Rubrique : La perte de contrôle et l’aliénation à la technologie
Les nanotechnologies, comme d’autres technologies, soulèvent deux autres questions : celle de la perte de contrôle de la technologie au profit d’un petit nombre de firmes et celle de l’aliénation à la technologie.
La première, évoquée, dans des termes différents certes, à propos de certains médicaments, de la téléphonie mobile ou encore des fournisseurs internet, concerne la maîtrise des conditions de développement, de diffusion et de reproduction des technologies par un nombre restreint d’acteurs.
Ce risque de monopole - qui s’exerce aussi sur des actes ou des relations qui traditionnellement échappaient à la technique – a été notamment développé par Françoise Roure et Jean-Pierre Dupuy dans un rapport en 2004. Selon eux, il serait susceptible d’approfondir les inégalités mondiales et d’engendrer de nouvelles pauvretés. Enfin, il renforcerait, via la science et la technique, la domination exercée par quelques firmes toutes puissantes sur des populations qui, dans leur immense majorité, n’ont pas accès à la culture scientifique et technique.
Cette question ne saurait trouver de réponse au seul niveau national. Notons toutefois qu’en France, l’État joue, à ce titre, un rôle dans la surveillance du respect de la concurrence et la garantie de la transparence des relations entre les concurrents. Il encourage aussi les actions d’information de la population. Enfin, dans les pays développés, les associations de consommateurs jouent également un rôle majeur. Les consommateurs eux-mêmes développent de plus en plus un niveau élevé d’exigence en matière de transparence et de contrôle de la qualité des produits.
Le deuxième volet, l’aliénation à la technologie, concerne plus fondamentalement la question de l’utilité sociale de certains développements technologiques (Voir Enjeux pages 83 à 85). La notion de progrès elle-même n’est en effet plus considérée aujourd’hui comme un processus linéaire inéluctable : l’ensemble des problèmes sociaux n’est pas réglé par plus de technique, les nouvelles connaissances créent de nouvelles incertitudes, les innovations techniques génèrent de nouveaux risques en même temps qu’elles sont source de gains, le bénéfice devenant négatif au-delà d’un certain seuil.
N’est-il pas à présent envisageable d’établir la balance entre les avantages que la société espère du développement des nanotechnologies et les risques qu’ils peuvent présenter, discutés de façon collective dans le cadre proposé par le principe de précaution ?