Documents du débat

Cahiers d'acteurs

Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.

ANIA

Association Nationale des Industries Alimentaires

Nanotechnologies et alimentaire

Engagement des industriels à respecter des règles strictes pour la sécurité des consommateurs

ania
Créée en 1968, l’ANIA est le porte-parole de l’industrie alimentaire française, premier secteur industriel national avec un chiffre d’affaires de 162,9 milliards d’euros en 2008. Constituée de plus de 10 000 entreprises, dont 97 % de PME, elle est le second employeur industriel avec 412 500 salariés. Interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, l’ANIA apporte son expertise sur les dossiers prioritaires du secteur, tels que l’alimentation et la santé, la compétivité des entreprises, la recherche et l’innovation, le développement durable, la politique sociale, etc.

 

En préambule, l’ANIA souligne que, de manière générale, les innovations technologiques apparaissent comme propices au développement de la compétitivité des entreprises. Ces innovations peuvent notamment contribuer à apporter des éléments de réponse aux défis liés à l’augmentation de la population mondiale, à la pression sur les ressources naturelles, aux changements climatiques ou à l’augmentation du coût des matières premières.

 

L’ANIA insiste sur le fait que le domaine alimentaire est très encadré et que tout usage de nouvelle substance à destination de l’alimentation humaine est fortement réglementé et contrôlé. Ainsi, tout éventuel usage de nanotechnologies ne pourrait se faire sans évaluation et autorisation préalable. Au regard de la définition retenue dans le cadre de la révision du règlement sur les aliments nouveaux, les industriels de l’agroalimentaire déclarent ne pas introduire dans les aliments de nanomatériaux manufacturés intentionnellement dans le but d’une modification de leurs propriétés.

 

Dans la mesure où ces techniques présentent potentiellement de réels bénéfices, il apparaît nécessaire d’encourager la recherche et le développement dans ce domaine, y compris sur les moyens permettant d’assurer la sécurité des consommateurs et de l’environnement.

De quoi parle-t-on ?

A ce jour, il n’existe pas encore de définition officielle des nanomatériaux. L’ANIA retient celle retenue en première lecture dans le cadre de la révision de la réglementation relative aux aliments nouveaux1 :

« Les nanomatériaux correspondent à des matériaux manufacturés intentionnellement,

> dont l’une (ou plusieurs) dimension(s) est (sont) de l’ordre de 100 nm ou moins,

> ou composés de parties fonctionnelles, internes ou surfaciques, dont plusieurs ont une (ou plusieurs) dimension(s) de l’ordre de 100 nm ou moins, ce qui inclut les structures, les agglomérats ou agrégats qui peuvent avoir une taille supérieure à 100 nm, mais qui possèdent les propriétés caractéristiques de l’échelle nanométrique.

Les propriétés caractéristiques de l’échelle nanométrique incluent celles relatives à la surface du matériau considéré, ou sont physico-chimiques. »

 

Plusieurs critères sont donc à considérer : la taille seule ne peut pas permettre de caractériser un nanomatériau. Le matériau doit avoir été produit ou réduit à l’échelle nanométrique de manière intentionnelle, dans le but de lui conférer des propriétés nouvelles.

 

Il ne s’agit donc pas de cibler les nano-substances ou les nano-objets présents à l’état naturel. Les aliments sont par nature nanostructurés. La cuisine est une forme de nanotechnologie traditionnelle ! Ainsi, dans une émulsion, une fraction des gouttelettes est naturellement à l’échelle nanométrique. Il est possible d’augmenter la proportion de cette fraction, ce qui a pour effet de modifier sensiblement la texture. Il ne s’agit pas là de la mise en œuvre de nanotechnologies au sens d’un procédé technique, mais d’une réaction naturelle.

 

Par ailleurs, on peut trouver des nanostructures naturellement présentes dans les produits alimentaires. Il ne s’agit pas de nanomatériaux manufacturés, intentionnellement réduits à l’échelle nanométrique, mais de nanostructures auto-assemblées, tenues ensemble par un phénomène d’attraction.


Quelles utilisations dans l’alimentaire ?

A ce jour, les industriels de l’agroalimentaire en Europe déclarent ne pas utiliser de nanomatériaux tels que définis ci-dessus dans la fabrication de leurs produits. Les recherches doivent être poursuivies dans ce domaine avant que de telles applications voient le jour.

