Point de vue n°52
Vœu voté à l'unanimité lors du Conseil Municipal de Bondy du 7/04/2016
Initié en 2006 par Immochan, la filiale immobilière du groupe Auchan, a pour ambition de faire d'Europa City, citons la plaquette du promoteur, « un équipement de nouvelle génération qui conjugue une offre diversifiée, à la fois ludique, culturelle, commerciale et touristique. », dans la partie Sud du triangle de Gonesse. Les objectifs sont clairs, développer un gigantesque centre commercial de 230 000 mètres carrés à l'horizon 2024, associant des « expériences », notamment autour de « l'art de vivre européen », associant, un parc d'attraction, un parc aquatique, des grands magasins, une grande halle d'exposition, des salles de spectacle, des hôtels thématiques, des restaurants, une station de ski sur neige, soit 800 000 m2 de constructions réparties sur 80 hectares. Le projet à vocation d'attirer 30 millions de visiteurs annuels, créer 12 500 emplois directs, sur les 4 ans de la phase de construction, ainsi que 11 500 emplois en phase d'exploitation. Le tout pour un montant estimé à plus de 3 milliards d'euros.
Cette utopie consumériste, adoubée et en partie portée par la puissance publique (Europa City a d'ores-et-déjà passé un accord avec l'Etablissement public d'aménagement Plaine de France pour la cession du foncier du triangle de Gonesse), censée développer « une nouvelle conception du temps libre », ainsi qu'une nouvelle « société du temps libre », incarne le rêve de tout promoteur, de toute marque franchisée et de tout élu voulant redynamiser économiquement son territoire, et ce grâce à ce qui sera ni plus ni moins qu'un immense centre commercial.
En décembre 2015, 195 pays se retrouvaient au Bourget lors de la 21ème Conférence des Parties (COP21) pour négocier un nouvel accord pour agir en faveur du climat, avant qu'il ne soit trop tard. Pourtant, des marchands de tapis, des élus, des hauts fonctionnaires, des lobbyistes, des investisseurs privés, continuent à vouloir nous abreuver de projets pharaoniques comme Europa City, allant à l'encontre de toutes les démarches environnementalement, économiquement, socialement et culturellement innovantes, ou tout simplement à l'encontre du bon sens. A l'instar de Notre Dame des Landes, ce projet, de gros sous, est avant même sa conception, désuet, d'un autre âge, hérité de tout ce qui s'est fait de pire pendant et après les trente glorieuses.
Europa City aboutira à l'artificialisation de 80 hectares de terres agricoles à forte réserve en eau et assurant des récoltes abondantes (blé, maïs, colza et betteraves), par ailleurs déclarées inconstructibles à cause du plan d'exposition au bruit des deux aérogares, à une époque où nous cherchons désespérément à re-développer les circuits courts afin de nourrir les populations tout en diminuant les émissions de gaz effet de serre de nos territoires. Enjeu d'autant plus majeur pour une région aussi densément peuplée qu'est l'Île-de-France et qui est appelée à l'être toujours plus.
Proposition hybride entre les Halles de Paris, le Palais Omnisport de Bercy, l'Aquaboulevard, Beaubourg et les projets hallucinés de certains Emirats, nous trouvons extrêmement téméraire de vendre Europa City comme un succès économique avant même que le premier parpaing ait été posé. Pendant ce temps, la plupart des grands complexes commerciaux et galeries marchandes françaises actuels peinent à attirer plus de la moitié du trafic projeté au moment de leur création... Pour Bondy, citons « Domus », où le turnover des enseignes est important et où les parcelles commerciales restent souvent vides.
Les plusieurs milliers d'emplois promis par les chantres du projet seront en grande partie lié à sa construction et non à son exploitation, elle-même dépendante de l'affluence prévisionnelle vendue par Immochan aux élus locaux. A l'image des emplois affichés par Citroën lors de son implantation à Aulnay et dont il ne reste aujourd'hui plus rien...
A une période où les communes tentent désespérément de créer des centres villes ou simplement de reconquérir les existants, Jean-Pierre Blazy, Maire de Gonesse, vend Europa City comme « un quartier » à vivre, les grands aménageurs quant à eux, dépeignent le projet comme un palais du divertissement. Mais ce sont ces mêmes projets, issus de politiques obsolètes voir criminelles qui ont siphonné l'emploi, brisé les petits commerces, rendu nos régions hideuses et désertifié certains de nos territoires, poussant les Français à vivre toujours plus loin de leur lieu de travail, de sorties, encombrant nos routes et faisant émerger le concept de banlieue dortoir.
Quant aux déplacements, si la ligne 15, encore à l'état de projet, abreuve à terme Europa City d'une trentaine de millions de visiteurs annuel, l'autre moitié s'y rendra en voiture, se garera sur d'immenses parkings, construits sur... Des terres arables d'une qualité exceptionnelle. Europa City deviendra un immense générateur d'émissions de gaz à effet de serre, tant par sa construction que par son exploitation, en incohérence totale avec l'objectif national de réduction prôné par la COP 21, la loi de transition énergétique, les Plans Climat locaux...
Pour les territoires en difficultés le développement économique est certes un enjeu crucial, mais en tant qu'élus de Bondy, et habitants du Grand Paris, nous ne pouvons décemment pas laisser sacrifier les terres fertiles franciliennes sur l'autel d'un projet purement mercantile, né d'une pensée obsolète et urbanistiquement et économiquement réactionnaire qui, à court terme, accroitra inéluctablement les inégalités territoriales, environnementales de notre région et qui n'apportera aucune solution concrète à nos problèmes.