Documents du débat

Cahiers d'acteurs

Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.

CFTC

Confédération Française des Travailleurs Chrétiens

Nanotechnologies : Un formidable espoir, de grandes inquiétudes

Privilégier le principe de précaution  et favoriser le développement de la prévention


 La CFTC est un syndicatde construction sociale favorisant la négociation à l’opposition constante. Rassemblant l’ensemble des salariés, la CFTC revendique des valeurs humanistes et prône une économie au service de l’homme, la justice sociale.

 

Elle fait aussi de la préservation de la santé et de la sécuritédes travailleurs un enjeu central d’une société respectueusede la dignité humaine.

 


Les nanotechnologies sont porteuses d’un potentiel considérable de développement pour nos sociétés dans des domaines très diversifiés – matériaux, énergie, environnement, santé, communications – ainsi que forts enjeux économiques et sociaux. Cependant, des travaux scientifiques tempèrent cet enthousiasme en soulignant des dangers nouveaux et inhabituels, tant pour la santé que pour l’environnement, liés aux nanomatériaux et aux bio et nanotechnologies.

 

En accord avec la résolution adoptée par la Confédération Européenne des Syndicats en juin 2008, et afin de permettre le développement des nanotechnologies dans des conditions acceptables, la CFTC prône l’application du principe de précaution afin d’éviter les erreurs commises par le passé.

 

Les travailleurs sont les premiers à être exposés tout au long du cycle de vie des nanomatériaux (recherche, production, élimination des déchets) et ceux-ci peuvent présenter des risques à la fois spécifiques et nouveaux. Pour la CFTC, l’exposition professionnelle aux nanomatériaux implique une approche et un suivi spécifiques tenant compte de risques chimiques et physiques inédits.

 

De nombreux domaines voient leurs perspectives évoluer avec le développement des nanosciences. C’est le cas notamment des biotechnologies dont les risques sont, eux aussi, mal connus.

 

La CFTC exige donc que les réglementations existantes soient adaptées aux spécificités des nanotechnologies.

 

Qualifiées de «moteur de la prochaine révolution industrielle», les nanotechnologies présentent un potentiel immense de développement et d’application.

 

Les budgets publics consacrés aux nanotechnologies ne cessent d’augmenter d’année en année. L’Union européenne a ainsi décidé d’allouer 3,5 milliards d’euros à la recherche sur les nanotechnologies sur la période 2007-2013.

Les estimations envisagent un marché mondial des nanotechnologies d’une valeur de 1.000 milliards de dollars d’ici à 2015.

 

En termes d’emploi, le développement des nanotechnologies pourrait nécessiter le recrutement de 2 à 10 millions de travailleurs dans le monde d’ici à 2014. Une partie importante de ces emplois serait située en Europe, principalement dans les «start-up» et les PME.

Des centaines de produits de grande consommation contenant des nanomatériaux manufacturés, ou qui ont été fabriqués à l’aide d’un procédé faisant intervenir des nanomatériaux, sont déjà disponibles sur le marché (dans le secteur des cosmétiques et du textile notamment).

 

Ces technologies émergentes et transdisciplinaires permettent la conception, la manipulation et la fabrication de structures ou d’objets dont les propriétés physico-chimiques et les comportements sont inédits.

Le développement des nanotechnologies et des nanomatériaux manufacturés est accompagné d’incertitudes importantes, que ce soit sur leurs effets sur la santé humaine et l’environnement.

Au même titre que les biotechnologies, les nanomatériaux et leurs produits dérivés posent à notre société des défis importants en termes d’encadrement juridique mais aussi éthique. Ainsi, les applications pour l’humain et la santé, le développement de capteurs miniaturisés sophistiqués (autonomes en énergie et communiquant) posent des questions sur l’intégrité de la personne humaine et de son droit à la vie privée.

 

Les travailleurs sont les premiers à être exposés aux nanomatériaux. La CFTC demande un haut niveau de protection pour les salariés. La santé au travail est une des priorités de son action. 
 

Pour la CFTC, le problème majeur est le risque que des nanomatériaux soient rejetés ou disséminés dans la nature (en matière de déchets notamment) alors que les pouvoirs publics ne maitrisent pas parfaitement les conséquences éventuelles sur notre environnement et notre santé et qu’ils ne disposent pas des moyens efficaces pour les détecter et les mesurer.

