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Les Questions/Réponses reçus par la CPDP seront consultables sur le site de la Commission et figureront dans les archives du débat

Questions traitées pour le mois : Janvier

Question de Dumont Francois-  51100 Reims - le 30/01/2010
Où en est la fabrication des nano-créateurs (souhaitée par Drexler et d'autres chercheurs), des engins capables de recréer de l'eau à partir de molécules de synthèse ? Nous attendons des scientifiques autre chose que des considérations éthiques mais des solutions. Qu'ils règlent déjà le problème de l'eau. Dans l'espoir que ma question atterrisse sous les yeux d'un scientifique préoccupé plutôt par les problèmes mortels de l'humanité que par ses propres problèmes de conscience,

François Dumont

Réponse le  13/02/2010

Les nano-créateurs que vous citez, qui seraient capables de positionner un atome donné ou une molécule avec une grande précision et de construire ainsi atome par atome des molécules plus complexes, n'existent pas.

En revanche, des procédés de désalinisation de l'eau de mer exploitant les phénomène d'osmose inverse, qui font intervenir des membranes nanoporeuses fabriquées grâce aux nanotechnologies, ont déjà été mis au point.

Dans les régions ensoleillées, d'autres techniques sont utilisées, par exemple l'évaporation de l'eau de mer par la chaleur solaire et la condensation de la vapeur, ou encore la récolte de la brume marine sur des toiles tendues comme en Namibie ou au Chili.

Question de ROUX Marc - le 28/01/2010
- Pourquoi est-ce que, dans sa partie 4, le « Dossier du Maître d'ouvrage » présente-t-il comme donné que la convergence des technologies (BANG ou NBIC) vers une augmentation des performances humaines et une disparition possible de la frontière entre humain et non humain débouche sur des « excès redoutés » ?
Cela ne constitue-t-il pas une prise de position, et donc une dérogation au principe de neutralité qu’affirme s’imposer par ailleurs le maître d’ouvrage ?

- N’y a-t-il pas moyen d’envisager autrement cette convergence et cette perspective éventuellement « transhumaniste » ? Quels pourraient être les aspects positifs d’une telle évolution ?

- Une évolution de type « transhumaniste » ne pourrait-elle pas au contraire mieux porter, sur le long terme, les espoirs de pérennité de l’espèce humaine ?

Réponse le  20/02/2010

La principale crainte des adversaires du transhumanisme est la disparition de l'humain dans ce processus. C'est en ce sens que le dossier, qui vise à faire un état des lieux aussi complet et impartial que possible sur l'ensemble des problématiques soulevées, mentionne des « excès redoutés ». Les aspects positifs que mettent en avant les partisans du transhumanisme sont la vie éternelle, une intelligence et une mémoire augmentées, des performances physiques accrues, la fin des maladies dégénératives, etc...au prix d'une transformation de l'humain actuel en un être futur mi-humain mi-machine. De nombreux écrivains de science-fiction se sont emparés de ce thème et n'ont pas hésité à en présenter toutes les variations possibles. Très souvent d'ailleurs dans ces romans la transformation de l'être humain lui permet de survivre à une catastrophe. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de science-fiction, et non de science. En l'état actuel des connaissances, et des résultats de la recherche en nanosciences et en nanotechnologies, le transhumanisme n'est qu'une pure fiction.

Question de ROUX Marc-   - le 28/01/2010
- Le maître d’ouvrage cite Jean-Pierre Dupuy : « […] ce n’est plus la nature que [les humains] connaîtront, mais ce qu’ils auront fait. »
Cela ne dépend-il pas de l’idée que l’on se fait de « la nature » ? Si l’humain fait bien partie intégrante de la nature, la culture et la technique, œuvres de l’humain, n’en font-ils pas partie aussi ?

- De manière très intéressante, Le maître d’ouvrage dit : « en créant une vie artificielle plus robuste […] il pourrait transférer ce qu’il est. »
Ce qui sous entend que « ce qu’il est » pourrait ne pas dépendre forcément de son support physique actuel (corps biologique).
Dans une telle hypothèse, quelle pertinence aurait en effet le maintien d’une barrière stricte entre « le vivant et le non-vivant, le naturel et l’artificiel » ? La distinction discriminante (en terme de droits notamment), ne pourrait-elle pas être déplacée entre conscient (de soi) et non conscient (ou non reconnu comme conscient, voire comme potentiellement conscient …) ?

