Documents du débat

Cahiers d'acteurs

Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.

CFE - CGC

Les nanotechnologies : un nouveau saut technologique qui va révolutionner la production de biens et de services.


La CFE-CGC (Confédération Française de l’Encadrement - Confédération Générale des Cadres) est la première force syndicale représentative des cadres et du personnel d’encadrement. Elle est membre de Confédération Européenne des Cadres (CEC) qui est un partenaire social représentatif au niveau européen.

 

La CFE-CGC, indépendante de tout parti politique, s’adresse aux classes moyennes, tout en gardant sa spécificité qui est d’être la voix des techniciens, agents de maîtrise, forces de vente, cadres, ingénieurs et à ceux qui ont vocation à le devenir – c’est-à-dire, à des salariés dont les fonctions comportent responsabilité, initiative et/ou commandement dans les secteurs privé, para-public et la Fonction Publique.

Les nanotechnologies regroupent l’ensemble des technologies permettant de construire et contrôler des objets à l’échelle du nanomètre soit 1 milliardième de mètre. Dans wikipédia, il est précisé que « le nanomètre est utilisé pour mesurer les longueurs d’ondes comprises entre l’infrarouge et l’ultraviolet, et la finesse de gravure d’un Microprocesseur ». Les premiers secteurs utilisateurs sont ceux de l’électronique et de la médecine, mais l’ensemble des secteurs de production de biens et de services seront concernés demain comme ils le sont aujourd’hui par l’informatique.

Les nanotechnologies seront les emplois de demain

 

Un marché très concurrentiel, de plusieurs milliards de dollars, est en perspective à l’horizon 2020.

 

Les applications des produits et services issus des nanotechnologies vont se développer dans presque tous les secteurs. Les plus prometteurs, déjà existants, concernent les nouveaux outils miniaturisés de diagnostic médical, les traitements thérapeutiques ciblés sous la forme de nano vecteurs, les composants électroniques plus performants et plus économes en énergie. D’autres domaines sont ouverts grâce à des nano-matériaux plus solides, plus résistants, plus légers, dotés de propriétés jusque-là inconnues telle que l’auto-réparation…

La maîtrise des nanotechnologies constitue donc un enjeu stratégique pour notre pays, en termes d’emploi, de croissance et d’indépendance technologique. Il s’agit d’un nouveau « saut technologique », comme l’a été celui de l’avènement de la machine à vapeur en son temps ou de l’informatique plus récemment.

Etudes de marché : enjeux stratégiques

Même si la France se situe bien au niveau international en terme de technologies, elle ne sait pas toujours bien appréhender les potentialités du marché national/européen/mondial, ni fournir à un tissu de PME-PMI innovantes les informations stratégiques et les moyens leur permettant de se développer dans les secteurs les plus porteurs.

 

Une veille et une prospective performantes doivent être mises en place pour améliorer la pertinence des investissements en matière de recherche comme de production, dans les secteurs et les applications pour lesquels il y a un marché et pas trop de concurrents déjà engagés… Si tous les départements français et leurs équivalents anglais et allemands se mettent à investir dans la construction d’usines de fabrication de panneaux solaires, il est probable que beaucoup auront des déconvenues…

 

Il est donc souhaitable de renforcer la coopération européenne en matière de recherche et d’identification des marchés porteurs. Compte tenu de la multiplicité des domaines d’application, il est probable que des PME-PMI performantes seront les plus à même à occuper rapidement les créneaux de marchés porteurs et à s’y développer.

 

Un Small Business Act français ou européen devrait accompagner les PME à tous les stades de leur développement pour les renforcer. Il est regrettable qu’en France, les PME soient stoppées dans leur développement pour des problèmes de trésorerie, ne leur permettant pas de financer leurs en-cours clients lorsque leurs commandes décollent.

 

Nous estimons que pour faciliter l’innovation, l’Union européenne devrait encourager les Etats à décentraliser les aides aux PME au niveau régional ou local, là où les administrations peuvent constater l’impact de ces aides. Les Etats devraient également réserver une partie des commandes publiques aux PME à l’image de ce qui existe aux Etats-Unis.

 

Mutualisation des investissements

Nous ne mutualisons pas assez nos moyens publics et privés pour optimiser les investissements en matière de recherche comme en matière de production, afin de mieux valoriser nos savoir-faire et notre ingéniosité.

