Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.
Les
nanotechnologies sont porteuses d’un potentiel considérable de
développement pour nos sociétés dans des domaines très diversifiés –
matériaux, énergie, environnement, santé, communications – ainsi que
forts enjeux économiques et sociaux. Cependant, des travaux
scientifiques tempèrent cet enthousiasme en soulignant des dangers
nouveaux et inhabituels, tant pour la santé que pour l’environnement,
liés aux nanomatériaux et aux bio et nanotechnologies.
En accord avec la résolution adoptée par la Confédération Européenne des Syndicats en juin 2008, et afin de permettre
le développement des nanotechnologies dans des conditions acceptables,
la CFTC prône l’application du principe de précaution afin d’éviter les
erreurs commises par le passé.
Les
travailleurs sont les premiers à être exposés tout au long du cycle de
vie des nanomatériaux (recherche, production, élimination des déchets)
et ceux-ci peuvent présenter des risques à la fois spécifiques et
nouveaux. Pour la CFTC, l’exposition professionnelle aux nanomatériaux
implique une approche et un suivi spécifiques tenant compte de risques chimiques et physiques inédits.
De
nombreux domaines voient leurs perspectives évoluer avec le
développement des nanosciences. C’est le cas notamment des
biotechnologies dont les risques sont, eux aussi, mal connus.
La CFTC exige donc que les réglementations existantes soient adaptées aux spécificités des nanotechnologies.
Qualifiées
de «moteur de la prochaine révolution industrielle», les
nanotechnologies présentent un potentiel immense de développement et
d’application.
Les budgets publics consacrés aux nanotechnologies ne cessent d’augmenter d’année
en année. L’Union européenne a ainsi décidé d’allouer 3,5 milliards
d’euros à la recherche sur les nanotechnologies sur la période
2007-2013.
Les estimations envisagent un marché mondial des nanotechnologies d’une valeur de 1.000 milliards de dollars d’ici à 2015.
En
termes d’emploi, le développement des nanotechnologies pourrait
nécessiter le recrutement de 2 à 10 millions de travailleurs dans le
monde d’ici à 2014. Une partie importante de ces emplois serait située
en Europe, principalement dans les «start-up» et les PME.
Des
centaines de produits de grande consommation contenant des
nanomatériaux manufacturés, ou qui ont été fabriqués à l’aide d’un
procédé faisant intervenir des nanomatériaux, sont déjà disponibles sur
le marché (dans le secteur des cosmétiques et du textile notamment).
Ces
technologies émergentes et transdisciplinaires permettent la
conception, la manipulation et la fabrication de structures ou d’objets
dont les propriétés physico-chimiques et les comportements sont inédits.
Le
développement des nanotechnologies et des nanomatériaux manufacturés
est accompagné d’incertitudes importantes, que ce soit sur leurs effets
sur la santé humaine et l’environnement.
Au
même titre que les biotechnologies, les nanomatériaux et leurs produits
dérivés posent à notre société des défis importants en termes
d’encadrement juridique mais aussi éthique. Ainsi, les applications
pour l’humain et la santé, le développement de capteurs miniaturisés
sophistiqués (autonomes en énergie et communiquant) posent des
questions sur l’intégrité de la personne humaine et de son droit à la
vie privée.
Les travailleurs sont les premiers à être exposés aux nanomatériaux. La CFTC demande un haut niveau de protection pour les salariés. La santé au travail est une des priorités de son action.
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Pour
la CFTC, le problème majeur est le risque que des nanomatériaux soient
rejetés ou disséminés dans la nature (en matière de déchets notamment)
alors que les pouvoirs publics ne maitrisent pas parfaitement les
conséquences éventuelles sur notre environnement et notre santé et
qu’ils ne disposent pas des moyens efficaces pour les détecter et les
mesurer.
Il est impératif d’apporter rapidement des réponses à ces
carences en agissant tout à la fois dans trois directions
complémentaires : investir dans la recherche, adapter la
réglementation, assurer la prévention effective des risques pour les
salariés.
