Si les nanotechnologies permettent un jour de réduire notre production de déchets par trois, serons-nous encore attentifs à la réduction du volume des déchets, à leur réutilisation ou leur recyclage ?
Leurs filières de traitement seront-elles encore économiquement viables ? Si les nanotechnologies permettent demain la production à bas coût d’une électricité issue de ressources largement renouvelables, poursuivra-t-on les efforts en faveur d’une meilleure efficacité énergétique, d’une moindre émission de CO2 et d’une réduction de la consommation ? L’effet de la baisse du prix des énergies durant les années 1980 liée à un prix du pétrole bas et à une électricité nucléaire bon marché en France invite à y réfléchir.
Ainsi, les bénéfices potentiels des nanotechnologies doivent s’accompagner d’un comportement responsable en matière de consommation des citoyens et des industriels.
Le progrès technologique incontrôlé représente un second écueil potentiel. Le recours, sans contrôle apparent pendant des décennies, à de nombreuses technologies consommatrices de matières premières et génératrices de pollution a largement contribué à l’impact de l’homme sur l’environnement, à tel point qu’il soulève aujourd’hui la question du développement durable. S’il était difficile d’appréhender l’effet de serre avant que ses premiers signes soient perceptibles, l’épuisement progressif des ressources en pétrole était en revanche prévisible sans pour autant qu’il en ait été réellement tenu compte. Si les nanotechnologies peuvent contribuer à l’amélioration des conditions de vie, il serait naïf de croire qu’elles puissent apporter, à elles seules, une réponse technologique qui remédiera aux divers problèmes que rencontre l’humanité.
La question de leur impact sur notre mode de consommation compte donc parmi les interrogations soulevées par l’avènement des nanotechnologies. Le temps de renouvellement des produits se raccourcit sans cesse et notre société devient une société du jetable, vêtements, meubles éphémères par leur qualité, cannettes, plastiques mais aussi ordinateurs et téléphones portables dont la durée d’usage ne cesse de se réduire. La tendance est résolument aux prix bas et à une durée d’utilisation limitée.
L’incorporation de nanotechnologies dans les produits courants pourrait entraîner une révolution dans la manière de consommer : manipuler la matière à l’échelle nanométrique implique des procédés complexes et coûteux qui, s’ils augmentent les performances et multiplient les fonctions des produits, pourraient en renchérir aussi le prix de vente. Cela nous convaincra-t-il de les utiliser plus longtemps, de les réutiliser et de les recycler ? Les potentialités des nanotechnologies offrent-elles un levier pour consommer non pas moins, mais autrement ?