Rubrique : Comment caractériser le danger et l’exposition ?
Cette étape exige d’identifier précisément les propriétés physiques et chimiques spécifiques aux nanomatériaux considérés et de collecter les données résultant de tests en laboratoire pour déterminer leurs effets sur la santé et l’environnement.
Classiquement, toute démarche pour caractériser le danger d’une substance chimique exige d’être en mesure de connaître le plus exactement sa dénomination, sa composition chimique et son niveau de pureté mais aussi ses caractéristiques physiques et chimiques (ex : poudre gel, acide caustique, taille des particules). Dans le cas des nanomatériaux, la difficulté tient au fait que, pour les distinguer les uns des autres et les différencier des substances chimiques conventionnelles, il faut tenir compte de propriétés spécifiques comme la taille moyenne des nanoparticules et ses variations, leur forme (sphère, fibre), l’arrangement de leurs cristaux, l’état énergétique de leur surface, l’existence d’un revêtement ou de contaminants externes, leur capacité à s’agréger et/ou à s’agglomérer…
Des travaux de normalisation (création en 2005 du comité technique de l’ISOTC 229 « nanotechnologies ») sont en cours afin de lister des paramètres permettant d’identifier et de classer les nanomatériaux puis de documenter les études de toxicité et de risques.
Par ailleurs, l’élaboration d’une nomenclature dédiée aux nanomatériaux, tenant compte de certains de ces paramètres, est à l’étude. Une fois disponible et accessible, elle permettra d’avancer dans l’évaluation des risques liés à ces éléments. (voir Moyens déjà mis en œuvre ou envisagés, pages 111 et 112)
Avant de donner lieu à des mesures d’étiquetage précis, les nanoparticules doivent faire l’objet de travaux de normalisation et de classification.
Concernant la collecte des données toxicologiques permettant de déterminer les effets des nanomatériaux sur la santé et l’environnement, des travaux sont en cours pour vérifier la pertinence des tests habituellement menés sur les substances chimiques. En effet, la détection et le dosage spécifique des nanomatériaux nécessitent des outils spécifiques qui tous ne sont pas encore harmonisés ou développés. Cette collecte de données, sans parler de la préparation des échantillons pour mener les tests, dépend étroitement de la collaboration des milieux industriels et de la recherche.
Par ailleurs, le développement considérable des nanomatériaux dans le domaine de la santé et les perspectives ouvertes dans le secteur alimentaire posent la question de leur dissémination dans l’organisme (Voir L’alimentation et l’agriculture pages 24 à 34). En effet, du fait de leur petite taille et de leur énergie de surface, ces particules peuvent franchir les barrières naturelles de l’organisme jusqu’à pénétrer dans les cellules en s’étant ou non préalablement liées aux protéines circulantes de membranes, ce qui peut-être un facteur favorisant l’atteinte des noyaux et de l’ADN. Quelques études montrent le pouvoir de certaines particules à s’accumuler dans des organes comme le foie, le rein et le cerveau. Ainsi, la position française, exprimée au niveau international, en termes d’études prioritaires à mener est la suivante :
* les études de toxicocinétiques ou ADME (absorption, distribution, métabolisation et excrétion) afin d’identifier les organes cibles en fonction des nanomatériaux ;
* les études de génotoxicité, compte tenu du manque de données de la littérature ou des données contradictoires et en raison des risques cancérigènes et sur la reproduction.