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Les Questions/Réponses reçus par la CPDP seront consultables sur le site de la Commission et figureront dans les archives du débat

Questions traitées pour le mois : Janvier

Question de ROUX Marc-   - le 20/01/2010
Je suppose que l’armée française, au contraire, semble-t-il, de l’armée américaine du temps de M. G.W.Bush, n’envisage pas (encore :-) « l’augmentation humaine » (au sens du Transhumanisme), par les nanotechnologies ou d’autres techniques, comme moyen de renforcer les performances de ses soldats.
Car je suppose que l’armée française considèrera comme prioritaire la préservation de la dignité humaine dans l’intégrité de la personne de ses soldats.
Pourtant, dans la mesure où certains soldats seraient volontaires pour « l’augmentation », il se pourrait que l’on finisse par se rendre compte que, in fine, la dignité humaine ne réside pas dans une intégrité absolue, définitive et sanctifiée de la personne – au moins physique, mais dans la seule « libre Conscience ».

Qui d’entre les invités du plateau osera jouer le jeu et avancer des arguments favorables à l’emploi de nanotechnologies destinées à « l’augmentation » du soldat ? A quelles conditions pourraient-elles devenir moralement acceptables ?

(NB : pour le coup, je me permets de préciser que, personnellement, je ne suis pas a priori favorable à l’utilisation militaire des Technologies de l’augmentation humaine. Mais comment penser à celles-ci sans envisager aussi ce versant ?)

Réponse le  25/01/2010

L'amélioration, voire l'augmentation des capacités du combattant, intéresse tous les pays. Mais cela n'est pas lié aux nanotechnologies : on recherche par exemple à mieux entraîner les hommes, de manière à améliorer leurs performances physiques, leur résistance à la fatigue, à augmenter la résitance au sommeil... Dans tous les pays occidentaux, les stratégies de préparation au combat et d'entraînement se font toujours dans le respect de la santé des hommes. On doit aussi comprendre que dans un contexte de combat, l'excellence des performances humaines est un gage de sécurité et de sauvegarde des hommes, en particulier lors de l'engagement dans des zones de haute dangerosité.  Ceci ne nécessite pas a priori de nanotechnologies, mais comme partout, les nanotechnologies pourront aider.


Les échanges scientifiques régulièrement entretenus entre les pays qui pourraient disposer de telles technologies font qu'il existe une autosurveillance, une connaissance mutuelle des avancées des autres pays dans ce domaine . Il est aussi important de savoir qu'il y a, face à l'émergence de telles technologies, de vraies réflexions éthiques sur l'amélioration des performances des combattants. La raison l'emporte très largement et il existe un vrai consensus pour considérer qu'il n'y actuellement aucune indication raisonnable à modifier le comportement de militaires sans encourir des effets secondaires dangereux, non maîtrisables, et qui iraient à l'encontre de l'efficacité des hommes sur le terrain.

Question de MATHEY Xavier - le 20/01/2010
Dans le domaine de armes NBC, existe-t-il au monde déjà des applications nano, par exemple des nanoparticules utilisées comme vecteurs de propagation d'agents chimiques ou bactériologiques? Quelles sont les moyens de s'en protéger, compte tenu de la taille des dites nanoparticules?

Réponse le  25/01/2010

Les pouvoirs publics n'ont pas connaissance d'études de ce type en France. Les progrès de la microfluidique et de l'encapsulation permettent effectivement aujourd'hui des encapsulats unicellulaires (en laboratoire), et concernent plutôt du micro ( goutte de quelques µm) que du nano. L'intérêt de la vectorisation à l'aide de nanoparticules des principes actifs  est réel, en particulier pour les applications médicales (dans le but de traiter des tumeurs par exemple ou de les détecter). Cette vectorisation nécessite toutefois pour être efficace l'environnement du laboratoire (milieu contrôlé, opération instrumentée). Le cas d'un théatre d'opération, voire du milieu urbain, est nettement moins coopératif, et il a déjà été souligné que la mise en oeuvre de nanoparticules (par des terroristes notamment) soulèverait davantage de complications qu'elle n'apporterait de gain d'efficacité dans l'état actuel des techniques. Plusieurs parades pourraient être éventuellement mises en oeuvre, à condition que le problème de la détection d'alerte soit résolu.On dispose déjà aujourd'hui de techniques permettant de détecter des quantités infinitésimales de produits toxiques ... grâce aux nanotechnologies précisément.


 

Question de LIVET Pierre-  13621 Aix en Provence - le 15/01/2010
Dans le domaine de la défense et de la sécurité, on développe souvent une technologie au nom de l’impossibilité d’être en retard dans la compétition : si les autres prenaient de l’avance, on risquerait gros (cf. bombe A et H). Les nanotechnologies seront donc développées dans ces domaines, quoiqu’en dise un débat, et éventuellement de manière dissimulée si on procède à des interdictions. Or c’est dans ces domaines qu’elles font courir le plus de dangers pour les libertés. L’histoire militaire passée a montré que c’est plutôt quand le coût de cette compétition devient trop lourd à supporter que les traités de limitation ont quelque efficacité.
La seule défense des citoyens contre les effets nocifs des nanotechnologies dans ce domaine (pour les effets évidents concernant les libertés) n’est elle pas alors de multiplier les aides à l’information sur les coûts, le peu de rendement et d’efficacité, les obstacles, les failles des usages des nanotechnologies dans le domaine de la défense et de la sécurité ?

Réponse le  18/01/2010

Ce raisonnement peut effectivement s'appliquer à des technologies développées à grands frais pour un usage spécifiquement militaire. On ne peut pas dire aujourd'hui que c'est le cas des nanotechnologies ( tout du moins en France) . S'appuyant essentiellement sur des financements civils, destinés à promouvoir des applications civiles, le développement des nanotechnologies intéresse la défense dans ses aspects duaux, et donc économiquement crédibles. Bien qu'il n'y ait aujourd'hui pas de programme spécifique de développement de nanotechnologie à usage strictement militaire, les performances (en termes de solidité, de miniaturisation, de réduction de masse, d'effets barrières, de sensibilité pour les capteurs...) promises par les nanotechnologies peuvent intéresser de nombreuses applications dans le secteur de la défense, et leurs progrès sont surveillés soigneusement par les experts du ministère. L'objectif de rester parmi les premiers à mettre en place une technologie de pointe dans ce secteur demeure. Mais cet objectif est actuellement  garant, à la fois, de la crédibilité de notre outil de défense et de la compétitivité technologique des industriels.