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Les Questions/Réponses reçus par la CPDP seront consultables sur le site de la Commission et figureront dans les archives du débat

Questions traitées pour le mois : Février

Question de LE FOLL Pierre-    RENNES - le 24/02/2010
Sachant que de nombreux rapports et chercheurs soulignent la dangerosité pour la santé de certaines nanoparticules et donc également le risque associé à de nombreux nanoproduits, Pourquoi l'objectif provisoire mais urgent et prioritaire d'un moratoire pour recherche, à l'échelle européenne, c'est à dire d'un moratoire suspensif des applications industrielles et des importantions en zone européenne, permettant d'effectuer des recherches complémentaires en l'absence de recherches suffisantes en matière de précaution sanitaire n'est-il pas mis en avant comme nécessaire au respect de la santé publique?

Réponse le  14/03/2010

Dès 2004, les ministères concernés ont interpellé les agences de sécurité sanitaire, ainsi que différentes instances d'expertise, sur la prévention des risques liés aux nanotechnologies. Le rapport de l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) a mis en évidence un manque de données en termes de caractérisation physique et chimique des nanoparticules et la nécessité d'adapter les tests toxicologiques. La revue de la littérature menée en 2008 par l'AFSSET montre que certaines études font apparaître des dangers potentiels pour certaines nanoparticules, cependant les résultats de ces études sont difficilement interprétables au regard du manque de caractérisation des nanomatéraiux étudiés. Par ailleurs, il est nécessaire de compléter ces études de toxicologie par une évaluation de l'exposition afin de vérifier l'existence d'un risque éventuel.


 La France, mais aussi l'Europe et les Etats-Unis, ont pris conscience de ce problème et ont lancé des initiatives qui n'ont pas encore donné tous leurs résultats. Par exemple, des deux côtés de l'Atlantique, on est en train de construire une base de données sur tous les résultats disponibles sur la toxicologie des nanoparticules. De même, la France anime un programme européen Nanogénotox qui est une action conjointe européenne pour caractériser des nanoparticules déjà sur le marché et mettre au point des procédures standardisées d'étude de leur génotoxicité. Ce programme débute en 2010 et réunit quinze pays. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche vient de lancer un groupe de travail sur ce sujet pour définir rapidement des actions afin d'améliorer le bilan de la France dans ce domaine.


Un moratoire restreint à l'aire européene n'aurait aucun effet positif car les produits à base de nanotechnologies seraient inventés, développés et fabriqués dans le reste du monde, puis importés en Europe. Au contraire, cela pourrait conduire l'Europe à la perte de son expertise dans le domaine.

Question de Brunet Jeanne-  83000 Toulon - le 19/02/2010
Comment le ministère de la santé cautionne t-il l'action des ministères de la défense et de l'intérieur dans l'usage des nanotechnologies contre les citoyens?
Se prépare t-on à une nouvelle affaire du sang contaminé ou d'irradiation des citoyens comme lors des essais nucléaires?

Le principe de précaution voudrait que l'on interdise lorsque les risques sont identifiés, mais l'industrie s'en fout. Non?

Réponse le  15/03/2010

Les ministères de la défense et de l'intérieur sont susceptibles de développer des dispositifs utilisant les nanotechnologies pour améliorer la protection des populations contre certaines formes de terrorisme ou pour rendre plus facile la recherche de preuves dans les affaires criminelles. Ces applications sont présentées dans le rapport du maître d'ouvrage. Si d'autres applications sont mises en oeuvre, elles sont soumises au secret défense et le ministère de la santé n'en a pas connaissance, pas plus qu'il n'avait connaissance des conditions de réalisation des essais nucléaires.


Le ministère de la santé reste attentif aux applications des nanotechnologies dans les produits grand public et encourage la progression des connaissances sur les risques toxicologiques. Il a mobilisé pour ce faire les agences de sécurité sanitaire, le Haut Conseil de Santé Publique et l'Institut de veille sanitaire afin d'identifier rapidement les risques potentiels liés à l'utilisation des nanotechnologies dans ces applications qui concernent l'ensemble de la population.


