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Documents du débat
Cahiers d'acteurs
Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.
Association Sciences et Démocratie
Les nanotechnologies, un défi pour la démocratie.
Mise en œuvre du principe de précaution, questions éthiques : une démocratie participative est à construire d’urgence pour les choix scientifiques et technologiques. |
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Association Sciences et Démocratie
Créée
en 2005, l’association Sciences et Démocratie a pour mission de
promouvoir et faciliter la participation des citoyens aux choix
scientifiques et technologiques. Elle produit des dossiers pédagogiques
et anime des espaces de discussion,
elle relaie les projets participatifs mis en œuvre par les institutions.
Elle
contribue aux réflexions pour une meilleure articulation entre
participation citoyenne et décision publique. Les nanotechnologies sont
un des thèmes centraux de son activité depuis sa création.
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Le
sujet de préoccupation majeur concernant les nanotechnologies est, à
l’heure actuelle, celui des risques sanitaires et environnementaux.
D’un côté, on compte par centaines les produits de consommation dopés
aux nanotechnologies qui sont déjà sur le marché. De l’autre, plusieurs
études viennent confirmer les suspicions de risque pour la santé
humaine qui avaient été exprimées très tôt. Cette situation interroge
quant à la capacité de notre société à mettre en place des mesures
proportionnées comme le demande le principe de précaution. Si les
propriétés nouvelles que présentent les nanoparticules, les nanotubes
et autres nanomatériaux ont mis les institutions en difficulté dans
cette gestion, des problèmes plus anciens, qui n’avaient pas reçu de
réponse satisfaisante, sont également en cause : capacité de recherche
en toxicologie, modalités de l’expertise scientifique... Ces problèmes
doivent aujourd’hui recevoir l’attention qu’ils méritent. |
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Pour
Sciences et Démocratie, l’actuel débat sur les nanotechnologies est
également l’occasion de rappeler à quel point la France est mal
outillée pour le traitement démocratique des choix de société ouverts
par les sciences et les technologies. Les citoyens devraient pourtant
pouvoir participer à l’évaluation des rapport bénéfices/risques, aux
débats éthiques qui éclairent les décisions. Ils auraient du pouvoir
participer à la conception du débat public sur les nanotechnologies
lui-même. L’opposition farouche que celui-ci rencontre dans les villes
où il passe le confirme.
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Pour
Sciences et Démocratie, association constituée de citoyens qui
s’intéressent à la gestion publique des questions « science société »,
en particulier du point de vue des risques et de l’éthique, le cas des
nanotechnologies est une source d’étonnements et, à plus d’un titre,
inquiétant. |
La mise en œuvre du principe de précaution |
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Notre premier sujet d’étonnement est le retard pris dans la mise en
œuvre de mesures proportionnées comme le demande le principe de
précaution. Des centaines de produits de consommation dopés aux
nanotechnologies sont déjà sur le marché alors que des risques pour la
santé humaine et l’environnement ont été suspectés très tôt et que
plusieurs études sont venues renforcer ces suspicions. |
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Certes les propriétés nouvelles que présentent nanoparticules,
nanotubes et autres nanomatériaux ont mis les institutions en
difficulté dans cette gestion, rendant inopérantes par exemple les
réglementations dépendant de la nomenclature des produits chimiques
CAS. Mais il nous paraît anormal que 5 années aient été nécessaires
pour simplement déterminer s’il était plus pertinent de créer une
réglementation sanitaire spécifique aux nanotechnologies ou d’adapter
celles existantes (alimentation, produits chimiques, médicaments...).
