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Les Questions/Réponses reçus par la CPDP seront consultables sur le site de la Commission et figureront dans les archives du débat

Questions traitées pour le mois : Octobre

Question de SCHWEITZER Pierre-  67000 STRASBOURG - le 25/10/2009
N'est-il pas illusoire de prétendre éclairer l'opinion publique en rassemblant sous le terme générique de "nanotechnologies", des procédés ou des matériaux dont les usages et les finalités sont aussi différents ? Les Romains faisaient déjà des "nanotechnologies" sans le savoir...

Si le terme "nanotechnologies" peut sembler profitable au marketing financier et politique -- pôle de compétitivité "nano", fonds d'investissement "nano", le marché futur des "nanos", les millions d'emplois "nano" à la clé, etc. --, ne risque-t-on pas d'installer la confusion dans l'esprit du public en mélangeant sous ce terme des secteurs d'activité aussi hétérogènes que la cosmétique, l'isolation, la radio-fréquence, la résistance des matériaux, les médicaments, le traitement des surfaces, etc. ?

Réponse le  08/11/2009

Les nanotechnologies sont des technologies nouvelles bien que certains produits soient très anciens.


La coupe de Lycurgue, par exemple, qui se trouve au British Museum, date du IVème siècle AD. À la lumière du jour, elle est verte. En plaçant une source de lumière derrière, elle devient rouge. Ce sont les particules d'or et d'argent d'environ 70 nm qui sont responsables de ce phénomène surprenant. De même, les couleurs des vitraux des cathédrales gothiques du Moyen Age sont dues à la présence de nanoparticules métalliques.


Des produits à base de nanoparticules existent donc depuis longtemps. Mais ils ont été fabriqués par hasard. On ne peut par dire qu'ils ont été obtenus par des nanotechnologies.


Les nanotechnologies sont des techniques nouvelles qui datent des années 1980 : découverte du microscope à effet tunnel en 1981 par Gerd Binnig et Heinrich Rohrer (prix Nobel de physique en 1986), mise au point du microscope à force atomique, découverte des fullerènes en 1985 par Harold Kroto, Richard Smalley et Robert Curl (prix Nobel de chimie en 1996). Ces techniques ont connu un grand essor à partir des années 1990. Elles ont permis de visualiser et manipuler la maztière à cette échelle.


Par leur nature, les nanotechnologies constituent un domaine interdisciplinaire et peuvent conduire à de multiples applications industrielles en terme de nouveaux produits ou d'améliorations des produits existants. C'est ce qu'on appelle une technologie diffusante. Elle peut être comparée au développement de l'électricité à la fin du XIXème siècle. Il n'est pas donc étonnant de trouver les nanotechnologies présentes dans un grand nombre de branches industrielles comme l'électronique, les biotechnologies, la santé, l'énergie, le bâtiment, la cosmétique.


Le débat actuel permet précisément, notamment grâce aux documents produits, en particulier le dossier de présentation du maître d'ouvrage, d'expliquer ce qui se produit à l'échelle nanométrique et d'indiquer les nombreux domaines d'applications vers lesquels débouchent les recherches.


 

Question de benoit jean-christophe-  35700 rennes - le 24/10/2009
Ne serait-il pas possible technologiquement et industriellement parlant d'envisager de passer le stade des nanotechnologies pour s'intéresser et investir dans les technologies quantiques et donc ultimes ? (déjà utilisées en R/D pour la cryptologie informatique)

Réponse le  08/11/2009

Le domaine de l'information et la communication quantique font partie des thématiques de recherche les plus soutenues dans la communauté scientifique internationale. Cela pourrait déboucher sur la construction d'un ordinateur doté d'une immense puissance de calcul, au-delà des capacités de tout ordinateur classique, et sur la mise au point de communications totalement sécurisées, impossibles à intercepter sans que l'on ne s'en rende compte.