 

En effet, il existe de nombreuses applications potentielles des nanotechnologies dans le domaine alimentaire. L’industrie alimentaire estime que ces technologies pourraient apporter des bénéfices directs en termes de conservation des aliments, de préservation des qualités nutritives et sensorielles, de décontamination microbiologique, de réduction de l’empreinte environnementale, etc. Par exemple, les nanotechnologies pourraient permettre de préserver certains ingrédients « actifs » : en insérant la molécule au sein d’une enveloppe protectrice, la nano-encapsulation permettrait une libération ciblée dans l’organisme. La recherche porte également sur les textures et les saveurs. Ainsi, les nanotechnologies pourraient permettre de mettre au point des produits à faible teneur en graisses tout en conservant une texture onctueuse.

 

Certains matériaux d’emballage contiennent des matériaux nanostructurés contenus dans une matrice, laquelle confère des propriétés d’étanchéité : l’absence de migration dans les produits alimentaires a été démontrée. En 2008, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a ainsi autorisé l’utilisation de nanoparticules de nitrure de titane dans des emballages en PET2.

 

Par ailleurs, la recherche est également particulièrement importante dans le domaine des emballages. On peut citer par exemple les nanoparticules d’argile qui peuvent ralentir voire bloquer le passage des gaz. Elles permettent ainsi une meilleure conservation des aliments grâce à une quasi-étanchéité de certains matériaux. Certaines nanoparticules d’argent peuvent apporter aux emballages des propriétés antimicrobiennes.


La réglementation encadrant les nanotechnologies

Le domaine alimentaire est l’un des plus régulé en Europe. La règlementation spécifique à l’industrie agroalimentaire est très stricte et permet déjà de couvrir l’éventuelle utilisation de nanotechnologies par le biais de plusieurs textes.

 

Selon le règlement cadre n° 178/2002 du 28 janvier 20023, toute denrée alimentaire doit garantir la sécurité du consommateur. La mise sur le marché d’une denrée alimentaire dangereuse est donc interdite.

Le règlement (CE) n° 258/97 du 27 janvier 19974 relatif aux aliments nouveaux permet également de couvrir l’utilisation éventuelle de nanotechnologies, puisqu’il prévoit l’évaluation et l’autorisation préalable de tout nouvel aliment ou ingrédient :

 

> Objectif : garantir la sécurité du consommateur.

> L’aspect « nanotechnologique » de l’aliment ou de l’ingrédient est un élément particulier du dossier scientifique déposé en vue de l’autorisation.

> Un ingrédient traditionnel modifié pour des propriétés liées à l’échelle nanométrique devrait faire l’objet d’une autorisation préalable à sa commercialisation.

 

Dans le cadre de la révision de ce texte, il est expressément tenu compte des nanotechnologies :

> « Les nouveaux aliments doivent par conséquent englober (…) les aliments modifiés au moyen de nouveaux procédés de production tels que les nanotechnologies et les nanosciences, qui peuvent avoir un effet sur les aliments. »

 

Au sein du paquet « agents d’améliorants » (règlements additifs, arômes, enzymes et procédure d’autorisation) publié le 31 décembre 2008, le cas des nanotechnologies est expressément pris en compte dans le texte sur les additifs5 :

> Le considérant 13 et l’article 12 rappellent que « lorsque s’agissant d’un additif alimentaire déjà inclus dans une liste communautaire, les méthodes de production ou les matières premières utilisées font l’objet d’une modification notable, ou lorsqu’intervient une modification dans la taille des particules, par exemple par l’emploi de nanotechnologies ; l’additif produit avec ces nouvelles méthodes ou matières premières est considéré comme un additif différent et une nouvelle entrée ou modification des spécifications dans les listes communautaires est nécessaire avant qu’il puisse être mis sur le marché »


Il existe par ailleurs de nombreux autres textes qui peuvent potentiellement couvrir les nanotechnologies dans le domaine des matériaux au contact, de l’hygiène, des pesticides, des médicaments vétérinaires, etc.

 

Il ne nous semble pas nécessaire que soit mise en place une législation spécifique aux nanotechnologies. Cela dit, il est important d’être attentif sur les textes existants et de les adapter si cela s’avérait nécessaire. Le cadre réglementaire doit être suffisamment flexible pour permettre son adaptation aux progrès scientifiques.

