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 / Compte rendu du 16 février 2006


Débat public ITER

Réunion de cadrage - 16 février 2006 à Nice

Thème : Appréciations globales du sujet et de ses incidences, enjeux et méthodes du débat, problématiques et leur hiérarchisation, diversité des sensibilités régionales

L'essentiel du débat

Le débat a accueilli près de 150 personnes. Lors de la séance de questions publiques, plus de vingt participants ont pris la parole. Plusieurs interventions ont porté sur les risques qu'impliquaient ITER. La préparation face à un risque sismique a été expliquée ainsi que la faiblesse de radioactivité des déchets. La nécessité de construire ITER en parallèle du développement de la recherche sur d’autres formes d'énergies a été confirmée par les ingénieurs du CEA. Les incertitudes face au projet ainsi que les résultats attendus ont fait l'objet de plusieurs questions. Ont aussi été évoquées l'adaptation de formations initiales et continues aux enjeux d'ITER, l'appropriation du projet par les populations de la région. Le coût d'ITER a été détaillé ainsi que les retombées pour la région en terme d'emploi, de recherche et d'aménagement.

Étaient présents six membres de la commission particulière du débat public sur ITER, Yannick Imbert, directeur de projet auprès du ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire chargé des mesures d'accompagnement d'ITER, Pascale Amenc-Antoni, directeur général de l’agence ITER – France et Michel Chatelier, chef du département recherche sur la fusion au CEA Cadarache. À noter aussi la présence de Eisuke Tada, chef de l'équipe internationale sur le site de Cadarache et Didier Gambier, chef d'unité « développement conjoint de la fusion » à la DG Recherche de la Commission européenne.

Les principes du débat ont été énoncés et il a été rappelé que le projet ITER présentait des défis et des enjeux en termes d'expérimentation mais aussi relativement à l'aménagement du territoire.

Introduction de Patrick Legrand, président de la Commission particulière du débat public (CPDP ITER)



Patrick Legrand a introduit la réunion en précisant qu'il s'agissait de la dernière des quatre réunions de cadrage. Il a indiqué que les précédentes réunions avaient été très constructives.

Comme lors des précédents rendez-vous du débat public, il a expliqué que le débat sur ITER se divise en quatre temps : les réunions de cadrage, les réunions thématiques, les « rendez-vous locaux » et l'élaboration du compte rendu remis à la Commission nationale du débat public (CNDP).

Patrick Legrand a détaillé les trois facettes du projet ITER : une installation internationale expérimentale exceptionnelle, un projet d'équipement avec des conséquences sur les court, moyen et long termes, une option en matière d'alternative énergétique à long terme.
Il a ensuite cité trois des grands principes d'un débat public : transparence de la commission indépendante, équivalence de chacun et nécessité, pour tous, d'argumenter ses propos.

Patrick Legrand a présenté les membres de la CPDP présents : Patricia Jean à ses côtés à la tribune, Carole Guihaumé, Isabelle Giri, Yves François et Hervé Le Guyader dans la salle. À leurs côtés, se trouvaient Yannick Imbert, directeur de projet auprès du ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire chargé des mesures d'accompagnement d'ITER, Pascale Amenc-Antoni, directeur général de l’agence ITER – France et Michel Chatelier, chef du département recherche sur la fusion au CEA Cadarache.

Yannick Imbert


Yannick Imbert a indiqué qu'à la demande du Premier ministre, les meilleures conditions d'accueil seraient mises en œuvre et que les échéances préparatoires seraient respectées. Il a affirmé que le projet devait devenir un projet d'aménagement et de développement du territoire.

Pascale Amenc-Antoni


Pascale Amenc-Antoni a précisé que le CEA représentait les partenaires internationaux dans les débats publics. Elle a indiqué que l'équipe internationale serait présente à chacun des débats et qu'elle était représentée ce soir par Eisuke Tada, chef de l'équipe internationale sur le site de Cadarache et M. Akkomas, ingénieur hollandais sur le projet ITER.



Michel Chatelier


Michel Chatelier a expliqué les motivations du projet, le fonctionnement de la machine ITER et les trois niveaux d'organisation du projet.
Il a détaillé les trois étapes du projet ainsi que leur coût, informations présentes dans le dossier du maître d'ouvrage.
Il a souligné la triple nature du risque lié à ITER : nucléaire, chimique et externe. Il a précisé qu'une étude d'impact a montré que les rejets liés à l'exploitation d'ITER et à son démantèlement resteront faiblement radioactifs.
Il a abordé les retombées socio-économiques du projet en terme d'emploi et a défini les différents temps du projet ITER.