Aujourd'hui, les avancées de la cryptographie quantique ont permis des applications industrielles dans la transmission sécurisée des clés de cryptage et plusieurs petites et moyennes entreprises (PME) ont été créées dans ce domaine, comme idQuantique (Suisse), MagiQ (USA) ou SmartQuantum (France). En revanche, les difficultés techniques pour mettre au point un système physique capable d'effectuer un calcul quantique (il faut minimiser le couplage avec l'environnement afin d'empêcher la perte rapide de cohérence quantique) rend l'ordinateur quantique envisageable uniquement à long terme.


Il semble très difficile de s'attaquer à ces problèmes sans l'apport des nanotechnologies. D'ailleurs, la technologie quantique fait partie des nanotechnologies.


 

Question de GOIRAND Philippe-  31400 Toulouse - le 23/10/2009
L'erreur de départ n'est-ce que pas de mettre dans le même sac nanotechnologique des choses qui n'ont rien à voir entre elles. Quel rapport entre un nanorobot et une nanoparticule ?

Réponse le  27/10/2009

Les nanotechnologies sont par essence multidisciplinaires et multi-applications. Le dénominateur commun réside dans les lois d'échelles de la physique que l'on peut retrouver dans des domaines très variés et dans les méthodes d'observation comme les nouvelles microscopies dites « à champ proche » qui permettent de voir la matière à l'échelle du nanomètre.


Les nanotechnologies s'inscrivent dans le prolongement progressif des études sur les matériaux et la microélectronique. Il existe depuis longtemps des nano-objets, par exemple des nano-particules plus ou moins complexes. De même existent depuis longtemps des matériaux macroscopiques, par exemple des aciers, nanostructurés. Les circuits intégrés présents dans les téléphones portables sont aussi issus des nanotechnologies.


La miniaturisation a commencé par des objets simples pour aller vers des objets de plus en plus complexes réalisés avec les briques de base que sont les objets simples. Il y a donc un lien entre tout cela : un microsystème contient des nano-objets qui peuvent eux-mêmes être observés, fabriqués ou manipulés avec des nano-outils issus des nanotechnologies.


Quant à la fabrication de nano-robots, celle-ci n'a jusqu'à présent pas été réalisée. 


 


 


 


 

Question de ROULLAUD Marc-  56130 ST DOLAY - le 22/10/2009
Que pensez vous de la déclaration de J P Dupuy"prof.à l'école polytechnique de Standford dans le télérama du 7/ 01 /2004 ,"le projet nanotechnologique entend rivaliser avec la nature.

L'évolution est un piètre ingénieur,qui a fait son travail de conception plus au moins au hasard,un bricoleur ...L'esprit humain aidé par les technologies fera beaucoup mieux ...Bref ,les chercheurs ne seront plus des apprentis sorciers par erreur ou maladresse ; il le seront par vocation.
Romain Gary a écrit :le paradoxe de la science est qu'il n'y a qu'une réponse à ses méfaits et à ses périls :encore plus de science...

Réponse le  02/11/2009

Le Professeur Jean-Pierre Dupuy ne fait pas référence à un projet nanotechnologique général qui s'imposerait à tous sans qu'il en ait été délibéré, mais au projet particulier exprimé par le rapport de la Fondation nationale pour la science ( NSF) publié en 2002 sous le titre des technologies convergentes pour l'amélioration de la performance humaine[1]. Les technologies convergentes recouvrent ici  les termes génériques de nanotechnologie, biotechnologie, technologies de l'information et sciences cognitives.


A l'occasion de la sortie de ce rapport, Jean-Pierre Dupuy a évoqué l'existence d'un lien entre l'un des auteurs de la publication de la NSF et le "transhumanisme", mouvement « philosophique » qui cherche à promouvoir "le dépassement de l'espèce humaine par une cyber-humanité". De telles vues sont qualifiées "d'ahurissantes" dans (p95) le rapport d'activité 2004-2006 du Comité d'éthique et de précaution de l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) et de l'institut national de la recherche agronomique (INRA) publié en France en 2007.  Outre la contre- indication éthique, il existe un second garde-fou, au niveau du management du risque économique et financier : le processus critique au terme duquel sont alloués les crédits de recherche veille à écarter les utopies « sans fondement scientifique sérieux ».


