Avis n°134
Le projet Europacity ne respecte pas l'article 110 du code de l'urbanisme
le ,Le projet EuropaCity ne respecte pas l’article 110 du code de l’urbanisme.
L’Article L110 du code de l’urbanisme avance que :
« Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de vie, d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d'énergie, d'économiser les ressources fossiles d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité notamment par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace. Leur action en matière d'urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement. »
Sachant que le projet d’Europacity détruirait un potentiel agricole et forestier :
Europacity va détruire directement 80 hectares de terres fertiles. Avec les accès, les surfaces agricoles détruite seront encore plus importantes.
La destruction de terres agricoles ne serait pas grave si l’Humanité disposait suffisamment de terres. Mais ce n’est pas le cas. Loin s’en faut. Pour lutter contre le réchauffement climatique, priorité absolue rappelée en novembre dernier au Bourget à deux pas du triangle de Gonesse, il convient que la végétation et les sols augmentent la quantité de carbone qu’ils stockent. Il faudrait plus de forêts, plus d’arbres. Aussi, il n’est pas possible d’envisager d’étendre les terres agricoles sur les forêts. Il faut se contenter des terres agricoles dont nous disposons aujourd’hui, qui fournissent 97% des calories que l’Humanité consomme aujourd’hui.
Par ailleurs, les rendements agricoles ne vont pas augmenter. Un graphique du rapport du GIEC publié en novembre 2014 donne l’évolution prévue des rendements agricole de 2010 à 2109, par période de 15 ans. Il montre qu’avec ou sans adaptation, le changement climatique réduira les rendements moyens de 0 à 2% par décennie pour le reste du siècle, par rapport à la fin du XXe siècle. Le graphique montre que les rendements vont commencer à décroître dans un nombre majoritaire de territoires avant 2029 (en raisonnant en tendance). Comme les rendements vont baisser, il faudra plus de terres pour produire la même quantité de produit alimentaire alors que la demande pour l’instant est sur une pente ascendante.
Illustration ci-joint : "Réchauffement climatique : L’évolution des rendements d’ici un siècle : Rapport du GIEC de 2014"
L’Humanité est manifestement en manque d’espaces agricoles et forestiers. Nous sommes déjà dans une situation de déséquilibre. Il faudrait plus d’espaces agricoles et forestiers pour assurer (facilement) les besoins de l’Humanité. Qui dit manque global, dit manque local. A chaque fois qu’un projet détruit des sols agricoles ou forestier, il détruit un potentiel humain.
En France, la somme des projets qui pour chacun d’entre eux apparaissent marginal, insignifiant aux acteurs locaux concourt à une urbanisation de l’ordre de 50 000 hectares par an. Les autres pays européens détruisent également des terres agricoles. Alors que l’Europe est déjà déficitaire nette de terres agricoles. Elle importe l’équivalent de la production agricole de 35 millions d’hectares chaque année, c’est-à-dire de 20% de sa surface agricole. Chaque destruction supplémentaire de sols agricoles ou forestiers aggrave la situation européenne et mondiale. La réalisation d’Europacity aggraverait la situation.
Sachant que le bilan carbone d’Europacity va renforcer le réchauffement climatique :
A partir d’une approche très partielle et sommaire, il apparaît que le bilan carbone d’Europacity sera catastrophique. Les promoteurs du projet doivent fournir un bilan carbone complet tenant compte de la construction, de l’activité, de l’entretien des infrastructures et également des émissions liées au transport des visiteurs.
Côté transport des visiteurs
Faisons une approche sommaire du bilan carbone du transport des clients d’Europacity. Un vol aller-retour New-York Paris ou Pékin Paris émet 0,3 tonne de carbone. Un million de visiteurs prenant un vol équivalent émettraient 300 millions de tonnes de carbone. Un client qui ferait un aller-retour en voiture de 300 km pour fréquenter Europacity émettrait de l’ordre de 10 kg de carbone. Avec 31 millions de visiteurs, le bilan carbone sur le poste transport serait sans doute autour d’un million de tonnes de carbone (ou plus).
Côté agriculture :
L’agriculture en moyenne émet 3,1 tonnes équivalent Co2 par hectare soit 0,84 tonne de carbone à l’hectare (cf observation et statistiques n°113 mars 2012 (Meddtl). Sur 100 hectares, l’agriculture intensive va dégager 84 tonnes de carbone par an.
Conclusion : il faut mieux garder l’agriculture intensive que d’avoir Europacity. Nous sommes dans un rapport de un à dix mille (minimum) !!! Certes, il faut encore mieux développer une agriculture moins émettrice de gaz à effet de serre.
Conclusion
Europacity détruirait des terres agricoles parmi les meilleures de France, repousserait encore plus loin les zones de production de la zone de consommation. Il serait également un projet générateur de gaz à effet de serre pendant sa construction, son « exploitation » avec sa piste de ski et autres activités, et notamment du fait du transport de ses visiteurs.
Sur ces seuls deux points (destruction de potentiels de production agricole et de stockage de carbone, et renforcement de l’effet de serre) le projet Europacity est un projet nuisible pour la France, l’Europe et l’Humanité. Il est d’intérêt national « d’enterrer » ce projet au plus vite. L’énergie dépensée à concevoir un projet nuisible serait mieux employée à développer la transition écologique exigée par la COP21. Ce projet va à l’encontre du code de l’urbanisme.
Le projet ne peut devenir réalité à moins que les décideurs n’arrivent à prouver qu’ils respectent l’article 110 du code de l’urbanisme.
Auteur : Robert Levesque,
auteur de « Terre Nourricière » (2011) et de « Terre et Humanité, la voie de l’Ecolocène », L’Harmattan (2016)
auteur de l’article « La question foncière renouvelée : pour une alimentation durable
de l’humanité et une souveraineté alimentaire européenne » publié dans le cahier Déméter n°15 (http://www.clubdemeter.com/cahier.php)