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Les Questions/Réponses reçus par la CPDP seront consultables sur le site de la Commission et figureront dans les archives du débat

Questions traitées pour le mois : Octobre

Question de POURCHERON Mathilde - le 26/10/2009
Quels seront les responsables en cas de maladies dues aux nanotechnologies dans 10,20 ou 30 ans ? Comment définir les responsabilités à distance face à la complexité des inter-actions ?

Réponse le  29/10/2009

De manière générale, les personnes qui fabriquent et mettent sur le marché des produits, quels qu'ils soient, en portent la responsabilité et doivent s'être assurés de leur innocuité.


La question de la responsabilité en cas de maladies dont il s'avérerait qu'elles seraient liées aux nanotechnologies, au stade de leur fabrication ou du fait de l'utilisation des produits qui en seraient issus, se pose à la fois au regard de la santé publique, pour les travailleurs, et vraisemblablement de manière plus complexe encore vis à vis de l'environnement.


S'agissant de la santé publique, la survenue de maladies susceptibles d'être imputées aux nanotechnologies conduirait à porter ces questions devant les tribunaux afin de rechercher les responsabilités, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'amiante. Dans de tels cas, les tribunaux s'appuient sur des experts chargés de donner un avis sur l'imputabilité des pathologies. Pour la déterminer, ils prennent en compte les données scientifiques disponibles et les circonstances ayant conduit à l'exposition du plaignant aux substances pouvant être à l'origine des pathologies.


Concernant les risques professionnels, la réglementation scinde les responsabilités en deux sortes.


D'une part, les règles qui conditionnent la mise sur le marché et l'utilisation des substances et préparations relèvent de la responsabilité des autorités publiques. Désormais, dans ce domaine, la réglementation concernant la mise sur le marché des produits chimiques est fondée sur deux règlements européens majeurs : les règlements REACh et CLP. En l'état actuel, si les substances chimiques de taille nanométrique n'en sont pas explicitement exclues, il est indéniable qu'ils présentent des limites en termes d'application concrète, notamment pour trois raisons majeures :



  • les nanoparticules manufacturées sont souvent produites en faible quantité, inférieure à 1 tonne/an, alors que la procédure d'enregistrement prévue par REACH ne s'impose qu'au-delà de ce niveau;  toutefois, si les nanomatériaux manufacturés présentent des propriétés de danger particulièrement préoccupantes (CMR, PBT, vPvB, sensibilisants respiratoires...), ils seront soumis aux procédures d'autorisation ou de restriction ;

  • REACH ne différencie pas les substances à l'état nanoparticulaire de leurs homologues de plus grande taille, alors que leurs propriétés physico-chimiques et toxicologiques peuvent être différentes; toutefois, les différentes formes sous lesquelles une substance est mise sur le marché doivent être décrites et évaluées ;

  • le règlement CLP (Classification, Labelling and Packaging), relatif à la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et préparations dangereuses," n'impose pas aux fabricants ou importateurs de substances de procéder à des tests pour le classement des dangers pour la santé et pour l'environnement s'il n'existe pas d'informations pertinentes disponibles. Or, pour ce qui concerne les nanoparticules, l'état des connaissances présente encore des lacunes importantes.


Ces deux règlements portent des avancées. la France plaide pour les faire évoluer afin de prendre en compte les spécificités des substances à l'état nanoparticulaire, notamment dans le cadre de la prochaine révision de REACh prévue courant 2012.


D'autre part, la réglementation relative à la prévention et la réduction des risques en entreprise relève, de la responsabilité de l'employeur sur la base de l'évaluation des risques. A cet égard, la réglementation française découle de directives européennes, dites de prescription minimum, qui autorisent les Etats membres à mettre en place des règles de protection plus robustes dans le cadre des législations nationales.


Concernant plus spécifiquement les substances de taille nanométrique, et comme l'a rappelé le directeur général du travail par une instruction de février 2008 à ses services, dans l'attente de résultats plus approfondis sur les dangers des nanoparticules dans un cadre professionnel, les substances de taille nanométrique sont soumises à la réglementation du code du travail relative à la prévention du risque chimique, au même titre que les autres agents chimiques susceptibles de présenter un danger pour la santé ou la sécurité des travailleurs. Cette réglementation prévoit, par ordre de priorité et sur la base d'une évaluation des risques, une obligation pour l'employeur de suppression du risque, de substitution de la substance concernée par un agent chimique ou procédé non ou moins dangereux et, en cas d'impossibilité technique de réduction du risque au niveau le plus bas possible, par des mesures techniques et organisationnelles. A ces mesures s'ajoutent des obligations de formation des salariés à la sécurité, de suivi et traçabilité des expositions et de surveillance médicale renforcée. De même, si une substance entrant dans le champ d'application des dispositions particulières aux agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1 ou 2 était produite ou utilisée sous la forme de particules de taille nanométrique, les règles spécifiques aux agents CMR s'appliqueraient.