Au minimum, des mesures transitoires n’auraient-elles pas du être
prises ? |
L’information des consommateurs |
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De plus, l’une des premières mesures réglementaires à être adoptées
(2009) nous paraît pour le moins aberrante. Il s’agit de celle proposée
dans le domaine des cosmétiques pour informer les consommateurs :
apposer sur l’étiquette l’indication « nano » à côté du composant
concerné. L’intention est louable : laisser le libre choix aux
consommateurs et soumettre ces produits, avec leurs atouts et leurs
risques, au verdict du marché. Le principal défaut de cette disposition
est pourtant évident : cette étiquette n’aura pas de signification pour
la très grande majorité des gens. Ou elle aura l’effet inverse d’une
mise en garde : dans certains secteurs, le préfixe nano est d’abord
synonyme de high-tech et est déjà devenu un argument marketing. Cette
étiquette ne rendra pas non plus compte du degré de risque (très
variable d’un composant à l’autre). Il nous paraît important qu’un
débat public soit mené sur ce sujet, et qu’y soit envisagé une approche
plus large de l’information des consommateurs en matière de risque, ne
se limitant pas aux nanotechnologies. Ne peut-on envisager une
simplification de l’étiquetage pour les risques intrinsèques des
produits, à l’image de ce qui a été accompli en matière de consommation
d’énergie ? Car la multiplication des informations sur les emballages
n’est pas synonyme de choix éclairés. |
Le débat public national sur les nanotechnologies |
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Le débat national sur les nanotechnologies, commandé conjointement par
7 ministères à la Commission nationale du débat public (CNDP) en
février 2009, constitue lui-même un sujet d’étonnement, sur son
intervention tardive et sa conception. En tant que processus
contribuant à la démocratisation des choix scientifiques et techniques,
il mérite une attention particulière.
Tout d’abord, pourquoi
intervient-il alors que des centaines de « nanoproduits » sont déjà sur
le marché ? Présenté comme une des propositions du Grenelle de
l’environnement (2007), il avait en fait déjà été promis en mai 2006
par le Premier ministre d’alors, Dominique de Villepin. Il aura donc
fallu trois ans pour qu’il devienne réalité.
Et pour quels
résultats ? Malgré 17 réunions, ce débat ne permet que d’esquisser les
problèmes, non d’élaborer des solutions. Pouvait-on de façon réaliste
espérer débattre de la question centrale de la protection des
consommateurs en une heure par exemple ? C’est pourtant le temps qui
lui a été accordé dans la séance d’Orléans. Les choix des organisateurs
du débat sont évidemment en cause. En multipliant les thèmes et en
donnant la possibilité à tout intervenant de prendre la parole sur le
sujet de son choix, la CNDP réduisait fortement les chances de pouvoir
discuter sérieusement du moindre sujet. Mais la saisine du débat
(c’est-à-dire la commande des 7 ministères à la CNDP) portait en elle
les graines de la discorde. Difficile en effet de débattre
« d’orientations en matière de développement et de régulation des
nanotechnologies » (intitulé de la saisine) sans avoir un panorama des
promesses, de l’état de l’art et des incertitudes dans tous les
secteurs impactés par le développement des nanotechnologies.
Au
final, les informations que l’on aura pu entendre au fil des réunions
publiques étaient déjà connues des ministères. Elles étaient d’ailleurs
consultables dès le lancement du débat dans le « dossier du maître
d’ouvrage » publié par la CNDP. Dans certains cas, ce document est même
plus éclairant que les réunions du débat, à l’exemple de la controverse
sur l’innocuité du dioxyde de titane dans les cosmétiques.
Quel
intérêt l’organisation d’un débat national présentait-elle dans ces
conditions ? De la bouche des membres de la CNDP, il a été conçu comme
une opération d’information à destination du grand public. Une
information descendante uniquement, des experts et des institutions
vers le public donc. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un débat public.
Nous considérons qu’une telle opération aurait encore été acceptable il
y a 5 ans, au moment où les premiers produits sont arrivés sur le
marché.
L’opposition farouche que le débat public a
rencontrée dans plusieurs villes trouve ici sa justification : marché
déjà développé, financements publics déjà décidés, réglementation
absente et, pour finir, débat public qui n’en est pas un.
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Nos attentes |
En regard de ce qui vient d’être développé, nous demandons : |
1.
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que toutes les dispositions soient prises pour que le principe de précaution soit respecté, et notamment :
un accroissement des études consacrées à l’évaluation des risques des nanomatériaux pour la santé et l’environnement ;
la définition de procédures et de protocoles expérimentaux adaptés
(trop souvent les études montrant des risques sont considérées comme
biaisées du point de vue méthodologique) ;
plus
généralement, un renforcement de nos capacités nationales en matière de
toxicologie et d’épidémiologie, également requises pour d’autres
problématiques ;
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associe informations et espaces de discussion sur les nanotechnologies depuis janvier 2006.
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2.
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que les réglementations européennes et
françaises soient adaptées aux spécificités des nanomatériaux sans
tarder, y compris la directive REACH, rendue obsolète par les
nanoproduits (priorité donnée aux plus gros tonnages, nomenclature CAS
inadaptée aux propriétés nouvelles des nano-objets) ; |
3.
