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Avis n°104

Réduction des rejets de gaz à effet de serre et révison de la PPE pour la période 2018-2023*

Ajouté par Jean-Michel ANONYMISé (ORSAY), le
[Origine : Site internet]

Révision de la PPE pour les périodes 2018 – 2023 et 2024 - 2028

Le président de la République a rappelé que l'objectif N°1 en matière de politique énergétique est la réduction des rejets de gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère. C'est un engagement de la France suite à la « Conference Of the Parties » tenue à Paris en 2015 (COP 21). Dans le cadre de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), une stratégie nationale bas carbone (SNBC) orchestre la mise en œuvre de la transition vers une économie bas carbone.

La Programmation Pluriannuelle de l'Energie (PPE) est un élément important pour la mise en œuvre de cette transition vers les objectifs annoncés de réduction des émissions de GES par rapport à 1990 :
- Moins 40% en 2030,
- Moins 75% en 2050.
En conséquence, la révision de cette PPE pour la période 2018 – 2023 doit être examinée en fonction de cet objectif N°1.

 

Situation actuelle

D'après le document « Stratégie Nationale Bas-Carbone » publié par le ministère de la transition écologique et solidaire, la répartition des émissions de GES par secteur économique est la suivante :
Secteur Mteq CO2/an Pourcentage
Transports 138 30
Bâtiments 88 19
Agriculture et foresterie 92 20
Industrie 83 18
Energies 46 10
Déchets 18 4
Total 465 100
1 Mteq CO2 = 1 million de tonnes équivalent CO2
465 Mteq CO2 pour une population de 66,5 millions d'habitants, cela représente environ 7 teq CO2/ habitant/an.
Dans ce total, la combustion des énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole) compte pour environ 300 Mteq CO2/an, soit 4,5 teq CO2/ habitant/an.
Depuis 1990, ces émissions ont baissé de 15%, soit environ 1%/an, essentiellement du fait de la baisse de 45% des émissions de l'industrie : cela correspond surtout à la délocalisation hors de France de nombreuses industries ayant entrainé la perte d'environ un million d'emplois industriels, et à de légers progrès dans l'efficacité énergétique pour certains procédés industriels.
Depuis 2014, on constate une légère augmentation des rejets de GES due aux transports (+6%), aux bâtiments (+11%) et à l'agriculture (+3%).

 

Utilisation des moyens financiers

Le document sur la Stratégie Nationale Bas Carbone indique la répartition des moyens financiers dans l'ensemble des politiques publiques mises en œuvre pour atteindre les objectifs. En 2017 :
Contribution au Service Public de l'Electricité (CSPE) 5 680 M€
Dépenses fiscales en faveur du climat 2 029 M€
Dépenses budgétaires pour la politique d'atténuation 1 360 M€
Dépenses budgétaires pour la politique d'adaptation 433 M€
Total 9 502 M€

