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L’incinération des déchets détruit des emplois qui pourraient être créés dans les activités de prévention et de recyclage

Publié par Annelaure Wittmann le 24 décembre 2009

Plusieurs acteurs publics de premier plan reconnaissent que le recyclage des déchets est une filière fortement créatrice d’emplois :
- selon la Commission Européenne « le traitement de 100 000 tonnes de déchets par le recyclage crée 200 emplois, mais seulement 20 à 40 emplois s’ils sont incinérés et 10 s’ils sont mis en décharge » (1) ;
- un rapport de l’ADEME abonde dans le même sens « le recyclage est plus pourvoyeur d’emplois que les filières d’incinération et de mise en installation de stockage » (2)
 

Ainsi, la hiérarchie des modes de gestion des déchets de la directive cadre européenne et de la Loi Grenelle reflète également le nombre d’emplois dans chaque secteur, de manière décroissante : les plus gros gisements d’emplois se situent dans le domaine de la prévention, les plus faibles dans la mise en décharge.
 

Selon la FEDEREC (Fédération des Entreprises du Recyclage), la récupération emploierait 30 350 salariés en 2006. Selon les estimations de l’ADEME, les activités de recyclage emploieraient 11 710 salariés et rapporté au nombre d’emplois du secteur des matières premières au taux de matières secondaires incorporées, près de 60 000 emplois dépendraient du recyclage. L’ADEME estime également « qu’un nombre d’emplois significatif dans le domaine de la collecte, du tri et de la récupération existe dans les associations et entreprises d’insertion. » (2)

Ces chiffres sont appelés à augmenter.

En effet, un projet de rapport du Comité national de pilotage du plan de mobilisation des territoires et des filières sur le développement des métiers de la croissance verte, remis en décembre 2009 à la Secrétaire d’Etat Valérie Letard, a estimé les bénéfices financiers et en termes de création d’emplois qui résulteraient de l’application des objectifs de la loi Grenelle sur les déchets:

« La réduction de 7 % des ordures ménagères et assimilées produites par habitant permettra de maîtriser tant l’augmentation des déchets induite par la croissance démographique française que celle des coûts de collecte et de traitement correspondants. A partir de 2015, les gains en coûts évités s’élèveraient à plus de 200 M€ par an. Sur la période 2009-2015, les recettes fiscales liées à l’engagement 245 du Grenelle , devraient contribuer à financer un programme de prévention et de recyclage d’environ 1 Md€. L’atteinte de l’ensemble des objectifs de prévention et de recyclage des déchets permettra de détourner, d’ici 2015, environ 10 millions de tonnes de déchets (ménagers ou d’entreprises) de la mise en décharge et de l’incinération, d’une part en réduisant de 2 millions de tonnes la production d’ordures ménagères et assimilées qu’auraient collectées et traitées les collectivités locales (effet prévention), et d’autre part en en dirigeant 8 millions de tonnes vers le recyclage et le compostage. (…)

(…) L’ADEME évaluait à environ 2000 le nombre des nouveaux emplois déjà pourvus de la nouvelle filière DEEE, appelée à se développer rapidement. C’est sur cette branche du recyclage et de la récupération des déchets que l’impact emploi du Grenelle se ferait le plus sentir dans ces conditions de forte activité de cette filière : il se traduirait par la création d’environ 7500 nouveaux emplois d’ici 2015.

(…) Sur le secteur des déchets, la mise en Å“uvre des engagements du Grenelle pourrait susciter la création d’environ 14 000 emplois, principalement axés sur les métiers de la prévention et du recyclage, de la valorisation organique et de la précollecte.(3)

 

Plusieurs rapports soulignent également que les modes de traitement des déchets (en particulier le tri) tendent à être de plus en plus sophistiqués et mécanisés. Cela amène logiquement à des suppressions d’emplois ; il est donc important que les employeurs du secteur des déchets et les syndicats réfléchissent à des stratégies de reconversion dans le secteur encore largement inexploré de la prévention des déchets.
 

Selon Hervé Pernin, Coordinateur Déchets à l’ADEME Ile-de-France : « La prévention des déchets peut conduire à de nouveaux métiers. Le chargé de mission prévention des déchets, employé par les collectivités ou les syndicats de gestion des déchets, est un métier émergent et d’avenir. Le composteur, employé par une collectivité ou une association, allie quant à lui des compétences en éducation et en formation à des connaissances en agronomie et en biologie. L’activité de « réparation » peut être aussi rapportée à la prévention des déchets. » (4)
 

Le rapport remis par le Comité national de pilotage du plan de mobilisation des territoires et des filières sur le développement des métiers de la croissance verte a tenté de chiffrer ce que ces nouveaux métiers de la prévention des déchets représenteraient en termes d’emplois:

« La priorité accordée à la prévention devrait conduire en outre à l’émergence ou au développement des marchés du conseil, de la réparation, de la location et du réemploi ou de marchés existants :
• marché du conseil pour accompagner les changements de comportements des citoyens (ambassadeur de la prévention par exemple) et les changements dans les modes de production (développement de l’éco-conception pour des produits faiblement générateurs de déchets par exemple) ; Il s’agit d’une filière en émergence. (…) L’ADEME prévoit à l’horizon 2012 la création dans les collectivités locales de 1300 emplois sur les 2 nouveaux métiers suivants : ambassadeur de la prévention (…) et animateur de plan de prévention des déchets (…).
• marché de la réparation pour permettre de prolonger la durée de vie des produits (réduction des déchets, économies de ressources,…). Ce marché, en 2004, représentait plus de 450 000 emplois. Si la réparation automobile représente la moitié de ces emplois, il est intéressant de noter que la réparation des cycles arrive en 3ème position suivie par la réparation des autres biens d’équipement. (…)
• marché de la location pour intensifier l’usage de biens/produits à usage occasionnel (économies de ressources) qui à terme pourrait être lié au développement de l’économie de la fonctionnalité (j’achète des cycles de lavages et non plus une machine à laver) » (3)

(1) Source: Communication de la Commission Européenne au Conseil Européen, au Parlement Européen, au Conseil Economique et Social Européen et au Comité des Régions, COM(2005) 666 final, Taking sustainable use of resources forward: A Thematic Strategy on the prevention and recycling of waste, 32 pages.
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/en/com/2005/com2005_0666en01.pdf
 

(2) Source : chiffres cités dans Document de réflexion pour l’élaboration d’une stratégie de développement du recyclage en France, Rapport final, juillet 2008, Etude réalisée pour le compte de l’ADEME par ERNST & YOUNG – Eric MUGNIER, 128 pages.
http://www.lorraine-reel.net/documents/Rapport_complet_strategie_recyclage[1].pdf
 

(3) Projet de rapport du comité de filière eau, assainissement, déchets et air du Comité national de pilotage du plan de mobilisation des territoires et des filières sur le développement des métiers de la croissance verte, décembre 2009, rapport à Valérie Létard, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre d’Etat, Ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, 30 pages.

(4) Observatoire francilien des emplois de l’environnement, Emplois de l’Environnement, constats et tendances en Ile-de-France, novembre 2009, 20 pages.
http://www.tee-idf.net/images-documents/prod/TEEIDF_Emplois_environnement_Ile_de_France.pdf

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