Patrick Legrand a ouvert le débat en faisant lecture de deux questions écrites.

Utilité du débat et enseignement des dernières réunions

M. Raynaud – Paligot a demandé ce que le débat public pouvait encore changer dans le projet ITER et quels étaient les enseignements tirés des précédentes réunions.
M. Guillemme Plan a interrogé la tribune sur l'utilité du débat public alors que la décision était déjà prise.

Patrick Legrand a précisé que le débat était à l'ordre du jour puisque de nombreuses décisions restaient à prendre et qu'il fallait discuter des impacts et des conséquences du projet. Il a souligné que les précédentes réunions avaient prouvé que les thématiques prévues pour les prochaines réunions étaient valables.
Yannick Imbert a précisé que le gouvernement avait pris acte de la décision de la Commission nationale du débat public. Il partage le sentiment de Patrick Legrand sur l'utilité de débattre des problématiques et de répondre aux interrogations du public.

Le public a ensuite pris la parole

Synergie entre ITER et la région PACA

M. Pougerolle, membre de l'association Nice Horizon 2008, s'est interrogé sur la façon dont la population de la région allait porter le projet. Il a demandé s'il était prévu de créer une synergie avec les centres de recherche de la région.

Michel Chatelier a expliqué que la région allait porter le projet grâce à son tissu de centres de recherche mais aussi universitaires. Il a ajouté que les problématiques d'ITER étaient au centre des discussions de la communauté scientifique de la région.

Patrick Legrand a ajouté que des éléments de réponse se trouvaient dans le dossier. Des acteurs tels le Conseil général et le Conseil régional sont impliqués dans le projet, ce qui prouve qu'ils croient en l'imprégnation du projet par les populations de la région.

Formation spécifique, accompagnement des professeurs et école internationale

Gilles Arnoux, documentaliste, a demandé si une filière spéciale pourrait être créée à Sophia Antipolis et où se situerait l'école internationale.
M. Poubart a interrogé la tribune sur un possible accompagnement des professeurs de physique. (Question écrite)

Yannick Imbert a répondu que dans une optique de développement durable, l'adaptation de l'appareil de formation initiale et continue aux enjeux d'ITER est en cours. Il a souligné l'importance d'une action pédagogique pour la jeunesse de la région et de la France entière. Il a précisé que l'école internationale se situerait à Manosque (04).

Michel Chatelier a ajouté que la jeunesse se montrait intéressée par ITER, redonnant du coup de la visibilité à la science. Il a mentionné la formation d'un Master « Fusion » à l'Université de Provence, Paris XI, Bordeaux et Nancy. L'Université de Nice, quant à elle, collabore depuis longtemps avec le CEA.


Influence du débat

M. Camas s'est interrogé sur l'influence que pourrait avoir le débat public français sur un projet international.

Patrick Legrand a expliqué que l'Europe comme la France possède des directives relatives à l'information du citoyen, ce qui donne toute sa dimension au débat public au niveau européen. Il a rappelé qu’ITER était soumis aux lois françaises, donc le débat public gardait toute son importance. Enfin, il a souligné que le débat public était en observation par les partenaires internationaux qui croient en la nécessité d'une concertation.

M. Gambier, chef d'unité développement conjoint de la fusion » à la DG Recherche de la Commission européenne, a rappelé que les partenaires internationaux ainsi que la Commission européenne participaient aux différentes réunions. Une présence qui démontre la conviction de l'utilité de l'effort fournit par la France et ses partenaires.

Commission européenne favorable à ITER

A une personne du public qui s’interrogeait sur le fait que certains pays membres du projet et de la Communauté européenne ne cautionnaient pas le nucléaire, M. Gambier a expliqué que le projet ITER s'inscrivait dans le traité Euratom et que ce projet avait été accepté à l'unanimité. La Commission Européenne a été mandatée trois fois par le Conseil pour discuter du contrat ITER : preuve que les états membres en question sont favorables à la construction d'ITER.

Risques

Florian Grison a demandé quels étaient les risques encourus par la population.

M. Maurice Haessler, directeur adjoint du CEA, a précisé que comme dans toute installation de recherche utilisant des matériaux radioactifs, ITER présente des risques qui seront maîtrisés par un confinement du produit radioactif par deux barrières : la première étant la paroi de la machine et la deuxième les locaux adjacents.