L’information du consommateur

Les nanotechnologies peuvent présenter des bénéfices potentiels pour les consommateurs. Ainsi, le public devrait être informé sur les activités de recherche sur les nanotechnologies dans le domaine alimentaire.

 

Annuellement, la Commission européenne organise une session de dialogue avec les parties prenantes sur les nanotechnologies. Ces journées de discussions permettent les échanges entre les industriels, les instances d’évaluation du risque, les pouvoirs publics et les consommateurs. Elles doivent se poursuivre.

  Par ailleurs, au niveau national, l’ANIA s’est fortement impliquée dans les travaux du Conseil national de l’Alimentation (CNA) sur les nouvelles technologies dans l’alimentaire. Dans son avis adopté le 10 mai dernier6, le CNA recommande que, pour toute nouvelle technologie, soit mis en place un processus de concertation dynamique, impliquant l’ensemble des parties prenantes, ce qui permettra notamment de mieux informer les consommateurs. L’ANIA salue cette recommandation et a beaucoup insisté sur la nécessité d’une large diffusion, par l’ensemble des acteurs, en particulier les associations de consommateurs, des informations recueillies dans le cadre de cette concertation. 

L’évaluation scientifique

L’ANIA souligne l’avis du CNA sur les nouvelles technologies qui recommande la stimulation des programmes de recherche sur la méthodologie d’évaluation des risques liés aux nouvelles technologies. En effet, ces développements sont nécessaires pour pouvoir autoriser la mise sur le marché de produits issus de ces nouvelles technologies.

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) souligne dans son rapport de mars 20097 que les quatre étapes de l’évaluation des risques (identification du danger, caractérisation du danger, exposition et caractérisation du risque) sont applicables aux nanoparticules. Cela dit, en raison des propriétés spécifiques des nanoparticules, il est nécessaire d’adapter ces méthodes. L’AFSSA demande un soutien du développement des travaux de recherche.

 

SYNTHÈSE

Malgré l’absence de définition officielle, les industriels de l’alimentaire se sont saisis de ce sujet et se réfèrent aujourd’hui à la définition proposée par le Conseil dans le cadre du règlement sur les aliments nouveaux. De manière générale, les professionnels s’impliquent activement dans les discussions communautaires entre les parties prenantes. Les débats en cours ont vocation à préciser le cadre réglementaire existant de manière à encadrer au mieux ces nouvelles technologies.

Les travaux sur la révision du règlement sur les aliments nouveaux sont sur le point d’aboutir et permettront d’encadrer explicitement les nanomatériaux, en prévoyant leur évaluation et leur autorisation.

  Les professionnels s’engagent d’ores et déjà à respecter ces règles de manière à garantir la sécurité du consommateur.

L’industrie alimentaire se félicite que le cadre règlementaire se mette en place avant même que la recherche et le développement dans le domaine des nanotechnologies n’ait abouti à la mise sur le marché de matériaux innovants dans le domaine alimentaire. Ce contexte favorable permettra à ces innovations de se développer dans un cadre précisément défini.

Les nanotechnologies peuvent potentiellement permettre des innovations dans le domaine alimentaire. 
 
Ainsi, il nous paraît souhaitable d’encourager la recherche dans ce domaine. En effet, leur utilisation doit se faire de manière responsable et requiert des recherches scientifiques approfondies. Notre secteur reste attentif à l’avis des experts pour orienter l’évaluation de la sécurité.

Notre préoccupation première est d’assurer la sécurité du consommateur, garantie par les nombreuses obligations pesant sur le secteur : tout usage nouveau de nanomatériaux intentionnellement manufacturés est couvert par un texte communautaire.


1. Document du Conseil du 17 juin 2009 (17054/09), dans le cadre de la proposition de règlement concernant les nouveaux aliments présentée par la Commission le 14 janvier 2008, (2008/0002 (COD).


2. 21e liste de substances présentes dans des matériaux en contact avec les aliments, adoptée le 27 novembre 2008.


3. Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires
.

 

4. Règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires.

 

5. Règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires.

 

6. Avis n° 65 du CNA sur « le développement de nouvelles technologies dans la fabrication, le conditionnement et la conservation des denrées alimentaires ».

 

7. Rapport de l’AFSSA de mars 2009 « Nanotechnologies et nanoparticules dans l’alimentation humaine et animale.

 

COORDONNÉES

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