La logique d’aménagement périurbain des grandes agglomérations, qui est commune dans les années 1960 aux principaux pays d’Europe occidentale, a trouvé en France une traduction concrète à travers la politique des « villes nouvelles » consacrée par Paul Delouvrier dans le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de 1965. Cinq villes nouvelles furent créées ex nihilo en Ile-de-France : Sénart, Saint-Quentin-en-Yvelines, Évry, Cergy, Marne-la-Vallée, situées à plus de 20 km du périphérique parisien.
Progressivement, les communes périurbaines ont donc pris le relais des banlieues dans la croissance de l’aire urbaine de Paris et ont contribué à renforcer indirectement le phénomène de l’étalement urbain.
L’augmentation progressive de l’emploi en première et surtout en deuxième couronne, au détriment de Paris intra-muros, entraîne une perte massive d’accessibilité aux emplois des actifs de la région. Ainsi, l’utilisation des transports en commun, principalement radiaux, diminue dans les déplacements entre le domicile et le lieu de travail.
C’est l’automobile qui permet désormais les déplacements de banlieue à banlieue, avec son lot de problèmes induits : congestion, pollution, allongement des temps de transport. Les plus pénalisés par cette situation sont les actifs des catégories les plus modestes, de plus en plus captifs de l’automobile, alors que les catégories supérieures, qui résident et travaillent plutôt dans les zones centrales, ont un meilleur accès aux transports collectifs.
La crise du logement accentue ces tendances croissantes de ségrégation spatiale et sociale et des déséquilibres habitat/emploi qui frappent l’Ile-de-France. Les classes modestes et moyennes, progressivement exclues du cœur de l’agglomération et de sa banlieue proche, se tournent vers des marchés plus éloignés, qui accueillent la plus grande partie des logements sociaux. Les populations de ces territoires se retrouvent ainsi écartées du dynamisme de la région.
Enfin, cet étalement se fait par l’urbanisation d’espaces ouverts, notamment agricoles, qui sont ainsi considérés comme de simples réserves foncières. Ce remplissage progressif, par l’urbanisation et les infrastructures qui l’accompagnent, fragmente le territoire, rompt les continuités écologiques et diminue progressivement la viabilité des exploitations agricoles, contraignant les exploitants à rechercher d’autres sources de revenus et rendant plus difficile la reprise de l’activité par les jeunes.
Les conséquences d’un développement très hétérogène des territoires
Densité, revenus, emplois, logements, services et équipements publics : sur tous ces indicateurs, l’Ile-de-France révèle des disparités importantes, qui affaiblissent la cohésion sociale et le développement global de la région.
Richesse et pauvreté
Un état des lieux dressé en février 2006 par l’IAURIF (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région d’Ile-de-France) sur les territoires de pauvreté en Ile-de-France précise que « jouxtant parfois les territoires les plus prospères, il existe aujourd’hui en Ile-de-France des territoires de grande pauvreté où les habitants vivent avec un revenu moyen deux fois plus faible que celui de l’ensemble des Franciliens ». Ces espaces ne sauraient se réduire aux zones urbaines sensibles (ZUS), puisque 40% d’entre eux n’en font pas partie.
20 % des territoires « pauvres » sont situés à Paris, plus du tiers en Seine-Saint-Denis, 12 % dans le Val-d’Oise. Près de la moitié des ménages résidant dans ces espaces pauvres sont ouvriers ou employés, les cadres et les professions intermédiaires étant nettement sous représentés. Le niveau de chômage y est deux fois plus élevé qu’en moyenne dans la région.
Densité
On note de grandes différences entre Paris intra-muros et les espaces périphériques. Ainsi, la densité de Paris (hors Bois de Boulogne et de Vincennes) dépasse 25 000 hab/km2. En revanche, une fois passé le périphérique, la densité est pratiquement divisée par trois et tombe même à moins de 1 000 hab/km2 en grande couronne .
Services et équipements
Si l’offre de services et d’équipements est très dense au coeur de Paris, elle diminue progressivement dès qu’on s’éloigne de Paris.
D’après l’enquête globale transport (EGT) 2001, chaque semaine, les équipements et services franciliens seraient la destination d’environ 86 millions de déplacements, soit près des deux tiers des déplacements hebdomadaires totaux observés dans la région, hors retour au domicile, devant les déplacements consacrés à l’emploi et aux affaires professionnelles (25%).
Une analyse de l’IAU précise que « rapporté à la population, le niveau d’offre en équipements et services est très variable au sein de la région, non seulement entre la zone centrale et dense et les zones plus rurales ou périphériques, mais aussi entre les zones socialement favorisées et les autres ». Ainsi, les zones denses, urbaines et socialement favorisées se caractérisent par un suréquipement par rapport aux moyennes régionales ou nationales dans certains domaines (petite enfance, court séjour hospitalier, médecins spécialistes, commerces de proximité, culture…), mais par un sous-équipement dans d’autres domaines (médico-social, sports de plein air…). En revanche, les départements de grande couronne sont mieux équipés en services médico-sociaux, en commerces de grande taille, ou en équipements sportifs consommateurs d’espace. Quant aux départements fortement touchés par des difficultés sociales, comme la Seine-Saint-Denis, ils sont dans une position défavorable pour une grande partie des indicateurs.