Réponse le  13/02/2010

De fait, l'idée selon laquelle la nature n'est pas indépendante de notre action technique sur elle n'est pas forcément partagée. Certains imaginent qu'elle possède une autonomie, qu'elle nous fait face et que nous avons à la protéger, comme on protège un nourrisson sans défenses (Hans Jonas). L'écologie dite profonde défend même que la nature ne serait  sauvegardée que si l'humanité venait à disparaître. Le refus parfois fanatique de la technique s'accroche à cette acception métaphysique de la nature. Votre question indique que vous avez une représentation systémique des relations entre les humains et les non-humains (comme dit Bruno Latour qui récuse l'opposition entre nature et artifice). Quant à l'observation faite sur l'éventuel téléchargement de l'homme sur un support artificiel, il suppose un dualisme : celui qui dissocie l'esprit et le corps. Les sciences cognitives tendent à renoncer à ce dualisme et à envisager "l'incorporation de l'esprit" (Varela). Plus précisèment, elles contribuent à dé-substantialiser les réalités qu'on prétendait séparer, à commencer par celle de la matière et de l'esprit, de la nature et de la culture... Le statut de la conscience s'en trouve modifié, puisqu'on ne tranchera plus entre le conscient et le non-conscient et qu'on verra entre les deux une question de degré et non pas une opposition de nature.

Question de MARCHAND Benjamin PARIS - le 18/01/2010
La nanotechnologie, au même titre que la bionique, pourra être utilisée à des fins d'améliorations physiques d'ordre surnaturel. Il n'est donc pas impossible d'ici 10 ou 20 ans, lorsque ces sciences seront vulgarisées, que nous croisions des "surhommes" autant que nous croisons aujourd'hui des "surpoitrines".

Ces personnes auront un avantage incontestable sur un élément de leur choix (endurance hors du commun, vision 10 fois plus puissante que la normale, accès à des données informatiques via la rétine).
Ceci leur confèrera une supériorité quasi imbattable face aux "non modifiés", lors d'activités impliquant une compétition (entretiens d'embauche, course olympique, jeu télévisé, jeux d'argent, etc).

Ceci ne constituerait-il pas une injustice primordiale ?

Ne va-t-on pas assister à une course à la modification corporelle, d'autant plus marquée dans le monde professionnel où la productivité passe avant tout ?

Merci pour votre attention

Réponse le  31/01/2010

 


Effectuer des recherches pour l'amélioration de l'être humain revient à se poser une question d'éthique fondamentale. Actuellement, une grande majorité de la recherche française et européenne ne souhaite pas s'engager dans cette voie.


Le problème posé n'est pas spécifique aux nanotechnologies et relève plus de choix et de décisions éthiques que de choix scientifiques et techniques. Souvent, une technologie permettant de soigner des maladies peut aussi être utilisée à des fins non essentielles. Par exemple, les techniques de greffage et d'ingénierie tissulaire utilisées pour soigner les grands brûlés sont également employées dans la chirurgie esthétique.


On ne peut pas refuser une technologie utile sous prétexte qu'elle pourrait aussi être utilisée à des fins qui ne sont pas humanistes et l'éthique qui guide son usage importe davantage que la technologie elle-même. C'est pour cette raison que les comités d'éthique auront un rôle de plus en plus important à jouer au sein des structures de recherche et de gouvernance .


Par ailleurs, les phases d' essais sur les êtres humains doivent d'abord recevoir une approbation d'un comité d'experts de l'institution promotrice de la recherche, avant que le projet reçoive un avis favorable d'un comité de protection des personnes (CPP) et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.


Si le bien de l'individu est toujours principalement recherché, il est souvent difficile de faire la distinction entre restauration ou maintien de capacités "normales" et amélioration des potentialités.


Ces questions posent des enjeux éthiques nouveaux, et ont été soulevées dans le rapport produit  en 2009 par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en vue de la révision de la loi de bioéhique de 2004.

Question de BOIRON Erick LYON - le 18/01/2010
Peut-on, en utilisant les divers microscopes à effet tunnel, réorganiser à distance la matière vivante, les tissus, les cellules, de manière à créer de nouvelles fonctions organiques ?

