Lettre de André Candio

Publié par CPDP - CPDP le 28 décembre 2009

Vous trouverez ci-dessous la lettre que nous a adressé André Candio le 28 décembre.
 


 

Faire « table rase » ?

 
En marge des “enseignements du débat tirés par la CPDP“, permettez-moi d’apporter quelques observations qui me semblent fondamentales dans la Recherche de solutions à moyen et long terme d’un tel projet qui concerne, certes les générations actuelles mais également un futur relativement proche.
Une première interrogation s’impose (comme elle s’impose dans toute solution destinée à franchir les barrières du temps et de l’espace) : « Avons-nous pris en compte TOUTES les données du problème ? »
De nombreux paramètres à caractère « informels » d’importance capitale (selon moi) me semblent être restés en marge des discussions. C’est culturellement normal puisqu’ils ne sont pas liés directement au débat et que notre éducation nous a appris à résoudre les problèmes formels – le dur – et non mêlés d’informels – le mou -.
Dans l’optique d’un véritable « développement durable » cette part « molle » aura une importance majeure : ce qui nous interdit toute « extrapolation linéaire » de nos expériences antérieures.
À mon sens « le terrain NU vaut plus cher que l’espace MAL construit ». Au-delà, il s’agit d’une invitation à re-penser ce projet sur l’ensemble des données, quelquefois contradictoires issues des enquêtes (les paroles) et les attitudes comportementales potentiellement présentent dans les nouvelles donnes comme l’épuisement des ressources, les tensions géo-politiques, économiques, sociales, climatiques, etc.

Besoins ou nécessités

 
Dans nos sociétés de relative abondance des ressources de toute nature, il est courant pour le “décideur“ de tenter d’apporter une réponse satisfaisante aux dits “besoins exprimés“.
Aujourd’hui, nul n’ignore que nous sommes entrés dans une période – qui s’impose à nous – d’accélération des mutations (faute d’avoir anticipé il y a plus de 30 années).
Voici venu le temps de la rareté, de la restriction à l’échelle planétaire. Il n’est plus question de besoins qui puissent être satisfait équitablement à la dimension de notre Terre.
À l’expression de besoins, il nous faut, dès lors, envisager la notion de nécessité tirée d’une hiérarchie de ces besoins. Ainsi, on sait que chez tout individu, les besoins de survie (nécessités alimentaires) sont à la base de toute la pyramide des autres besoins. L’Homme aura toujours « besoin » de se nourrir. La structure de ses déchets alimentaires risque d’être modifiée en nature, en volume, par d’autres facteurs tels que les cultures de proximité, la compatibilité avec les conséquences du réchauffement climatique (le terme me semble inadapté, il s’agit de dérèglements climatiques.
La typologie des déchets en sera, à terme, totalement transformée. Car toute consommation « subie » s’accompagne de nouvelles normes de conditionnement (emballages), de conservation, de transport, etc
Toutes ces nécessités en quelque sorte cosmiquement imposées nous amènerons à re-penser la ville – et la campagne - dans un souci d’économie durable, d’optimisation (même si le mot peut faire peur).

Limites des « modèles extérieurs »

 
Manque d’imagination ou solution de facilité, il est fréquent de prendre pour modèles d’expériences des réalisations tirées de pays nordiques, anglo-saxons. Plus rarement, de pays latins.
Aucune précaution n’est prise en ce qui concerne l’analyse des conditions de ces dites expériences.
Celles-ci sont telles conformes aux prévisions initiales, ont-elles une durée de vie suffisante pour en mesurer la fiabilité, existe-t-il des indicateurs de performances techniques (rejets de traitements), voire économiques, sociales,..
Quel est le degré de confiance que l’on peut accorder à la communication vis-à-vis des usagers ou des populations exposées, etc La liste serait longue, les parties prenantes du CDNP ont largement développé les aspects techniques actuels ou dans un futur proche avec quelques inquiétudes envers l’adéquation dans les 40 années.
Nos valeurs sont incompatibles avec une “mimique“ des expériences extérieures venues du nord ou des pays anglo-saxons pour des raisons qui me semblent fondamentales :
- nous privilégions l’univers des mots, de la parole (le discours, le monde de la plume) par rapport au monde des choses, c’est-à-dire de l’outil)
- ces valeurs se traduisent dans nos choix d’orientation, dans nos considérations professionnelles (avocat, journaliste, artiste, homme d’affaires – et non chefs d’entreprises -) en bref le costume-cravate, la tenue de l’avocat,.. le peuple de nos Assemblées.
- notre hiérarchisation des intelligences a rejeté hors de son champ, “l’intelligence manuelle, de l’outil » et la tenue qui le caractérise, le bleu de travail, la blouse et son environnement de bruit.
- enfin, ce qui fait la force de ces expériences “modèles“, c’est qu’il n’est pas de barrière entre les niveaux de conception et ceux de la réalisation. Principalement, en cas de difficultés, il y a véritable communion entre les cadres et les ouvriers dans l’accomplissement d’un projet.
Est-ce la culture de la rigueur et de la responsabilité ? Notre tendance latine évoque à travers la “responsabilité“, une sorte d’injure culpabilisante. LE PRINCIPE RESPONSABILITÉ – de hans JONAS , fortement répandu dans les pays d’essence protestante en fait une « espérance responsable », une éthique, voire une esthétique de la vie.
Malheureusement ce type de « modèle » n’est pas contagieux.

