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  Document : Chapitre « Risques »


Rubrique : Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN)
La sûreté de l’EPR

Pour le citoyen, le seul document officiel disponible sur ce sujet est la note d’information sur la « Prise de position du gouvernement concernant les options de sûreté du projet de réacteur EPR », en date du 5 octobre 2004, disponible sur le site internet de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN), la DGSNR.

Ce document comprend :
- la lettre de prise de position,
- les directives techniques pour la conception et la construction de la prochaine génération des réacteurs nucléaires à eau sous pression,
- les règles techniques relatives à la construction des circuits primaires et secondaires principaux des réacteurs nucléaires à eau sous pression.

Les directives techniques s’appuient sur des travaux de l’IPSN (IRSN maintenant) et de la RSK en Allemagne, le tout examiné par le Groupe permanent chargé des réacteurs nucléaires (GPR).
Mais le rapport mis sur le site ne concerne que « la philosophie et l’approche de sûreté », ce n’est donc pas un rapport de sûreté. Or, pour pouvoir se faire une opinion factuelle sur l’évolution de la sûreté de ce projet par rapport à ses prédécesseurs, il est indispensable de consulter le rapport préliminaire de sûreté qui, à cette date, ne nous est toujours pas accessible.

Une lecture attentive de ces textes nous a plongés dans un abîme de perplexité, tant il apparaît que ce ne sont que des recueils de voeux pieux.

Les objectifs fixés par l’ASN dans une lettre du 22 juillet 1993 étaient ambitieux :

• le nombre des incidents doit diminuer, notamment par l’amélioration de la fiabilité des systèmes et par une meilleure prise en compte des facteurs humains ;

• le risque de fusion du coeur doit être réduit de manière significative ;

• les rejets radioactifs pouvant résulter de tous les accidents concevables doivent être réduits significativement.

Au stade actuel de l’examen du projet de réacteur EPR, l’ASN considère « que les options de sûreté retenues (…) satisfont globalement à l’objectif fixé d’amélioration générale de la sûreté ».

Toutefois, elle souligne qu’il reste des points à confirmer :

• la prévention des erreurs humaines, l’amélioration de la radioprotection des travailleurs, ainsi que la réduction des rejets radioactifs et de la quantité et de l’activité des déchets ;

• les dispositions de conception, de fabrication et d’exploitation des lignes principales du circuit primaire, et le cas échéant des circuits secondaires, devant permettre d’exclure de certaines études d’accident leur rupture complète doublement débattue ;

• l’architecture matérielle du contrôle-commande;

• la conception du récupérateur de coeur fondu mis en place pour la gestion des accidents graves ;

• la compatibilité des caractéristiques du projet standard de réacteur EPR avec le site de réalisation qui serait proposé.

Elle note également qu’ « il est nécessaire d’examiner la protection de l’installation vis-à-vis des actes de malveillance »… dont « la protection du réacteur contre les chutes intentionnelles d’avions commerciaux ».

Déjà, à ce niveau de lecture, la précision de certains objectifs est confondante :
« Le risque de fusion du coeur doit être réduit de manière significative » ;
« Les rejets radioactifs pouvant résulter de tous les accidents concevables doivent être
réduits significativement ».

Significatif signifie quoi ? Est-ce une nouvelle unité de mesure ?

Ce qui est « significatif » c’est que la sûreté de ce nouveau réacteur à la lumière des incidents des REP (réacteur à eau pressurisée) actuels et si la décision de le construire est prise, doit être améliorée. Mais l’approche retenue ne garantit rien sur les améliorations possibles.

Clamer qu’il sera 10 fois plus sûr, qu’il fera moins de déchets (15 % parce qu’il utilisera lui-même le plutonium qu’il produit) ne repose sur rien de tangible dans les dossiers consultables par les citoyens.
Cette réduction proclamée de la diminution des déchets provient de la volonté d’augmenter le taux de combustion des combustibles. Cette politique a pour élément moteur l’espacement plus important (de 12 à 18 voire 24 mois) des arrêts pour recharge de combustible, d’où une augmentation de la disponibilité du réacteur, donc une amélioration du facteur rentabilité.

