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Le dossier du maître d'ouvrage

Le dossier du maître d’ouvrage aborde les grands champs du sujet qui structurent le débat.

Dossier du Maître d'ouvrage - Partie 3

Le maître d'ouvrage

Nanotechnologies et nanomatériaux : état des lieux et axes de développement

Recherche, innovation et développement économique

 

 

Quelques industries intéressées par les nanomatériaux :

* industries manufacturières ;
* automobile (dont les pneumatiques, les revêtements de carrosserie) ;
* aéronautique (fuselage, aménagement des cabines, pièces mécaniques, dont les pièces chaudes des réacteurs) ;
* chimie (encres, peintures et vernis, carburants, plasturgie) ;
* systèmes de production d’énergie ;
* équipements ménagers ;
* articles de sport et de loisirs ;
* construction (génie civil et bâtiment) ;
* textiles ;
* cosmétique (filtres anti UV, crèmes dermoprotectrices) ;
* alimentation (vectorisation, emballages actifs).

Quelques domaines et produits intéressés par l’électronique et les technologies de l’information :
* nanolasers dans les lecteurs de DVD, objets communicants multi-applications, systèmes de localisation et d’identification (dont traçabilité) ;
* sécurisation des modes de paiement ;
* échange d’information en ligne ;
* microsystèmes électromécaniques ;
* optique adaptative ;
* microfluidique (imprimantes à jets d’encre).

Quelques domaines et produits intéressés par la nanobiologie :
* distributeur d’insuline ;
* biopuce à ADN ;
* analyse biomédicale ;
* ingénierie tissulaire ;
* neurochirurgie ;
* chirurgie ophtalmique.

Quelques domaines intéressés par la nanomédecine :
* diagnostic (imagerie et monitoring) ;
* traitement (implants, vectorisation et délivrance des médicaments) ;
* suivi médical (monitoring de la réponse thérapeutique) ;

* prévention (revêtements antimicrobiens, dermocosmétiques, filtres).


En ouvrant la voie à la manipulation de la matière à l’échelle de l’atome, les nanosciences et les nanotechnologies constituent un enjeu de développement majeur au XXIe siècle. Au-delà des applications existantes, des milliers d’autres sont à l’étude ; comme pour tout processus d’innovation, il est difficile de savoir précisément lesquelles aboutiront.

 

 Exemple de surface hydrophobe  Exemple de surface hydrophobe
Exemple de surface hydrophobe
Presque tous les secteurs industriels sont ou seront concernés par les apports des nanotechnologies. Aujourd’hui, certaines propriétés, comme l’hydrophobie, qui permet à une surface de repousser l’eau, sont déjà largement exploitées dans de nombreux produits.

 

Bien que les nanotechnologies ne constituent pas en soi une découverte scientifique théorique – la mécanique quantique régissant les comportements des atomes et des molécules a été découverte dans les années 1920 – l’étendue des applications est telle qu’une partie des communautés scientifique et économique n’hésite pas à employer le terme de révolution technologique.

Cette révolution aurait toutefois des caractéristiques différentes de celles qui l’ont précédée, comme l’invention de la machine à vapeur, la diffusion du courant électrique ou plus récemment, la création de l’électronique et des ordinateurs. En effet, elle s’exprime de manière diffuse et peu apparente, au sens où les nanotechnologies ne vont pas, compte tenu de leur échelle, déboucher sur un ou quelques dispositifs spécifiques (comme le moteur à explosion, l’ampoule électrique ou les ordinateurs), mais vont largement être intégrées, en faible quantité et sans parfois être visibles, dans des produits déjà existants pour les améliorer. En ce sens, les nanotechnologies apparaissent, à certains, comme une simple évolution technologique. Cependant les potentialités offertes sont colossales et déboucheront très probablement, à l’image de l’informatique, sur des pratiques et des usages nouveaux qu’il reste aujourd’hui impossible de prévoir.

 

L’état des lieux et les enjeux actuels

Les nanotechnologies s’adressent à des secteurs industriels très diversifiés. Elles ont néanmoins en commun de mettre en œuvre des techniques à une échelle nanométrique. À cette échelle, on l’a vu, la matière possède des propriétés originales, différentes de celles des échelles micro et millimétriques.

L’apport de la recherche en nanosciences

Visant à comprendre les lois qui régissent le comportement des objets à l’échelle nanométrique, les nanosciences mobilisent et génèrent des connaissances dans de nombreuses disciplines. Les nanosciences et les nanotechnologies concernent trois domaines principaux :

* la nanoélectronique, considérée au sens large comme le traitement de l’information à l’échelle nanométrique. Elle succède à la révolution de la microélectronique qui avait déjà rapproché la physique et la mécanique et devrait concerner bientôt la biologie. On décrit les phénomènes de base liés aux dimensions nanométriques notamment dans l’électronique quantique et moléculaire, le nanomagnétisme et l’électronique de spin et la nanophotonique ;
* les nanobiotechnologies représentent la rencontre entre macromolécules du vivant et nano-objets, du fait de la similarité d’échelle. La rencontre se fait dans les deux sens, en s’inspirant du vivant (biomimétisme) pour développer de nouveaux matériaux et en utilisant les effets des nanomatériaux sur le vivant. Les nanobiotechnologies constituent donc un champ d’expériences et de développement considérable, depuis les composants jusqu’aux systèmes multiformes et complexes ;
* les nanomatériaux. Il s’agit de contrôler précisément la morphologie et les dimensions des particules et des substances afin de produire des matériaux dotés de nouvelles propriétés. La nanochimie va pouvoir toujours mieux contrôler l’organisation de la matière en termes de propriétés physiques, chimiques ou biologiques.