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que
le débat public national sur les nanotechnologies soit prolongé par de
nouveaux débats publics plus ciblés pour permettre de traiter plus en
profondeur certaines questions, et notamment :
l’information des consommateurs en matière de risques, avec la question de l’étiquetage des produits ;
les modalités d’une expertise scientifique crédible dans l’évaluation
des risques sanitaires et environnementaux et la place de la recherche
publique dans cette expertise (demande formulée lors du Grenelle de
l’environnement) ;
les problèmes éthiques pour lesquels
la mobilisation a été importante pendant le débat public même s’ils ne
sont pas directement liés aux nanotechnologies : menaces sur les
libertés individuelles du fait de la généralisation des dispositifs
techniques d’identification (RFID, biométrie...), limites à poser
concernant les modifications technologiques apportées au corps humain ;
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4.
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qu’une véritable démocratie participative soit mise en place concernant
les choix scientifiques et technologiques, et notamment que :
les citoyens soient associés à la conception des processus
participatifs émanant des institutions, notamment pour en délimiter le
périmètre et formuler la question posée, de manière à permettre de
vrais choix ;
ils puissent être à l’origine de tels
processus (droit à l’initiative citoyenne à l’échelle nationale), selon
des modalités réalistes ;
ils puissent participer plus
généralement dans les instances qui décident la sortie hors des
laboratoires de technologies présentant des risques ou soulevant des
questions éthiques ;
les décideurs se positionnent
publiquement sur les recommandations issues des processus participatifs
en expliquant leurs choix ;
les associations engagées
dans les expérimentations/réflexions sur cette « démocratie technique »
depuis plusieurs années comme Sciences et Démocratie soient consultées.
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Enfin, nous souhaitons attirer l’attention des
organisations qui se prononcent pour un moratoire sur le risque que
présente cette approche : de même que, de façon opportuniste, des
projets de recherche ont été rebaptisés pour pouvoir accéder plus
facilement à certains financements, ils seront débaptisés, tandis que
les problèmes, eux, persisteront.
Pour réagir à ce texte, rendez-vous sur : http://www.sciences-et-democratie.net/
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L’association
Sciences et Démocratie défend depuis 3 ans que les nanotechnologies ne
peuvent constituer un sujet de débat public.
Tout d’abord,
le terme « nanotechnologies » englobe une trop grande diversité de
sujets. Il y a certes des questions spécifiques posées par les
propriétés nouvelles découvertes à l’échelle du nanomètre :
incertitudes scientifiques en termes de toxicité et d’éco-toxicité,
difficultés à adapter les réglementations sanitaires... Mais beaucoup
de questions sont plus anciennes et n’ont pas encore reçues les
réponses appropriées, qu’il s’agisse du manque de toxicologues et
d’épidémiologistes en France, des modalités d’une expertise
scientifique crédible en matière de risques, de la contribution de la
recherche publique à cette expertise, de l’égalité d’accès devant des
traitements médicaux hyper-techniques et extrêmement coûteux, de la
transparence vis-à-vis du lobbying auprès des parlementaires...
Ensuite,
le terme n’a pas de sens clair pour le grand public. Il ajoute une
couche de complexité au travail d’explication nécessaire pour permettre
au citoyen de s’approprier le sujet, d’autant plus que sa définition
fait encore l’objet de débats entre spécialistes.
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SYNTHÈSE
Il
serait faux de croire que les oppositions qu’a rencontrées le débat
public sur les nanotechnologies sont le fait de technophobes
uniquement, de citoyens à qui il suffirait de donner une formation
scientifique pour que tout rentre dans l’ordre. Cette conviction trop
fréquemment rencontrée parmi les experts mais aussi dans des
associations dédiées à la culture scientifique et technique relève
d’une paresse intellectuelle (pour reprendre les termes employés par
Sylvestre Huet dans Libération en parlant des militants) ou d’un manque
d’empathie pour ceux que la gestion publique des questions science
société inquiète. |
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Il y a certes des « anti-science » parmi les
opposants au débat mais ils ne doivent pas faire oublier les
questionnements légitimes du plus grand nombre. Ce qu’il faut retenir
de cette contestation, c’est que le citoyen doit être impliqué
d’avantage. Les débats publics eux-mêmes doivent être conçus avec le
public, du point de vue du périmètre et de la méthodologie, de manière
à permettre des échanges plus constructifs. Une vrai démocratie
participative doit être mise en place concernant les choix
scientifiques et technologiques.
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