JEAN BERGOUGNOUX,
PRESIDENT DE LA COMMISSION PARTICULIERE DU DEBAT PUBLIC
SUR LE PROJET D'AEROPORT DE NOTRE-DAME-DES-LANDES :

















" Chacun a le droit de s'exprimer et il est souhaitable qu'il le fasse, parce que le projet a des conséquences pour tous. "

- Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, directeur général honoraire d'EDF, président d'honneur de la SNCF, Jean Bergougnoux est membre de la Commission nationale du débat public (CNDP). Membre de la Commission particulière du débat public (CPDP), qui a piloté le premier débat public (sur le projet d'extension du port du Havre, en 1997), il a aussi participé à la commission DUCSAI sur le projet de nouvel aéroport de la région parisienne (2001-2002).

Jean Bergougnoux a été chargé par la CNDP de présider la commission particulière qui va conduire, à partir du 15 décembre, le débat public sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Dans l'entretien qui suit, le président de CPDP présente les objectifs du débat public, le rôle de la commission particulière et la façon dont elle va animer le débat.

- Quel est l'objet du débat public ?
Jean Bergougnoux. Nous lançons un débat sur le projet d'un nouvel aéroport pour le grand Ouest, à Notre-Dame-des-Landes. Ce projet est présenté par un maître d'ouvrage, en l'occurrence l'État, représenté par deux de ses services, la Direction départementale de l'Equipement de Loire-Atlantique et la Direction de l'aviation civile Ouest. Ils vont devoir justifier à la fois la nécessité d'un nouvel aéroport dans l'Ouest, la pertinence de sa localisation à Notre-Dame-des-Landes, et la façon dont on le réaliserait si la décision était prise.

Je veux dire dès maintenant que ce débat porte sur l'ensemble du dossier, que tout pourra être discuté et qu'aucune décision n'est prise. Bien entendu, le maître d'ouvrage est favorable au projet et va argumenter dans ce sens, mais le débat est complètement ouvert. Il portera sur la justification du projet, sur le choix du site, sur la manière dont l'aménagement pourrait être réalisé et sur ses éventuelles conséquences économiques et environnementales. On parlera donc, en particulier, des risques de nuisances attachés aux différentes variantes étudiées pour la réalisation de ce projet, mais aussi des effets socio-économiques qu'il pourrait avoir, dont certains paraissent positifs, et dont d'autres peuvent susciter des interrogations.

L'ORGANISATION DU DEBAT


- Combien de temps durera le débat ? Comment va-t-il se dérouler ?
J.B. La durée du débat est, en principe, de quatre mois. Il pourrait être prolongé de deux mois s'il apparaissait nécessaire, après la présentation du projet, de mener des expertises complémentaires sur certains points du dossier qui ne font pas l'unanimité.

Ce débat sera ponctué par plusieurs grandes réunions publiques. Je peux d'ores et déjà annoncer quatre grandes réunions publiques pour lancer le débat, qui seront consacrées à la présentation par le maître d'ouvrage du dossier et de ses implications. Deux se tiendront à Nantes, une à proximité du site même de Notre-Dame-des-Landes, une à Rennes.

Bien entendu, dès ces premières réunions, le maître d'ouvrage ne sera pas seul à parler. Nous organiserons des tables rondes, avec des partisans du projet et des opposants. Chacun de ces intervenants dira ce qu'il considère comme essentiel sur le sujet. Nous engagerons ensuite le débat avec la salle.

Car, non seulement tout le monde a le droit de s'exprimer, mais il est souhaitable que chacun le fasse parce que le projet a des conséquences plus ou moins directes pour tous et parce que chacun est un citoyen, qui doit s'impliquer dans la vie de sa région.

Toutes les questions, toutes les opinions, toutes les propositions exprimées seront donc recueillies, consignées et conservées. Elles contribueront ultérieurement à la décision des responsables gouvernementaux.

Après ces réunions de présentation, il y en aura d'autres, thématiques, auxquelles tous ceux qui le souhaitent pourront participer. Nous y serons sans doute moins nombreux, car il s'agira de sujets parfois très techniques, mais qu'il faut absolument traiter pour que tous les avis compétents soient recueillis.

LES EVENEMENTS ET LES MOYENS D'INFORMATION DU DEBAT

- Où auront lieu les réunions publiques du débat ?
J.B. Ce projet d'aéroport ne concerne pas seulement Nantes et son voisinage immédiat, mais l'ensemble du grand Ouest. Il sera donc nécessaire que nous tenions des réunions dans des villes assez directement intéressées par le projet. J'ai déjà évoqué le cas de Rennes qui est très explicitement intéressée. Mais il y a d'autres villes, tant dans la Région Pays de la Loire que dans la Région Bretagne, voire dans des Régions voisines, dont la position par rapport à ce projet mérite également débat, soit parce qu'elles possèdent elles-mêmes des aéroports, soit parce que leurs habitants seraient des utilisateurs potentiels de ce nouvel aéroport s'il venait à être réalisé.

-Répondrez-vous positivement aux demandes d'expertise qui ont d'ores et déjà été formulées par certaines associations ?
J.B. Compte tenu de la complexité du sujet, il me paraît probable que nous serons amenés à demander des expertises complémentaires. Mais ce n'est qu'après l'exposé du projet par le maître d'ouvrage, et après avoir entendu une première fois tout le monde, que nous pourrons prendre une décision en la matière et, le cas échéant, définir un cahier des charges répondant aux interrogations exprimées dans cette première phase du débat. Dans une telle hypothèse, il conviendrait ensuite d'organiser, le moment venu, une ou plusieurs réunions pour comparer les résultats de ces expertises avec les études du maître d'ouvrage, et enrichir ainsi le débat.