Dès lors, sans attendre une meilleure connaissance des dangers intrinsèques des nanoparticules, la plus grande vigilance peut et doit être observée dans les entreprises par l'adoption d'une démarche de prévention consistant à mettre en place les mesures de gestion des risques les plus strictes. En effet, comme pour l'ensemble des risques professionnels, l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat face aux nanotechnologies.


Dans ce contexte, si des maladies pouvant être dues à des nanomatériaux apparaissent, il reviendra aux tribunaux de rechercher les responsabilités comme c'est le cas aujourd'hui pour l'amiante. Les tribunaux s'appuieront pour cela sur des experts qui seront chargés de donner un avis sur l'imputabilité de la pathologie. Pour élaborer leur avis, les experts auprès des tribunaux prendront en compte les données scientifiques disponibles et les circonstances ayant conduit à l'exposition du plaignant aux substances pouvant être à l'origine de la pathologie.


 

Question de Langard Emily-  68200 Mulhouse - le 25/10/2009
Bonjour,
Voici ma question:
Comment assurer une nouvelle technologie comme les nanotechnologies si celle-ci à des impacts sur l'environnement, sur l'homme? Qui est ce qui va payer?

Réponse le  29/10/2009

Les assureurs estiment aujourd'hui qu'ils n'ont pas assez d'éléments pour couvrir l'ensemble des secteurs industriels. Ils rencontrent effectivement des difficultés dans l'évaluation du risque en raison du manque de données relatives aux effets potentiels des nanomatériaux sur la santé et l'environnement. Ainsi, aux Etats-Unis, un assureur a choisi d'exclure des contrats d'assurance la couverture des risques associés aux produits incluant des nanotubes.


En conséquence, la non-assurabilité potentielle des nanotechnologies peut représenter un frein à leur développement.

Le secteur des assurances est conscient des difficultés que cela peut poser aux entreprises et est prêt à couvrir les risques sous réserve d'un développement des connaissances, car la maîtrise des risques constitue la voie à privilégier pour répondre aux enjeux des nanotechnologies.

En tout état de cause, les assureurs souhaitent privilégier l'approche sectorielle et l'apprentissage du risque au cas par cas, car une solution globale semble peu envisageable.


Un progrès dans la prise en charge est possible, par exemple en proposant aux compagnies d'assurance de demander à leurs clients de procéder au recueil systématique des données significatives sur les nanomatériaux, ce qui permettrait de mieux connaître leurs propriétés, leurs risques intrinsèques, et les expositions possibles. Il peut aussi être suggéré de travailler sur la période de couverture. L'amélioration des connaissances peut permettre en ce sens des améliorations progressives de la prise en charge du risque.


Question de LAMBEAUX Olivier-  31170 Tournefeuille - le 23/10/2009
Est-il sain de laisser une telle technologie dans les mains d'entreprises qui en joueront comme les traders et la crise financière ?

Réponse le  01/12/2009

Il importe de concilier, d’une part, les impératifs de développement économique et de compétitivité, d’autre part les aspirations légitimes des citoyens, travailleurs et consommateurs, et de voir la protection de leur santé et de leur sécurité garantie.


Cela signifie que le développement des nanotechnologies ne peut s’envisager sans une responsabilisation de l’ensemble des acteurs : entreprises, consommateurs, chercheurs, pouvoirs publics, et que des mécanismes de régulation, y compris à l’échelle internationale, doivent être mis en place.


L’évaluation bénéfices/risques, qui consiste à identifier et quantifier a priori les bénéfices et les risques liés à une innovation puis, en fonction du rapport bénéfices/risques, de préconiser des utilisations adaptées (qui vont de l’utilisation sans restriction à l’interdiction), vise à garantir un bon niveau de protection des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement, sans pour autant bloquer l’innovation.


Des débats sont en cours afin d’identifier quels seraient les modes de régulation les plus adaptés au domaine des nanotechnologies.

Question de HERRERA Paul-  31000 Toulouse - le 23/10/2009
Quelles est la responsabilité des fabricants au travers d'une législation qui n'est pas entièrement établie ?

Réponse le  03/11/2009

Certains secteurs sont d'ores et déjà couverts par une réglementation spécifique, tenant compte de la nature du produit et de son usage. Cette réglementation est basée sur un dispositif de mise sur le marché après évaluation scientifique.


Il en est ainsi :



  • du secteur médical, où le cadre réglementaire mis en place permet un contrôle à toutes les étapes;

  • du secteur agroalimentaire, où l'usage de toute nouvelle substance est réglementé et contrôlé;

  • du secteur de produits cosmétiques, où la sécurité des produits a été renforcée par l'adoption en mars 2009 par le Parlement européen d'un nouveau règlement. Tout fabricant souhaitant incorporer des nanomatériaux dans l'un de ses produits devra, six mois avant la mise sur le marché, en informer la Commission européenne. Le règlement prévoit également un étiquetage des ingrédients nanométriques. Ainsi, le fabricant devra indiquer la présence d'éventuels nanomatériaux dans la liste des ingrédients qui figure déjà obligatoirement sur tous les produits.