69% de la CSPE, soit 3 920 M€ sont liés au surcoût de l'électricité produite par les énergies nouvelles renouvelables (ENR), éolien, solaire, etc... et à l'obligation d'achat de cette production par EDF.
Ainsi, 41% (3 920 / 9 502) des moyens financiers de la SNBC sont affectés au secteur « Energies » qui ne représente que 10% des rejets de GES dans l'atmosphère.
Comme environ 90% de l'électricité est produite à partir des moyens « décarbonés » (nucléaire et hydraulique), cet important effort financier en faveur de la production d'électricité par le photovoltaïque et l'éolien ne peut pas avoir une grande efficacité pour atteindre l'objectif N°1 : réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France .
A propos du développement du photovoltaïque, EDF envisage d'investir 25 milliards d'Euros dans cette filière. Une suggestion : affecter ce financement à l'aide à des pays situés sous les tropiques (par exemple l'Afrique subsaharienne) bénéficiant d'un meilleur ensoleillement que les pays situés à 45° de latitude comme la France. D'une part, cela permettrait d'aider ces pays à réduire leur usage de groupes électrogènes à moteur Diesel et donc leurs rejets de gaz à effet de serre. D'autre part, ce financement pourrait être compté dans le budget français d'aide à l'adaptation au changement climatique pour les pays les plus en difficulté, aide prévue dans les recommandations de la COP 21.
De plus, les matériels nécessaires au photovoltaïque et à l'éolien sont très majoritairement importés, ce qui aggrave le déficit de la balance commerciale.
Enfin, ces moyens de production d'électricité photovoltaïque sont aléatoires et intermittents en fonction des conditions météorologiques. Donc, pour la tenue de l'équilibre consommation-production du réseau électrique, ils nécessitent des moyens supplétifs pilotables (nucléaire, hydraulique, thermique à combustibles fossiles, ...) pour les remplacer quand leur production est faible. La poursuite de leur déploiement en France conduit à l'augmentation du coût de l'électricité (voir l'évolution de la rubrique CSPE sur les factures) pour les usagers domestiques et industriels.
L'exemple de la politique du tournant énergétique (die Energiewende) conduite en Allemagne depuis plus de 15 ans est une remarquable démonstration : la puissance installée en moyens de production photovoltaïque et éolienne (100 GW) est supérieure à celle du parc nucléaire français (63 GW). Cette puissance en ENR fournit 30% de l'électricité allemande à comparer aux 75% de l'électricité française fourni par le nucléaire (les consommations d'électricité par habitant sont du même ordre dans les deux pays). Les résultats sont : l'électricité est presque deux fois plus chère et les rejets de gaz à effet de serre par habitant sont deux fois plus élevés en Allemagne qu'en France. Le coût de l'Enegiewende est évalué à 600 milliards d'Euros sur 15 ans, supportable par ce pays dont la balance commerciale est très excédentaire à l'inverse de celle très déficitaire de la France.

 

Orientations proposées

Pour atteindre les objectifs de réduction des rejets de GES, il semble impératif de faire porter nos efforts à l'avenir sur les secteurs économiques les plus émetteurs de ces gaz : le secteur « transports » et le secteur « Bâtiments résidentiel et tertiaire », gros consommateurs de combustibles fossiles (pétrole et gaz).
Compte tenu de la structure actuelle de ces deux secteurs, ces efforts seront coûteux et longs pour arriver à bon terme. Il est donc important de commencer sans tarder, en révisant la programmation pluriannuelle de l'énergie pour la période 2018-2023 en conséquence.
Les transports sont le premier secteur en consommation de produits pétroliers. Pour réduire leurs rejets de GES (sans oublier les autres polluants rejetés dans l'atmosphère), il faut amorcer une inversion des tendances à l'œuvre depuis des décennies :
- Réorganiser complètement le transport des marchandises : développer les moyens « multimodaux », les véhicules routiers « propres » pour les courtes distances (livraison), le fret ferroviaire électrique pour les distances moyennes et longues et la voie fluviale pour les matériaux pondéreux, réduire la part du transport routier pour les longues distances,
- Redynamiser le transport ferroviaire électrique des personnes en améliorant le service aux usagers et en rationalisant les conditions tarifaires anarchiques actuelles,
- Développer les transports collectifs des villes et métropoles en assurant une meilleure desserte et une meilleure coordination entre les différents modes.
Les bâtiments résidentiels et tertiaires sont aussi de gros utilisateurs des combustibles fossiles (gaz et pétrole). Les efforts doivent être accrus pour :
- L'isolation thermique des bâtiments anciens, ce qui nécessite des financements très importants,
- La construction des bâtiments neufs aux normes de haute qualité environnementale (HQE), ce qui augmentent les coûts au m2,
- Le remplacement des moyens de chauffage à combustibles fossiles (gaz, pétrole) par des moyens utilisant l'électricité produite de manière décarbonée : ceci nécessite de modifier la réglementation thermique RT 2012 qui contribue à favoriser le chauffage au gaz depuis plusieurs années.
Ces efforts importants pour les secteurs « Transports » et « Bâtiments » auront un effet favorable pour réduire le déficit de notre balance commerciale, constitué en grande partie par la facture de nos importations de combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon).
Le « bouquet » énergétique doit donc évoluer.
La part de combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon), environ 65% de l'énergie finale consommée actuellement, doit être réduite.
La part de l'électricité produite par des moyens décarbonés (nucléaire, hydraulique, éolien, photovoltaïque,...) augmentera, même en tenant compte des progrès en efficacité énergétique.
Les différents moyens décarbonés de production de l'électricité sont à coordonner pour assurer la stabilité du réseau (équilibre production / consommation) et la qualité du service aux usagers domestiques et industriels. Pour compenser les inconvénients de l'intermittence des moyens de production ENR (photovoltaïque, éolien, ...), il est nécessaire de :
- Disposer d'une puissance installée en moyens pilotables décarbonés (nucléaire, hydraulique, stockage,...) capables d'assurer le service lors des minimas de production des moyens intermittents,
- Prévoir l'avenir pour le remplacement des moyens pilotables actuels arrivant en fin de vie :
o Construction de nouvelles unités nucléaires aux caractéristiques améliorées sur les aspects fiabilité et sûreté,
o Poursuivre le développement de réacteur nucléaire de 4ème génération en lançant la construction du prototype ASTRID 600 MWe (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration) : ce type de réacteur permettrait d'utiliser les importants stocks d'uranium appauvri (issu de la fabrication d'uranium enrichi en son isotope U235) et d'uranium issu du traitement des combustibles usés des réacteurs actuels. Ces stocks conservés en France représentent un potentiel de plus de 1000 ans de la production électrique actuelle du pays.
o Développer les recherches sur de nouveaux moyens de stockage de l'électricité, en complément des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP).
Pilotage de la politique énergétique de la France
L'idéologie dominant la politique européenne actuelle conduit à un grand désordre, voire une quasi-anarchie, notamment dans le domaine des énergies en réseau (électricité, gaz,...).
Les directives de la Commission Européenne appliquant cette idéologie (« Le marché doit tout régler ... ») ont conduit à une dégradation des services rendus aux usagers dans le secteur énergétique, notamment en France.
De plus, manifestement, elles ne conduisent pas les pays européens, et par conséquent l'Europe entière, à tenir leurs engagements pris lors de la COP 21, pour la réduction des rejets de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
Néanmoins, chaque pays et notamment la France, conserve le choix des moyens à mettre en œuvre pour respecter ses engagements.
Notre pays doit redresser la situation en reprenant une maîtrise complète de l'ensemble du secteur des énergies, et pas seulement de l'électricité. Cela permettrait de coordonner efficacement tous les acteurs pour une politique énergétique apte à atteindre les objectifs environnementaux, économiques et sociaux, dans le sens de l'intérêt général.
Jean-Michel GAMA – 21/03/2018