Il est impératif d’apporter rapidement des réponses à ces carences en agissant tout à la fois dans trois directions complémentaires : investir dans la recherche, adapter la réglementation, assurer la prévention effective des risques pour les salariés.

Développer la recherche

En matière de recherche et développement de nanotechnologies, on constate un net déséquilibre entre les budgets alloués à la mise au point d’applications commerciales d’une part, et ceux consacrés à la recherche des impacts potentiels sur la santé humaine et l’environnement d’autre part.

Pour la CFTC, cet écart constitue un frein au développement responsable des nanotechnologies.

La CFTC propose que tous les budgets de recherche portant sur les nanotechnologies incluent obligatoirement les aspects santé et sécurité et que la recherche publique affecte une part significative de ses budgets dans ce domaine.


Adapter la réglementation aux nanotechnologies

Les données actuelles ne permettent pas d’établir avec suffisamment de certitude l’innocuité des nanomatériaux pour la santé humaine et l’environnement. Les mesures de préservation de la santé ne doivent pas faire les frais de considération économique.

La CFTC invite les pouvoirs publics à prévoir le refus de l’autorisation de mise sur le marché des produits lorsque les données sont insuffisantes pour en établir l’innocuité en application du principe du règlement européen REACH «pas de données, pas de marché».

L’application de ce principe doit inciter les industriels à combler les lacunes des connaissances scientifiques en matière de sécurité des nanomatériaux manufacturés, notamment sur la persistance des nanoparticules chez l’être humain et dans l’environnement.

Pour la CFTC, il est indispensable de contraindre les industriels à rendre public les informations dont ils disposent sur les dangers et les risques associés à leurs produits. Ils doivent s’engager à reconnaître leur responsabilité en cas de dommages prouvés de leurs produits.

Des adaptations du règlement REACH sont également indispensables afin de couvrir correctement et largement l’ensemble des nanomatériaux susceptibles d’être manufacturés.

 

La possibilité de ne pas produire un rapport sur la sécurité chimique au delà d’un certain volume de production (soit 10 tonnes/an) est une faille susceptible de permettre à de nombreux nanomatériaux d’échapper à une évaluation des risques préalable à leur commercialisation.

La CFTC demande l’utilisation de seuils et/ou des unités spécifiques adaptés aux particularités des nanomatériaux.

En outre, certains nanomatériaux chimiquement « inertes » constituent du fait, notamment de leur caractère non soluble et biopersistant, un risque pour la santé humaine et l’environnement. Il est donc indispensable d’adapter le règlement REACH à cette donnée.

Pendant la période d’utilisation, la nature du risque lié aux nanomatériaux dépend fortement de sa dispersibilité. Ainsi, le risque lié à des nanoparticules englobées dans une matrice solide peut paraître plus faible, à condition qu’elle reste stable pendant la durée de vie et qu’un processus adapté de récupération soit prévu en fin de vie.

La CFTC souhaite, dès la mise sur le marché des produits, l’élaboration d’un processus adapté à leur fin de vie.

Il serait également opportun de réfléchir aux voies et moyens nécessaires à la création d’une industrie spécifique et adaptée au recyclage et à la destruction des nanomatériaux.

Enfin, l’agence européenne des substances chimiques devrait refuser l’enregistrement des substances pour lesquelles les fabricants ne fournissent pas les données nécessaires pour assurer une fabrication, une mise sur le marché et une utilisation de leurs formes nanométriques qui soient sans effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement et ce durant l’entièreté de leur cycle de vie.

Répertorier l’ensemble des industriels et des produits

Dans le cadre d’une approche basée sur le principe de précaution, il est incontournable pour les pouvoirs publics de connaitre avec précision les fabricants, importateurs et utilisateurs industriels de nanomatériaux ainsi que les produits contenant des nanomatériaux.

 La CFTC propose que soit établi un inventaire national et international et de le rendre public.

Des travailleurs et des consommateurs sont exposés à des produits renfermant des nanomatériaux (produits cosmétiques, vêtements, produits de nettoyages, agroalimentaires…) en toute ignorance et sans aucune information sur les risques potentiels.

La CFTC souhaite que soit mis au point un étiquetage obligatoire et normalisé des produits contenant des nanomatériaux manufacturés et susceptibles d’être rejetés dans les conditions normales et prévisibles d’utilisation ou de mise en décharge.