Ceci impose deux exigences techniques :

- la première est l’augmentation du taux d’enrichissement des combustibles soit en U-235, soit en Pu-239. Cette exigence se heurte à des limites physiques de réactivité au-delà desquelles la sûreté du réacteur n’est plus garantie en phase accidentelle ;

- la seconde est la tenue des gaines à des taux d’irradiation neutronique beaucoup plus élevés. Actuellement les recherches destinées à trouver un matériau permettant d’atteindre des taux élevés de fluence neutronique, donc de dpa (déplacements par atome), se font encore de façon empirique sans que l’on sache si elles pourront aboutir.

Le facteur d’amélioration de la sûreté est calculé sur la base d’analyses probabilistes qui ont quasiment toujours été prises en défaut lorsqu’elles ont été confrontées à un incident ou accident réel.

La protection renforcée des zones sensibles (bâtiment réacteur, bâtiment combustibles,…) n’est pas totale et « le fait que les tuyauteries de vapeur sont implantées par paires et ne sont pas protégées contre les chutes d’avions4 » va obliger à prendre en charge « la vidange simultanée de deux générateurs de vapeur » qui « devrait être étudiée avec des règles appropriées ».

Force est de constater que « les fameuses avancées de sûreté » sont encore en gestation.

Si on examine les réalisations précédentes et en particulier les réacteurs du palier N4 (Chooz et Civaux), on constate qu’il a fallu plus de 2 ans pour réussir à mettre en place un nouveau contrôle-commande qui est toujours imparfait.

Quant aux canalisations, celles du refroidissement de réacteur à l’arrêt (RRA) étaient fissurées après 6 mois de fonctionnement parce qu’un problème élémentaire de plomberie avait été « oublié » : le non mélange instantané des eaux chaudes et froides.

Plus inquiétant, les nouveaux modèles de grappes de barres de commande7 destinés au palier N4, avaient été si bien testés avant fabrication définitive que, lors de leur première implantation sur une installation industrielle, la centrale de Daya Bay en Chine, les barres refusèrent obstinément de descendre conformément à leur cahier de charge.

Ces voeux pieux des autorités et les considérations qui en résultent, exposés dans ce document, sont sûrement les mêmes que ceux qui avaient préparé la naissance du palier N4.
Vraisemblablement les mêmes avis favorables avec réserves avaient été donnés. La constatation des défaillances donne à penser plusieurs hypothèses :

- le constructeur ne tient pas compte des réserves, ou même des règles de l’art . Il ne reste alors qu’à essayer de trouver ultérieurement des solutions palliatives (par exemple utilisation de mauvais granulats pour la fabrication du béton des doubles enceintes, suivie d’opérations de colmatage de la paroi interne avec des résines dont la tenue dans le temps et en conditions d’accident grave reste à prouver) ;

- toute la chaîne de contrôle-qualité, depuis le dessin, les tests, la mise en place est insuffisante.
Cette chaîne qui devrait commencer aux bureaux d’étude, en passant par les bureaux de contrôle, les analyses par les supports techniques de l’ASN, puis les prises de décision par le constructeur et l’ASN, présente des défaillances manifestes, comme l’ont montré les canalisations du RRA ou les barres de contrôle des réacteurs du palier N4 ;

- Certains phénomènes sont méconnus, voire non compris sur le plan théorique2, tels ceux de la fatigue pour lesquels on applique des règles empiriques3 (au doigt mouillé, comme disent les spécialistes).

Une grande attention est apportée à la problématique des accidents graves conduisant à la fusion du coeur. Il est clair que pour cette famille de réacteurs la perte du modérateur donc du caloporteur induit une très forte probabilité de fusion du coeur. L’accident de Three Mile Island en 1979 en est l’illustration. Le dénoyage du coeur a conduit à la fusion d’environ 80 % de sa masse. C’est seulement après une dizaine d’années de travaux qu’on a pu se rendre compte que, bien qu’ayant tenu, la cuve était profondément fissurée.