Stockage des déchets

M. Lopaligo a demandé des informations sur la localisation des centres de stockage des déchets.

Jean Pierre Auzin, membre de l'agence ITER France, a expliqué que lors de la période d'activité, 95 % des déchets rejetés seront faiblement à très faiblement radioactifs. Lors de la phase de démantèlement, 90 % des déchets seront faiblement à très faiblement radioactifs. Il a ajouté qu'il existait deux centres de stockage en France dont celui de Laube dans le nord est de la France qui présentait une capacité de stockage importante.

Développement des infrastructures de transport

Jean Christophe Picard, membre du parti radical de gauche, a fait remarquer qu'on parlait beaucoup du développement d'infrastructures routières mais pas de celui d'infrastructures ferroviaires.

Yannick Imbert a répondu qu'en dehors du projet ITER, d'autres projets d'infrastructures étaient en cours dans la région. Le dossier fait mention du développement du réseau routier, nécessaire au transit des charges lourdes. Cependant le projet peut entraîner le développement d'autres infrastructures de transport comme l'axe ferroviaire Aix-Marseille. D'autres développements émanant des discussions sur ITER pourront être proposés pour le très prochain Contrat Plan État Région.

Appropriation du projet

Jean Pierre Mascarelli, représentant du Président du Conseil général des Alpes maritimes, a pris la parole pour préciser que le Département apporte sa contribution au projet à hauteur de 15 millions d'euros. La région n'ayant pas porté de projet de cette envergure depuis longtemps, il a insisté sur le fait que la population des Alpes Maritimes devait se l'approprier.

Aboutissement d'ITER et panel énergétique

M. Niquese a souligné qu'une partie de la population dont il faisait partie était réticente au projet ITER, qui pour lui n'aboutirait pas. Il a ajouté qu'il faudrait parier sur d'autres énergies comme celle produite par les micro-organismes.

Pascale Amenc–Antoni a répondu que le projet n'était pas exclusif d'autres projets de recherche. Elle a cité le pôle de compétitivité de production d'énergies non génératrices d'effets de serre dont le CEA fait partie. Elle a précisé que toutes les sources d'énergie étaient intéressantes, dans la mesure où l'on adapte chaque énergie à son application la plus adéquate.

M. Gambier a ajouté que si des pays comme la Chine ou l'Inde investissaient dans le projet, ce n'était pas pour le goût de la recherche mais bien dans l'optique de trouver une nouvelle ressource énergétique.

Production d'énergie

M. Azau, président d'association, s'est demandé si le rapport de 10 kW produit pour 1 kW consommé n'était pas possible avec d'autres sources d'énergie.

Michel Chatelier a indiqué qu’il était difficile de comparer et a précisé que le rapport 10 kW produits pour 1 kW consommé était jugé scientifiquement significatif mais que dans un réacteur industriel, le rapport devrait être de 1 kW consommé pour 30 à 50 kW produits.

Aménagement du territoire

M. Molinari, ancien du CEA et de l'AIEA, s'est inquiété du fait que dans le passé on se souciait peu du lieu d'implantation des centres nucléaires (Marcoule par exemple). Il a proposé d'étudier les retours sur expérience pour ne pas reproduire les erreurs déjà commises.

Yannick Imbert a confirmé la pertinence de cette remarque. Il a expliqué que depuis 50 ans des réflexions étaient menées sur l'aménagement du territoire. Mais les conclusions n'avaient pas forcément toujours été tirées à temps. Il a cependant souligné que le projet ITER était une aubaine car il permettait de se pencher sur la problématique de l'aménagement.

Incertitudes et coût d'ITER

M. Had s'est inquiété du fait que certains scientifiques s'opposent au projet ITER. Le projet comporte beaucoup d'incertitudes et sera un gouffre pour l'argent de la recherche alors que d'autres pistes étaient à explorer.

M. Gambier a précisé que si l'Europe supportait 40 % du coût d'ITER, ce projet coûtait cher à tous les partenaires. Il a expliqué qu'il existait un programme cadre européen où toutes les formes d'énergies étaient envisagées et que la Commission européenne allait consacrer plus d'argent aux énergies renouvelables dans les temps à venir que la somme consacrée à ITER.

Michel Chatelier a affirmé que la communauté de la fusion proposait un projet réaliste et qu'il ne fallait pas sous estimer le problème énergétique. Il a ajouté qu'en France, on a dépensé 40 milliards d'euros en énergie l'an dernier. Se lancer dans un programme de recherche comme ITER ne paraît donc pas démesuré.

Évaluations des expériences précédentes

Adrien de Bellun, ingénieur étudiant, a demandé quelle évaluation on pouvait faire d'expériences similaires comme celle de Genève ou du Chili.

