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Avis n°96

Avis dans le cadre du débat public Europacity

Ajouté par Jacques CADELEC (Palaiseau), le
[Origine : Site internet]

Le 26 mai 2016, lors du débat public de la Cité des Sciences de la Villette, j’ai été frappé par la présentation initiale du directeur du projet qui m’a fait penser plusieurs fois à une caricature de langage technocratique utilisé avec des mots qui ressemblaient à une leçon bien apprise sans grande conviction personnelle. Europacity, ce n’est pas du commerce, mais du commerce collaboratif. L’écosystème est vertueux ! Etc. La présence de messieurs Aillagon et Bouzou, m’a choqué. C’était fait pour nous impressionner, mais c’est mésestimer notre intelligence. Comment ne pas éclater de rire en entendant M. Aillagon vanter l’intérêt culturel d’Europacity.

J’ai constaté, comme à Saclay, un grand désir de la part du public citoyen de s’exprimer, désir entravé par le temps accordé à la description du projet par ses promoteurs. C’est normal car les débats publics et les enquêtes publiques sont les seuls exutoires dont nous disposons. En effet, « Le système représentatif dysfonctionne, le lien représentatif a disjoncté ». C’est Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, qui l’écrit dans son dernier livre.

Mais revenons au fond du problème. Ce territoire n’a pas besoin d’un centre commercial et culturel avec orientation loisirs. La culture c’est du plaisir, lors par exemple de la visite d’un musée, d’un monument ou d’un paysage, mais c’est aussi du travail pour acquérir des connaissances et se situer dans le monde. Or que lit-on dans la brochure "Le projet en bref" : fête, bien-être, nuit, art de vivre, sensations fortes, vacances ! C’est limite publicité mensongère. Europacity offre du rêve aux personnes dont certaines ont exprimé leur souffrance : l’absence de travail pour les parents empêche les enfants de réussir à l’école, une famille n’a pas assez d’argent pour sortir ses enfants, les jeunes sont angoissés de ne pas trouver de travail, etc.

Ce territoire est proche de Paris dont il est inutile de rappeler la richesse architecturale et culturelle. Comment Europacity pourrait faire mieux que la Cité des Sciences, ou le Louvre ? On peut douter que les riches choisissent un corridor aéroportuaire pour leurs loisirs vu la proximité de Paris. Quant aux pauvres, ils économiseront en frais de transport, certes mais avec quel argent pourront-ils payer les attractions ?

De plus, et il n’est pas vain de le rappeler, ces concentrations d’activités en Ile-de-France vont générer des pollutions de tous ordres. A Saclay, on déménage les grandes écoles, les laboratoires et les centres de recherche pour créer une usine à gaz de 60.000 chercheurs, enseignants et étudiants. Cela favorise la spéculation immobilière sur les lieux urbains ainsi délaissés sans créer d’emplois nouveaux. A Gonesse, on utilise le paravent de la culture et des loisirs pour créer un centre commercial inutile et on ajoute un centre d’affaires, en oubliant les millions de m² de bureaux vides en Ile-de-France, les bureaux de La Défense, ceux prévus à Orly et ailleurs. A Saclay, la voie rapide 118 est saturée, à Gonesse l’autoroute A1 est saturée. Où passera le trafic automobile induit par ces nouvelles constructions. Le Grand Paris organise la compétition aux dépends de la coopération et de l’aménagement du territoire national, outre-mer comprise.

Nous vivons tous dans un monde limité. Nous savons aujourd’hui qu’une croissance infinie est impossible sans mettre en danger la vie sur terre. Nous savons aussi que le monde occidental ne peut plus exploiter le reste du monde comme il l’a fait pendant plusieurs siècles. Il est frappant que je n’obtienne jamais de réponse quand je demande quel taux de croissance est attendu pour justifier de tels investissements. Certes, les problèmes que nous affrontons sont complexes et difficiles, mais je demande à nos dirigeants politiques de suspendre cette politique de fuite en avant dans des projets qui ne répondent pas aux besoins réels des habitants. Les élus doivent cesser de s’abriter derrière des projets tels qu’Europacity pour pallier leur manque d’idées et de solutions. La réunion du 26 mai à la Cité des Sciences a montré qu’ils étaient loin d’être unanimes. Des responsables économiques alertaient sur la démesure de la surface commerciale annoncée et les dangers de destruction de l’existant voisin. Je demande de mettre en place une politique industrielle créatrice d’emplois pour répondre aux objectifs des gaz à effet de serre acceptés par notre pays lors de la COP21. Si j’ai bien compris il y a dans les environs de Gonesse des friches industrielles à utiliser pour cela. Quant aux terres agricoles, qu’elles le restent.

Les pouvoirs publics envisagent de dépenser un milliard d’euros au profit de ce projet scandaleux pour les loisirs des nantis. Il y a mieux à faire, par exemple, utiliser ce milliard pour faire cesser le scandale des familles qui n’ont pas de travail ou de revenus suffisants pour faire connaître à leurs enfants les musées, les châteaux historiques, les théâtres, les paysages qui sont la fierté de notre pays, qu’ils permettent à l’école de préparer les enfants au respect de l’environnement sans lequel leur avenir sera compromis.

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