Avis de CABY Gérard - le 18/11/2009
Préalables
1 Débat = plus que tardif !
- en regard des montants déjà investis dans la recherche (plusieurs milliards de $), les résultats actuels sont d’une discrétion étonnante !
– il y a déjà entre 800 et 1 000 produits industriels sur le marché
– les consommateurs n’ont aucune information, les salariés ne disposent pas toujours des protections suffisantes
- par contre, les industriels et les transformateurs ne sont tenus à aucune déclaration !
- avec ce « coup parti » au niveau mondial, comment se protéger des importations ?
2 Partie prenante
Si les autorités (politique ou/et scientifique) ne nous écoutent pas (voir demande de moratoire dans la conclusion) et décident de poursuivre la production (médicale ou industrielle) et la vente de produits contenant des nanotechnologies, nous :
- [endif]refusons la poursuite de ce qui est devenu un dogme « capitaliser les bénéfices, socialiser les pertes », qui a connu son apogée avec le « casino bancaire »….. mais est en vigueur dans le milieu de la recherche et de l’industrie appliquée depuis un certain temps (nucléaire, OGM, amiante, PCB, vache folle, …..) En effet, socialiser les pertes signifie, in fine, faire payer la sté civile.
- [endif]demandons donc que la sté civile, dans toutes ses composantes (citoyen/contribuable/consommateurs + syndicats + assos et ONG), devienne une partie prenante à part entière, dans tout le cycle de vie de ces nanoproduits. Cela signifie :
- Etre impliqué dans les choix d’orientation de la recherche (toxicologie…)
- Obtenir une protection pour les « lanceurs d’alerte » (rapport Corine LEPAGE) et être informé en temps réel
- Obtenir l’inversion de la charge de la preuve, comme dans le Règlement REACH (preuve à charge du producteur ou importateur)
- Avoir une indication claire « Nano…. » sur l’étiquetage des produits
- Pouvoir exercer les actions de groupe (class’action) réclamées par les assos de protection de consommateurs depuis un certain temps
Quelles sont nos critiques ?
1– L’absence de réflexions d’ordre éthique :
- dans le domaine des brevets, quelles sont les limites de la privatisation du vivant… et de toutes choses ?
De plus, cette course aux brevets va encore aggraver la fracture entre Pays industrialisés et Pays du Sud : quid de notre « dette écologique » vis-à-vis d’eux ?
- dans le domaine médical, jusqu’où peut on aller dans les « réparations » et l’augmentation des performances ou de la longévité du corps humain ?
- dans le domaine militaire, jusqu’où va-t-on déjà et jusqu’où peut on aller ? (majorité du budget actuel de la recherche = militaire)
- dans le domaine démocratique, qu’en est il de l’atteinte aux libertés individuelles (« traçabilité » dans le domaine de la sécurité, celui du marketing, …..) que peut provoquer l’utilisation des RFID par ex ?
2 – Dans le domaine industriel et commercial, à nouveau les gens servent de cobayes…. alors qu’aucune étude d’impact à long terme n’a été réalisée et qu’on déplore déjà actuellement l’incapacité à maîtriser l’interaction des milliers de molécules chimiques répandues dans l’air, l’eau, la terre…. et le corps humain !!
L’invasion a commencé sans que l’on s’en rende compte : médicaments, cosmétiques et écrans solaires, pneus, peintures, ciment, vitres, textiles et articles de sport, frigidaires, capteurs, lunettes, mémoires électroniques et claviers, …. mais aussi compléments alimentaires, emballages et matériaux en contact avec les aliments,…..
Les Amis de la Tette FoE (Europe/Etats-Unis/Australie) ont aussi :
- réussi à faire dire oralement à un responsable d’une multinationale très connue (Syngenta) qu’ils étaient en train de mettre au point des nanoparticules dans une émulsion d’un pesticide très connu (le Cruiser). Mais un coup de fil ultérieur leur a ensuite interdit d’en faire état.
