Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.
Depuis
les nanoparticules qui sont déjà dans nos peintures, voitures, aliments
et cosmétiques jusqu’aux applications les plus futuristes visant à
augmenter les performances humaines, les nanotechnologies concernent
chacun de nous.
Elles soulèvent des enjeux majeurs (voir
encadré à droite) à la hauteur des investissements colossaux dont elles
bénéficient. Pourtant, du fait de l’apparente technicité du sujet, d’un
relatif désintérêt des médias, du peu de transparence de la part des
industriels, elles sont largement ignorées du public, et les
discussions sur leurs risques, leur utilité, leurs finalités sont
jusqu’à présent restées très limitées.
Le débat national sur
les nanotechnologies s’impose comme une urgence avant que les décisions
soient arrêtées à l’échelle nationale et locale, pour ajuster
l’innovation aux attentes des citoyens, à leurs systèmes de valeurs
comme aux impératifs écologiques actuels.
Pour relever ce défi, il nous faut :
> construire les informations pertinentes avec les citoyens concernés ;
> instruire les situations à risque et clarifier les responsabilités par le débat pluraliste ;
> favoriser l’engagement durable des parties prenantes pour orienter les innovations.
Développer une information ciblée sur les enjeux de gouvernance
Les
débats publics menés sur les nanotechnologies dans le monde montrent
que les citoyens entrent dans la discussion sous l’angle de la
gouvernance.
Les questions qui comptent sont les suivantes :
> De quelles informations disposent les citoyens ou consommateurs (étiquettes sur les produits, par exemple) ?
> Quels sont les arguments qui motivent les décisions (Minatec, Clinatec,
NanoInnov, par exemple) ?
> Quels sont les pouvoirs respectifs du marché et de l’Etat dans les politiques scientifiques et les choix technologiques ?
> Quelle protection des citoyens, consommateurs, usagers, travailleurs et patients ?
>
Comment réguler les usages (des nanotubes de carbone, nanoparticules
d’argent ou puces électroniques, par exemple) susceptibles de menacer
la santé, l’environnement ou l’intérêt général ?
> Quelles normes et réglementations ? Quel contrôle et par qui ?
>
Quelle attention est portée aux questions de justice et d’équité
(nord-sud notamment) dans l’accès aux bénéfices des nanotechnologies ?
Ainsi,
VivAgora contribue à aborder les nanotechnologies non par secteurs
technologiques mais sous l’angle de la gouvernance en vue d’établir un
dialogue entre les divers acteurs et de co-construire ces technologies
émergentes avec la société. Trois angles d’approche sont proposés.
Des consommateurs concernés, protégés ou menacés ?
Les
citoyens sont aujourd’hui concernés en tant que consommateurs, même
s’ils sont peu informés de la présence de nano-ingrédients dans les
produits de consommation courante.
Ils ont besoin de
savoir en quoi les nanotechnologies peuvent réellement améliorer la
qualité de vie (solutions pour une industrie durable…) et pour qui ?
Ils
doivent connaître les impacts potentiels sur la santé humaine et sur
l’environnement (risques) et participer à l’évaluation raisonnée des
mesures à prendre pour réguler leur commercialisation et leurs usages.
Corps et conditions de vie : de la réparation à l’amélioration de l’humain
Les
nano-biotechnologies se caractérisent par leur intervention sur le
corps humain et pas seulement sur le milieu. La réduction de taille des
dispositifs rendue possible par les nanotechnologies permet des
diagnostics précoces et l’administration de médicaments vectorisés sur
une cible précise. Elle autorise aussi d’implanter dans le corps des
dispositifs capteurs ou actionneurs pour surveiller la biochimie de
l’organisme et délivrer des réponses appropriées notamment dans le
cerveau. Ainsi le corps des individus, leurs comportements, leurs
humeurs se trouvent monitorés, compensés, réparés, pilotés, normalisés,
améliorés. Il est important de pouvoir débattre des risques et
avantages de ces projets, comme des valeurs qu’ils servent. D’autant
qu’aux Etats-Unis, le but assigné aux technologies convergentes est
« l’amélioration des performances humaines », privilégiant donc
l’individualisme et la compétition.
Automates : vers des machines vivantes ou des organismes vivants artificiels
Dès
le lancement des nano-initiatives dans divers pays, les promoteurs des
nanotechnologies ont donné libre cours à de grandes visions futuristes
: machines capables de s’auto-assembler et de se répliquer ou
organismes vivants de synthèse.
Ces visions plus ou moins
réalistes orientent néanmoins les recherches dans une direction
précise, à l’exclusion d’autres styles de recherche. Elles mettent en
jeu des conceptions métaphysiques touchant les distinctions entre
inerte et vivant, nature et artifice, autant que les rapports entre
activités humaines et environnement. Les citoyens sont en droit de les
discuter et de les orienter.
Mettre en politique et en démocratie les projets en matière de nanotechnologies
De
nombreux débats publics ont été réalisés sur les nanotechnologies mais
ils permettent rarement d’enclencher des pratiques nouvelles pour
donner du sens à l’innovation.
Pour progresser dans
l’engagement de la société civile sur ces sujets, il est nécessaire de
lui permettre de s’inscrire dans la durée, dans les territoires (en
prise avec les projets locaux), et de peser sur les choix à travers des
situations concrètes (études de cas).
Sans dédaigner les
événements ponctuels nécessaires pour attirer l’attention des médias,
VivAgora s’efforce de développer une culture du débat public, durable
et authentique.
L’objectif est de forger des outils
politiques nouveaux (contrats sociaux sur le rapport bénéfices-risques,
régulations, cadrages des responsabilités avec les assureurs,
étiquetages ayant du sens) sans lesquels il ne peut y avoir de
développement durable des nanotechnologies.
Dans le contexte
de la Stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI), cette
« mise en politique et en démocratie » des nanotechnologies peut
permettre de :
> Questionner les transformations sociales et culturelles provoquées par l’usage généralisé des nano-biotechnologies ;
> Mettre en lumière les valeurs associées (compétitivité, individualisme…) ;
> Aborder les questions de contrôle et de responsabilité face aux risques ;
>
Interroger les finalités des nanotechnologies : à quels besoins
répondent-elles ? Sont-elles, dans chaque cas, la seule et la meilleure
réponse possible ?
Introduire des logiques sociétales dans l’innovation
La
mise en débat des nanotechnologies ne saurait cependant suffire pour
instaurer une démocratie technique. Les débats ont encore peu d’impacts
sur les prises de décisions et les industriels notamment ceux de
l’agro-alimentaire ou de la cosmétique, s’y dérobent trop souvent. Il
apparaît donc nécessaire de travailler avec eux plutôt que sans eux,
afin d’installer les logiques sociétales au cœur même des processus
d’innovation.
Face aux défis de gouvernance partagée et de
développement durable, VivAgora fait le pari d’accompagner les acteurs
de l’innovation pour favoriser des démarches responsables, attentives
aux problèmes de santé, d’environnement et d’utilité sociale. Elle
propose aux industriels des processus sur mesure d’interactions avec
les partenaires sociaux, propices à une construction robuste et
collectivement « souhaitée » des projets innovants.