Plus précisément, la citation ici sélectionnée vise à imputer aux chercheurs utilisant la boîte à outils nanométrique à leur disposition une responsabilité qui serait de nature radicalement différente de celle endossée par les chercheurs  qui les ont précédés : celle de se substituer, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, au travail lent et aléatoire de l'évolution pour accélérer et orienter celle-ci à loisir. L'idée étant que puisque la nature humaine est imaginante, le scientifique et l'innovateur  joueront  avec les briques de base de la matière et seront  non seulement responsables, mais aussi coupables, au cas où leurs découvertes et innovations s'avéreraient contraires, par exemple, à un projet de société démocratiquement établi.


La citation de Romain GARY renforce ce sentiment qu'au fond, les méfaits et périls  de la science lui sont consubstantiels et que seule la science est fondée à produire les mesures correctives aux impacts négatifs qu'elle a pu produire, suggérant une fuite en avant  aussi bien dispendieuse que vaine.


Quelques éléments de réponse peuvent être apportés à la mise en perspective de ces deux citations reflétant ainsi une inquiétude sur le caractère incontrôlable par la société des applications potentielles des nanotechnologies, en tant qu'ensemble de technologies au service des différentes disciplines scientifiques.


Le premier est de reconnaître que la capacité d'interpréter, simuler, organiser la matière avec une précision atomique, en combinant l'inerte et le vivant, stimule l'imagination quant au champ de ce qui est théoriquement possible, ce qui ne signifie pas que toutes les combinaisons imaginées trouvent leur chemin de manière significative dans le domaine réel, ne serait-ce que pour des raisons économiques.


Le second est que l'histoire a montré une capacité d'adapter les normes juridiques en fonction des risques. Il existe ainsi des traités internationaux dans divers domaines (exploitation civile de l'énergie nucléaire, lutte contre la prolifération des armes biologiques et chimiques), qui visent à obliger les signataires à prendre des mesures relatives au contrôle et à la sûreté des applications concernées. Si la liberté de la recherche fondamentale doit absolument être respectée, les applications restent soumises à l'Etat de droit.  


Le troisième est que la capacité d'apprendre du passé devrait nous permettre d'anticiper sur des scénarios non souhaitables qui seraient mis en lumière par une démarche prospective,  en mettant à profit une pratique d'évaluation dynamique normative des changements induits par les nanotechnologies[2], en commençant par un suivi  permanent de l'état de l'art scientifique. Le  Conseil économique et social européen a parfaitement intégré cet axe politique, lorsqu'il « recommande[3] que l'Observatoire européen des nanotechnologies soit transformé en une structure permanente, afin de fournir des analyses sur des bases scientifiques et économiques viables et d'étudier l'impact sur la société et les risques possibles pour l'environnement, la santé et la sécurité, en coopération avec les autres agences européenne intéressées ».


Enfin il existe une question éthique sous-jacente, qui n'est pas fixée une fois pour toutes, mais qui, par son lent cheminement de générations en générations,  a pour intérêt de forcer à un débat inclusif sur les perspectives induites par les connaissances scientifiques dans de multiples champs, ainsi que sur la compréhension de la nature systémique des risques et bénéfices qu'elles apportent. Selon le philosophe Etienne Klein, « l'éthique des sciences et des techniques est confrontée à une double évolution : celle des normes qui se corrigent et se rectifient pour demeurer fidèles aux valeurs qui leur donnent sens, et celle des valeurs morales, souvent implicites, dont l'évolution est plus lente et qui sont moins aisément objectivables ». [4] La recherche en nanosciences, nanotechnologies et technologies convergentes n'échappe pas à cette analyse et n'apporte là rien de spécifique, si ce n'est, dans le droit fil de l'application par les pouvoirs publics du principe de précaution, de faire de la gouvernance réflexive une ardente obligation. Par gouvernance réflexive, nous entendons le dialogue constructif entre la société civile et les pouvoirs publics, de façon à stimuler l'innovation là où elle rend de grands services, tout en opposant des limites strictes  aux applications non conformes aux principes généraux du droit en termes de protection des citoyens, des consommateurs et de l'environnement, à chaque niveau pertinent de subsidiarité : local , national, européen et international.






