Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.
L’urgence de la maîtrise des risques associés aux nanoparticules et nanomatériaux !
À
chaque étape du cycle de vie des nanoparticules et nanomatériaux,
la responsabilité de la maîtrise des risques doit être assumée.
FNE
est une fédération de plusieurs milliers d’associations de protection
de l’environnement sur le territoire français, métropole et outremer.
FNE est un mouvement de citoyens qui s’engagent, volontairement,
dans une démarche d’acteurs du dialogue environnemental basée sur un
ensemble de valeurs : l’intérêt général, le respect du vivant, la
sobriété, l’équité, la solidarité…
Notre objectif : faire en sorte que notre démocratie et notre économie soient en phase avec les limites de la planète.
Notre
communication s’articule autour des 3 thèmes essentiels à la bonne
gestion des risques environnementaux et sanitaires spécifiques aux
nanomatériaux. Ils alimentent nos demandes aux acteurs scientifiques,
industriels et institutionnels pour la mise en place d’une gouvernance
adéquate.
Pour évaluer les risques, il faut connaître ce qui est produit et commercialisé
Si
les nanotechnologies suscitent une telle méfiance d’ordre toxicologique
de la part de FNE, c’est que les études actuelles indiquent clairement
l’existence de risques environnementaux et sanitaires, confirmé par le
rapport SCENIHR de la Commission européenne2 du 19 janvier 2009 et
surtout l’absence de possibilité d’évaluation des risques par manque
d’information sur les produits commercialisés.
La déclaration obligatoire pour identifier et réduire les risques
Dans
le cadre de la loi n° 2009-967 « l’État se donne pour objectif que,
dans un délai de deux ans qui suit la promulgation de la loi, la
fabrication, l’importation ou la mise sur le marché de substances à
l’état nanoparticulaire ou d’organismes contenant des nanoparticules ou
issues de nanotechnologies fasse l’objet d’une déclaration obligatoire,
relative notamment aux quantités et aux usages, à l’autorité
administrative ainsi qu’une information du public et des
consommateurs. » Reste à rendre cela opérationnel !
L’étiquetage pour prévenir le risque de consommation contre-indiqué médicalement
FNE
tient à souligner que l’absence d’étiquetage précis de produits
franchissant les barrières biologiques pour atteindre organes, tissus,
noyaux des cellules et interférant avec l’ADN du monde végétal et
animal est irresponsable et incompréhensible, compte tenu des règles
actuelles européennes d’étiquetage des produits quelque que soit leur
degré établi de dangerosité. Même les colorants figurent sur la liste
des ingrédients : pourquoi pas les nanoparticules ?
Cet
étiquetage évitera le risque de consommer des produits contre-indiqués
pour des raisons médicales et les scientifiques disposeront enfin
d’éléments pour estimer les expositions probables.
Sur
un plan éthique, cette « démarche étiquette » paraît aussi
indispensable car le droit de choisir doit pouvoir être exercé par le
citoyen consommateur.
Les chiffres d’affaires
générés par la commercialisation des nanoproduits permettent de mettre
en place des moyens d’étiquetage satisfaisants, avec communication tant
aux agences sanitaires européennes qu’au public par la mise en ligne
d’information. Un étiquetage détaillé permettra aussi aux scientifiques
d’avoir une information nécessaire sur les caractéristiques des
nanoproduits mis sur le marché et de compléter leurs bases de données.
Pour
FNE toute mise sur le marché européen de nanoproduits doit dans les
plus brefs délais s’accompagner d’une étiquette détaillée comprenant au
minimum : la taille des particules, la concentration en nanoparticules,
la structure des particules et du substrat, la nanotechnologie
utilisée, la classification (exemple colloïde).
Tant
qu’il n’y aura pas d’étiquette claire, les débats resteront théoriques,
les risques incertains et les responsabilités de chacun ne pourront pas
être assumées.