Les nanosciences et nanotechnologies requièrent également des compétences transversales :

* la nanosimulation pour modéliser, simuler de manière réaliste et prédictive le comportement d’assemblages d’atomes dans une vision multi-échelles et multiphysiques ;
* l’instrumentation et la métrologie à l’échelle nano : la caractérisation des matériaux et structures à l’échelle nanométrique est indispensable pour comprendre et maîtriser leurs propriétés ;
* la sécurité à l’échelle nano : le domaine couvre les méthodologies, moyens de caractérisation, protection et études de toxicologie nécessaires à la gestion des risques liées à la manipulation de nanomatériaux. Il s’agit également de la mise en sécurité des procédés d’élaboration de nanomatériaux et de traitements des produits en fin de vie.

Des enjeux majeurs en termes de compétitivité

Pour tirer parti de ces nouvelles propriétés, chercheurs et industriels ont imaginé deux voies : procéder par miniaturisation, voie dite descendante ou top-down ou directement par assemblage d’atomes, voie ascendante ou bottom-up .

 

Ces procédés s’appliquent, de fait, à des activités différentes : la démarche descendante conduit à l’élaboration et la mise en œuvre de nanomatériaux comme produits intermédiaires de transformation ; la démarche ascendante concerne surtout les technologies de l’information. Dans les deux cas, les potentialités d’innovation sont très importantes et elles touchent tout autant les procédés de mise en œuvre que les produits.

Pour valoriser ce potentiel d’innovation, il faut toutefois mobiliser des moyens considérables et recourir à la production de masse qui permet ainsi de rentabiliser les investissements. Les nanotechnologies apparaissent paradoxales : d’une part, certaines de leurs applications envahissent des produits à faible valeur ajoutée technique mais massivement consommés (articles de sport, revêtements pour carrosserie automobile, surfaces autonettoyantes) et d’autre part, elles permettent la réalisation de systèmes complexes de très haute technicité, mais produits de façon plus ciblée, comme tout ce qui touche à la nanoélectronique ou à la nanobiologie.

Par ailleurs, la compétition internationale s’intensifie et le positionnement définitif des pays émergents et des pays très développés dans le leadership durable des nanotechnologies est loin d’être établi. Il est donc crucial de se positionner sur ce secteur, que ce soit en amont sur les activités de recherche (pour disposer d’une recherche compétitive au niveau mondial) et en aval sur la valorisation des inventions. Seuls les pays qui résoudront ce double challenge seront des acteurs économiquement viables sur le long terme.

Ce contexte, marqué par l’incertitude sur le positionnement des acteurs et la concurrence exacerbée, impose aux décideurs publics de se positionner sur certains créneaux et d’y affecter les moyens nécessaires. Les choix d’investissements doivent être guidés non seulement par les critères classiques de retour économique (chiffre d’affaires, emplois créés), mais également, sur ce segment très sensible, par la confrontation à l’acceptabilité sociétale. Ne serait-il pas contre-productif de lancer des produits issus de nanotechnologies n’apportant pas un avantage concurrentiel ou socio-économique indiscutable, en raison notamment du coût des recherches à mener et du poids de la balance bénéfices risques des nanotechnologies ?

Le succès résulte de la résolution gagnante d’une équation à trois inconnues : du côté de la science et de la technologie, ce qui est possible techniquement ; du côté de la société, ce qui est acceptable et souhaitable par le citoyen ; et, du côté du marché, ce qui est susceptible de répondre à une demande du consommateur. C’est au travers de cette problématique que doit s’évaluer la pertinence de la recherche appliquée.

Un marché difficile à cerner, mais très actif

L’apport des nanotechnologies intéresse trois secteurs clés : les matériaux, l’électronique et les technologies de l’information et de la communication et les sciences du vivant et la santé que l’on peut scinder en deux sous-secteurs, la nanobiolologie et la nanomédecine. Leur utilisation, dans ces différents secteurs intéresse en outre la défense et la sécurité.

 

Les biopuces et les puces à ADN

Les biopuces et les puces à ADN
Le secteur médical sera l’un des grands utilisateurs des nanotechnologies, comme dans des applications diagnostiques. Biopuces et puces à ADN permettront, si les traitements suivent, de personnaliser de plus en plus la médecine.

