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Questions traitées pour le mois : Janvier

Question de BESCOND COLETTE-  44000 NANTES - le 04/01/2010
Bonjour,
je suis consultante en sécurité alimentaire et réalise des audits de certification pour le compte de l'AFNOR auprès des industries agroalimentaires (ISO 22000, IFS, BRC).
Quels sont les éléments concernés par les nanotechnologies (aliments, ingrédients, auxiliaires technologiques, emballages) ?
Quelles sont les applications existantes aujourd'hui ?
Quels sont les avantages / inconvénients ?
Quels sont les dangers pour la santé humaine ?
Quels sont les dangers / risques en terme de sécurité alimentaire ?
Comment maîtriser ces dangers puisque les produits issus des nanotechnologies traversent toutes les barrières (oesophagiques, encéphaliques) ?
Comment s'assurer de la maîtrise de ce danger au sein de la chaine alimentaire ?
Comment se former et s'informer ?



Réponse le  13/01/2010

Dans le secteur de l'agroalimentaire, les développements qui apparaissent en Europe (au stade de la recherche-développement) et ailleurs dans le monde (parfois déjà au stade de la commercialisation) concernent essentiellement les compléments alimentaires (vitamines ou oméga 3 nanoencapsulés, par exemple) ou les aliments fonctionnels. Ces aliments contiennent des composés biologiquement actifs présentés comme améliorant la santé ou réduisant le risque de maladies (comme l'huile de colza enrichie aux phytostérols nanoencapsulés commercialisée avec l'allégation d'une réduction optimisée du taux de cholestérol).


L'utilisation des nanotechnologies peut viser à obtenir une dispersion dans l'eau de substances insolubles, à protéger de façon ciblée des molécules sensibles dans les procédés de transformation ou à libérer des composés intervenant dans la flaveur ou la formation de couleurs. 


Une application existante en Europe et en France intervient dans les aliments courants : la silice est produite sous forme nano comme additif antiagglomérant. La forme utile est en fait constituée d'agrégats présents dans les aliments à une échelle de taille supérieure.


Le domaine des matériaux au contact des aliments (emballages, surfaces de découpes, parois de réfrigérateurs, etc.) est celui dans lequel se concentrent la plupart des applications déjà transposées à l'échelle commerciale.


L'incorporation de nanoparticules (le plus souvent des feuillets d'argiles) dans des matériaux d'emballage est employée pour améliorer les propriétés mécaniques (gain de rigidité, transparence, stabilité thermique) ou réduire le passage des gaz ou des arômes. De plus, des travaux de recherche et développement sur l'utilisation d'oxydes de zinc pour bloquer les rayons UV sont en cours.


De nouveaux matériaux, dits matériaux actifs, font appel à des nanoparticules d'argent à l'effet antibactérien (fixateurs-éliminateurs du fer indispensables au métabolisme bactérien) pour limiter la prolifération de bactéries sur l'aliment, et ainsi diminuer les risques d'intoxication pour le consommateur.


Enfin, les matériaux intelligents peuvent incorporer des nanocapteurs permettant la détection de contaminations microbiennes (les salmonelles par exemple) ou d'arômes représentatifs d'une maturité du produit (pour les fruits en particulier). La détection se traduit alors par un changement de couleur du capteur sur l'étiquette. Rapide, cet outil permet de suivre l'évolution de la qualité de l'aliment jusqu'à sa consommation, sans transfert d'échantillons au laboratoire.


L'apport des nanotechnologies à l'évolution des technologies de type RFID1 appliquées aux emballages permet en outre de témoigner du respect de la chaîne du froid ou d'assurer la traçabilité de l'animal à la denrée alimentaire.


L'autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) n'a jusqu'à présent recensé que trois demandes d'autorisation de mise sur le marché pour des substances issues des nanotechnologies :




  • l'hydrosol d'argent (comme complément alimentaire) : dossier refusé par manque de données pour caractériser le risque de cette forme nanoparticulaire ;




  • le lycopène synthétique : l'AESA n'a pas considéré ce produit comme un nanomatériau ;




  • le nitrite de titane comme additif dans le plastique des bouteilles au contact des aliments : dossier accepté car une absence de migration de ces composés dans la denrée a été démontrée.




 Pour l'instant, l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) n'a reçu aucune demande d'évaluation.


Les avantages potentiels attendus ici sont d'ordres sanitaires et technologiques : ils tiennent à une meilleure conservation des aliments et à plus grande efficacité s'agissant d'aliments fonctionnels (compléments alimentaires), à des possibilités de développer des recettes nouvelles ou des préparations industrielles plus stables et plus sûres (additifs ayant un effet technologique comme des anti-agglomérants pour les préparations pulvérulentes ou des conservateurs).


Le risque est que la substance ou le procédé mis en jeu, qui sont tous différents, donc à examiner au cas par cas, induisent des effets sur la santé des consommateurs par interaction avec l'organisme. C'est pourquoi la réglementation est conçue de telle manière que les aliments (ingrédients, additifs...) nanotechnologiques fassent l'objet :


        - d'une part, d'une évaluation de risque par des experts (par exemple en France, par l'AFSSA ou, à l'échelle européenne, pour le compte de tous les Etats membres, l'AESA) ;


    - d'autre part, à l'issue des résultats de cette évaluation des risques, d'une autorisation des pouvoirs publics (ministères en charge de la santé, de l'agriculture et de l'alimentation, de la consommation) préalables. Le règlement (CE) n°258/97 qui régit les nouveaux aliments est en cours de révision pour assurer que les aliments issus des nanotechonologies soient évalués spécifiquement en terme de risque pour la santé des consommateurs.


 Pour l'heure, il existe des limites à une évaluation des risques spécifiques des nanotechnologies : il y a peu de données sur la toxicité des nanoparticules par voie orale. La plupart des études scientifiques portent sur l'inhalation. Les résultats des quelques études portant sur la toxicité par voie orale sont souvent discordants et ne permettent pas de conclure à un effet dose, à un effet taille, à une relation entre les caractéristiques physico-chimiques de la particule et la toxicité. 


Pour se former et s'informer, il est possible de consulter, outre le site du débat public, les rapports de l'AFSSA (afssa.fr), de l'AESA (efsa.eu.int), ou encore des associations et industriels qui ont réalisé des cahiers d'acteur pour le débat. Les formations sont à voir au cas par cas, notamment avec les universités qui développent ces spécialités (Rennes...).


1Radio Frequency Identification : technologies utilisées pour stocker et récupérer des données à distance grâce à des « étiquettes électroniques », qui se présentent sous la forme de balises métalliques minuscules réagissant aux ondes radio.