Réponse le  31/01/2010

 


Les microscopies dites « à champ proche » comme la microscopie à effet tunnel ou la microscopie à force atomique n'agissent pas à distance. Elles sont basées sur la mesure des courants électriques ou des forces d'interaction qui s'établissent entre la pointe très fine du microscope qui se déplace au voisinage de la surface de l'échantillon. Cette pointe peut également être utilisée pour manipuler et déplacer les atomes individuellement afin de réaliser, en laboratoire, de nouvelles structures ayant de nouvelles fonctions. Ces procédés restent beaucoup trop lents pour permettre une production industrielle et l'attention se dirige plutôt vers des techniques qui font intervenir une construction ascendante ("bottom-up"), du type auto-organisation.


Dans le cas de la matière vivante, on peut utiliser le microscope à force atomique pour étirer des brins d'ADN. Mais il existe bien d'autres outils issus de nanotechnologies qui sont utilisés dans le domaine du vivant : des marqueurs moléculaires pour traquer des réactions biochimiques dans les cellules, des nanoparticules agents de contraste pour améliorer les techniques d'imagerie médicale, des liposomes ou dendrimères comme vecteurs de médicament, revêtements de nanoparticules pour les prothèses médicales, structures nanoporeuses pour ingénierie tissulaire.


Ces techniques ne permettent pas de manipuler à distance les cellules ni les tissus vivants.


 

Question de DUMAZEL Dominique CHAUDES-AIGUES - le 18/01/2010
A propos de la convergence NBIC, Nano-biotechnologies-informatique-sciences cognitives, à la fin du rapport Schlyter au parlement européen : "Les technologies de l'information, la biotechnologie et la micromécanique peuvent, à court
terme, se fondre les unes dans les autres et s'interfacer à l'échelle nanométrique, permettant
même d'apporter à ce niveau une valeur ajoutée aux êtres vivants, espèce humaine comprise.
Le dilemme éthique prend alors une toute autre dimension. Comment caractériser l'être
humain et définir ce qu'il est autorisé à son égard?"

d'où ma question : une fois que les nano-objets seront utilisés couramment, comment et QUI déterminera les limites d'utilisation de ces choses invisibles. Sera-il possible de savoir si et quel produit sera introduit à notre insu dans notre corps, nos cerveaux ? Il ne sera plus possible d'avoir un espace privé, plus possible de savoir qui saura quoi de chacun, à quelles fins, la dictature sera imposée de fait. Sans retour en arrière possible.

Cela mérite une large réflexion, qui n'est pas posée dans ce débat.

Réponse le  31/01/2010

S'agissant de produits comme les médicaments, il est nécessaire d'obtenir une autorisation de mise sur le marché délivrée par l' agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou son homologue européenne avant toute mise sur le marché. Ce type de recherche fait objet d'une déclaration auprès des autorités compétentes (agence de financement de la recherche, présidence de l'université, direction de grands organismes de recherche). Les essais sur les êtres humains doivent d'abord recevoir une approbation d'un comité d'experts de l'institution promotrice de la recherche, avant que le projet reçoive un avis favorable d'un comité de protection des personnes (CPP) et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.


Si, à travers les applications technologiques, le bien de l'individu est toujours principalement recherché, la question se pose effectivement ici de la distinction, difficile, entre restauration ou maintien de capacités humaines "normales" et amélioration des potentialités.


Une telle utilisation des nanotechnologies pose des enjeux éthiques nouveaux, qui ont été soulevés dans un rapport produit  en 2009 par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en vue de la révision de la loi de bioéhique de 2004.

Question de benoit jean-christophe-  35700 rennes - le 14/01/2010
Emploi des nano à des fins malveillantes et nuisibles :

Les promoteurs des nano-technologies ont-ils une idée des possibilités d'utilisation malveillantes, nuisibles et détournées des nano mais ne le disent pas afin de ne pas faire peur ?
Ex : qu'aurait pu faire le 3ème Reich de l'utilisation des nano technologies ?

La tentation de ce type d'utilisation n'est-elle pas trop importante pour que cela ne soit pas fait un jour ou l'autre : appat du gain ,etc ?
Pourquoi ne faire une réunion sur ce thème ?