Le principe de précaution doit s'appliquer lorsque les experts d'un domaine alertent les pouvoirs publics ou la société civile sur les dangers qu'est susceptible de présenter une activité donnée. C'est ainsi que suite à la parution des résultats de deux études sur les nanotubes de carbone, le Haut Conseil de Santé Publique a publié un avis préconisant des procédures de confinement stricte pour les travailleurs exposés en raison de l'existence possible d'un risque pouvant être assimilé à celui de certaines fibres d'amiante. 


 

Question de BRIL Xavier PARIS - le 17/02/2010
Bonjour,
Ce débat ne sert pas à grand'chose, car, à mon sens, chaque application de nanotech est différente et nécessite une étude d'impact de santé publique propre.

Aujourd'hui, à mon avis, le rôle de l'état est de financer des postes de chercheurs sur les impacts médicaux des nano, afin de constituer un pool d'experts fiables, et de mettre en place une procédure d'homologation digne de ce nom, en évitant de faire comme pour la chimie (mise en place de REACH un siècle et demi après les premières usines de chimie industrielle).
Je pense que toute approche sans experts indépendants est une prise de risque inconséquente: on le voit pour l'industrie chimique après un siècle de dépollution de sites contaminés.

Ma question donc: combien de milliards d'euros l'état français s'engage-t-il à verser annuellement pour les 30 prochaines années aux universités de ce pays pour financer des postes de chercheurs INDEPENDANTS des industriels? (donc des labos avec ZERO collaborations contractuelles public-privé).

Merci de me répondre.

Réponse le  14/03/2010

Il existe en France deux organismes en charge de la prévention des risques au sens large, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), qui seront bientôt réunies (d'ici le 1er juillet 2010) au sein d'une seule agence, l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Ces agences mènent, entre autres, des études sur la dangerosité des nanoparticules et des nanomatériaux et elles sont indépendantes des intérêts industriels. Du côté académique, l'Agence nationale de la recherche (ANR) soutient financièrement des études indépendamment des intérêts industriels, même si on ne peut empêcher les laboratoires académiques impliqués de collaborer avec des laboratoires industriels sur d'autres projets. Cette collaboration peut cependant être positive dans la mesure où elle apporte aux industriels impliqués dans la fabrication des nanomatériaux des compétences et une expertise qu'ils n'ont pas toujours.


Il convient de souligner que les experts des agences doivent déclarer les intérêts et les liens qu'ils ont avec le secteur industriel; ces règles seront d'allieurs renforcées dans le fonctionnement de l'agence issue de la fusion de l'AFFSA et de l'AFSSET, qui devrait être dotée d'un comité de déontologie  et de prévention des conflits d'intérêts qui se prononcera sur le respect des principes déontologiques applicables à l'agence, à ses personnels et à ses collaborateurs occasionnels.


Ce n'est pas parce que les applications sont différentes qu'il ne doit pas y avoir de dispositions générales: la confortation de principes généraux de prévention, de protection, de nécessité d'études adaptées, de responsabilité, ou encore d'éthique, sont justement nécessaires. Elles se déclineront ensuite au cas par cas.


Le débat offre l'intérêt de présenter un état des lieux aussi complet et transparent que possible, y compris sur les moyens dévolus à la recherche, en financements et en nombre de chercheurs, sur les risques éventuels liés aux nanomatériaux: il a précisément permis de mettre l'accent à de nombreuses reprises sur la nécessité de les renforcer. Ces sujets seront examinés par les pouvoirs publics après présentation du compte rendu et du bilan du débat, en vue de prises de décisions sur les choix ultérieurs à retenir.

Question de DE KULM Alexandre PARIS - le 17/02/2010
Deux questions sur ce vaste sujet :

La question d'une éthique des nanotechnologies est vitale car elle permet de poser les bases morales d'une réglementation de l'usage des nanotechnologies : refus des puces électroniques au nom du respect des libertés individuelles par exemple. Mais quelles valeurs sont assez fortes pour servir de socle commun à cette éthique et sont compatibles avec l'exigence de compétitivité internationale ou la foi aveugle dans le progrès ?