En dehors de ces cas particuliers, la mise sur le marché et l'utilisation des substances et préparations chimiques sont soumises à des règles qui relèvent de la responsabilité des autorités publiques et contribuent à la sécurité sanitaire, notamment des travailleurs, en fournissant une meilleure connaissance et une meilleure circulation de l'information sur les dangers et des risques liés aux produits chimiques. Dans ce domaine, la réglementation concernant la mise sur le marché des produits chimiques est fondée sur deux règlements européens majeurs : les règlements REACH (qui concerne l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques) et CLP (relatif à la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et préparations dangereuses). Les substances chimiques de taille nanométrique n'en sont pas explicitement exclues. Cependant, il est indéniable que ces règlements présentent des limites en termes d'application concrète, notamment pour trois raisons majeures :



  • les nanoparticules manufacturées sont souvent produites en faible quantité, inférieure à 1 tonne/an, alors que la procédure d'enregistrement prévue par REACH ne s'impose qu'au-delà de ce niveau;

  • REACH ne différencie pas les substances à l'état nanoparticulaire de leurs homologues de plus grande taille, malgré des propriétés physico-chimiques et toxicologiques qui peuvent être différentes, mais il fait obligation de déclarer toutes les formes mises sur le marché;

  • le règlement CLP n'impose pas aux fabricants ou importateurs de substances de procéder à des tests pour le classement des dangers pour la santé et pour l'environnement s'il n'existe pas d'informations pertinentes disponibles. Or, pour ce qui concerne les nanoparticules, l'état des connaissances présente encore des lacunes importantes.


Si ces deux règlements portent des avancées, elles demandent néanmoins à être renforcées. En conséquence, la France plaide pour les faire évoluer afin de prendre en compte les spécificités des substances à l'état nanoparticulaire, notamment dans le cadre de la prochaine révision de REACH prévue courant 2012.


En l'absence de texte communautaire ou national spécifique, c'est l'obligation générale de sécurité qui s'applique : les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.


Cette disposition s'applique à tous les produits industriels. Elle impose aux auteurs de la première mise sur le marché, fabricants ou importateurs, une obligation de résultat, tout en leur laissant le choix des moyens. Le but est de les responsabiliser. Les professionnels doivent apprécier les risques de leurs produits pour les utilisateurs et définir des mesures préventives. Ces mesures concernent la conception des produits et l'information du consommateur, notamment sur les précautions d'emploi.


Les contrôles du respect de cette obligation sont effectués par les autorités chargées de la surveillance du marché (douanes, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, services de contrôle de l'inspection du travail, etc..).


En cas d'infraction constatée, les fabricants ou importateurs s'exposent à des poursuites pénales et à des sanctions financières.


En cas de danger grave ou immédiat, la suspension de la commercialisation, le retrait, le rappel, voire la destruction des produits peuvent être ordonnés.


 


 


 

Question de HEITZ Joseph - le 19/10/2009
Sait-on où en sont les grands groupes capitalistiques (tel Pfizer) ? Comment peut-on contrôler leurs recherches et leurs produits ?

Réponse le  26/10/2009


Les entreprises qui effectuent des recherches sur de nouveaux médicaments ne sont pas tenues de les rendre publiques. Toutefois, elles publient régulièrement les résultats de leurs travaux, soit sous forme de brevets, soit sous forme de publications scientifiques.  


Cependant, les entreprises ne peuvent librement mettre sur le marché de nouveaux médicaments qui n’ont pas fait l’objet d’une autorisation spécifique des pouvoirs publics. En France, un établissement public de l’État (loi 1er juillet 1998), l’agence de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), assure la veille sanitaire et la surveillance des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux) destinés à l’homme. Pour chaque nouveau médicament, l'AFSSAPS décerne une autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette autorisation de mise sur le marché est délivrée après analyse d'un ensemble complet d'études permettant de renseigner trois paramètres fondamentaux : la qualité, la sécurité et l'efficacité . Les études précliniques et cliniques réalisées  permettent d’appréhender son profil de sécurité et d'évaluer sa balance bénéfice/risque.  Les nouveaux médicaments qui utilisent des nanotechnologies sont évalués de façon tout aussi rigoureuse. A ce sujet, des recommandations de l'AFSSAPS sur les études toxicologiques à mener ont été publiées sur son site internet en juillet 2008.


Après leur commercialisation, les entreprises ont l’obligation de suivre la sécurité de leur produit (plan de gestion de risque incluant le suivi de la pharmacovigilance). Au cours de la commercialisation, l’AFSSAPS peut retirer du marché tout produit en cas de balance bénéfice/risque négative.