Pascale Amenc–Antoni a répondu que ITER était implanté à Cadarache car le site présentait les infrastructures et compétences nécessaires. Elle a ajouté que des études économiques avaient été faites sur le retour du JET, du CERN et de TORE SUPRA en terme d'emploi et de lien social. Elle a indiqué que l'étude réalisée sur l'ensemble du site Cadarache a été utilisée pour le dossier de candidature..

Communication autour du débat

Une personne a demandé pourquoi le compte-rendu des réunions précédentes n'était pas publié car tous les citoyens n’ont pas internet. Adrien de Bellun a ajouté que le débat public faisait les frais d'une mauvaise communication autour d'ITER.

Patrick Legrand a expliqué que le débat public était une entité récente et que l'ensemble des acteurs du débat n'est pas toujours en phase avec les différents moyens de communication. Il a ajouté que la parution de la lettre du débat était dépendante d'un dispositif de rédaction.

Financement et retombées pour la région

Florian Grison s'est interrogé sur le bénéfice qu'allait tirer la France du projet, compte tenu du fait qu'elle dépensait plus que les autres partenaires d'ITER.

Pascale Amenc–Antoni a précisé que la France supportait une part financière plus importante car elle accueillait ITER sur son territoire. Elle a ajouté que les 10 milliards d'euros nécessaires à la réalisation du projet sont partagés entre les pays membres et que la part de la France est financée pour moitié par les collectivités locales de la région pendant la phase de construction. Elle a expliqué que pendant la phase d'exploitation, des retombées étaient prévisibles sur les laboratoires, les universités et centres de recherche du territoire.

Réponse aux questions et quantité d'eau utilisée

M. Pougerolles a souligné que toutes les questions ne trouvaient pas réponse lors du débat public. Il a de plus demandé quelle quantité d'eau serait nécessaire pour le projet ITER.

Patrick Legrand a expliqué que le système de questions-réponses était en effet difficile mais que les questions qui n'auraient pas eu de réponse pourraient être reportées ou informées sur le site Internet.

Michel Chatelier a précisé que la quantité d'eau nécessaire était faible, de l'ordre de 0.5 % du débit du Canal de Provence.

Concentration de la recherche

M. Seligue a demandé si la recherche serait concentrée à Cadarache.

Michel Chatelier a expliqué que Cadarache était un pôle de recherche mais que des échanges entre les chercheurs des différents laboratoires européens d'Euratom allaient s'effectuer. De plus, la recherche s'effectuera aussi dans certaines universités.

M. Gambier a ajouté que le programme ITER intègre la recherche chez les partenaires. Le projet permettra aux chercheurs de Chine et d'Inde par exemple de travailler sur des machines européennes.

Risques sismiques et ressources en tritium

M. Had a évoqué le risque sismique présent sur la faille de la Durance. Il a ensuite demandé quelles étaient les ressources en tritium.

M. Hollender, géophysicien du CEA a expliqué que la Provence présentait une sismicité modérée. De plus, le risque sismique est fonction de deux variables : l'aléa sismique et la vulnérabilité des bâtiments. L'aléa étant défini, les bâtiments ont été construits sur des plots parasismiques très résistants.

Michel Chatelier a précisé que le deutérium était abondant et que pour produire du tritium on avait besoin de lithium. Les ressources terrestres de lithium s'étendent actuellement sur 2 000 ans.

Projets scolaires

Florian Grison a demandé si le projet allait être abordé dans les classes de collège et lycée.

Michel Chatelier a répondu que le CEA travaillait déjà avec certains établissements mais que les moyens étaient limités. Il a donné l'exemple du lycée Roi d'Espagne à Marseille où un groupe d'élèves avait préparé un exposé sur la fusion, présenté au Conseil général et au personnel de Cadarache. Il a ajouté que le CEA accueillait des visites scolaires.

Fusion et fission

Une personne du public a demandé un complément d'information sur les avantages que présentait la fusion par rapport à la fission.

Michel Chatelier a expliqué que les déchets de la fusion avaient une durée de vie relativement courte, gérée à l'échelle d'une génération, contrairement à ceux générés par la fission.

Jean-Pierre Rozain a ajouté qu'il existe un facteur 100 000 entre la radioactivité produite par un réacteur à fission et un réacteur à fusion. Les déchets liés à la fusion sont des déchets métalliques essentiellement à durée de vie très courte. Au bout de quelques dizaines d’années, il ne reste que des éléments très peu radiotoxiques, comme le nickel. A titre d’exemple, le nickel est vingt fois moins radiotoxique qu’un élément comme le césium produit lors d’une réaction de fission.

NB : les personnes du public ayant juste donné leur nom oralement, des erreurs peuvent s'être glissées dans leur orthographe