Les cahiers d'acteurs du débat public sont des contributions écrites d'acteurs du débat public, institutionnels ou associatifs, édités par la CPDP au cours du débat. Ils permettent d'éclairer le public, sur des questions touchant les nanotechnologies.
Nanotechnologies et dimension sanitaire et environnementale : s’entourer des conditions de sécurité optimales
Le
MEDEF considère que la question des impacts sanitaires et
environnementaux est essentielle et doit être examinée à la lumière
conjointe des données scientifiques et de l’analyse des bénéfices
attendus, afin de poursuivre dans des conditions de sécurité optimales
le développement des nanotechnologies. Le MEDEF, n’ayant pas de
compétence scientifique spécifique, s’appuie sur les synthèses
réalisées par les organismes scientifiques nationaux (notamment INRS et
AFSSET) ou internationaux reconnus et sur l’expertise des entreprises.
Les
impacts sanitaires et environnementaux de plusieurs matériaux
nanostructurés (d’une dimension supérieure à 100 nanomètres) mis sur le
marché depuis très longtemps à des tonnages très significatifs (silice
précipitée, dioxyde de titane, argile…) ont fait l’objet d’évaluations
précises. Le recul dont nous disposons par rapport à leurs
utilisations, montre à ce jour l’absence d’effets observables alors que
leur bénéfice pour la protection de la santé du consommateur ou de
l’environnement apparaît incontestable.
Le MEDEF prend acte
qu’à ce jour, « le risque chez l’homme demeure incertain »1 car peu de
connaissances disponibles en matière de toxicité et d’écotoxicité des
nano-objets (d’une dimension inférieure à 100 nanomètres) permettent
d’explorer les spécificités de ces nanomatériaux. La plupart des
données proviennent d’études expérimentales in vitro ou in vivo chez
l’animal dont les protocoles doivent être adaptés aux substances à
l’état nanoparticulaire. Il apparaît que les substances de taille
nanométrique peuvent présenter une toxicité différente de celle des
mêmes substances sous forme micro ou macroscopique.
Il
n’est pas envisageable de considérer les substances concernées comme
formant un groupe ayant les mêmes propriétés toxicologiques ou
écotoxicologiques ; ainsi, chacune d’entre elles, dans le contexte de
son cycle de vie, constitue un cas particulier en ce qui concerne ses
effets potentiels sur la santé et l’environnement.
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Selon
les produits et leur forme, les conditions d’utilisation industrielles
et professionnelles et l’usage par le consommateur, les voies
d’exposition sont très variables. L’inhalation semble constituer une
voie importante d’exposition aux nano-objets et notamment aux
nanoparticules et aux nanofibres. Ces dernières, une fois inhalées,
peuvent se déposer dans les différentes régions de l’arbre
respiratoire. Ce dépôt varie notamment en fonction de la substance, de
son diamètre, des degrés d’agrégation et d’agglomération ainsi que de
son comportement dans l’air. Les nano-objets peuvent également se
retrouver dans le système gastro-intestinal après avoir été ingérés.
Des études expérimentales chez l’animal montrent que certains
nano-objets inhalés ou ingérés peuvent être capables, du fait de leur
taille, de franchir différentes barrières biologiques et de migrer vers
différents organes. La pénétration transcutanée des nano-objets est une
hypothèse encore à l’étude pour la plupart d’entre eux. Il est
cependant établi que le dioxyde de titane ne franchit pas la barrière
cutanée saine.
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Les entreprises fabriquant, important ou utilisant des substances à
l’état nanoparticulaire analysent puis évaluent les risques lors de
l’utilisation des substances tout au long de leur cycle de vie, y
compris les déchets résultant des activités industrielles et les
produits en fin de vie.
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La question des impacts sanitaires et
environnementaux reste encore empreinte d’incertitude scientifique. Le
MEDEF estime que les recherches doivent être poursuivies pour améliorer
la connaissance sur ces sujets. Les entreprises qui veulent innover en
utilisant les nanotechnologies doivent prendre les mesures de
prévention et de précaution qui intègrent le niveau d’incertitude des
connaissances. Cette approche n’est pas spécifique aux nano-objets mais
s’applique à toute technique nouvelle dont on ne connait pas
nécessairement l’ensemble des impacts éventuels au moment de son
développement. Les mesures de protection prennent notamment en compte
le niveau de danger. L’utilisation des substances à l’état
nanoparticulaire conduit à mettre en place des moyens de protection
collectifs et individuels adaptés, par exemple le confinement en milieu
industriel. Les substances à l’état nanoparticulaire pour lesquelles
les données toxicologiques sont manquantes ou lacunaires, doivent être
considérées à défaut comme présentant un haut niveau de danger.
Les
entreprises doivent fournir à leur personnel, à leurs clients et aux
consommateurs une information adaptée, loyale et régulièrement
actualisée sur les substances utilisées à l’état nanoparticulaire. De
plus, de manière à recueillir des informations a posteriori (après la
mise sur le marché), la traçabilité des expositions professionnelles et
l’ensemble des vigilances portant sur les produits de consommation
doivent être mieux formalisés. Cette indispensable vigilance est
d’autant plus importante que l’application des nanotechnologies à la
science et notamment à la médecine ouvre des champs particulièrement
prometteurs pour la santé (prévention, diagnostique, thérapeutique, …).
Les
entreprises concernées travaillent sur ces questions, notamment au sein
de leur organisation professionnelle (élaboration de lignes
directrices…) et sont prêtes à collaborer avec les pouvoirs publics.