- Outre les réunions, quels seront les moyens du débat ?
J.B. Il n'y aura pas que des événements spectaculaires. Le débat public doit permettre de recueillir les avis, observations, commentaires, suggestions de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont des raisons de s'exprimer. Nous recevrons toutes les contributions écrites, nous les intégrerons dans le débat et elles seront mises à disposition de tous pour enrichir le débat. Nous mettrons aussi en place des moyens d'information et de communication - journal, site web, e-mail, système de recueil des questions posées et de réponses, … - pour que chacun puisse être tenu au courant de l'évolution du débat et y prendre la part qu'il souhaite.

LE ROLE DE LA COMMISSION PARTICULIERE

- Quel est le rôle de la commission particulière du débat public (CPDP) ?
J.B. Le rôle de la CPDP est essentiellement d'organiser le débat. Elle est une émanation de la commission nationale du débat public, qui a pour mission de décider des débats publics à lancer sur les grands projets d'aménagement, très en amont de la décision.

Pour Notre-Dame-des-Landes, c'est bien le cas. Nous nous trouvons bien avant la décision d'engager ou non cette opération. C'est donc au bon moment que se situe le débat. Notre commission particulière a pour mission de structurer le débat, de veiller à son bon déroulement, de permettre à chacun de s'exprimer, d'inciter le maître d'ouvrage à apporter toutes les réponses que peuvent souhaiter ceux qui sont intéressés au projet et, finalement, de faire un compte rendu précis, objectif et complet de tout ce qui s'est dit.

La commission particulière n'a, en aucun cas, à porter un jugement, ni sur les arguments du maître d'ouvrage, ni sur ce que d'autres exprimeront au cours de ce débat. Elle veillera simplement à en donner une retranscription fidèle, à vérifier que toutes les questions qui devaient être posées ont bien été posées, et que ceux qui voulaient s'exprimer ont pu le faire, qu'ils ont eu toute la place qu'ils méritent dans le débat.

L'EQUILIBRE DU DEBAT

- Cet équilibre, que vous évoquiez en rappelant que la Commission n'a pas d'avis sur le projet et n'en exprime pas, comment comptez-vous le faire respecter pendant le débat ?
J.B. Pour lancer le débat, nous laisserons évidemment le maître d'ouvrage exposer son projet. Mais, immédiatement après, il y aura une table ronde à laquelle participeront des partisans du projet, mais aussi des opposants résolus à tout ou partie des propositions du maître d'ouvrage. Ceci permettra à ceux qui suivent le débat d'entendre une large palette d'opinions et de se forger la leur. Le président de la commission particulière et ses membres essaieront de faire en sorte qu'il y ait un équilibre aussi parfait que possible de l'expression des intervenants.

LA COMPOSITION DE LA CPDP

- Comment avez-vous composé la CPDP ?
J.B. La commission est volontairement restreinte. Nous sommes cinq au total. L'équipe, que j'ai voulue aussi diversifiée que possible dans ses compétences, comporte d'abord, par ordre alphabétique, Gilbert Ganez-Lopez, qui était très récemment juge des libertés au tribunal de Nantes. Il donnera un ancrage régional à notre équipe et nous fera bénéficier d'une très riche expérience professionnelle, en particulier au plan des relations humaines.

La commission particulière compte également dans ses rangs Pierrette Larivaille, ingénieur de formation, qui a été responsable des questions d'environnement à Électricité de France. Elle est maintenant à la retraite, mais elle exerce la fonction de commissaire enquêteur dans les Yvelines.

Il y aura également Catherine Goupillon, directrice des relations presse de l'Institut Curie, dont l'apport en matière de communication et de qualité des échanges sera évident.

Enfin, Serge Vallemont, ingénieur général des Ponts et Chaussées, aujourd'hui à la retraite, qui a déjà participé comme moi-même à la commission particulière qui a organisé le débat sur l'extension du port du Havre ainsi qu'à la commission DUCSAI, nous fera profiter de sa grande expérience professionnelle et des réflexions approfondies qu'il a menées sur le débat public.

- Quel rôle jouera, dans votre mission, votre expérience professionnelle et à la CNDP ?
J.B. J'ai été moi-même maître d'ouvrage, quand j'étais directeur général d'EDF puis président de la SNCF. Mais je ne suis plus en activité. Je n'ai plus aucune implication dans les grands projets de ces entreprises et je suis parfaitement indépendant dans mon appréciation des choses. Je crois que mon expérience passée est un atout pour bien mesurer les enjeux du débat que nous allons vivre.

Depuis la création de la commission nationale du débat public, j'en suis membre. À ce titre j'ai suivi l'ensemble des débats qui ont eu lieu. Je me suis efforcé d'en tirer des enseignements, sur la manière dont ils se sont déroulés, sur la synthèse qui en a été faite, et sur le processus que suit l'État après la conclusion du débat.

LES SUITES DU DEBAT

- Quelles seront les suites du débat ?
J.B. Les ministres compétents recevront une synthèse du compte rendu de ce débat - avec en annexe l'ensemble des discussions et des documents - et se feront une opinion. Ils décideront alors s'ils veulent ou non prendre ce dossier en considération. Ensuite, si telle est leur décision, il leur appartiendra de donner les suites qui s'imposent pour la poursuite du projet. Le rôle de La CNDP ne sera pas pour autant terminé puisqu'aux termes de la loi, il lui appartient de veiller au respect de bonnes conditions d'information du public durant la phase de réalisation des projets dont elle a été saisie jusqu'à la réception des équipements et travaux. Le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes sera d'ailleurs le premier exemple d'application de cette extension des prérogatives de la CNDP.


- - - - haut de page