Documents du débat

Le dossier du maître d'ouvrage

Le dossier du maître d’ouvrage aborde les grands champs du sujet qui structurent le débat.

Dossier du Maître d'ouvrage - Partie 2

Le maître d'ouvrage

Nanotechnologies et nanomatériaux : état des lieux et axes de développement

Applications actuelles et envisagées

 

Depuis une dizaine d’années, les nanotechnologies sont passées de l’empirisme, puis de la recherche (1980-2000) au développement et à la commercialisation. Si la plupart des applications qui concernent la vie quotidienne sont encore en développement, elles représentent déjà des enjeux économiques importants. Les derniers inventaires, sans doute pas exhaustifs, font état d’environ 800 produits commercialisés contenant des nanotechnologies. (Source : Woodrow Wilson Institute)

Aujourd’hui, aucun produit de consommation courante n’est entièrement constitué à partir de nanotechnologies, mais nombreux sont ceux qui en contiennent une petite quantité suffisant à changer leurs propriétés.

 

Cette partie passe en revue – de façon non exhaustive – différents secteurs dans lesquels les nanotechnologies trouvent des applications, ainsi que les perspectives qu’elles leur ouvrent dans un avenir proche et plus lointain. L’exploitation des propriétés de la matière à cette échelle ne fait que débuter. De nouvelles propriétés seront probablement découvertes qui génèreront des applications inédites ou modifieront les performances et les conditions de production ou d’utilisation de produits existants. 

 

DÉFINITION : Les pores

Les pores sont des cavités à l’intérieur d’une roche ou d’un matériau. Ils peuvent être remplis de gaz ou de fluide partiellement récupérable en comprimant le matériau. L’éponge est un exemple de matériau présentant des pores. Le passage d’un fluide à travers une substance poreuse permet de le débarrasser des impuretés plus grosses que la taille moyenne des pores. Les nanopores permettent ainsi de filtrer l’eau avec une efficacité supérieure aux filtres micrométriques conventionnels.

 

Feutre

 

Feutre

 
 

Feutre

Grâce à des pores de taille nanométrique, ce filtre retient bactéries et virus lors d’opérations de dépollution des eaux

 

 

L’eau

Parce que les nanoparticules sont réactives et interagissent avec les molécules situées à leur proximité, leur emploi dans les processus de dépollution et de potabilisation de l’eau fait depuis plusieurs années l’objet de recherches intenses.

 

Des nanofiltres pour purifier l’eau

Une des images les plus utilisées pour représenter un filtre est celle d’un tamis ou d’un filtre à café : plus les espaces par lesquels l’eau peut passer sont réduits, plus la filtration est efficace car les impuretés plus petites sont retenues. Cette image, quoi qu’imparfaite, permet de comprendre l’intérêt d’utiliser des nanopores comme agents filtrants.

 

DÉFINITION : Les adsorbants
Les adsorbants (à ne pas confondre avec les absorbants) présentent une structure extrêmement poreuse. Grâce à leurs propriétés physiques, ils captent et stockent l’eau et l’humidité dans leurs orifices microscopiques. Ils sont insolubles dans l’eau. Le gel de silice compte parmi les principales substances adsorbantes. 
  Ainsi, des membranes céramiques nanoporeuses sont utilisées pour assurer un meilleur filtrage et la fourniture d’eau potable propre. Leurs nanopores retiennent et éliminent, en effet, bactéries et virus.

Des filtres à base de nanotubes de carbone sont en cours de développement afin d’améliorer le rapport efficacité prix des nanofiltres.

 

Des nanoparticules comme agents de dépollution

D’origine industrielle, humaine ou naturelle, la pollution des nappes phréatiques est un problème sanitaire auquel les nanotechnologies pourraient apporter certaines solutions. En effet, les techniques classiques de dépollution (pompage, traitement en surface…) coûtent cher et sont d’une efficacité faible car certains contaminants sont peu mobiles, denses ou parfois peu solubles dans l’eau ; ils migrent alors vers le fond de la nappe. Le résultat est une pollution latente, chronique, avec une source difficile à localiser ou trop profonde pour qu’un traitement économiquement viable soit possible.

