Avis n°24 de : BARBAY Claude- 76530Les Essart Grand-Couronne - le 12/01/2010
Nous récusons le titre proposé pour la réunion du 14 janvier : Quels aménagements pour quelle nature ? qui mieux qu’un long discours établit parfaitement un lien causal univoque et inacceptable. Ce que nous proposons : « Quelle nature voulons nous pour demain dans l’estuaire ? Quels milieux, espèces, gestion ? » découle de la question fondamentale de base qui est « quel estuaire voulons nous pour demain ? » Il importe de dégager une vision prospective et durable nécessitant de changer nos comportements et d'avoir des objectifs environnementaux ambitieux pour l'estuaire au même niveau que ceux envisagés pour l'économie. C’est bien pourquoi HNNE rappelait dès la séance inaugurale la nécessité de l’établissement d’un DIAGNOSTIC PARTAGÉ sur le grand canal et ses enjeux. Notre culture commune tant aux membres de la CNDP présents sur ce débat que les participants aux réunions et plus encore les décideurs de toutes nature, se réfère nécessairement aux travaux sur l’estuaire du GIP-SA, sur ce thème plus particulièrement au fascicule 7 consultable sur le site du GISA « Patrimoine biologique et chaînes alimentaires » Personne ne peut ignorer non plus le diagnostic présenté en avril 2008 : « Étude préalable à la mise en place d’un observatoire de la biodiversité, des habitats et des paysages en Haute-Normandie» et il nous semble impossible de faire l’impasse sur la genèse des zones humides dans l’estuaire. Un point doit être nécessairement fait sur les différents gradiants environnementaux qui ont conduit à leur présence, à leurs caractéristiques intrinsèques et fonctionnalités (originalité) comme à l’installation de leur biodiversité. L’avis de la DREAL sur les enjeux « Zone Humide » semble donc ici vraiment indispensable. Car au final, il importe afin de « responsabiliser » les choix, de définir en quoi les projets proposés les affecteraient de manière précise. « Biodiversité » sonne maintenant comme un mot usuel, facile à utiliser, plein de sens pour tout un chacun, quel que soit son âge ou sa culture, bref, un mot simple, qui permet de parler de manière non équivoque de l'ensemble de la « diversité biologique ». On l'utilise a priori sans problèmes dans les écoles, les journaux…les colloques Pourtant, à bien y regarder, les choses ne sont pas si simples ; parle?t?on réellement de la même chose quand on s'intéresse à la biodiversité de pommiers, à celle d'un bocage normand, ou encore à celle de l'Amazonie ou de la Nouvelle?Guinée ? Et qu'en est?il quand on parle de la biodiversité dans le cadre du réchauffement climatique ? Un tel changement d'échelle n'obscurcit?il pas la perception des choses ? Courrier de l’environnement INRA n°55 février 2008 Pour nous sur ce dossier évoquer la biodiversité c’est se demander essentiellement « quelle nature pour demain ? et comment elle existe concrètement dans l'estuaire ». Dans la présentation de la Faune et flore du secteur de la Mare Plate d’Alain DESCHANDOL, réunion de la CNDP du 10 novembre 2009 (diaporama consultable sur le site) la seule présence des espèces phares est frappante. Pour celles et ceux qui penseraient qu’il suffirait donc de préserver ce nombre restreint d’éléments, il y a maldonne ! il convient d’inclure aussi les secteurs non présentés de la biodiversité en ne se limitant pas de plus au seul respect de la biodiversité actuelle car il faut avoir bien conscience que celle-ci est dynamique dans le temps. Sans être exhaustif rappelons avoir à prendre en compte : 1. - Les organismes inférieurs 2. - Les champignons 3. - Les lichens 4. - Les algues 5. - Les mousses et hépatiques 6. - Les végétaux supérieurs 7. - Les insectes libellules.7.1. - Les orthoptères 7.2. - Les papillons 7.3. - Les coléoptères 7.4. - Les diptères 7.5. - Les hyménoptères 7.6. - Les insectes 7.7. - Les autres 8. - Les autres invertébrés arachnides 8.1. - Les crustacés 8.2. - Les mollusques 8.3. - Les sol 8.4. - La faune invertébrée du divers 8.5. - Invertébrés 9. - Les poissons 10. - Les amphibiens et reptiles......11. - Les oiseaux 12. - Les mammifères 13. - Les espèces invasives et les espèces déprédatrices Car nous devons nous demander : Quels habitats et quel fonctionnement demain pour quelle biodiversité ? A ce stade il faut rappeler l’impérieuse nécessité de réponses à apporter dans l’évaluation, ciblée sur les modifications éventuelles des habitats naturels et de leur fonctionnement qui