 

La France dispose d’un financement public élevé de R&D et un soutien aux infrastructures de recherche. Aux Etats-Unis ou au Japon le financement privé de la recherche double le montant public. Le montant global alloué à la recherche pour les nanotechnologies est de 250 millions d’euros en France, à comparer aux 320 millions d’euros déjà engagés en Allemagne.

  Notre système éducatif doit être amélioré ou repensé pour dispenser une formation à la hauteur des enjeux. L’ingéniosité française doit être valorisée car les applications de demain sont inconnues aujourd’hui. Il faut absolument revaloriser le rôle et les motivations des femmes et des hommes, acteurs de l’innovation et de la recherche, comme de la production et de la commercialisation, et en particulier celui des ingénieurs et des cadres qui subissent de plus en plus souvent une dévalorisation de leurs fonctions, suite à la taylorisation du tertiaire, et à la prééminence des objectifs financiers à très court terme.

Stimuler l’Innovation

Les nanotechnologies vont permettre une explosion des innovations. Il serait judicieux de repenser notre système de brevetabilité pour en accroître la simplification et l’efficacité et le mettre plus facilement à la disposition du plus grand nombre.

 

Une meilleure articulation entre recherche publique et privée doit être trouvée. Le soutien à la recherche fondamentale doit être renforcé en définissant des priorités claires. Il faut assurer une réelle coordination des recherches transdisciplinaires intégrant physique, chimie, biologie, médecine, sciences humaines...

  L’innovation réussie en terme économique, est souvent le résultat de l’utilisation d’outils, de technologies et de connaissances issues d’un autre secteur. Il faut donc encourager les « trans-disciplinarités » et mettre en place un système gagnant/gagnant impliquant aussi bien le monde universitaire (comme aux Etats-Unis) les centres de recherche (public ou privé), l’état et les entreprises, sans oublier ceux qui sont au cœur de l’innovation, et qui sont très souvent « oubliés » à savoir les hommes et les femmes qui produisent les idées et qui les transforment en réalité. Le brevet n’est plus seulement un outil de protection juridique, il est aussi une arme de protection anticoncurrentielle et une source de profits potentiels très importants.

Limiter les risques

Les nanotechnologies sont porteuses d’espoir, mais comme pour tout, il peut y avoir de mauvais usages et des risques spécifiques nouveaux.

 

Il est indispensable de généraliser une surveillance systématique de la toxicité et des risques pour la société qui sont pris à l’occasion de la recherche, de la production et de la consommation des nanotechnologies comme cela doit être le cas pour n’importe quel produit ou service.

 

Depuis que le monde est monde, il y a toujours eu des utilisations néfastes de toutes les innovations. Les progrès de la science ont toujours fait apparaître de nouveaux risques ou des utilisations perverses de celle-ci. Des systèmes spécifiques de prévention, de contrôle ainsi que des règles et un processus de normalisation ont permis de réduire ces risques dans de nombreux domaines qui font partie de notre quotidien d’aujourd’hui. Que ce soit dans l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire, le nucléaire ou l’informatique pour ne citer que ceux là, tout le monde convient qu’il y a des risques et que des mesures ont été prises pour protéger les citoyens en général et les salariés qui participent à la production de ces produits et services.

 

Dans toutes les activités, des risques existent lors des trois étapes du cycle recherche/production/consommation, auquel il convient d’ajouter maintenant les étapes recyclage/destruction qui étaient « ignorées » auparavant.

 

Nous savons aujourd’hui que le recyclage et la destruction de nombreux produits présentent des risques, que ce soit un paquebot ou des nanomatériaux. Le principe de précaution reconnu au niveau communautaire et consacré comme principe constitutionnel en droit français, doit s’appliquer de façon effective aux nanotechnologies comme à toutes les autres activités de production de biens et de services.

 

La surveillance systématique de la toxicité de tous les produits se justifie d’autant plus que la petite taille des nanoproduits ne permet pas d’en déceler visuellement la présence. D’autre part, combiné avec des traitements informatiques, certains usages pourraient s’avérer contraires à l’éthique ou pourraient générer de nouveaux risques psycho-sociaux.

 

Des questions se posent également sur l’impact environnemental des processus de production, sur les problèmes de transport, de stockage et de cycle de vie des nanomatériaux. On n’a que peu d’informations aujourd’hui sur leur interaction avec les systèmes vivants, de sorte qu’il est difficile d’évaluer le danger potentiel qu’ils représentent.