- de très forts soupçons sur des manipulations effectuées sur des semences, dans certains laboratoires…..
3 – A l’échelle nanométrique, les particules ont des comportements inattendus, complètement différents de la même matière à la taille normale : il n’existe pas de métrologie spécifique, ni de protection adaptée des travailleurs, aucun recul sur les risques de dispersion dans l’environnement.
Chaque produit pourrait ainsi avoir une toxicité qui lui est propre….. et la taille de chaque nano particule pourrait également déterminer des particularités spécifiques (effet de surface)
Donc, double effet : suivant la matière utilisée et suivant la taille !
4 – En plus des risques énumérés dans le « cahier d’acteurs des Amis de la Terre France », une étude du Southmead Hospital à Bristol vient de démontrer que les nanoparticules peuvent endommager les cellules humaines, notamment leur ADN, même à l'abri d'une barrière cellulaire. La démonstration de leur génotoxicité in vitro est rapportée dans un article publié en ligne, jeudi 5 novembre 2009, par la revue Nature Nanotechnology. Un effet indirect à double tranchant : un risque toxique inédit (endommager l’ADN et les chromosomes), mais l’apparition d’un nouveau mécanisme qui pourrait éventuellement être utilisé de manière thérapeutique.
5 – Quant aux relargages dans la nature (en particulier dans l’eau), on ne les maîtrise déjà pas actuellement (exemple des médicaments, que les stations d’épuration n’arrivent pas à traiter correctement) , alors qu’en sera-t-il des médicaments et des produits contenant des nanoparticules et des nanotubes ?
Autre exemple, puisque les textiles sont évoqués ce soir : Les vêtements « anti-odeurs », qui dans l’ensemble résistent mal à l’usage et au lavage, d’où des rejets importants de nano-argent dans l’environnement. A terme, ces « nano-déchets » pourraient endommager les écosystèmes aquatiques et compromettre le fonctionnement de certaines stations d’épuration Dans ce contexte, il est permis de s’interroger sur le comportement prétendument « vert » des nano-textiles !
6 – Analyse du cycle de vie :
- Amont : quelle « énergie grise » utilisée pour la fabrication ? Quelles émissions de GES ? Quelles quantités d’eau ? D’après nos informations, RIEN n’indique une réduction significative des consommations de ces ressources et d’émission de ces gaz !
- Aval : quelles protections pour les acteurs du recyclage, dans les pays industrialisés mais aussi, avec une attention particulière, dans les Pays du Sud qui servent trop souvent soit de poubelles de nos déchets soit de recyclage à bon compte et à moindre coût ?
7 – A quoi ça sert ?
Quel projet de société est sous-tendu par ces nouvelles technologies ?
Pour l’instant on ne discerne que la poursuite d’une course en avant éperdue, dont le sens nous échappe….. et qui ne mène nulle part.
Conclusion commune aux Amis de la Terre Midi Pyrénées
(Débat public Toulouse du 20/10/2009)
Les financements publics pour ces recherches appliquées aux nouvelles technologies, assèchent les fonds au détriment d’autres explorations socialement plus utiles.
Le « technoscientisme » nous détourne des véritables problèmes de société : le inégalités, la préservation du milieu, l’accès équitable aux ressources, l’éducation.
Avec les nanotechnologies nous allons vers la privatisation du vivant, mais aussi de la matière hybride. Sans réglementation, les codes de bonnes conduites ne suffisent pas.
Faut-il attendre un probable scandale sanitaire pour que nos dirigeants réagissent ?
Ce constat alarmant a conduit les Amis de la Terre France, comme les AT Australie et AT Europe, à demander l’application du principe de précaution par un moratoire sur les nanotechnologies.
La charte de l’environnement préconise d’être en « situation de réversibilité » est-ce encore le cas ?
Gérard CABY
Pour les Amis de la Terre Nord
Lille, le 17 Novembre 2009
Nota : Un Cahier d’acteur » national a été déposé par les Amis de la Terre France, visible sur le site du Débat Public.
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