Pour l’EPR, il est prévu de placer un récupérateur de coeur fondu4 pour la gestion des accidents graves, ce qui n’avait pas été jugé utile pour tous les réacteurs construits en France après 1979.

Toutefois, le dossier indique sous la rubrique « Refroidissement du coeur en dehors de la cuve » :
« Jusqu’à maintenant aucun système de codes valides ne peut décrire de manière fiable les phénomènes pour les séquences d’accident grave. Aussi la conception du puits de cuve et de la grande chambre d’étalement, y compris le refroidissement du corium, doit être justifiée par le concepteur sur la base de résultats expérimentaux et de calculs associés pour un large spectre de scénarios possibles ».

Tout l’inventaire des expérimentations, démonstrations, études demandées par l’ASN dans le cadre de cette problématique, montre à quel point l’occurrence d’une fusion de coeur avec les classes de combustibles envisagées sur ce nouveau réacteur, semble préoccupante.

C’est pourquoi il nous paraît indispensable qu’un « status report » soit fait sur ce domaine, et ce par une instance plurielle. Cette analyse est une nécessité incontournable avant toute prise de décision concernant l’éventualité de la construction d’un tel réacteur.

Quant aux actes de malveillance, on en est encore à croire que les chutes d’avion se limiteront au Cessna ou au Lear Jet. L’impact d’un gros porteur civil n’est pas vraiment envisagé. D’une part, rien n’est impossible en terrorisme et d’autre part la taille des avions (A380 ou nouveaux Boeing) risque de fausser toutes les évaluations. Rappelons que même sans impact direct, la boule de feu de kérosène, couplée à l’onde de choc sur le site, risque de tout dévaster.

Enfin, la recommandation concernant les explosions : « Avant qu’une décision soit prise sur la construction d’une tranche sur un site spécifique, le concepteur doit prouver que la protection standard relative aux explosions est appropriée en tenant compte du développement industriel actuel et planifié autour du site. Dans le cas contraire des mesures administratives doivent être prises ou des protections complémentaires doivent être mises en place »2, laisse rêveur face à un demi-siècle d’évolution technique. De nombreux exemples, dont l’usine chimique AZF de Toulouse, montrent que les mesures administratives sont impuissantes pour endiguer ou planifier les développements urbains et industriels sur d’aussi longues périodes.

Le dossier, tel que nous le connaissons à l’heure actuelle, montre que de nombreuses incertitudes doivent être levées en préalable à toute décision. Il est trop fréquent que des impasses soient faites, laissant en suspens des questions pour lesquelles on suppose que les réponses arriveront en temps et heure. Et lorsque les réponses ou les solutions arrivent à un stade de la construction où elles ne peuvent plus être prises en compte, il est coutumier de se contenter de palliatifs plus ou moins efficaces, appuyés par de brillants calculs permettant de « justifier » les manquements techniques. Ces palliatifs ne sont en fait que des brevets de bonne conscience pour les décideurs.

En guise, non de conclusion, mais d’exemple du style de ces documents, voici un court extrait des règles techniques relatives à la construction des CPP et CSP.

« Dès la conception des appareils, toutes les mesures nécessaires sont prises pour faciliter l’accessibilité, l’inspectabilité, la réparabilité, voire le remplacement des différentes parties de ceci.
Des cas particuliers peuvent présenter des limitations ou une impossibilité à la remplaçabilité, s’ils résultent d’un choix dûment effectué en amont. Les mesures nécessaires sont prises pour que l’accessibilité et l’inspectabilité puissent être maintenues compte tenu de l’irradiation des matériaux en permettant en particulier la mise en oeuvre d’examens à distance et l’utilisation d’outils de maintenance adaptés ».

Ces textes ont dû être rédigés avant la nouvelle mode, sinon il serait question d’accessibilitance, inspectance, réparance, remplaçance, etc.

Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN)

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