 

Comme pour d’autres innovations, les citoyens les premiers exposés sont souvent les salariés qui travaillent sur la recherche et la production de ces nouveaux produits.

 

Le renforcement de la surveillance de la santé des salariés est un impératif pour la CFE-CGC et le rôle des CHSCT (Comité d’Hygiène Sécurité et Conditions de Travail) doit être renforcé dans les domaines de la prévention des risques pour la santé physique et psychique des individus, sachant que le Grenelle de l’environnement a fait clairement apparaître le besoin de mieux prendre en compte également les risques pour l’environnement dont la prévention pourrait également être confiés aux CHSCT.

 

En matière de santé, la priorité est de développer les activités de recherche en toxicité et écotoxicité pour mieux identifier les risques liés à certaines activités ou certains produits.

 

Ce secteur manque de chercheurs formés. Les financements ne sont pas toujours suffisants, et des recherches fiables statistiquement nécessitent un grand volume d’informations qui ne sont pas systématiquement recueillies aujourd’hui.

 

Une évaluation du risque permettra de mieux cerner l’exposition des salariés à des dangers avérés pour la santé. Ce problème concerne notamment les salariés qui dans le cadre de leurs activités professionnelles sont en contact avec les nanotechnologies. Mais la plus grande difficulté est de savoir qui produit / utilise des nanotechnologies et quels sont les travailleurs qui sont réellement exposés ?

La déontologie des chercheurs, comme la transparence des résultats et des sources doivent être encouragées, en s’appuyant sur la recherche fondamentale et le partage des connaissances.

 

La prévention sanitaire en milieu professionnel est essentielle. Dans ce domaine, le rôle de la médecine du travail est incontournable. De plus, en raison de sa formation et sa présence dans l’entreprise, le médecin du travail est le plus apte à appréhender l’évolution de la santé physique et psychique des salariés. Il peut donc contribuer à l’acquisition des informations permettant d’identifier les risques pour la santé physique et les impacts psycho-sociaux liés à l’introduction de nouvelles technologies ou organisations.

Priorité : Protection des salariés

La CFE-CGC a proposé depuis plusieurs années la mise en place systématique d’un « curriculum laboris ». Véritable carnet de santé professionnel, ce document a pour vocation de retracer les expositions aux risques professionnels tout au long de la carrière du salarié.

 

Un tel système de recueil systématique des expositions individuelles permettra de favoriser la conduite d’études épidémiologiques au plan national. Ce dossier numérique serait géré par un organisme totalement indépendant de l’entreprise et du médecin du travail afin d’éviter toute possibilité de pression sur le salarié.

Les CHSCT ont un rôle primordial à remplir dans la prévention tout comme les organismes tels que l’AFSSET, l’AFSSA, l’INRS ou l’INERIS dont la responsabilité au niveau national est d’explorer les caractéristiques de ces nouveaux produits ou pour l’INVS d’en surveiller les conséquences médicales.

 

La puissance publique doit utiliser davantage son pouvoir normatif et réglementaire pour favoriser la mise sur le marché de produits moins agressifs pour l’environnement et non toxiques pour la santé humaine. L’élaboration de normes européennes dans ce domaine serait d’ailleurs particulièrement utile pour à la fois prévenir des risques liés à l’importation de produits qui ne respecteraient aucune norme, mais également pour garantir aux citoyens un minimum de précautions prises avant la mise sur le marché de produits et services intégrant des nanocomposants. Nous rappelons que les normes, notamment aux Etats-Unis, servent également de barrière d’entrée à d’éventuels concurrents « extérieurs ».

 

La méthode employée pour le règlement REACH pourrait encadrer les risques liés aux nanoparticules en introduisant des critères de dangerosité tels que la forte réactivité potentielle due à leur très grand rapport surface sur volume et la diffusion potentielle dans le corps humain.

 

Enfin, l’appréhension des questions éthiques et des risques psycho-sociaux doivent être intégrés dans les cursus de formation tout comme les méthodes et outils de mise en œuvre du principe de précaution, notamment en matière environnementale.

Il faut favoriser la création dans les laboratoires, dans les entreprises, les collectivités locales et avec les pouvoirs publics et le monde universitaire de lieux de débats éthiques, où chercheurs, ingénieurs et techniciens pourraient débattre et exprimer leurs questionnements.


COORDONNÉES

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