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Développer la recherche
En
matière de recherche et développement de nanotechnologies, on constate
un net déséquilibre entre les budgets alloués à la mise au point
d’applications commerciales d’une part, et ceux consacrés à la
recherche des impacts potentiels sur la santé humaine et
l’environnement d’autre part.
Pour la CFTC, cet écart constitue un frein au développement responsable des nanotechnologies.
La
CFTC propose que tous les budgets de recherche portant sur les
nanotechnologies incluent obligatoirement les aspects santé et sécurité
et que la recherche publique affecte une part significative de ses
budgets dans ce domaine.
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Adapter la réglementation aux nanotechnologies
Les
données actuelles ne permettent pas d’établir avec suffisamment de
certitude l’innocuité des nanomatériaux pour la santé humaine et
l’environnement. Les mesures de préservation de la santé ne doivent pas
faire les frais de considération économique.
La
CFTC invite les pouvoirs publics à prévoir le refus de l’autorisation
de mise sur le marché des produits lorsque les données sont
insuffisantes pour en établir l’innocuité en application du principe du
règlement européen REACH «pas de données, pas de marché».
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L’application
de ce principe doit inciter les industriels à combler les lacunes des
connaissances scientifiques en matière de sécurité des nanomatériaux
manufacturés, notamment sur la persistance des nanoparticules chez
l’être humain et dans l’environnement.
Pour
la CFTC, il est indispensable de contraindre les industriels à rendre
public les informations dont ils disposent sur les dangers et les
risques associés à leurs produits. Ils doivent s’engager à reconnaître
leur responsabilité en cas de dommages prouvés de leurs produits.
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Des
adaptations du règlement REACH sont également indispensables afin de
couvrir correctement et largement l’ensemble des nanomatériaux
susceptibles d’être manufacturés.
La
possibilité de ne pas produire un rapport sur la sécurité chimique au
delà d’un certain volume de production (soit 10 tonnes/an) est une
faille susceptible de permettre à de nombreux nanomatériaux d’échapper
à une évaluation des risques préalable à leur commercialisation.
La CFTC demande l’utilisation de seuils et/ou des unités spécifiques adaptés aux particularités des nanomatériaux.
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En
outre, certains nanomatériaux chimiquement « inertes » constituent du
fait, notamment de leur caractère non soluble et biopersistant, un
risque pour la santé humaine et l’environnement. Il est donc
indispensable d’adapter le règlement REACH à cette donnée.
Pendant
la période d’utilisation, la nature du risque lié aux nanomatériaux
dépend fortement de sa dispersibilité. Ainsi, le risque lié à des
nanoparticules englobées dans une matrice solide peut paraître plus
faible, à condition qu’elle reste stable pendant la durée de vie et
qu’un processus adapté de récupération soit prévu en fin de vie.
La CFTC souhaite, dès la mise sur le marché des produits, l’élaboration d’un processus adapté à leur fin de vie.
Il
serait également opportun de réfléchir aux voies et moyens nécessaires
à la création d’une industrie spécifique et adaptée au recyclage et à
la destruction des nanomatériaux.
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Enfin,
l’agence européenne des substances chimiques devrait refuser
l’enregistrement des substances pour lesquelles les fabricants ne
fournissent pas les données nécessaires pour assurer une fabrication,
une mise sur le marché et une utilisation de leurs formes nanométriques
qui soient sans effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement
et ce durant l’entièreté de leur cycle de vie.
Répertorier l’ensemble des industriels et des produits
Dans
le cadre d’une approche basée sur le principe de précaution, il est
incontournable pour les pouvoirs publics de connaitre avec précision
les fabricants, importateurs et utilisateurs industriels de
nanomatériaux ainsi que les produits contenant des nanomatériaux.
La CFTC propose que soit établi un inventaire national et international et de le rendre public.