Alors quelle semblait courageuse il apparait que l'autorégulation des industries telle qu'elle est aujourd'hui formulé dans la directive REACH est insuffisante. Quelle forme de gouvernance crédible peut elle être mise ne place ?

Réponse le  19/02/2010

Il convient d'apporter la clarté nécessaire sur les questions d'éthique et de gouvernance: l'éthique est le socle de valeurs morales sur lequel doit se fonder la réflexion présidant aux choix de développement en matière de nouvelles technologies; la gouvernance est le dispositif de régulation qui vise à encadrer leur déploiement acceptable et accepté si les arbitrages sont dans ce sens. Ethique et gouvernance doivent donc être distinguées dans le processus de déploiement d'une activité, quel qu'en soit le domaine. Les nanotechnologies occupent-elles une place particulière dans ce contexte? Oui et non. Non, car tout ce qui vaut pour les nouvelles technologies vaut pour les nanotechnologies. Oui, car les nanotechnologies, technologies diffusantes et multiformes, ont un potentiel imprévisible de développement. Il faut donc se garder de toute approche globalisante en matière de nanotechnologies et, au contraire, adapter la réflexion éthique et les outils de gouvernance en fonction de l'application concernée. En effet, d'un point de vue éthique, on ne peut appliquer les mêmes principes au développement d'applications manufacturières banales qu'à celui de domaines touchant aux sciences du vivant ou impactant les libertés individuelles. De même, du point de vue de la gouvernance, le corpus normatif existant peut être suffisant pour certaines applications alors que pour d'autres, il conviendra au contraire de mettre en place des outils de régulation innovants.C'est donc en combinant ces divers "outils"  que le développement responsable des nanotechnologies pourra être réalisé et le meilleur parti pourra en être tiré par exemple,  en ce qui concerne la santé, la réduction de consommation d'énergie, la dépollution et la purification de l'eau, ... sans mettre en péril la sécurité sanitaire et environnementale et en préservant les libertés individuelles et collectives.

Question de GRIMAUD Sandra-  93800 Epinay S/Seine - le 10/02/2010
bonjour,

je viens de récupérer votre importante matière et suis particulièrement intéressée par la question des puces RFID.
Au jour d'aujourd'hui, quels sont les principaux enjeux, est-on en train de réfléchir à la mise en place d'un cadre de loi pour cadrer l'utilisation de ces puces ?
Fait-on une distinction entre les puces insérées dans les objets et les puces insérées sous la peau, va-t-on dans une démarche de généralisation d'un usage ou là encore, souhaite-t-on borner, cadrer l'utilisation ?

D'avance merci pour votre éclairage, et votre renvoi éventuelle aux documents mis à disposition,

Bien cordialement,
Sandra GRIMAUD, auditrice Cnam en CST

Réponse le  12/02/2010

Les puces RFID sont des dispositifs pouvant permettre le marquage et la traçabilité des objets, la prévention des contrefaçons, la maintenance des équipements de toutes sortes, l'identification des animaux, la reconnaissance des personnes à des fins de sécurité, la prévention d'intrusions malveillantes, le suivi médical des patients et bien d'autres applications. Elles ne sont pas des produits des nanotechnologies au sens strict puisqu'il s'agit en général d'antennes de taille centimétrique. On retrouve ce type d'antenne dans de nombreux produits et systèmes comme les portiers d'immeubles, les dispositifs anti-vols dans les magasins, etc... Ces utilisations maîtrisées, existantes ou en développement, contribuent à répondre à des besoins, susceptibles de contribuer à l'amélioration des conditions de vie et de sécurité. Elles entrent déjà dans les téléphones portables, les cartes Navigo et les cartes de crédits qui contiennent des puces.


A côté des applications potentiellement utiles brièvement rappelées ci-dessus, il peut exister des utilisations malveillantes à des fins de surveillance des individus à leur insu, par exemple. Il importe donc de se prémunir contre ces détournements d'usage. En France, la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés encadre de manière générale ce type de méfait. D'autres moyens peuvent à l'avenir contribuer à intervenir, par exemple à travers la mobilisation des comités d'éthique existants ou la création de comités spécifiques.