FNE demande :
>
Qu’à partir de 2010 tout produit contenant des nanoparticules et
commercialisé dans un circuit grand public ou professionnel (y compris
sous traitance) soit soumis à un étiquetage adapté ;
> Que la déclaration produit contienne des informations les plus exhaustives possibles et soit accessible sur le net.
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Les risques d’exposition des salariés et la sécurité au travail sont à prendre en compte de manière urgente
En
raison des dangers d’exposition des salariés, FNE demande que soit mis
en œuvre rapidement un ensemble de mesures de maîtrise des risques,
conformément à la loi n° 2009-967 : « L’Etat veillera à ce que
l’information due aux salariés par les employeurs soit améliorée sur
les risques et les mesures à prendre pour assurer leur protection. »
Les risques de manipulation sans information suffisante et donc le danger d’exposition par ignorance
Les
salariés des secteurs concernés, fabricants, utilisateurs de
nanoparticules ou / et de nanomatériaux, réparateurs de produits et
matériaux en contenant et les acteurs de traitement de déchets vont
être de plus en plus nombreux dans les mois et années à venir. Ils
doivent bénéficier d’un ensemble de mesures de prévention et de
précaution, et, en tout premier lieu, d’informations et de formations,
sur les risques éventuels, sachant que les risques d’explosion de
certains nanomatériaux existent.
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L’étiquetage
lisible et apparent est un élément essentiel du dispositif, la
traçabilité étant nécessaire à tous les stades de manipulation, de
transformation, de stockage et d’élimination.
Les
salariés doivent aussi bénéficier de la prise en compte de cette
exposition dans le cadre de la surveillance médicale dont ils
bénéficient.
Les médecins du travail doivent être formés aux risques spécifiques des nanoparticules et nanomatériaux.
Enfin
cet aspect de risques sanitaires pour les travailleurs doit être
intégré, à l’échelle européenne, dans le cadre d’une surveillance
sanitaire sous forme de cohorte.
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Les risques d’intervention des personnels de secours et de traitement des victimes
Les
services d’intervention d’urgence doivent être formés aux risques
spécifiques des nanoparticules et nanomatériaux incluant les procédures
et protections individuelles pour les sauveteurs amenés à intervenir
dans des atmosphères contaminées par les nanoparticules et
nanomatériaux. |
|
La liste des établissements qui utilisent ces nanos doit
donc être connue des services d’intervention.
Les
procédures pour les hôpitaux devant traiter les victimes soumises à des
taux élevés de nanoparticules doivent être adaptées, compte tenu des
symptômes spécifiques.
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Des moyens de vigilance et de surveillance, à tous les stades du cycle de vie du produit, doivent être opérants
Les
dangers d’exposition sanitaires et environnementaux sont insuffisamment
documentés d’où la nécessité d’une mise en place de moyens de vigilance
et de surveillance, à tous les stades du cycle de vie du produit pour
permettre de réduire au maximum l’exposition aux risques et de fournir
aux scientifiques des éléments d’étude.
1/ FNE demande aux autorités de mettre en place un ensemble de mesures sur les processus industriels :
>
Prévoir la surveillance des installations de toute nature fabricant ou
utilisant des nanoparticules par les représentants de l’Etat qui ont la
mission de surveillance et contrôle des rejets des activités
économiques ;
> Mettre en place, en matière
de nanoparticules, des dispositifs de surveillance de l’air ambiant et
de l’air intérieur et des eaux de surface à proximité de ces
installations ;
> Recenser les filières de production, d’utilisation et d’élimination des nanoparticules ;
>
Inventorier et rendre accessible au public la liste des nanomatériaux
commercialisés ou en voie de l’être de même que les produits en
contenant avec leurs caractéristiques.