Commentaires

Jean-Michel Gama nous place devant les réalités. Si nous voulons que la France, pays organisateur de la COP21 tente de tenir les objectifs qu'elle a solennellement pris pour 2030, ce débat public PPE doit être l'occasion de remettre en cause les politiques des dix dernières années qui nous conduisent à l'échec climatique. Une révision profonde des emplois des fonds publics s'impose.

Au delà de nos engagements nationaux, la France peut jouer un rôle dans son assistance aux pays en voie de développement. Jusqu'ici EDF énergie nouvelles réalisait les deux tiers de ses investissements en dehors de l'hexagone. C'est très bien. Je ne comprend pas pourquoi le Ministre pousse cette entreprise à redéployer ses investissements solaire sur le territoire national. Jean-Michel Gama nous explique que dans les déserts où le terrain est gratuit, le même panneau peut produire trois fois plus qu'en France et que cette électricité solaire se substituerait souvent à des productions charbonnières, alors que le bilan du solaire en France est loin d'être concluant.
Face au défi climatique, tous les moyens doivent être utilisés, bien sûr là où ils sont pertinents.

92190

Un post vraiment bien documenté qui permet de se faire une idée du décalage entre les objectifs politiques annoncés et l'investissement public réel, merci ! ;)

Il me paraît de même qu'à Jean-Michel tomber sous le sens qu'il faut limiter les investissements faramineux et peu rentables en cours dans le solaire et l'éolien en France (121 Mds € pour moins de 3% de la production française) puisque, exception en Europe, nous produisons une énergie à 90% décarbonée (nucléaire + hydraulique).
Voir à ce sujet :
- le rapport de la cour des comptes alertant sur le coût des énergies renouvelables : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-04/20180418-rapport-sou...
- le post de blog du Monde qui le résume : http://huet.blog.lemonde.fr/2018/04/19/la-cour-des-comptes-alerte-sur-le...