 

Question de BLANCHARD Tony DROUE SUR DROUETTE - le 10/02/2010
Est-il possible de subordonner tout dépôt de brevet sur une nouvelle technologie, ici les nanotechnologies, au respect de quatre contraintes ?

1- Innocuité pour les consommateurs et l'environnement
2- Affichage claire pour le consommateur, pour les entreprises de recyclage, les pouvoirs publics ...
3- Connaissance et élaboration d'un protocole de désactivation ou neutralisation des déchets.
4-Existence au niveau international et dès lancement du produit d'au moins une filière de traitement ou recyclage mettant en œuvre les connaissances du protocole précité.

Une fois ceci fait, beaucoup plus de monde sera ouvert au progrès.

Merci pour ce débat public en espérant qu'une réflexion en amont évite les problèmes comme l'amiante, les PFCs (notamment PFOS, perturbateurs endocriniens), ...

Réponse le  12/02/2010

Les points que vous abordez sont les piliers du "développement responsable" et les pouvoirs publics sont très actifs pour la mise en oeuvre de ces préconisations.


Cependant, concernant le brevet, il n'est pas certain qu'il soit le bon véhicule des mesures préventives que vous suggérez.


En effet, le brevet n'implique pas nécessairement un déploiement industriel; c'est un moyen de faire reconnaître son antériorité sur une idée nouvelle ou une invention originale afin d'éviter que des contrafacteurs copient sans droits ces idées ou inventions. De nombreux brevets ne sont jamais suivis d'exploitation commerciale. Il est donc préférable de reporter la mise en oeuvre de vos recommandations aux phases de développement et d'exploitation industrielle et de complèter le dispositif par un encadrement législatif et réglementaire s'appliquant aux produits mis effectivement sur le marché.

Question de vigneras bernard-  14150 ouistreham - le 09/02/2010
qui doit supporter les nouveaux risques?

Réponse le  12/02/2010

Pour les nanotechnologies comme pour tout autre domaine d'activité, ce sont les personnes qui produisent, importent ou mettent sur le marché des produits qui sont responsables des risques potentiels associés à l'utilisation normale desdits produits.


Au niveau européen, les règlements REACH concernant les substances chimiques et CLP relatif à la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et préparations dangereuses font par ailleurs porter sur les industriels des exigences supplémentaires relatives à la fourniture de données en matière de sûreté sanitaire et environnementale sur toutes les substances chimiques produites ou mises sur le marché, lorsque la quantité fabriquée ou importée dépasse une tonne/an. Ces règlements portent ainsi des avancées, tant en matière d'amélioration que de diffusion des connaissances. Ils demandent néanmoins à être précisés pour mieux prendre en compte les spécificités des substances de taille nanométrique. La France plaide pour les faire évoluer, notamment dans le cadre de la prochaine révision de REACH prévue courant 2012.


En milieu professionnel, les substances de taille nanométrique relèvent de l'ensemble de la réglementation du code du travail relative à la prévention du risque chimique, notamment les dispositions relatives à la prévention des risques liés aux agents chimiques dangereux (ACD) et, le cas échéant, celles applicables aux agents chimiques dangereux cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1 ou 2. A cet égard, l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés comme pour l'ensemble des risques professionnels.


Néanmoins,  nonobstant les lois, règlements, engagements volontaires, codes de bonne conduite et les précautions et mesures de prévention qui en découlent, la population et l'environnement peuvent être exposés à ces nouveaux risques.Dans ce cas, seuls les tribunaux, s'ils sont saisis, peuvent déterminer le montant des préjudices et les indemnisations y afférentes. Rappelons que l'une des premières compagnies de réassurance au monde, Swiss Re, considère que lesdists risques ne pouvant être estimés, il n'est pas possible de les assurer, comme dans le casdes OGM. De ce fait, seul un fonds spécial, abondé par ceux qui mettent sur le marché des produits issus de ces technologies, pourrait couvrir lesdites indemnisations. Toutefois, si le montant de l'indemnité ne pouvait être couvert par le fonds, il reviendrait alors à l'Etat, donc à la collectivité, d'y suppléer.