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Point de vue n°186

Les sept coûts de l'énergie électrique renouvelable

IESF (Paris) Représenté(e) par M. Bruno WILTZ, VP Comité Energie Site internet

Il existe une myriade d'études sur les coûts de l'énergie électrique, de très haut niveau, scientifique ou prospectif et aussi lobbyiste. Mais, au-delà de leur accès difficile pour le commun des mortels, elles mélangent souvent différents types de coûts, et surtout se limitent au coût de production, sans tenir compte des besoins ou effets extérieurs qu'elles créent, notamment dans le cas des nouvelles énergies. Nous nous limitons ici à une description des coûts, qui sera probablement jugée simpliste par les experts, mais pourra éclairer un peu la lanterne des autres. L'acceptabilité est un moteur important de la réussite ; la simplification et la transparence en sont les éléments indispensables. L'économie n'apparait pas souvent dans les décisions politiques liées à l'énergie et au dérèglement climatique, bien que le développement durable en fasse l'un de ses trois piliers. Les industriels, les politiques relayés par les médias présentent leurs objectifs sur leur face attractive : les coûts de production baissent, qui ne s'en réjouirait pas ? Alors pourquoi les prix montent ? Et les consommateurs sont'ils les seuls à participer aux exigences de la transition énergétique* ? C'est pour ces raisons que l'éthique d'objectivité, apolitique, loin des idéologies ou d'intérêts quelconques, incite le comité énergie des Ingénieurs et Scientifiques de France à apporter un éclairage sur ces aspects économiques : la mesure est l'outil essentiel de leur métier et est indispensable aux études économiques. Cette réflexion se heurte à deux difficultés : la complexité des mécanismes économiques, l'abondance et la variété des informations publiques, parfois incomplètes, où la définition des termes utilisés n'est pas toujours la même. Face à ce foisonnement, l'étude présente ne prétend pas être une étude parfaite, voire exhaustive. Elle permet cependant de faire ressortir quelques tendances et quelques ordres de grandeur importants pour l'avenir, à partir de raisonnements schématiques, appuyés sur des données très nombreuses, tirées de sources publiques, reconnues et aussi fiables que possible. Nous définirons dans la première partie sept coûts s'additionnant dans une suite logique, les uns après les autres. Dans la seconde, nous les appliquerons aux électricités intermittentes avec des comparaisons aux autres électricités renouvelables, et exceptionnellement de sources fossiles.

Commentaires

Merci pour cette explication relativement simple sur les 7 coûts différents à prendre en compte pour comparer les avantages et faiblesses de tel ou tel moyen de production.
On voit que les différents acteurs prennent ceux qui les arrangent le mieux. Comme il est dit en conclusion, les coûts réels ne sont pas médiatisés. Or le citoyen en a besoin pour être informé objectivement, les décideurs politiques aussi.
Ne pourrait-on pas normaliser et obliger chaque filière à évaluer ses différents coûts, en particulier le coût marginal, le coût cash, le coût complet en y ajoutant les coûts "extérieurs ", celui du back-up, par exemple, nécessaire aux énergies intermittentes ?
Je retiens aussi que la France doit considérer sa situation propre sans vouloir copier l'Allemagne (ou autre) qui a un résultat beaucoup moins performant en termes de coûts et d'émission de CO2.
Votre proposition de faire basculer la majeure partie des subventions accordées aux EnRi en faveur du financement de la rénovation thermique des bâtiments devrait rencontrer l'assentiment des décideurs politiques sous réserve qu'ils reconnaissent le bien fondé objectif de votre analyse. Encore faudrait-il qu'ils n'aient pas en tête quelques concessions politiciennes pour satisfaire des alliés reconvertis et de circonstance.

59000

Les études coûts et tarifs sont en général hors de notre portée dans les cas complexes car elles exigent des connaissances économiques et techniques, une bonne expérience, un accès à de nombreuses données et beaucoup de temps.

Que cela ne nous décourage pas de débusquer les grossières couleuvres que l’on tente de nous faire avaler.

Le consommateur français se réjouit de payer le kWh le moins cher de l’Europe de l’Ouest. Le citoyen a le devoir de chercher à savoir où l’on va. Merci à ce débat public sur la PPE.

Quelques pièges

Taxes : dans les coûts socio-économiques (pour la collectivité), les taxes ne sont qu’un transfert et ne sont ni une perte ni un gain.

Quand les taxes (taxe carbone, CSPE) sont réputées couvrir des frais cachés pour la collectivité, elles sont souvent mal évaluées ; par exemple la taxe carbone est loin de couvrir les coûts des dégâts générés sur la santé et le climat, mais compter la taxe carbone plus les coûts de la pollution est erronné (on en est loin).

Coûts irrécupérables (Sunk costs) : il faut se souvenir que même si l’on s’est trompé il y a 60 ans, on ne peut pas revenir en arrière : le CO2 gris des barrages ne peut être pris en compte pour les barrages existants.

