Avis n°114
Europacity : ni city, ni Europa
le ,Le projet Europacity : un projet flou, une promesse incertaine d'emplois et une déstabilisation du territoire avérée
Le projet Europacity « s’affirme sans équivalent dans sa conception et dans son offre ». Soit ! Alors le niveau d'exigence sur l'étude d'impacts doit être à la hauteur de son ambition. Ce qui ne semble pas être le cas :
- En pratique, il s'agit d'abord d'un projet commercial centré sur les loisirs « indoor » puisque plus 44 % des emplois seront dans le commerce et 24 % dans l'hôtellerie... et 4 % dans le domaine culturel. L'effet d'éviction sur la clientèle des centres commerciaux et de loisirs existants a-t-il été vraiment mesuré (Aéroville, Paris-Nord II O'Parinor) alors que ceux-ci sont aussi engagés dans des démarches de repositionnement ?
- Le flou est manifeste sur les activités culturelles, encore faut-il savoir de quoi l'on parle (piste de ski ?) puisque seule la RNM (Réunion des musées nationaux) et Universcience s'associeraient à la programmation (et non à la gestion d’événements ou d'installations). En outre, l'accessibilité en termes de prix interroge fortement puisque sont évoqués des prix de 25 à 40 euros... Mais il est vrai que la clientèle visée doit être aisée. Il ne s’agit donc pas des populations voisines.
- Un projet d'une telle ampleur exige sur le plan fonctionnel un phasage précis qui conditionne l'équilibre financier de l'opération. Or sur ce sujet, il y a de larges incertitudes : quelles sont les premières briques et celles qui sont « facultatives » ?
- L'ambition est une cible de 30 millions de visiteurs. Est-ce réaliste lorsque l'on sait qu'Eurodisney, qui a une notoriété mondiale, a eu 14,2 millions de visiteurs en 2014... avec une chute de 2 millions de visiteurs en deux ans ? Si l'on considère l'offre de parc de loisirs au Nord et à l'Est de Paris (Astérix, Eurodisney...) il est en outre difficile d'affirmer qu'un besoin existe. Là encore l'effet transfert est à craindre. Est-il mesuré ?
- Bien sûr la promesse de l’emploi en ces temps de chômage de masse, de surcroît dans un territoire durement touché, fait rêver. Mais s’agit-il vraiment de créations nettes ? À quelle échéance et à quel prix ?
La configuration du territoire, avec l'impossibilité de se loger sur place, signifiera des migrations pendulaires. Et là, on touche au nœud du problème : la réalisation des infrastructures de transport indispensables à l’accessibilité au site pour les employés et les clients. Aujourd'hui, ces infrastructures sont très insuffisantes. Or, elles sont la condition même de l'existence du projet Europacity, bien sûr en termes de capacité de fonctionnement mais aussi, quel que soit en définitive celui-ci, en termes de valorisation du site. La question posée est donc celle du niveau d'investissements publics pour un projet au risque économique élevé mais qui recèle une rente foncière garantie par les infrastructures publiques qui seront réalisées.
Acquérir des terres agricoles - dont la richesse agronomique est avérée, comme s'il s'agissait d'une « dent creuse » entre deux aéroports, alors que l'enjeu de l'aménagement du Grand Paris, admis par tous, est à la fois de recoudre les territoires désindustrialisés (voir le site PSA d'Aulnay) et de maintenir, voire de développer, une agriculture périurbaine – doit être qualifié de non- aménagement du territoire. L'impératif de « reconstruire la ville sur la ville », même s'il ne s'agit pas forcément de celle dont je rêve, aurait dû signifier une localisation du projet comme un « cœur de ville » ainsi que l'y invite curieusement le mot « City », et non comme un « Las Vegas » au milieu des champs.