 

Aux abords de l’année 2000, les applications des nanotechnologies sont passées, dans certains secteurs, dans une phase de commercialisation plus accentuée. Toutefois, dresser un état des lieux objectif du marché n’est pas aisé car il dépend du périmètre de l’évaluation. Les données disponibles conduisent en effet à compter plusieurs fois les mêmes produits : très en amont, lors de la commercialisation des nanomatériaux de base, puis en aval lors de chaque étape de la réalisation des produits intermédiaires et finaux. Enfin, certains industriels demeurent très discrets sur leurs activités dans ce domaine, tant sur leurs procédés que sur l’intégration de ces technologies ou matériaux dans leur production.

Des perspectives de marché très prometteuses

Signalons, à titre préliminaire, que les données présentées ici ont été évaluées avant la crise financière et économique en cours. Des ajustements seront donc nécessaires en fonction de son évolution sachant qu’en participant à l’effort de sortie de crise, les nanotechnologies auront un impact économique.

Les premières évaluations de marché datent des années 2000. Ainsi, aux États-Unis, la NSF (National Science Foundation) a évoqué une perspective de marché de 1 000 milliards de dollars à l’horizon 2015. D’autres scénarios font état de chiffres plus modestes (150 milliards pour le Mitsubishi Institute en 2010) ou plus optimistes (2 600 milliards pour Lux Research en 2014). En fait, ces disparités proviennent du champ couvert par les estimations, ainsi que de l’évaluation de la part de valeur ajoutée directement attribuée aux nanotechnologies dans les produits.

Il est probable que la croissance des nanotechnologies n’aura pas le même impact sur les grandes zones mondiales. Que ce soit pour des raisons de taux de croissance globale des économies ou d’acceptabilité des risques associés aux nanotechnologies, il semble se confirmer que la zone Asie-Pacifique verra les plus forts taux de croissance. Les États-Unis et l’Europe, quant à eux, seront sur des trajectoires comparables, traduisant tout à la fois la similitude de leurs développements et des attitudes voisines face aux risques soulevés par les nanotechnologies.

Que ce soit en termes de marchés actuels ou de prospective (chiffres d’affaires et emplois), les nanotechnologies sont indubitablement un secteur majeur de l’activité mondiale. Les estimations font apparaître des sommes très élevées avoisinant à présent les 750 milliards d’euros, à comparer aux chiffres d’affaires d’autres marchés : en 2005, le marché mondial de la chimie (pharmacie comprise) était de 1 800 milliards d’euros, celui de l’automobile de 1 100 milliards d’euros et celui de la sidérurgie de 800 milliards d’euros.

Cette comparaison permet de comprendre les intérêts que suscitent les nanotechnologies et, en retour, souligne la nécessité de s’assurer que leur déploiement répond aux exigences d’un développement responsable et qu’il respecte les impératifs de sécurité sanitaire et environnementale.

Un impact sur l’emploi et la création d’entreprises

Les prévisions de la NSF font état d’environ 2 millions de travailleurs dans le secteur des nanotechnologies à l’horizon 2015. Ces emplois seraient répartis de la façon suivante : 0,8 million aux États-Unis, 0,5 au Japon, 0,4 en Europe, 0,2 en Asie (hors Japon) et 0,1 sur les autres zones. À ces emplois directs, il convient d’ajouter environ 5 millions d’emplois indirects, ce qui illustre globalement le poids de l’activité économique autour des nanotechnologies. Néanmoins, comme pour les volumes de marché, ces chiffres sont très variables selon les études. Lux Research prévoit, par exemple, plutôt 10 millions d’emplois directs et indirects en 2014. Quoiqu’il en soit, le poids en terme de ressources humaines, dans un vaste spectre d’entreprises, des start-up aux grands groupes, est considérable et on peut retenir qu’environ 10 % des emplois manufacturiers seront liés aux nanotechnologies d’ici à 2015.

Certains groupes sont déjà très présents dans ce secteur, comme des groupes chimiques mais également des groupes industriels utilisateurs. Cependant, il apparaît que ce champ concerne majoritairement des entreprises récentes et la plupart du temps créées à cette fin. Ces entreprises sont, pour environ un tiers, impliquées dans la production et la transformation des nanomatériaux, pour un autre tiers en nanobiologie et pour le troisième sur les nanosytèmes et nanocomposants.

 

 
  Certaines études (Lux Research notamment) estiment à 10 millions le nombre d’emplois directement et indirectement liés aux nanotechnologies en 2014, des start-up aux grands groupes. D’ici à 2015, elles pourraient mobiliser 10 % des emplois manufacturiers. 
Évolution du marché des nanotechnologies
Les perspectives d’évolution du marché des nanotechnologies sur la période 2001-2015 (d’après « The economic development of nanotechnology – an indicators based analysis » EC DG Research, 28 novembre 2006).

 

  Évolution du marché des nanotechnologies

 


 

    * prévention (revêtements antimicrobiens, dermocosmétiques, filtres).