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Des
travailleurs et des consommateurs sont exposés à des produits
renfermant des nanomatériaux (produits cosmétiques, vêtements, produits
de nettoyages, agroalimentaires…) en toute ignorance et sans aucune
information sur les risques potentiels.
La
CFTC souhaite que soit mis au point un étiquetage obligatoire et
normalisé des produits contenant des nanomatériaux manufacturés et
susceptibles d’être rejetés dans les conditions normales et prévisibles
d’utilisation ou de mise en décharge.
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Assurer la santé et la sécurité des travailleurs
En
cas de fabrication de nanomatériaux dont les effets potentiels sur la
santé et l’environnement sont mal connus, une approche reposant sur le
principe de précaution doit être mise en place et rendue transparente
pour les travailleurs.
Dans l’attente des
modifications nécessaires du cadre législatif actuel des initiatives
volontaires de l’industrie et les codes de conduite responsable peuvent
avoir une certaine utilité. Cependant, de telles initiatives doivent
associer les travailleurs dans leur élaboration et leur suivi, inclure
un système transparent et indépendant d’évaluation et prévoir des
sanctions en cas de non respect des engagements pris.
La
CFTC défend l’organisation d’un système de traçabilité des
nanomatériaux à tous les stades de leur cycle de vie, y compris après
de leur inclusion dans une préparation ou un produit.
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La
traçabilité des nanomatériaux doit faciliter le suivi d’éventuelles
contaminations humaines et environnementales ainsi que l’identification
des responsables en cas d’effets néfastes.
Les
travailleurs sont exposés à ces nouveaux matériaux tout au long de la
chaîne de production, en particulier ceux engagés dans la recherche, la
mise au point, la fabrication, l’emballage, la manutention, le
transport, l’utilisation et l’élimination des nanomatériaux et des
produits dérivés des nanotechnologies. Ces salariés sont aussi ceux qui
risquent le plus d’en subir les effets nuisibles.
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Le développement
des nanosciences ne peut s’affranchir du développement des
connaissances en toxicologie des nanomatériaux en interaction avec leur
environnement et dans leurs applications en vue de la protection des
travailleurs, du public et de l’environnement.
nanoparticules (~20 nm) de dioxyde de titane
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Cependant,
on ne sait toujours pas si les protocoles de sécurité utilisés sont
adéquats ou si les mesures de protection appliquées sont valables.
Il
existe un besoin énorme de formation, d’éducation et de recherche pour
permettre aux spécialistes de la santé et de la sécurité de développer
les outils de prévention liés aux expositions professionnelles aux
nanomatériaux.
Le respect des principes
généraux de prévention des risques professionnels impliquent la
connaissance par les travailleurs et leurs représentants de la nature
des produits présents sur leurs lieux de travail.
La
CFTC préconise la modification des fiches de données de sécurité pour
permettre clairement le signalement de la présence de nanomatériaux, et
préciser, le cas échéant, que les données toxicologiques ou
écotoxicologiques sont manquantes ou lacunaires.
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Il
appartient aux employeurs, en vertu de l’obligation de sécurité de
résultat, de mettre en place des mesures de réduction des risques, non
seulement lorsque des substances reconnues dangereuses sont présentes
sur le lieu de travail, mais aussi lorsque les dangers des substances
utilisées sont encore inconnus.
La
CFTC défend l’association systématique des travailleurs et de leurs
représentants à l’évaluation des risques et à l’élaboration des mesures
de prévention adaptées.
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La CFTC, demande :
• L’application du principe
de précaution : pas de données, pas de marché,
• La mise en place d’une démarche de prévention dès la conception de nouveaux matériaux et produits,
• La protection des travailleurs et de l’environnement par une analyse complète du cycle de vie en amont de toute production,
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• L’étiquetage des nanoproduits avec les informations disponibles
• Une réglementation spécifique adaptée (nanoreach)
• La formation et l’information des travailleurs et du public
• L’implication des travailleurs dans les décisions publiques.
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