Les propriétés des nanoparticules, telles que leur rapport surface volume ou encore leurs capacités d’interactions de surface constituent une perspective d’amélioration de ces processus. Des résultats intéressants contre des contaminants organiques et inorganiques ont déjà été obtenus avec des nanoparticules de fer et des adsorbants de taille nanométrique mais demandent à être confirmés. Les particules de fer sont aussi étudiées pour la dégradation des polluants organiques récalcitrants (comme les hydrocarbures) et certains xénobiotiques contenus dans l’eau polluée de régions industrielles ou agricoles.

 

Nanopoudre
Nanopoudre
  Nanopoudre de SiO2 utilisée dans les processus de dépollution
Certaines nanopoudres, très réactives, comme la nanopoudre de dioxyde de silicium (SiO2), sont utilisées dans les processus de dépollution. 

 

Enfin, à la croisée entre dépollution et fourniture d’eau potable, des expérimentations utilisant des nanoparticules d’oxyde de fer pour absorber l’arsenic naturellement contenu dans l’eau de certaines régions tropicales comme le Bangladesh sont en cours.

Toutefois, l’utilisation et la généralisation de procédés de dépollution ou de filtration intégrant des nanotechnologies supposent une bonne compréhension préalable du comportement des nanoparticules dans l’environnement afin de s’assurer qu’elles ne sont pas, elles-mêmes, sources d’effets non maîtrisés qu’il faudra traiter par la suite. Cf. le détail de ce phénomène de relargage.

 

 

DEFINITION : Un xénobiotique
Un xénobiotique est une molécule chimique fabriquée par l’homme et que les êtres vivants ne produisent pas eux-mêmes. Les xénobiotiques (comme les composés chlorés et nitrés) sont en général très toxiques et persistent dans l’environnement.

 

 

Eaux
 
 
Des membranes céramiques nanoporeuses sont déjà utilisées pour assurer un meilleur filtrage dans la fourniture d’eau potable.
Des nanoparticules sont à l’étude pour la dépollution des eaux des nappes phréatiques.

La santé

Durant les prochaines décennies, les populations de nombreux pays industrialisés vont voir s’accentuer deux évolutions : l’allongement de la durée de vie et le développement de modes de vie sédentaires. Sauf à agir sur les déterminants de la santé et renforcer la prévention, la combinaison des deux affectera nettement les systèmes de soins et de santé : certaines maladies liées au style de vie seront à la fois plus précoces et plus fréquentes, tandis que l’exigence du « bien vieillir » se généralisera. Néanmoins, les coûts des soins de santé ne pourront pas augmenter indéfiniment.

L’innovation, dans un contexte économique contraint, impose donc la prise en compte de l’ensemble du cycle lié à la santé (prévention, dépistage, diagnostic, traitement, suivi). En permettant dans certains cas de raccourcir ou optimiser ce cycle, les nanotechnologies et nanobiotechnologies contribuent au développement de produits innovants en santé. Pour le futur, leurs promesses sont considérables mais exigent aussi que leurs effets soient bien appréhendés (Voir Comment caractériser le danger et l’exposition).

Diagnostic : vers une meilleure visualisation

Lors des étapes de prévention, de dépistage et de diagnostic, l’enjeu est de mieux visualiser et mieux détecter des anomalies à l’échelle moléculaire.

En améliorant significativement le contraste entre lésions et tissus sains, elles permettent de détecter des métastases du foie, des ganglions lymphatiques métastatiques, ou de préciser un diagnostic dans les maladies inflammatoires ou dégénératives.

 

D’autres perspectives sont envisageables dans le domaine de l’imagerie médicale.