Réponse le  24/01/2010

les nanotechnologies sont susceptibles, comme toutes les technologies inventées par l'humanité, d'être utilisées à des fins malveillantes. Il est difficile de tout prévoir dans ce domaine, car l'imagination est souvent sans limites dans ce type d'application. L'électronique est déjà utilisée de manière massive dans nombre de systèmes d'armes, aussi bien d'ailleurs dans les armes offensives que défensives. C'est sans doute  le volet des nanotechnologies ayant le plus d'applications dans le domaine militaire. Mais peut-on qualifier ces applications de malveillantes quand elles concourent à la défense d'un pays? 


L'exemple que vous donnez du 3ième Reich montre bien que ce n'est pas la technologie qui est déterminante dans les drames collectifs de nos sociétés : les deux conflits mondiaux ont fait environ 50 millions de victimes, sans qu'il soit nécessaire d'utiliser pour cela des nanotechnologies, dont le potentiel létal est extrèmement faible par rapport aux résultats des pratiques antérieures. Le conflit le plus meurtrier depuis la deuxième guerre mondiale a eu lieu en Afrique centrale, avec environ 5 millions de morts. Ils n'ont pas été causés par les nanotechnologies. 


Il convient donc d'être vigilants, mais aussi de ne pas apporter de confusion entre des problèmes différents.

Question de BELLION amélie RENNES - le 07/01/2010
pourquoi avons-nous aussi peur des nanotechnologies, quelles sont les craintes fondées qui nous permettent de remettre en question cette technologie?

Réponse le  23/01/2010

Il est probablement profondément ancré dans la nature humaine d'avoir une appréhension négative des nouvelles technologies, qu'on ne maîtrise pas totalement, notamment lorsqu'elles font intervenir des objets que l'on ne peut pas voir à l'œil nu ou que l'on ne peut pas sentir directement. Les OGM, l'expérience malheureuse de l'amiante, pourraient également jouer un rôle dans cette perception. Mais surtout, un certain nombre de livres ont vulgarisé une vision futuriste de l'emploi des nanotechnologies qui a profondément frappé l'imaginaire de leurs lecteurs.


Si les nanotechnologies suscitent des attentes et laissent entrevoir des bénéfices, elles soulèvent aussi des inquiétudes quant à des dérives ou des abus dans leur utilisation. Cette dualité, qui existe dans toute innovation, semble amplifiée pour les nanotechnologies du fait de leurs caractéristiques particulières et du grand nombre d'applications potentielles. Certaines des dérives relèvent d'un futur lointain, voire de l'imaginaire. D'autres, par exemple dans les domaines des nouvelles technologies de l'information et de la communication, pourraient déboucher sur des atteintes aux libertés individuelles. Ces dérives doivent être identifiées, prises en compte et traitées.


Par ailleurs, dans le domaine de la toxicité des nanomatériaux, il existe encore des incertitudes. C'est pourquoi différents projets de recherche étudiant les conséquences des nanoparticules sur la santé et sur l'environnement afin de comprendre leur impact potentiel, de prendre des mesures adaptées et d'asurer leur contrôle sont aujourd'hui développés.

Question de COSSE Manuel RENNES - le 07/01/2010
Bonsoir, je suis étudiant, j'étais présent tout à l'heure et je suis navré de la tournure qu'a pris le débat, mais satisfait qu'il continue. Je voulais savoir, en ce qui concerne l'enseignement puisque un enseignant-chercheur est présent, si dans l'enseignement des nanosciences,il y a une branche/une partie de l'enseignement axée sur la prévention des risques, et la prise de conscience des conséquences d'un manque de maitrise des nanoparticules ?

Réponse le  23/01/2010

Des conférences et des séminaires sont organisés, qui intégrent le développement responsable des nanotechnologies (toxicité, écotoxicité, éthique, aspects sociétaux,...). Ces formations sont destinées tant aux étudiants qu'aux salariés travaillant dans ce domaine. Elles ont une grande importance car elles sensibilisent à la maîtrise des risques liés aux activités ultérieures de ces personnes en recherche ou en production industrielle.


Les pratiques dans les laboratoires peuvent cependant toujours faire l'objet d'améliorations.Dans ce domaine en particulier, il convient de tenir compte du fait que les moyens de mesure et les études de toxicologie et d'éco-toxicologie sont encore insuffisants et de veiller à ce que des précautions soient prises pour la protection des personnes qui manipulent des nanomatériaux.