L'objectif français n°1 est bien de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour limiter le réchauffement climatique et son impact sur la biodiversité. A la lumière des données précédentes, cela passe par une diminution des émissions de GES non dans le secteur de l'énergie mais dans le secteur des transports, de l'habitat et de l'agriculture.

Ce que la France vise avec ces investissements dans le solaire et l'éolien, c'est la diminution de la part du nucléaire dans la balance énergétique et non la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Alors il faut savoir quel objectif on poursuit ...

Personnellement, je rejoins notre cher Président de la République sur le fait que l'objectif n°1 est la réduction des émissions de GES ; et l'impact du réchauffement climatique sur la biodiversité est aujourd'hui estimé important avec les conséquences logiques de rupture des chaînes alimentaires, de la stabilité des écosystèmes (ex : insectes pollinisateurs pour les fleurs). Si l'on s'intéresse à la proportion d'espèces perdant plus de 50% de leur territoire avec le réchauffement climatique, les estimations avancent les chiffres suivants :

+3°C (engagements internationaux pré-COP21) : 50% des insectes, 45% des plantes, 26% des animaux vertébrés.

+2°C (COP21) : 18% des insectes, 16% des plantes, 8% des vertébrés.

+1,5°C (mieux que COP21) : 6% insectes, 8% plantes, 4% vertébrés.

Vous comprenez que la non-limitation des émissions de GES aurait des conséquences catastrophiques pour les différentes formes de vies terrestres...

Alors la question qu'il faut sérieusement se poser aujourd'hui, c'est est-ce qu'on a si peur du nucléaire que l'on veuille investir des milliers de milliards d'euros pour tenter une transition énergétique vers des énergies renouvelables (solaire/éolien), ou est-ce qu'on a plus peur que notre planète tombe en ruine à cause du réchauffement climatique, et on investit (enfin) massivement pour limiter nos émissions ?

Pour moi, le calcul est vite fait : le nucléaire, c'est 3 accidents mettant des personnes en danger en 70 ans (Three Mile Island en 1979, Tchernobyl en 1986 et Fukushima en 2011). Les deux premiers ne pourraient jamais se reproduire en France aujourd'hui suite à l'ajout de redondance dans les pièces et dans le système de prise de décision humain. La dernière fait suite à un séisme de magnitude 9,0 et d'un tsunami de 14m de haut. Vous m'appelerez quand vous verrez ça en France.

Cordialement,

Axel Fouques

92400

Merci de recentrer le débat sur le vrai enjeu de cette PPE, en mettant en lumière de façon très didactique ce vers quoi il faut que l'on concentre nos efforts de toute urgence.
Il suffit d'emprunter régulièrement l'autoroute pour ce rendre compte de l'intensité incroyable du trafic "camion" alors que parallèlement la SNCF historique se meurt...
Il faut stopper cela le plus vite possible, en favorisant une production et une consommation plus localisé pour éviter ces importations de masse, et en mettant le reste des camions sur rail. Cela aiderait la SNCF, et permettrait aussi aux sociétés d'autoroute d'avoir à ne plus dépenser la destruction des voies bitumes par les poids lourds.
Pour l'habitat, pourquoi ne pas instituer à l'identique de la voiture, un contrôle technique obligatoire (valable sur une durée plus longue bien sûr) pour toutes les constructions n'ayant pas été conçues selon les normes environnementales.
Il faut cette volonté politique de toute urgence plutôt que de faire de l'affichage électoral en développant anarchiquement les ENR au détriment de ce qui marche, pour plaire à une certaine frange de la population, qui en se trompant d'objectif, obtiendront l'inverse de ce qu'ils souhaitent...même si des fois j'en doute!!
J'ose l'affirmer : les principaux responsables de l'échec actuel des objectifs écologiques sont les écologistes eux-mêmes...toujours aveuglés par leur sacro-sainte trouille du nucléaire.
Ce commentaire a surtout pour but de faire remonter en première page ce post, pour recentrer le débat sur les vrais problèmes.
Merci Mr GAMA

04200

les commentaires précédents ont déjà largement mis en valeur la clarté, la pédagogie et donc la force de persuasion du post de Mr GAMA
Il ne me reste donc qu'à souhaiter que Jacques Archimbaud le lise.

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