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2/ Il
est essentiel que les déversements de nanoparticules / nanomatériaux
dans les milieux (eau, air, sols) soient interdits dans les plus brefs
délais avant que les taux de nanoparticules ne soient suffisamment
élevés pour être mesurables. FNE souligne que le but n’est pas de
laisser les milieux absorber assez de nanoparticules pour servir de
champs d’expérience et valider des hypothèses scientifiques.
Les
retours d’expériences en qualité de l’air pour des particules de
tailles supérieures montrent depuis longtemps les difficultés de
dépollution auxquelles la planète est confrontée. Actuellement aucune
étude de faisabilité de dépollution n’existe sur les nanoparticules et
encore moins sur les coûts.
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3/ FNE demande
que les productions soient développées en intégrant la notion de
risques et que l’Union européenne rende obligatoire :
>
sur site industriel des instruments de mesure adaptés indiquant la
présence et la concentration en nanoparticules, pour savoir dans
quelles conditions une intervention d’urgence doit être déclenchée ;
>
la mise en place des modes de gestion des résidus et rejets de
production afin d’exclure toute dispersion de nanoparticules dans les
milieux ;
> l’accompagnement de tout
programme de développement de nouveaux produits de tests portant sur
leur innocuité, notamment par des tests sur cellules, la communauté
internationale mettant en doute l’intérêt de tests systématiques sur
animaux.
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Il est urgent que des moyens
financiers suffisants, cohérents avec les investissements industriels,
soient consacrés à la prévention des risques y compris
transgénérationnels dûs aux nanoparticules et nanomatériaux. Un plan
d’action ambitieux ne sera envisageable qu’avec des recommandations
fortes sur les points soulignés par FNE.
Une étiquette pour la nano-éthique ou la « consomm-action »
par Dominique Proy-Huart
Des
réunions officielles où les associations françaises et européennes sont
conviées pour y exprimer leur point de vue sur les nanoparticules,
nanotechnologies et nanosciences et leurs recommandations se
multiplient depuis 2007.
Leur intérêt principal est
de permettre les échanges entre les parties prenantes et d’initier un
dialogue, démarche innovante par rapport à d’autres problématiques
(amiante, etc.) qui n’ont été traitées que lorsque des crises graves
étaient déclenchées.
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Néanmoins elles sont seulement des
groupes de travail sur le monde nano où chaque partie prenante
s’accorde à dire que les principes de prévention et de précaution
doivent être soigneusement respectés et que davantage de recherche est
indispensable ; les « vraies décisions » se prennent ailleurs… à des
niveaux gouvernementaux et relèvent d’une stratégique politique propre
à chaque Etat.
En Europe, en ce qui concerne
la réglementation d’étiquetage, les nanos font l’objet d’un retard
inacceptable : je considère comme irresponsable de laisser
commercialiser des nano-produits à usage alimentaire ou cosmétique sans
étiquetage ; chaque consomm-acteur doit pouvoir exercer son choix en
toute connaissance de cause !
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En conclusion…
Certes,
si FNE formule des demandes aux scientifiques et aux industriels (cf
notre plateforme), elle attend des pouvoirs publics (décideurs
politiques et administratifs de l’Etat français) qu’ils fassent en
sorte de favoriser l’amélioration des connaissances ainsi qu’une
information sincère du grand public, qu’ils élaborent une
réglementation efficace, qu’ils mettent en place des moyens de
vigilance et de surveillance et une gouvernance adaptée à ces domaines
de forte incertitude où des procédés itératifs de gestion doivent être
mis en œuvre.
FNE insiste sur deux points très importants :
> Un ensemble de valeurs doit être mis au cœur du débat et pas uniquement la compétitivité et l’importance des marchés.
> L’objectif partagé doit être de prendre des décisions économiquement, écologiquement et sociologiquement acceptables.
SYNTHÈSE
2.
Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks -
Comité scientifique de la Commission européenne sur les risques
émergents et récents pour la santé – évaluant les risques des produits
issus de nanotechnologies
http://ec.europa.eu/health/ph_risk/nanotechnology/nanotechnology_en.htm