Des partenaires de l’entreprise totalement oubliés

 
En prolongement de ce « principe responsabilité » et dès lors que notre projet concerne l’environnement immédiat et plus lointain impacté par les résidus de traitements, l’entreprise et toutes les instances (Comité d’Entreprise, syndicats, CHSCT,..) ne devrait plus se comporter en monde clos, mais être ouvert et attentifs au monde extérieur. Au-delà du Personnel, ceci vaut nécessairement pour tous les flux physiques liés à l’activité. Ici, les intrants et les rejets, les modalités de transport afin d’optimiser l’exploitation d’un gisement de déchets qui ne soit pas « borné » aux frontières administratives, politiques, etc, ainsi qu’aux compétitions entre exploitants à la recherche d’une part plus importante du « gâteau ».
Dans l’optique d’un Développement Durable qui prenne corps dans la réalité, il est important que TOUT le Personnel d’une entreprise et notamment les instances de décisions se considèrent comme dépositaires d’une « part de Copenhague ».
La tâche est immense, elle implique des choix douloureux pour tous et pour chacun : Dois-je concevoir un produit de plus grande durée de vie afin d’éviter une cascade de fonctionnalités dites généralement « nouvelles » ? Ces calculs d’apparition à des fins mercantiles d’options échelonnées dans le temps qui maintiennent l’activité !
Au postulat de « fermeture » de l’Entreprise, un premier pas pourrait être accompli par l’extension des compétences des CHSCT pour devenir des Comités d’Hygiène Sécurité et Conditions de Travail et Protection de l’Environnement CHSCT-PE. La désignation des représentants serait effectuée sur la base de l’ensemble du Personnel afin de disposer d’un éventail de connaissances, de savoirs (savoir-faire, savoir-être, auquel j’ajouterai personnellement la dimension dynamique : le « savoir-devenir ») le plus large possible.
Une telle réforme aurait-elle pu empêcher le drame de l’usine AZF  ou des suicides constatés dans certaines entreprises ? Suicides entraînés par les « conditions de travail » ? Une réflexion s’impose.
Il est certain qu’une telle suggestion de « PE » constituerait un début de garantie de sécurité pour les populations, notamment en matière de santé.
Pour l’entreprise, c’est une réforme profonde qui modifie d’une part, les relations internes, par la co-responsabilité (début de la co-gestion) et, d’autre part l’image même de cette entité économique vis-à-vis de l’extérieur.
Par exemple, pour le consommateur, acheter propre serait acheter « responsable », acheter « équitable ».

Un vaste chantier pour la réflexion et… l’action

 
À vouloir explorer les fondations ou les fondements de nos problèmes, la pensée se disperse. Le débat public relatif au Centre de traitement des déchets ménagers d’IVRY mériterait d’autres prolongements, d’autres interrogations ainsi doit-on se limiter aux déchets ménagers ?
Les combats contre l’incinération ne trouvent toujours pas de réponse satisfaisante face au rejet de l‘aménagement de décharges dites « contrôlées ».
Vastes débats !

En marge

 
Certains de mes propos sont sévères, beaucoup apparaîtrons à la marge, voire marginaux.
Ils n’ont pas été soumis à une quelconque Association à laquelle j’adhère. À la fois par pudeur et par volonté de ne pas leur imposer un débat qui aurait adouci ou inhibé mon discours, j’ai cru de mon devoir de lever toute suspicion à leur égard en prenant l’entière RESPONSABILITÉ de mes écrits.
À 78 ans, je suis particulièrement critique vis-à-vis de ma génération, en particulier de ceux qui avaient le pouvoir de décision. Il m’arrive encore de leur adresser un « J’appartiens à une génération de “criminels“ ! »
En 1974, j’étais déjà un « marginal », aujourd’hui, je suis un « révolté » quand je pense à tant de temps perdu, gaspillé dans notre « nombrilisme hexagonal » alors qu’il fallait mener en douceur des mutations choisies afin d’éviter la violence des crises que nous subissons actuellement.
 

Faire du Beau, du Durable, du Vivant et surtout de l’HUMAIN.
Tel était mon rêve, tel est mon combat !

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