Assurer la santé et la sécurité des travailleurs

En cas de fabrication de nanomatériaux dont les effets potentiels sur la santé et l’environnement sont mal connus, une approche reposant sur le principe de précaution doit être mise en place et rendue transparente pour les travailleurs.

 

Dans l’attente des modifications nécessaires du cadre législatif actuel des initiatives volontaires de l’industrie et les codes de conduite responsable peuvent avoir une certaine utilité. Cependant, de telles initiatives doivent associer les travailleurs dans leur élaboration et leur suivi, inclure un système transparent et indépendant d’évaluation et prévoir des sanctions en cas de non respect des engagements pris.

La CFTC défend l’organisation d’un système de traçabilité des nanomatériaux à tous les stades de leur cycle de vie, y compris après de leur inclusion dans une préparation ou un produit.

 

La traçabilité des nanomatériaux doit faciliter le suivi d’éventuelles contaminations humaines et environnementales ainsi que l’identification des responsables en cas d’effets néfastes.

 

Les travailleurs sont exposés à ces nouveaux matériaux tout au long de la chaîne de production, en particulier ceux engagés dans la recherche, la mise au point, la fabrication, l’emballage, la manutention, le transport, l’utilisation et l’élimination des nanomatériaux et des produits dérivés des nanotechnologies. Ces salariés sont aussi ceux qui risquent le plus d’en subir les effets nuisibles.

 
Le développement des nanosciences ne peut s’affranchir du développement des connaissances en toxicologie des nanomatériaux en interaction avec leur environnement et dans leurs applications en vue de la protection des travailleurs, du public et de l’environnement. 
nanoparticules (~20 nm) de dioxyde de titane

 

Cependant, on ne sait toujours pas si les protocoles de sécurité utilisés sont adéquats ou si les mesures de protection appliquées sont valables.

 

Il existe un besoin énorme de formation, d’éducation et de recherche pour permettre aux spécialistes de la santé et de la sécurité de développer les outils de prévention liés aux expositions professionnelles aux nanomatériaux.

 

Le respect des principes généraux de prévention des risques professionnels impliquent la connaissance par les travailleurs et leurs représentants de la nature des produits présents sur leurs lieux de travail.

La CFTC préconise la modification des fiches de données de sécurité pour permettre clairement le signalement de la présence de nanomatériaux, et préciser, le cas échéant, que les données toxicologiques ou écotoxicologiques sont manquantes ou lacunaires.

Il appartient aux employeurs, en vertu de l’obligation de sécurité de résultat, de mettre en place des mesures de réduction des risques, non seulement lorsque des substances reconnues dangereuses sont présentes sur le lieu de travail, mais aussi lorsque les dangers des substances utilisées sont encore inconnus.

La CFTC défend l’association systématique des travailleurs et de leurs représentants à l’évaluation des risques et à l’élaboration des mesures de prévention adaptées.

 

La CFTC, demande :

• L’application du principe
de précaution : pas de données, pas de marché,

 

• La mise en place d’une démarche de prévention dès la conception de nouveaux matériaux et produits,

 

• La protection des travailleurs et de l’environnement par une analyse complète du cycle de vie en amont de toute production, 

 

• L’étiquetage des nanoproduits avec les informations disponibles

 

• Une réglementation spécifique adaptée (nanoreach)

 

• La formation et l’information des travailleurs et du public

 

• L’implication des travailleurs dans les décisions publiques.

 

 SYNTHÈSE

Pour la CFTC, si les nanotechnologies sont porteuses de promesses considérables, il n’est plus acceptable socialement que soient disséminés, sans contrôle, des produits dont les effets potentiels représentent un danger avéré pour la santé ou l’environnement.

L’Union européenne a montré la voie à suivre en se dotant d’une législation
  sur les produits chimiques qui transfère la charge de la preuve sur les fabricants. Au-delà, cette vaste question implique également un fort investissement des pouvoirs publics dans les études de santé. Pour la CFTC, accepter que des produits soient commercialisés sans connaître leurs effets potentiels sur la santé humaine et l’environnement constituerait un recul politique incontestable. 
  Le débat national qui s’engage aujourd’hui est une étape importante. Il doit permettre à la société française de s’emparer de la problématique des nanotechnologies. Dans un second temps, les pouvoirs publics devront impérativement adopter les mesures qui s’imposent, notamment en matière de préservation de la santé et la sécurité des travailleurs. 

 

COORDONNÉES

Confédération Française

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75483 Paris Cedex 10

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