 

IRM

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des nanoparticules d’oxyde de fer sont déjà utilisées comme agents de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique (IRM)

 

 

Des nanoparticules dotées de propriétés précises – comme la fluorescence - pourront servir de marqueurs : introduits dans l’organisme, ils aideront à mieux identifier et cibler les molécules ou les cellules que l’on souhaite observer.

Il est même envisagé d’améliorer prochainement les analyses grâce à une détection ultrasensible permise par les nanostructures. Un des objectifs est, par exemple, de pouvoir détecter des molécules indiquant très tôt le développement de certains cancers. Véritable signature de la maladie, leur détection pourrait faciliter la prise en charge précoce des patients pour augmenter les chances de guérison, à condition que cette détection s’inscrive dans une politique de santé publique et s’accompagne d’une stratégie thérapeutique accessible et efficace, le tout à un coût acceptable.


Les tests de grossesse constituent aujourd’hui le premier marché pour les nanotechnologies en santé : leurs nanoparticules d’or permettent d’attraper les molécules de l’hormone de grossesse et de les fixer en quelques minutes seulement sur la bandelette test.

 

Thérapie : mieux cibler et réduire les effets secondaires

Les formes traditionnelles d’administration des médicaments ne sont plus adaptées aux nouvelles molécules à fort potentiel thérapeutique qui nécessitent d’être acheminées vers le site de leur action (une tumeur, par exemple), au niveau des tissus ou des cellules. C’est pourquoi le développement de la vectorisation de médicaments, c’est-à-dire leur acheminement par des véhicules tels que les protéines ou les liposomes, est un enjeu majeur. Les nanotechnologies sont appelées à y jouer un rôle important, en protégeant la molécule et en contrôlant sa libération.

Aujourd’hui déjà, il est possible d’améliorer la solubilité de certains médicaments et leur capacité à cibler plus spécifiquement les cellules malades en les encapsulant dans des structures creuses nanométriques. Ce principe a été appliqué avec succès dans plusieurs approches thérapeutiques, dans le traitement du cancer en particulier.

Une start-up française a, par exemple, associé dans un médicament prescrit dans certains cancers du sein chimiorésistants, une protéine, l’albumine, avec un agent déjà couramment utilisé. Sans solvant, il provoque moins d’effets secondaires. Un autre médicament, constitué d’un agent thérapeutique encapsulé dans un liposome, permet de diminuer les effets secondaires du traitement utilisé pour lutter contre les cancers ovariens. En dehors des indications en cancérologie, c’est cette même stratégie liposomale qui est également utilisée pour réduire les effets toxiques sur les reins que provoquait la formule classique d’un fongicide.

 

Dépistage, diagnostic, thérapie

Exemples d’applications dans le traitement du cancer grâce aux nanotechnologies
Les nanotechnologies peuvent trouver des applications dans toutes les phases du cycle lié à la maladie : dépistage, diagnostic, traitement, suivi.

 

 

Parmi les applications actuelles, citons les propriétés des nanocristaux d’argent, qui constituent une barrière antimicrobienne très efficace, utilisées par les fabricants de pansements. Ou encore l’injection de nanoparticules magnétiques dans les tumeurs que l’on active par un champ magnétique externe pour détruire, par effet thermique, les cellules cancéreuses qu’elles ont ciblées.

Les nanotechnologies ont également des applications vaccinales. Il s’agit de créer des virosomes, pseudoparticules virales dépourvues de tout matériel génétique et comportant les antigènes vaccinaux. Ce type de présentation des antigènes aux cellules immunitaires est particulièrement efficace. Plusieurs vaccins de ce type sont déjà sur le marché, notamment les vaccins anti-papillomavirus, visant à prévenir certains cancers du col de l’utérus.

Demain, il sera possible d’envisager la conception de médicaments optimisant à la fois le ciblage des cellules malades, l’efficacité thérapeutique et la diminution des effets secondaires, le tout intégré dans la formulation du médicament.

