une porte d’entrée unique doit être prévue.

 

L’information qui sera proposée au consommateur, sous forme d’étiquetage, via des sites internet, ou des numéros verts, doit être claire, loyale, complète et compréhensible.

 

Dans le dispositif de sensibilisation des consommateurs, la mise en place d’une communication « à froid » a toute son importance pour mieux gérer, ensuite, une éventuelle communication en situation de crise.

Adapter le droit de la responsabilité

Au regard des risques possibles et en l’absence de réponse satisfaisante apportée par le droit positif actuel (inapplicabilité de la responsabilité du fait des produits défectueux, de la responsabilité pour faute, des garanties légales des vices cachés et de conformité), il convient d’anticiper toute réclamation des consommateurs.   Pour ce faire, une réflexion sur l’adaptation du droit aux nouvelles questions de responsabilités liées aux nanotechnologies doit être menée. Celle-ci pourrait porter notamment sur l’utilité et les modalités de mise en place d’un fonds de garantie.

 

Intégrer la dimension éthique

L’utilisation de nanotechnologies, de nanoproduits soulève des questions liées aux libertés, et ce d’autant plus si ces technologies sont en convergence avec les biotechnologies, les sciences de l’information et les sciences cognitives. Par exemple, un capteur fixé sur un nanoproduit permet d’assurer la traçabilité du produit, mais aussi de suivre à la trace le sujet ou le patient. Une « nanoRFID », donc invisible et par conséquent non désactivable, croisée avec des données informatiques permettrait un tel traçage. Comme l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique pour les Sciences de la Vie et de la Santé, dans son avis du 1er février 2007, il y aura de « graves conséquences pour les libertés individuelles et le respect de la dignité humaine si les capacités d’identification et d’interconnexion se développent à l’insu des personnes »*.

 

La dimension éthique doit ainsi être intégrée dans les réflexions liées au développement des nanotechnologies : la finalité et l’opportunité des applications peuvent avoir des incidences sur les libertés fondamentales (droit au secret, droit à la protection des données nominatives, droit à l’anonymat, droit à l’intégrité, etc.).

 

* Avis disponible sur le site internet du CCNE : http://www.ccne-ethique.fr/docs/fr/avis096.pdf


SYNTHÈSE

L’Institut national de la consommation considère qu’il est nécessaire d’apporter dès aujourd’hui des garanties aux consommateurs en leur délivrant une information transparente et impartiale.

 

L’INC recommande d’organiser l’information des consommateurs autour de quatre fondamentaux :

> obligation pour les responsables de la mise sur le marché de produits contenant des nanomatériaux de fournir l’information à un organisme référent ;

> mise en place d’une procédure systématique d’information transparente du consommateur sur le produit et son rapport bénéfice/risque ;

> réalisation de banques de données accessibles au grand public d’information sur les produits concernés ;

> création d’une structure ayant pour mission de traiter les réclamations portant sur la non-communication de l’information ou de l’insuffisance de celle-ci.
 
Cette structure serait composée de représentants des consommateurs, des fabricants et des distributeurs de produits contenant des nanomatériaux. Pour faciliter l’accès des consommateurs à cette structure, une porte d’entrée unique doit être prévue.

 

Toute cette information n’a de sens que si, par ailleurs, les nanotechnologies font l’objet d’une évaluation indépendante et réactualisée reposant sur des investissements en termes de recherche à la hauteur des enjeux sanitaires, environnementaux et sociétaux et la mise en place d’une « nano-vigilance ».

 

Une pleine participation des consommateurs à l’ensemble du dispositif est incontournable pour garantir la crédibilité et permettre le développement des progrès attendus des nanotechnologies.


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