Nanotechnologies et gouvernance : des mesures à renforcer
Pour
répondre au déficit ou aux insuffisances de connaissances scientifiques
et techniques, il est nécessaire d’approfondir les recherches, en
particulier sur les méthodes d’essai et d’évaluation des risques et
les techniques analytiques de mesure, l’acquisition de données sur les
effets (éco)toxicologiques et sur les utilisations et expositions, la
caractérisation des « nanos », la mise au point de normes et d’une classification cohérentes.
Dans
ce contexte évolutif, le MEDEF estime que l’une des réponses les plus
appropriées consiste à renforcer les mesures de gouvernance, dont les
principales sont les suivantes :
> Prévention et précaution
La
mise en œuvre de substances ayant fait l’objet d’une évaluation
complète des risques conduit à déployer des mesures de prévention
graduelles. Si tous les risques ne peuvent être totalement évalués
compte tenu des incertitudes scientifiques, |
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l’application du principe
de précaution conduit à proposer des mesures proportionnées de maîtrise
des risques prenant en compte l’incertitude de l’évaluation.
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> Cadre réglementaire
Le
MEDEF estime que le cadre réglementaire existant est très complet. Il
oblige les entreprises à évaluer, à mettre en place des mesures de
maîtrise des risques et à organiser la communication d’informations
dans la chaine de distribution des produits.
Les
législations européennes et nationales embrassent globalement la
question des « nanos » par les réglementations « Environnement » (IPPC,
SEVESO II, Directive cadre sur l’eau, Directive cadre sur les déchets),
« Santé et Sécurité au travail » (Directive Agents Chimiques…), «
Produits » (REACH, réglementations « sectorielles », sécurité générale
des produits).
En outre, il existe des dispositions
réglementaires spécifiques relatives aux « nanos » dans les nouveaux
Règlements Cosmétiques et Nouveaux aliments.
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Le MEDEF est
cependant favorable à une évaluation précise de la portée des
réglementations européennes et nationales existantes relatives à
l’utilisation des nanos et à des ajustements si des insuffisances
pouvant avoir des conséquences en matière de protection de la santé ou
de l’environnement sont mises en évidence. Dans cette hypothèse, le
MEDEF considère que les réglementations sectorielles sont plus
appropriées pour accueillir des dispositions particulières aux nanos
que les réglementations « génériques », car les caractéristiques des
marchés et des substances l’emportent sur des critères plus généraux.
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> Cadre normatif
Le
MEDEF constate que malgré un très important effort des Etats et des
industriels, l’harmonisation des nomenclatures et des définitions n’est
toujours pas actée. Celle-ci doit être réalisée au niveau
international.
> Approche volontariste des acteurs économiques
L’approche
réglementaire et normative peut être utilement complétée par des
approches volontaristes développées par des fédérations
professionnelles ou par des entreprises. Les fédérations
professionnelles développent des guides techniques comportant des
préconisations en matière de protection de la santé et de
l’environnement.
> Assurer la transparence pour un développement serein
Information du public
L’Etat
doit, par le biais des Agences compétentes, mettre à disposition du
public des informations scientifiquement validées et mises à jour
régulièrement. Il doit également veiller à équilibrer son discours en
abordant systématiquement les bénéfices apportés par les
nanotechnologies en regard des risques.
Communication vis-à-vis du grand public
Dès
lors qu’une application concernant le public peut conduire à une
exposition à des nano-objets, il est légitime que le consommateur
reçoive une information appropriée par le truchement des moyens
existants de communication (étiquetage, consignes de prudence, notice,
composition…). A ce titre le dispositif de déclaration par les acteurs
économiques auprès d’une autorité compétente constitue une réponse de
premier niveau en vue de l’information des consommateurs.
Communication dans la chaine d’approvisionnement
S’agissant
de technologies nouvelles dont les impacts ne sont pas intégralement
appréhendés, il est nécessaire que la communication dans la chaine de
distribution des produits permette à chaque maillon de la filière
d’appréhender les risques et d’en informer son personnel et ses
clients.
Le MEDEF est favorable à un recensement précis
des filières de production, d’utilisation, et d’élimination des
nanoparticules, de leur potentiel de développement. Il faut également
identifier les flux de nanoparticules manufacturées, et les formes sous
lesquelles elles sont conditionnées, transportées et mises en œuvre.
Les filières de recyclage et d’élimination devraient également être
recensées.
Protection des données
Le
développement des nanotechnologies conduit à une compétition mondiale
sans précédent. Il est important que les services de l’Etat prennent en
compte le caractère confidentiel de certaines informations et assurent
la protection des données qui leur sont transmises par les acteurs
économiques.
> Surveillance du marché
Une
réglementation efficace ne peut se concevoir sans un contrôle rigoureux
et ciblé du marché visant aussi bien les productions
intra-communautaires que les importations.
Gouvernance de la Recherche
Le
MEDEF estime que la gouvernance de la recherche doit être améliorée
pour que la France conserve une place de choix dans la recherche et
le développement des nanotechnologies. Comme pour toute expertise
scientifique, l’Etat doit veiller à garantir leur qualité ; ceci est
particulièrement vrai pour les domaines où les connaissances sont
extrêmement évolutives. L’expertise doit être plurielle, transparente
et collectivement indépendante.
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Il est nécessaire pour la France de
renforcer l’expertise scientifique transversale associée à des
compétences mobilisant les dimensions sociales, éthiques et politiques
des projets.
Le déficit de connaissance doit en effet
conduire à un renforcement et à une meilleure organisation de la
recherche au niveau européen. Cela passe par une meilleure
collaboration public / privé au moyen de structures mixtes de
financement.
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