 


[1] Converging Technologies for Improving Human Performance. Nanotechnology, Biotechnology, Information Technology and Cognitive Science », NSF/DOC-sponsored report,National Science Foundation, juin 2002,


[2] Proposition émise lors du troisième dialogue international pour le développement responsable des nanosciences et des nanotechnologies, Françoise  Roure : « Nanotechnology global governance at the crossroads. Towards a structured dialogue on nanotechnology-induced change », 11 mars 2008, Bruxelles, pp. 43 et suivantes. ftp://ftp.cordis.europa.eu/pub/nanotechnology/docs/report_3006.pdf


[3] Avis du Conseil économique et social européen sir la « Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen. Aspects réglementaires des nanomatériaux ». Com(2008)366 final, (2009/C 218/04), Journal officiel de l'Union européenne, C 218/21 du 11 novembre 2009, version française.


[4] Etienne Klein, « Nanosciences : les enjeux du débat ». CEA, LARSIM, p.21/22.


 

Question de SCHWEITZER Pierre-  67000 STRASBOURG - le 19/10/2009
Éclaire-t-on vraiment l'opinion publique en rassemblant sous le terme générique de nanotechnologies des matériaux, des procédés de nature et de finalités aussi différentes ?

Réponse le  21/10/2009

 


En effet, les nanotechnologies, issues de recherches qui s'appuient sur les disciplines traditionnelles, sont par essence multidisciplinaires et d'applications multiples.


Leur dénominateur commun réside dans les lois d'échelles de la physique que l'on peut retrouver dans des domaines très variés et dans les méthodes d'observation comme les nouvelles microscopies dites « à champ proche » qui permettent de voir la matière à l'échelle du nanomètre.


C'est l'ensemble des techniques et des savoirs qui permet de manipuler la matière à des dimensions nanométriques, et d'utiliser dans diverses applications les propriétés particulières ainsi acquises. Plus précisément, il faut bien distinguer les nanotechnologies des objets qu'elles produisent. Ces objets relèvent effectivement de multiples champs d'application allant des dispositifs électroniques aux nouvaux médicaments en passant par de nouveaux matériaux.


Ce débat offre notamment l'occasion à la fois d'expliquer ce que cela recouvre sur les plans scientifique et technique, et d'illustrer à travers des applications concrètes très diverses l'étendue possible des applications.

Question de RUPP Michaëlle-  67000 STRASBOURG - le 19/10/2009
Jusqu'à quelles dimensions la nanotechnologie est-elle encore précise pour le moment ? La miniaturisation se poursuivra-t-elle jusqu'au niveau cellulaire ? Où même de l'ADN ?

Réponse le  20/10/2009

Les nanotechnologies concernent des objets de taille nanométrique (le milliardième de mètre: nm), dont les dimensions sont comprises entre 1 et 100 nm. A ces échelles, les molécules telles que l'ADN sont géantes puisque lorsqu'elles sont étirées elles peuvent mesurer plusieurs cm. De même, la plupart des cellules sont beaucoup plus grandes.


Un des intérêts des nanotechnologies est la manipulation des atomes individuels, et donc la possibilité d'assembler des machines moléculaires atome par atome. Elles permettent également d'explorer les processus biologiques à l'oeuvre dans les cellules ou de décrire la structure fine de l'ADN.


Un des autres avantages des nanotechnologies réside dans la possibilité de doter des nanoparticules de molécules actives afin de réaliser des nanomédicaments mieux ciblés.