 

Les dispositifs médicaux, prothèses ou implants bénéficient eux aussi des avancées des nanotechnologies. Optimiser les propriétés fonctionnelles des matériaux en modifiant de manière significative la structure de leur surface, par exemple, permet d’améliorer la biocompatibilité et de réduire le caractère invasif de ces dispositifs.

Enfin, en médecine régénératrice, les nanotechnologies vont dans le sens d’un meilleur contrôle des techniques cellulaires et tissulaires (différenciation de cellules souches, culture de tissus ex vivo, réimplantation in vivo contrôlée…).
 
EXPLICATION : La vectorisation est l’une des stratégies d’acheminement de substances actives dans l’organisme. L’objectif : utiliser des nanovecteurs qui concentrent des molécules médicamenteuses ou des suppléments vitaminiques et peuvent atteindre spécifiquement des cellules ou organes cibles. Pour cela, des travaux sont menés sur la façon de les intégrer à des aliments dont le goût et la texture demeurent attrayants pour le consommateur, mais aussi sur les moyens de protéger les substances actives lors de leur transport vers les cibles et de permettre leur diffusion (relargage) et leur action dans l’organisme au bon moment.
DÉFINITION : Protéines
Molécules constituées de longues chaînes d’acides aminés (les éléments de base), elles sont présentes dans tous les organismes vivants et les virus. Elles jouent un rôle primordial (construction et réparation de l’organisme, notamment). On les retrouve sous différentes formes : enzymes, hormones, récepteurs, neurotransmetteurs…
  DÉFINITION : Liposome
Vésicule artificielle, imitant l’enveloppe de la cellule vivante. Elle possède la capacité d’encapsuler et de protéger, par exemple, des protéines ou du matériel génétique. Cette propriété fait que les liposomes sont utilisés comme vecteurs ou transporteurs en pharmacologie et en génétique.

 

 

Modélisation informatique d'un liposome

  Modélisation informatique d’un liposome
Comme le montre cette modélisation, l’une des applications des nanotechnologies en matière de traitement pourrait consister à encapsuler un médicament (figuré en bleu) dans une enveloppe artificielle (liposome) qui l’achemine spécifiquement à l’endroit de l’organisme où il est relargué pour agir.

 

Vers une médecine plus personnalisée

Les nanotechnologies contribuent également aux sciences biologiques et médicales car elles fournissent les moyens de mieux constater la complexité du vivant, et donc d’intervenir sur ses dysfonctionnements en prenant en compte les spécificités biologiques de chaque organisme. Elles apportent des moyens déterminants pour concevoir des traitements sur mesure.

 

Deux voies thérapeutiques contre le cancer

Une équipe du CNRS a imaginé de coupler les nanoparticules formées spontanément par le squalène, un composé naturel à l’origine du cholestérol, à un médicament. Elle espère faciliter son injection par voie intraveineuse ou son entrée dans la cellule, ce qui diminue les résistances au médicament.

Les premiers résultats obtenus sur l’animal en associant un anticancéreux au squalène sont encourageants. L’étude de la toxicologie de ce composé est déjà prévue et devrait faire l’objet d’un essai clinique de phase I.

Une autre équipe du CNRS a mis au point un dispositif ultrasensible, intégrable sur une puce, permettant de détecter les moindres interactions entre biomolécules.

L’objectif est de détecter de très faibles quantités de marqueurs cancéreux. Le dispositif est basé sur des nano-électrodes, dont la taille de 30 nanomètres de large est comparable à celle des biomolécules à détecter. Leur capacité à conduire le courant électrique est modifiée par la présence de nanobilles d’or de 90 nanomètres de diamètre, greffées sur les protéines. En étant capable de joindre les électrodes, elles exaltent la réponse électrique.

Ce dispositif est en cours de validation au sein du cancéropôle de Toulouse pour le diagnostic en cancérologie.