57000

Merci pour l'intérêt de M.Donnette et M. Cy porté à cette étude.Pour ce dernier, je ne comprends pas bien certaines remarques: d'accord pour le CO2 des barrages construits, mais heureusement qu'on les a fait. Pour les autres, mettre une taxe carbone supplémentaire sur les carburants et préférentiellement sur le diesel, pour couvrir des dépenses liées directement aux électricités intermittentes, conduit effectivement à une pollution CO2 supplémentaire, tant que la chasse au diesel profite aux véhicules à essence, plus émetteurs de CO2-20%-. Ceci durera tant que les véhicules décarbonés ne remplaceront pas préférentiellement les véhicules à essence: et là, je parle des émissions de CO2 et des particules-essence et diesel qui sont au même stade sur ce dernier point-; les émissions de NOX, ne respectant pas les normes actuelles, ont quand même beaucoup baissé, et sont à un niveau très faible, améliorable, et ne représentant qu'une partie minoritaire des émissions totales de NOX. La taxe carbone est essentielle dans un cadre général français, mais surtout européen et mondial. Elle est simplement mal utilisée dans le système électrique et aussi dans la différentiation essence-diesel dans le secteur de la mobilité.Je ne comprends pas non plus la notion de transfert: je ne parle que du secteur de l'intermittence, qui, aujourd'hui, alourdit en France le bilan Carbone.

75008

Bien d’accord sur vos conclusions. Je parlais de la difficulté d’évaluer les coûts.

Barrages :
Heureusement qu’on les a construits bien sûr. La notion de coûts irrécupérables ne tient pas compte de l’utilité de la dépense. Si l’on se demande s’il faut fermer un aéroport inutile, on n’a pas à tenir compte de tous les investissements de construction car on n’en récupérera qu’une faible partie.
Le CO2 (négligeable) émis à la construction d’un barrage existant ne peut être comparé au CO2 d’une unité de production nouvelle (EPR ou éolienne). Dans le premier cas le CO2 est dans l’air depuis longtemps, dans le second cas on peut l'éviter ou choisir une autre solution..
Un lien ?
https://books.google.fr/books?id=cYeR2u_DtfQC&pg=PA21&lpg=PA21&dq=%22wor...

Transferts
Il s’agit de transfert de richesse ou d’argent. Dans les calculs socio-économiques, on considère le bilan pour la collectivité. Les taxes et subventions visent à modifier le comportement des agents économiques, mais ce qui est pris à l’un est donné à l’autre, donc bilan neutre (sauf bénéfices dus au changement de comportement).
Comme vous le faites justement remarquer, les taxes ne sont pas toujours pertinentes, quand elles encouragent une conduite pire que l’existante.
Le lien Bank Mondiale ci-dessus (economics analysis of projects) explique les bases de l’évaluation des projets. Plus de 150 pages.

57000

A propos du commentaire de M. Donnette :
Nous vivons dans un monde de confusion intellectuelle : oh ce n'est pas confusion pour tous, certes non et je pense ici à ceux qui manipulent l'opinion, mettant sur le même plan la sobriété énergétique et la production d'EnR, comme si cela allait de soi, un peu comme si cette dernière constituait le pendant contre-positif de l'autre, nécessaire bien sûr mais réputée non naturelle et donc négative. Un mécanisme de compensation, en quelque sorte, ou de fusion holistique. Mais ce n'est pas fusion, c'est juste confusion.
Je rejoins donc le point de vue ainsi que M. Donnette : si l'on remet les facteurs dans le bon ordre, pour ce qui est des accompagnements financiers nécessaires, il convient de consacrer ceux-ci en priorité à la rénovation thermique des bâtiments plutôt qu'à la poursuite des subventions et aides sous différentes formes accordées à l'éolien et au solaire.
Une manifestation récente de ces aides : au plus haut niveau l'on se targue d'avoir négocié 15 Mds € sur l'éolien offshore dans l'Ouest. L'on oublie juste de dire combien ce qu'il reste va coûter sous différentes formes (sans parler des coûts indirects tels que la destruction de la baie de St Brieuc et autres lieux parfois découverts à marée basse), et ce que l'on aurait pu faire à la place dans l'intérêt public. La presse est décidément bien peu curieuse.
Le degré d'égarement de nos contemporains, le niveau de confusion dans l'ordre des priorités, je l'ai mesuré la semaine passée lors d'une interview avec un journaliste, qui me disait "mais enfin, avec le réchauffement climatique, l'on aura de moins en moins besoin de rénovation thermique, et l'on aura de moins en moins besoin de changer les modes de chauffage, non ?". Cher ami, lui ai-je répondu, que connaissez-vous, qu'est-ce que je connais moi-même des effets de ce changement climatique sur la durée et sur la rigueur de nos hivers, nous dont les côtes sont baignées par certains courants marins qui ne sont pas immuables ? N'oubliez pas, ai je conclu, que l'engagement prioritaire de la France est de diminuer l'émission des gaz à effet de serre, il n'a jamais été de produire des EnR électriques.
Les premières victoires sont donc bien à retirer d'un investissement prioritaire dans la sobriété énergétique, a fortiori pour un pays qui a déjà la chance d'avoir une électricité quasi-décarbonée : les victoires suivantes, on peut aussi les préparer, mais elles sont au 2ème niveau des priorités, du moins si l'on n'est pas dans une confusion qui en effet ne vise probablement qu'à servir des intérêts financiers et politiques.

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