conditionnent l’installation des espèces et les interactions entre elles. Il ne semble pas y avoir eu une identification précise et cartographiée des habitats et des éléments qui conditionnent leur fonctionnement. Comment ont été prévue les mesures de réduction des impacts ? sont elles à la hauteur des enjeux de conservation des habitats et des espèces ? (c’est là une affaire de vrais spécialistes et non de « généraliste » de Bureau d’Etude). La nature envisagée par une majorité d’intervenants dans l’estuaire semble en fait une « nature nouvelle » déterminée par les modifications supplémentaires des conditions écologiques ou par de nouvelles conditions écologiques crées progressivement au fil des conséquences des projets ? Une nature cantonnée, sans marges de libertés dont les habitats seront modifiés et dont la biodiversité sera changée avec une mémoire qui ne pourra plus s’exprimer ? Il ne s’agira plus alors d’une nature autonome mais d’une nature façonnée dont l’avenir ne peut être que précaire ! Nous redoutons que l’on en vienne à une réserve devenue un polder complètement gérée artificiellement ! Les projets supplémentaires en cours s’ils sont réalisés auront des conséquences cumulées (une nouvelle fois) mal « appréciées et évaluées » de par l’absence de connaissances de base acquises sur la durée, ou de l’absence de recours à des vrais spécialistes indépendants associés en premier lieu à la définition des projets, et en second lieu aux études d’incidences pour proposer les mesures correctrices et ou compensatrices les plus opérationnelles. Dans le domaine de la biologie les nouveaux projets ajouteront leurs impacts. Mais d’ailleurs de quelle nature parle t on à partir du moment où de nombreuses fonctionnalités sont aujourd’hui disparues, réduites et d’autres précarisées ? Il est même possible aussi de se poser la question de la réversibilité de l’état actuel et du caractère encore suffisant de ce qui reste (cas des zones humides vraies et fonctionnelles) ? Faut il aussi évoquer l’évaluation environnementale et la manière dont celle-ci n’est vraisemblablement pas menée de manière objective de par la nature même de l’exercice… On parle depuis plus d’une décennie d’un plan de gestion global qui n’existe pas concrètement même si individuellement les projets tentent de mieux intégrer les différents aspects de l’environnement,. Au final du fait d’une démarche d’aménagement et de pratiques inchangées, les enjeux environnementaux ne sont toujours pas un élément déterminant de la conception du projet, de son choix et de la décision. Il ne faut pas non plus oublier que l’estuaire est une entité et que la réserve n’est pas un isolat mais un élément constitutif de l’ensemble de l’estuaire. En juin 2009, lors d'une sortie naturaliste les spécialistes présents ont retrouvé deux espèces présumées éteintes : le Trèfle étalé (Trifolum patens) présumé éteint en Haute-Normandie et l'Oenanthe fausse-pimprenelle (Oenanthe pimpinelloides) présumée éteinte pour l'Eure. Ces deux espèces en voie d'extinction au niveau supra-régional sont donc d'enjeu majeur. IL EST ABSOLUMENT EXCEPTIONNEL DE RETROUVER DANS LA MEME JOURNEE DE PROSPECTION DEUX ESPECES PRESUMEES ETEINTES SUR UN MEME SITE ET CELA CONFIRME UN FORT DEFICIT GLOBAL DE CONNAISSANCES SUR CE SITE. Au lieu de la facilité qui consiste à copier ce qui s’est fait ailleurs, nous proposons un challenge nouveau : faire preuve d’imagination et d’innovations véritables… non pas celles de second rang, mais en se plaçant résolument dans une perspective d’aménagement du territoire soucieuse de la cohérence des milieux, des chaînes biologiques et alimentaires des trames bleue et verte, de l’avenir tant économique, social, qu’écologique des générations futures. Puisque 2010, est année de la biodiversité, n’est ce pas à nous de le prouver ! Pour les objectifs assignés au Grand Canal, il est possible d’aménager l’actuel canal et de développer le cabotage fluvio maritime jusqu’à Rouen plutôt que de poursuivre un rêve ancien qui n’est économiquement plus de mise. Il convient donc de passer par un DIAGNOSTIC PARTAGÉ qui dépasse les limites du dossier « Grand Canal » et reprend tout ce qui concerne le trafic des marchandises entre la Mer et Paris pour aboutir à une solution économe en investissement tout en étant respectueuse de l’environnement. Imaginer l’avenir sans aucune destruction nouvelle c’est en particulier ne plus soustraire à l’existant la moindre surface de zone humide |